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NATIONALES ET POPULAIRES DE FRANCE

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CHANSONS

HATIONALES ET POPULAIRES DE FRANCE

PRÉCÉDÉES D'iXE

Histoire de la chanson française

ET ACCÛMPAOrtlS

DE NOTICES HISTORIQUES ET LITTÉRAIRE»

PAR DU MERSAN

1~* Édition, revue et augmentée

PARIS

MARTINON, LIBRAIRE

BLE DK GKESBLLE-SAIM-HO.NOBÉ, 10.

G. DE GONET, ÉDITEUR. 1866

PREFACE.

Le succès qu"a obtenu ce recueil de chansons nous a engagé a en donner une nouvelle édition, que r:Vons cherché à rendre encore plus digne du public, en l'augmen- tant de°beaucoup de morceaux qui aient d'y trouva' place et en supprimant ceux qui présentaient moins d'intérêt.

Los chansons tirées des opéras, des opéras-comiques et des vau- devilles sont précédées d'une his- toire abrégée des theàl: genres et*de détails sur leur ori- gine.

Nous avons aussi donné des tices sur les principaux auteurs, et nous avons tâché qu'elles parus- sent dignes de quelque intérêt; du reste, elles rendront plus complet le petit traité que nous avons of- fert sous le titre d'Histoire .' . Chanson française, et feront de cet

VI PRÉFACE.

ouvrage une véritable encyclopé- die chaulante.

La chanson n'est pas chose aussi frivole qu'elle peut le paraître au premier aspect; elle a joué chez nous, àioules lés grandes époques, un rôle important, et son histoire est en quelque sorte l'histoire de la France. C'est en chantant que les serfs oubliaient leurs misères; c'est en chantant que nos pères se levèrent contre la tyrannie et qu'ils l'écrasèrent sous leurs pieds puis- sants; ce sont nos chantsdeguerre, presque autant que le courage de nos soldats, qui ont vaincu les rois de l'Europe. N'est-ce pas la chan- son qui disait :

De quel éclat brillaient dans la bataille Ces habits bleus par la victoire usés!

Puis quand vinrentde si terrible et douloureux revers, n'est-ce pas encore le prince de la chanson

Qui a chanté la gloire et l'espérance Pour consoler nos soldats malheureux?

PRÉFACE. VII

La chanson, on ne saurait lenier a puissamment contribué à l'adou- cissement des mœurs. a Les poésies de ce genre, dit BriJlat-Savarin, eurent d'abord pour objet de célé- brer Bacchus et ses dons, parce ou alors boire du vin et en boire beaucoup, était le seul haut uosrè d exaltation gustuelle auquel on pût parvenir; puis, pour rompre la monotomie, on v associa l'?mour association dont il n'est pas certain que l'amour se trouve bien. » Mais bientôt la carrière s'agrandit- la chanson pénétra partout,s empa-a de tous les sujets; elle donna du prix aux choses les plus futiles, de la grâce aux moins plaisantes, du piquant aux moins sapides; elle éleva les humbles, abaissa l'orgueil des puissants; elle châtia l'oppres- seur etjeta des fleurs à l'opprimé; sa juridiction s'éiendit sur tout, et ses arrêts furent sans appel. Elle , nt et défit les réputations. Sous tous le» régimes, et c'est sa plus

grande gloire, elle-brava la persé- cution ; la prison, l'échafaud ne purent lui imposer silence:

A ces barreaux je suspendrai ma lyre ,

disait Déranger sous les verroux. Et il continuait à chanter la gloire et la liberté.

Tout passe, dépérit, s'étiole et meurt; la chanson seule reste jeu- ne ; son front n'a point de rides, et en ce temps s'agitent tant de terribles passions , le monde semble ébranle' sur ses bases, ses grelots n'en résonnent pas moins joyeusement. Vous verrez , di- sait d'elle un homme d'esprit, vous verrez qu'elle finira par avoir rai- son de la politique et des mora- listes.

C'est chose possible, lui ré- dit quelqu'un, mais vous ne serez pas le premier qui aurez prophé- tisé ce dénoûment; on sait, il y a longtemps, qu'en France tout fïuit par des chansons.

CHANSONS

NATIONALES ET POPULAIRES

DE LA FRANCE.

HISTOIRE

LA CHANSON FRANÇAISE.

L'époque des premières chansons de la France est incertaine. Il est sûr que tous nos anciens poëmes et nos vieux romans en vers se chantaient ; mais ce n'étaient pas des chansons.

Avant le règne de Philippe Auguste, vers 1200, on ne connut que des chan- sons latines ; elles étaient rimées. On en connaît une que chantèrent les Fran- l

2 HISTOIRE

çais pour célébrer une victoire sur les Saxons, du temps de Clotaire II, en 600. Deux autres chansons nous ont été"con- servées, l'une de saint Paulin, patriar- che d'Aquilée , l'autre de Gotescalc , qui est en strophes et soumise à un re- frain. Le célèbre Abélard fit aussi des chansons latines; on assure que saint Bernard fit, dans sa jeunesse, des chan- sons badines sur des airs du temps : enfin Pierre de Blois fit aussi des chan- sons galantes.

Les Gaulois , dont nous sommes en partie la postérité, avaient connu la poésie chantante. Leurs poètes, nommés bardes l , composaient des hymnes et des chansons pour conserver la mémoire des guerriers qui s'étaient signalés dans les combats. Ces chansons étaient à peu près ce qu'étaient dans l'ancienne che- valerie les chansons de % gestes, comme la chanson de Roland, célèbre clans nos

1 En Broia çne , les joueurs de vielle nétrins soat encore nommés inirds.

BE LA CHANSON FRANÇAISE. 3

vieilles chroniques , et que les Français du temps de Charlemagne chantaient en allant au combat.

Dès l'an 1000, on se servait à Rouen de la langue romane , et les auteurs normands écrivaient plus purement que ceux des autres provinces : mais soit que nous devions nos premières chan- sons auxNormands ou auxProvençaux, nous n'en avons pas en la langue vul- gaire avant l'an 1100. C'est alors que parurent les trouvères ou troubadours , dont le nom signifie trouveurs, inven- teurs , et qui fournirent le corps de la jonglerie, dans lequel on comprend en- core les chanleours ou chantères, et les ménestrels, du nom desquels est venu celui de me'nesiriers. L'art de ces chan- sonniers était nommé gay saber, gai sa- voir ou gaie science. Ceux qui en fai- saient profession, sous les comtes de Provence , s'enrichissaient et parve- naient même aux emplois et aux hon- neurs. Il était meilleur alors qu'aujour- d'hui d'être chanson r.'. .

4 HISTOIRE

Les plus anciennes chansons fran- çaises étaient des lais, c'étaient des es- pèces de complaintes que nos premiers romanciers faisaient chanter à leurs personnages. On trouve une chanson à boire dans les poésies d'Eustache Des- champs, qui vivait dans lexive siècle; c'est peut-être la première qu'on con- naisse dans notre poésie. Parmi les poètes français qui ont vécu avant l'an 1300, on compte environ soixante-dix chansonniers, et parmi eux des noms illustres, tels que Thibault, comte de Champagne, qui depuis fut roi de Na- varre ; le comte d'Anjou, roi de Sicile, père de saint Louis; un duc de Bre- tagne , un duc de Brabant ; Lusignan , comte de la Marche; Raoul, châtelain de Coucy, et beaucoup d'autres.

Ces poètes composaient ordinaire- ment eux-mêmes les airs de leurs chan- -?Dns, qui ressemblaient beaucoup au chant grégorien et à nos hymnes d'é- glise. Les chansons de cette époque an- cienne étaient peu variées pour le fond,

DE LA CHANSON FRANÇAISE. 5

c'était presque toujours des idylles sur le printemps, les fleurs, les oiseaux, l'hi- ver et ses glaces ; elles sont adressées à des Iris vraies ou idéales et à des blondes, jusqu'au temps de Charles IX et de Henri II , les brunes devinrent à la mode.

Thibault, comte de Champagne et roi de Navarre, en 1201, et mort en 1250, est véritablement le père de la chanscn française. La tradition a dit que la plupart de ses chansons avaient été faites pour la reine Blanche , mère de saint Louis, qu'il aimait. On croit qu'il est le premier qui ait mêlé les ri- mes masculines aux féminines , et qui ait donné cet agrément à la poésie chantante.

Christine de Pisan , quoique née à Venise, a fait des cbansons, des ballades et des lais en français. Sous le règne de Charles VI, il se fit des complaintes sur l'assassinat du duc d'Orléans : elles se chantaient dans l'armée du roi. Charles d'Orléans, uctit-fils de Charles V. cul-

6 HISTOIRE

tiva la poésie avec succès et fit aussi des chansons, ainsi que Boucicault, fils du maréchal , le comte de Clermont , Jehan de Lorraine, Olivier de La Mar- che, la duchesse d'Orléans, le seigneur de Torcy, Jacques , bâtard de La Tré- rnouille.

A cette époque, la poésie ne pouvait être cultivée que par ces grands per- sonnages , l'instruction n'étant pas en- core répandue dans les classes infé- rieures, et les lettres n'ayant pour asile, que les cloîtres. '

Cependant, vers 1400 florissait Oli- vier Basselin, qui composa ses joyeuses chansons nommées vaux de Vire, parce qu'il les chantait dans les vallées de la Normandie , arrosées par la rivière de Vire, il avait ses fouleries , et qui , par corruption , ont ensuite été nom- mées vaudevilles ' .

Depuis le duc d'Orléans , oncle de

1 Jean Lehoux , avocat de Vive , à qui nous de- vons le recueil des chansons d'Olivier Basselin .. le fit imprimer en 1576.

DE LA CHANSON m.ANÇAISE. 7

François Ier, qui fut poète lui-même, jusqu'aux jours brillants de la cour de ce prince , on ne peut guère citer que Villon, dont nous avons conservé des ballades, genre qui appartient à la cbanson ; mais depuis la moitié du xiv* siècle, la chanson et le vaudeville firent en France de rapides progrès , et on en conserve à la Bibliothèque royale des recueils qui en contiennent sur tous les événements remarquables.

Les guerres de François Ie* et de Charles-Quint, le désastre de Pavie, la prison du roi à Madrid, le combat de Jarnac, la mort de Henri II , le départ de France de Marie Stuart, les guerres civiles , la mort de Charles IX , l'inso- lence des mignons de Henri III, l'assas- sinat de ce prince , et quantité d'autres faits plus ou moins importants ont servi de matière à des chansons qui se chantaient publiquement.

On ferait une histoire intime de la France si l'on en puisait les matériaux dans ces chansons, l'on trouve sou-

8 HISTOIRE

vent des circonstances qui ont échappé aux historiens , ou qu'ils ont dédai- gnées, mais qui peignent les mœurs, le caractère des diverses époques , l'esprit de la société et même des peuples. Si les chansons d'alors roulent presque toujours sur la guerre et la galan- terie, on n'en manque pas non plus sur les anecdotes du temps , on a aussi des complaintes sur les malfaiteurs exécutés pour leurs crimes , et ce der- nier usage s'est perpétué jusqu'à nos jours.

Clément Marot et Saint-Gelais mon- trèrent alors , dans la poésie badine et galante, un génie qui s'éleva à une cer- taine hauteur.

Bientôt parurent du Bellay, Jodelle, Ronsard, Belleau, Passerat et Baïf, qui fut l'inventeur des divertissements en musique , auxquels on peut rappor- ter l'origine de notre opéra , ou du moins des ballets et des mascarades qui firent l'amusement de la cour jusqu'au règne de Louis XIV. Il fut le premier

LA rWITWOn UAHÇÂlfeE. 9

qui sentit que les Français pouvaient avoir une musique nationale.

Pendant les horreurs des guerres ci- viles et les troubles de la Ligue sous Henri 1T, le goût des chansons alla plus loin qu'il n'avait jamais été, et on composa tant da chansons licencieuses et impies, que, dans une assemblée te- nue à Fontainebleau pour la réforme de l'Etat, de Thou rapporte, dans son His- toire, qu'il fut question de réprimer cet abus.

On chantait ces chansons sur des airs qui se sont conservés dans nos vieux noëls. On les nommait aussi motets, et on en trouve plusieurs purement ba- chiques. Les meilleurs chansonniers de cet âge furent Desportes et Bertaut. Après eux vinrent Régnier et Malherbe, qui sembleraient aujourd'hui de bien faibles chansonniers.

Henri IV se mêla quelquefois de faire des chansons . c: on en serve quelques-unes qui lui sont attri- buées.

10 HÎSTOIUE

Sous Louis XIII, le goût des vaude- villes et des chansons satiriques redou- bla ; aucun événement n'échappa auy couplets, non plus que les personnage les plus distingués , puisque Richeiiei lui-même ne fut pas épargné.

Rotrou , Théophile Viaud , d'Urfé Maynard , Saint- Amand , l'Estoile et l'épicurien Desyvp.taux , célèbres par leurs poésies, ne dédaignèrent, pas la chanson anacréontique et satirique.

Ce fut sous le règne de Louis XIV que la chanson se perfectionna comme la poésie, et ce temps a produit plus de chansonniers et de chansons que tous les règnes précédents.

Sous la minorité de ce prince, les chansonniers en réputation furent Mal- leville, Voiture, Sarrasin, Bois-Robert et Scarron. Après eux viennent Cha- pelle , des Barreaux , Saint-Pavin , Pa- trix, Charleval, et au milieu d'eux , le poète artisan , le menuisier de Nevers . maître Adam , dont la célébrité dure encore.

DE LA CQANSO* FRANÇAISE. Il

Mais le vrai chansonnier du temps fat le baron de Blot , surnommé Blot- i'Esprit, qui fit la plupart des couplets satiriques de la Fronde , et les mazari- nades : madame de Sévigné disait de so? chansons qu'elles avaient le diable au corps.

Il existe un ouvrage fort curieux, in- titulé : Le Nouveau Siècle de Louis XIV, ou poésies-anecdotes du règne et de la cour de ce prince . par Sautereau de Mar-y | volumes in-8°. 17

l'on a rappelé et caractérisé les éyé- ne'ments et les personnages du temps, par les chansons dont ils ont été le sujet.

Sous ce règne, les chansons amou- reuses, les pastorales, les madrigaux abondèrent , et la cour et la ville rou- coulaient les airs de Lambert et fre- donnaient les chansons gracieuses de Benserade, de l'abbé Périn . de Linière et les chansons à boire de Boursault et de Dufresny. On chantait dans la so ciété les chansons de Coulange de La

12 HISTOIRE

Monnoie , celles de madame et de ma- demoiselle Deshoulières.

A la même époque , la chanson popu- laire apparaissait sur le Pont-Neuf , Philippe le Savoyard attirait la foule autour de ses tréteaux. Le cocher de M. de Vertamont exerçait sa verve sur àes sujets de circonstance. Ils succé- daient à Tabarin et à Gautier Garguille, qui avaient été les chansonniers popu- laires du règne précédent.

Les chansons satiriques ne furent pas moins en vogue , et la gloire du grand roi ne désarma pas la licence.

La Régence, qui fut un temps de plai- sirs , de festins et de débauches , vit éclore beaucoup de chansons qui ont la couleur de l'époque.

Le règne de Louis XV vit fleurir Ver- gier, Haguenier, Latteignant, Vadé, qui firent des chansons pour la société , tandis qu'une foule d'auteurs anonymes en faisaient pour le public malin sur les jésuites, le quiétisme, la bulle Urii- genitus, les convulsions , sur la paix et

&c2<&*z>é: ?

DE LA CHANSON FRANÇAISE. 13

la guerre , sur les victoires et les dé- faites , sur la cour et sur les favorites. Il ne faut pas oublier les noms de Piron, Gallet, Collé, Favart, Boufflers et beau- coup d'autres , dont la nomenclature serait trop longue.

L'avènement de Louis XVI à la couronne fit naître un déluge de chan- sons , l'enthousiasme de l'espé- rance devenait la critique du règne précédent. Douze ans étaient à peine écoulés que des chants de terreur et de mort retentissaient autour du pa- lais qu'avaient salué de si brillants pro- nostics.

La chanson révolutionnaire fut hi- deuse, sanglante, grossière dans l'ex- pression comme elle était cruelle dans la pensée. Tandis que le peuple hurlait dans les rues Ça ira et la Carmagnole , quelques poètes s'élevaient au-dessus de cette tourbe impure, et des chansons admirables guidèrent aux combats une jeunesse bouillante et patriote. La Mar- seillaise de Rouget de Lisle, le Chant

14 HISTOIRE

du dépari de Chénier furent de véritables hymnes de guerre !

Nous devons contredire ici La Harpe , qui dit que le Français , peuple chan- sonnier par excellence, n'a qu'une seule époque dans son histoire il n'ait pas chanté, et que cette époque est celte de la Terreur. Mais La Harpe se trompe. Au milieu des saturnales révolution- naires , il y eut des hymnes , des ro- mances pleines de sentiment et de déli- catesse, à côté des chansons furibondes et grotesques. Le Chansonnier patriotique, imprimé en 1792, et V Anthologie pa- triotique en 1794, en font foi. UAlma- nach des Muses ne fut jamais interrompu. On voyait paraître en même temps le Chansonnier des Grâces et celui de la Montagne, ainsi que les Etrennes d'Apol- lon , les Etrennes lyriques et les Élrennes du Parnasse. Le journal royaliste inti- tulé les Actes des Apôtres est rempli de chansons épigrammatiques contre les puissances du jour. On vit en 1791 l'Almanach des Aristocrates ; en 1795,

DE LA CHANSON FRANÇAISE. 15

VAlmanach des Prisons , et enl7 97 , i Al- K manaeh des Gens de bien, qui contient des chansons l'opinion contre-révo- lutionnaire est exprimée dans toute sa force.

On sait que Marchant mit la consti- tution en vaudeville. Un poëte inconnu fit aussi un petit volume intitulé : la Bépublique en vaudeville, plaisanterie piquante, qui parut en 1793. On plai- santait alors sur les choses les plus effrayantes, et il parut une chanson erotique intitulée: la Guillotine d'amour, qui , non-seulement se chantait dans les houdoirs, mais qui est imprimée dans les recueils des chanteurs publies.

Le Directoire fut chansonné sans pi- tié, ainsi que le conseil des Cinq-Cents et le conseil des Anciens.

L'Empire vint rétablir la France sur une hase solide, et la chanson, d'abord enthousiaste, fut bientôt adulatrice. Mais , imitant la société qui se réorga- nisait, elle se constitua aussi et établit un petit empire. Déjà, sous le Consulat,

16 HISTOIUE

les Dîners du Vaudeville avaient formé une société chantante qui se réunissait à des époques fixes, et chaque mem- bre apportait sa chanson, qui était imprimée dans un recueil dont le succès fut très-grand. Cette société ayant été interrompue en janvier 1802, recom- mença en 1804. On trouvait parmi les chansonniers de cette spirituelle réu- nion les auteurs les plus connus du théâtre du Vaudeville : Piis , Barré , Radet, Desfontaines, Bourgueil, Léger, Ségur, Desprez, Deschamps , Dupaty, Gassicourt , Dieulafoi , du Mersan , Pain , Chazet , Ourry, Gersin et quel- ques autres.

A cette société succéda, en 1806, le Caveau moderne, qui ressuscita l'ancien Caveau, fondé en 1729, et avaient brillé Piron, Fuzelier, Gallet, Laujon, Crébillon fils , Saurin , Gentil-Bernard et Moncrif. Dans le Caveau moderne, on remarqua Armand Gouffé , Désau- gier, Francis, Brazier; Rougemont, Philippon de La Madeleine , Prévost

DE LA CHANSON F&AHÇA1SE. |7

ù'Iray, Antignac, Toiirnay et quelques anciens membres des Dîners du, Vaude- ville. Ce fut que Béranger commença sa réputation. Cette académie chanson- nière dura jusqu'en 1815, et publia pendant dix ans son spirituel recueil. Mais la diversité des opinions , à cette- époque le gouvernement changea , mit la dissension parmi les chanson- nier», et la politique, ennemie des Muses et de la gaieté, tua le Caveau moderne. Cependant il ressuscita en 1826 , et un volume intitulé : le Réveil du Caveau at- testa sa résurrection ; mais sa grande réputation était morte.

On avait vu, à l'imitation du Caveau moderne , s'élever des sociétés chan- tantes dans la plupart des villes de France. Des sociétés rivales ou émules surgirent dans la capitale , et comme tout le monde ne pouvait pas être du Caveau, on fonda la Société de Momus , se firent remarquer Éaenne Jour- dan, Casimir Ménétrier, Hyacinthe Le Clerc, Émue Bebraux , etc. Los fau-

18 HISTOIRE

bourgs et les banlieues eurent aussi leurs sociétés chantantes dans la classe ouvrière. On vit naître la société des Lapins , celle des Oiseaux, des Bergers de Syracuse, etc., etc. Encore aujour- d'hui, il y a une société dite des Enfants du Caveau, mais elle fait peu de bruit dans le monde , et ce n'est guère qu'in- cognito qu'elle existe. Cependant il y a dans Paris et dans la banlieue quatre cent quatre-vingts sociétés chantantes autorisées. En supposant au minimum que ces quatre cent quatre-vingts so- ciétés n'aient chacune que vingt mem- bres, cela fait neuf mille six cent» chansonniers; chacun d'eux fait une chanson au moins tous les mois ; on a donc tous les ans. cent quinze mille deux cents chansons nouvelles, sans compter toutes celles qui sont faites par des amateurs pour les noces , fêtes baptêmes et circonstances : ce n'est pa trop que d'en supposer le même nom bre. Ainsi, Paris seul fournit la matièr de trois cent mille chansons par an.

DE LA CHANSON FRANÇAISE. 1S

En en accordant un peu moins à tout le reste de la. France , nous avons une moyenne de cinq cent mille chansons , qui produisent au bout d'un siècle le total de dix millions de chansons, ce gai fait un assez joli fonds social à ex- ploiter.

Qu'on dise maintenant que notre siècle positif et spéculateur ne s'occupe pas beaucoup de chansons ! Il est vrai que les chemins de fer et les opérations de la bourse lui paraissent bien plus importants, que le vaudeville a perdu sa marotte et sa férule, qu'on ne chante u plus au dessert comme du temps de nos aïeux et même du temps de l'Empire ; que le bon ton est de sortir de table pour fumer un cigare , et d'aller à l'Opéra-Buffa. L'opéra-comique n'a plus de ces petits airs chantants que tout le monde retenait. Mais la gaieté française s'est réfugiée dans la bourgeoisie et dans la classe ouvrière, elle trouve encore quelques bonnes gens qui n'ont pas déserté son culte. Il ne faut pour-

20 HISTOir.E DE LA CHANSON FRANÇAISE.

tant pas en désespérer : l'esprit français peut sommeiller , mais il se réveillera ; et la chanson , au lieu de dire comme le brave de la grande armée : La garde meurt, mais ne se rend pas, doit dire : La chanson se rend, mais elle ne meurt '■as !

INTRODUCTION.

Les Français ont toujours chanté, ils chanteront toujours. La chanson n'est pas aussi frivole que l'on pourrait le penser : elle est l'expression de tous les sentiments, elle prend mille formes ; elle est gaie , satirique , badine , gra- cieuse, enthousiaste ; elle peint l'amour, elle fronde les abus, elle s'élève par les accents de la gloire, elle attendrit les femmes, elle fait trembler les puissants, elle exalte les cœurs , et c'est en chan- tant que les soldats français ont mar- ché aux combats, comme c'est en chan- tant que le peuple laborieux adoucit sa peine s'encourage à ses travaux.

22 INTRODUCTION.

La chanson est éminemment fran- çaise. Les autres peuples ont des chants, mais ils n'ont pas de chansons. Ce petit poëme tient au caractère de la nation ; il lui emprunte sa gaieté , sa malice ; il est toujours empreint de son esprit.

On peut dire que les Français sont nés poètes et chansonniers ; ils le sont dans toutes les classes; car nos rois ont fait des chansons et des vers, ainsi qu'en font nos artisans et quelquefois des gens du peuple, qui n'ont d'autre inspiration que leur esprit naturel.

Nos troubadours, nos trouvères, n'é- taient pas tous des hommes d'étude. De simples villageois , inspirés par leur génie souvent inculte, mais toujours poétique, ont composé des ballades, des romances, des complaintes, des chan- sonnettes, qui, transmises de siècle en siècle par la simple tradition , sont en- core aujourd'hui des modèles de bon- homie spirituelle et de naïveté piquante.

Depuis quatre siècles, nous trouvons la chanson naturalisée dans notre pays,

INTRODUCTION. 23

et cultivée avec succès. La chanson est nationale, et ses anciennes illustrations se sont reflétées jusqu'à notre époque, elle compte parmi ses gloires les noms de Désaugiers, de Béranger et de Casimir Delavigne.

Les recueils de chansons ont toujours eu du succès. La variétés des tons , le mélange des genres, le choix que l'on y fait des productions piquantes des meil- leurs auteurs , contribuent à les faire rechercher plutôt que les œuvres com- plètes même des bons chansonniers. Chacun d'eus , malgré son esprit , a toujours une couleur un peu uniforme , et , un poète l'a dit :

L'ennui naquit un jour de l'uniformité.

On s'amuse moins dans un jardin régulièrement dessiné que dans les cam- pagnes dont les aspects variés offrent à l'œil des sites différents , et présentent tour à tour des châteaux, des chau- mières, des bosquets riants, des collines eauvages, des plaines cultivées, d'âpres

24 INTRODUCTION.

rocners et des gazons parsemés de fleurs. De même, dans un recueil de chansons, on en rencontre de gaies, de gracieuses, de bouffonnes, de spirituelles, denaïves; on y trouve la couleur des époques diverses elles ont été composées ; enfin il y en a pour tous les goûts ; toutes les classes de lecteurs peuvent y satisfaire leur fantaisie et même leurs caprices.

Disons à ceux qui dédaignent les chansons , que la poésie fut le premier mobile de l'adoucissement des mœurs ; que le chant prête aux vers une nou- velle grâce, et, commeTaditle spirituel Lamotte :

Les vers sont enfants de la lyre: Il faut les chanter, non les lire.

CHANSONS NATIONALES ET POPULAIRES

DE IA FRANCE.

yzort et Convoi de l'invincible Malnrougb.

H y avait soixante ans que le fameux duc de Marlborough était mort , après avoir été oublié pendant dix ans , lors - qu'en 1781, la^ nourrice du Dauphin fils de Louis XVI ' , chanta en berçant son royal nourrisson, cette espèce de iallade dont l'air naïf et gracieux fit ensation. M. de Chateaubriand, qui a entendu chanter cet air dans l'Orient, croit qu'il y a été porté du temps des

' Elle se nommait madame Poitrine.

26 CHASSONS

croisades. Les paroles burlesques avaient probablement été rapportées dans plu- sieurs provinces après la bataille de Mal- plaquet, en 1709, par quelques soldats de Villars et de Boufflers. Déjà , en 1706 , on avait composé sur Marlbo- rough des couplets qui se trouvent dans le recueil manuscrit, en quarante-quatre volumes , de chansons historiques , fait .. pour M. de Maurepas, et qui se trouve au dépôt des Manuscrits de la Biblio- thèque royale. La chanson de la nour- rice fut bientôt à la mode au château de Versailles , parvint à Paris et se ré- pandit bientôt dans toute la France. Pendant quatre ou cinq ans , on n'en- tendit que le refrain : i^ironton, miron- taine. La chanson fut imprimée sur les éventails et les écrans, avec une gravure représentant le convoi de Malbrough , madame montée sur sa tour, le page tout de noir habillé, etc. Cette estampe fut imitée de toutes les grandeurs , de toutes les formes, courut les rues et les villages, et elle a donné à M. de Mari-

POPULAIRES. 27

borough une célébrité plus populaire que toutes ses victoires. Toutes les fois que Napoléon montait à cheval pour entrer en campagne, il fredonnait l'air : Mal- brough s'en va-t-en guerre. A Sainte- Hélène, près de son lit de mort , ayant parlé du duc de Marlborough avec M. de Las Cases, et en ayant fait l'éloge, il vint à penser à la cbanson , ne put s'empêcher de sourire , et dit : « Yoilà pourtant ce que c'est que le ridicule; il stigmatise tout , jusqu'à la victoire I » puis il fredonna le premier couplet.

Peu de personnes connaissent au- jourd'hui un poëme en quatre chants, intitulé: Malbrough , composé en 1783 par Beffroi de Reigny qui se faisait ap- peler le cousin Jacques , et qui constate que ce fut la nourrice du Dauphin qui apporta la chanson de Malbrough à Versailles ; on joua à la même époque sur le théâtre de Xicolet la grande pan- tomime de Malbrough ; et une pièce comique sous le même titre, qui fut jouée en 1834 aux Variétés, vient d'être

28 CHANSONS

reprise avec succès sur le théâtre dea Folies-Dramatiques.

Malbrough s'en va-t-en guerre , Mironton , mironton , mirontaine ; Malbrough s'en va-t-en guerre , Ne sait quand reviendra. ter.

Il reviendra z'à Pâques , Mironton , mironton , mirontaine ; Il reviendra z'à Pâques Ou à la Trinité. ter.

La Trinité se passe , Mironton, mironton, mirontaine ; La Trinité se passe, Malbrough ne revient pas. ter.

Madame à sa tour monte , Mironton , mironton , mirontaine ; Madame à sa tour monte , Si haut qu'ell' peut monter. ter.

Elle aperçoit son page, Mironton , mironton , mirontaine ; Elle aperçoit son page , Tout de noir habillé. L r.

Beau page, ah ! mon beau page , Mironton, mironton, mirontaine;

M)HJLAIRES.

Beau page, ab : mon beau page , Quell' nouvelle apportez ? ter.

Aux nouvell's que j'apporte , Mironton, mironton, mirontaine; Aux nouvell's que j'apporte, Vos beaux yeux vont pleurer, ter.

Quittez vos habits roses , Mironton, mironton, mirontaine; Quittez vos habits roses Et vos satins brochés. ter.

Monsieur d'Malbrough est mort, Mironton, mironton, mirontaine; Monsieur d'Malbrough est mort, Est mort et enterré!... ter.

V l'ai vu porter en terre , Mironton, mironton, mirontaine; J'I'ai vu porter en terre , Par auatre z'officiers. ter.

L'un portait sa cuirasse, Mironton, mironton, mirontaine; L'un portait sa cuirasse , L'autre son bouclier. ter.

L'un portait son grand sabre, Mironton, mironton, mirontaine;

30 CHANSONS

L'un portait son grand sabre , L'autre ne portait rien. ter.

A l'enlour de sa tombe , Mironton , mironton , mirontaine ; A l'entour de sa tombe, Romarins l'on planta. ter.

Sur la plus haute branche, Mironton , mironton , mirontaine ; Sur la plus haute branche, Le rossignol chanta. ter.

On vit voler son âme, Mironton , mironton, mirontaine ; On vit voler son âme , Au travers des lauriers. ter.

Chacun mit ventre à terre , Mironton , mironton , mirontaine ; Chacun mit ventre à terre Et puis se releva t et .

Pour chanter les victoires, Mironton , mironton , mirontaine ; Pour chanter les victoires , Que Malbrough remporta. ter.

La cérémoni' faite , Mironton , mironton , mirontaine ;

POPULAIRES.

La cérémoni' faite,

Chacun s'en fut coucher. ter.

Les uns avec leurs femmes, Mironton, mironton . mirontaine. Les uns avec leurs femmes , Et les autres tout seuls. ter.

Ce n'est pas qu'il en manque, Mironton , mironton , miron laine ; Ce n'est pas qu'il en manque, Car j'en connais beaucoup. ter.

Des blondes et des brunes , Mironton , mironton , mirontaine ; Des blondes et des brunes, Zt des chalaign's aussi. ter.

J'n'en dis pas davantage , Mironton , mironton , mirontaine ; J'n'en dis pas davantage , Car en voilà z'assez. ter.

L'^ir de cette chanson est extrêmement gracieux, Beaumarchais l'a employé avec succès dans le

M. e de Figaro , pour la jolie romance da pa gfl

Gb« .n.

33

91. de lia Palisse.

Voici ce qu'on lit dans le Menagianu, édition de 1715, que l'on sait avoir été revue par La Monnoie : « Gabriel Naudé, qui , dans son dialogue de Mascurat e de Saint-Ange , a discouru fort au lon^; de la poésie burlesque et de ses différent styles, ne paraît pas en avoir connu un qu'on pourrait fort bien , ce me semble, appeler le style niais, tel qu'est celui de la chanson intitulée : le Fa- meux La Galisse, homme imaginaire, dont on a pris plaisir de faire en cin- quante quatrains la description sui- vante , etc. »

Il est singulier que La Monnoie n'ait pas alors indiqué qu'il était l'auteur de cette chanson. Cependant, dans ses œuvres publiées l'année suivante, 1716., et de son vivant, le même passe se retrouve textuellement copié , c épté

POPULAIRES. 33

qu'on y a ajouté : Dont M. de La Mon- naie a pris, etc. A cette époque , c'était donc M. de La Galisse et non M. de La Palisse. Le nom du maréchal qui com- battit avec François Ier, àPavie, s'écri- vait La Police; mais la ressemblance des deux noms et de l'air choisi par l'auteur de la chanson, aura motivé la confusion. Cet air était celui d'un cou plet fait sans doute lors de la défaite de Pavie, et dont voici les paroles :

Monsieur La Palisse est mort , Il est mort devant Pavie. Un quart d'heure avant sa mon Il était encore en vie!....

La chanson de La Palisse commence ainsi dans le recueil de romances im- nrimé en 1767, et le titre de l'air, ainsi ^ue sa musique primitive, est gravé dans le Théâtre de la Foire, 1737. Alors le nom du héros avait changé , et dans l'édition des Œuvres de La Monnoie , 3 vol. in-8°, 1770, on lit : Chanson sur le fameux La PaUsse. L'air langoureux.

3

34 CHANSONS

qui était celui d'un ancien noël > con- venait aux paroles ; celui qu'on y a sub- stitué depuis une cinquantaine d'années, ne s'y ajuste qu'en doublant quelques notes.

Revenons à Ménage, qui ignorait de qui était la chanson; s'il avait cru qu'elle fût de LaMonnoie, il n'aurait pas été. étonné que Gabriel Naudé n'en eût pas parlé dans son ouvrage, imprimé en 1650, La Monnoie n'ayant alors que neuf ans. Cet ouvrage, dont parle Mé- nage sous le titre de Mascurat, était aussi connu sous le titre de : Jugement de tout ce qui a été imprimé contre le cardinal Mazarin.

Du reste , la chanson commençant par les mots : Messieurs , vous plaît-il d'ouïr l'air du fa7iieux La Galisse ou La Palisse, prouve que cet air était connu et qu'il y avait une chanson plus an- cienne.

Messieurs , vous pîait-il d'ouïr L'air du fameux. La Palisse?

POPULAIRE S. 35

Il pourra vous réjouir, Pourvu qu'il vous divertisse.

La Palisse eut peu de bien Pour soutenir sa naissance ; Mais il ne manqua de rien , Dès qu'il fut dans l'abondance.

Bien instruit dès le berceau , Jamais, tant il fut honnête, Il ne mettait son chapeau , Qu'il ne se couvrit la tête.

Il était affable et doux , De l'humeur de feu son père , Et n'entrait guère en courroux Si ce n'est dans la colère.

Il buvait tous les malins Un doigt tiré de la tonne , Et mangeant chez ses voisins , Il s'y trouvait en personne.

Il voulait dans ses repas Des mets exquis et fort tendres . Et faisait son mardi gras Toujours la veille des Cendres.

Ses valets étaient soigneux De le servir d'andouillettes

36 CHANSONS

Et n'oubliaient pas 1< iœufs , Surtout dans les omettes.

De l'inventeur du raisin Il révérait la mémoire ; Et pour bien goûter le vin Jugeait qu'il en fallait boire.

Il disait que le nouveau Avait pour lui plus d'amorce; Et moins il y mettait d'eau Plus il y trouvait de force.

Il consultait rarement Hippocrate et sa doctrine, Et se purgeait seulement Lorsqu'il prenait médecine.

Il aimait à prendre l'air Quand la saison était bonne ; Et n'attendait pas l'hiver Pour vendanger en automne.

Il épousa , ce dit-on , Une vertueuse dame ; S'il avait vécu garçon , Il n'aurait pas eu de femme.

11 en fut toujours chéri ; Elle n'était point jalouse ;

POPULAIRES. 37

Sitôt qu'il fut son mari , 211e devint son épouse.

D'un air galant et badin , Il courtisait sa Caliste , Sans jamais être chagrin Qu'au moment qu'il était triste.

Il passa près de huit ans Avec elle fort à l'aise ; Il eut jusqu'à huit enfants : C'était la moitié de seize.

On dit que dans ses amours Il fut caressé des belles , Qui le suivirent toujours Tant qu'U marcha devant elles.

Il brillait comme un soleil ; Sa chevelure était blonde ; Il n'eût pas eu son pareil , S'il eût été seul au monde.

Il eut d«s talents divers ; Même on assure une chose : Quand il écrivait en vers , Qu'il n'écrivait pas en prose.

En matière de rébus ,

Il n'avait pas son semblable :

38 CHANSONS

S'ii eût fait des impromptus , Il en eût été capable.

11 savait un triolet Bien mieux que sa patenôtre Quand il chantait un couplet, Il n'en chantait pas un autre.

Il expliqua doctement La physique et la morale : Il soutint qu'une jument Est toujours une cavale.

Par un discours sérieux , Il prouva que la berlue Et les autres maux des yeux , Sont contraires à la vue.

Chacun alors applaudit A sa science inouïe ; Tout homme qui l'entendit, N'avait pas perdu l'ouïe.

Il prétendit en un mois Lire toute l'Écriture , Et l'aurait lue une fois, S'il en eût fait la lecture.

Par son esprit ef son air, Il s'acquit le don de plaire,

POPULAIRES. 39

Le roi l'eût fait duc et pair. S'il avait voulu le faire.

Mieux que tout autre il savait A la cour jouer son rôle : Et jamais , lorsqu'il buvait . Ne disait une parole.

Lorsqu'ea sa maison des en Il vivait libre et tranquille . On aurait perdu son temps De le chercher à la ville.

Un jour il fut assigné Devant son juge ordinaire . S'il eût été condamné , Il eût perdu son affaire.

Il voyageait volontiers , Courant par tout le royau: Quand il était à Poitiers, Il n'était pas à Vendôme.

Il se plaisait en bateau ; Et, soit en paix , soit en gjerrs ; Il allait toujours par eau, Quand il n'allait pas par terre.

Un beau jour, s'élant fourré Dans un profond marécage ,

40 CHANSONS

Il y serait demeuré ,

S'il n'eût pas trouvé passage.

Il fuyait assez l'excès ; Mais dans les cas d'importance, Quand il se mettait en frais , Il se mettait en dépense.

Dans un superbe tournoi , Prêt à fournir sa carrière , Il parut devant le roi : Il n'était donc pas derrière.

Monté sur un cheval noir, Les dames le reconnurent, Et c'est qu'il se fit voir A tous ceux qui l'aperçurent.

Mais bien qu'il fût vigoureux , Bien qu'il fit le diable à quatre, Il ne renversa que ceux Qu'il eut l'adresse d'abattre.

Au piquet , par tout pays , Il jouait suivant sa pente, Et comptait quatre-vingt-dix Lorsqu'il faisait un nouante.

Il savait les autres jeux Qu'on joue à l'académie,

POPULAIRES. 41

Et n'était pas malheureux , Tant qu'il gagnait la partie.

On s'étonne sans raison D'une chose très-commune : C'est qu'il vendit sa maison ; Il fallait qu'il en eût une.

II choisissait prudemment De deux choses la meilleure, Et répétait fréquemment Ce qu'il disait à toute heure.

Il fut, à la vérité, Un danseur assez vulgaire; Mais il n'eût pas mal chanté, S'il n'avait voulu se taire.

Il eut la goutte à Paris , Longtemps cloué sur sa couche ; En y jetant les hauts cris , Il ouvrait bien fort la bouche.

On raconte que jamais Il ne pouvait se résoudre A charger ses pistolets Quand il n'avait pas de poudre.

On ne le vit jamais las, Ni sujet à la paresse :

CHANSONS

Taudis qu'il ne dormait pas , On tient qu'il veillait sans cesse

C'était un homme de cœur, Insatiable de gloire ; Lorsqu'il était le vainqueur, Il remportait la victoire.

Les places qu'il attaquait, A peine osaient se défendre ; Et jamais il ne manquait Celles qu'on lui voyait prendre.

Un devin , pour deux testons , Lui dit d'une voix hardie , Qu'il mourrait de les monts , S'il mourait en Lombardie.

n y mourut , ce héros , Personne aujourd'hui n'en doute; Sitôt qu'il eut les yeux clos , Aussitôt il ne vit goutte.

Il fut , par un triste sort , Blessé d'une main cruelle. On croit, puisqu'il en est mort, Que la plaie était mortelle.

Regretté de ses soldats , Il mourut digne d'envie ;

POPULAIRES, 43-

Et le jour de son trépas Fut le dernier de sa vie.

Il mourut le vendredi , Le dernier jour de son âge ; S'il fût mort le samedi , Il eût vécu davantage.

J'ai lu dans les vieux écrits Qui contiennent son histoire, Qu'il irait en paradis , S'il n'était en purgatoire.

lie roi Dagobert.

Il est difficile d'assigner une origine à cette chanson burlesque , et d'imagi- ner quel poète a eu la fantaisie de res- susciter le roi Dagobert et saint Eloi. Tout le monde sait que ce dernier, qui avait dès sa jeunesse excellé dans les ouvrages d'orfèvrerie, avait été employé par Dagobert, qui le fit son trésorier e son monétaire. Nous avons encore des monnaies de ce roi, le nom à'Eligius

44 CHANSONS

wonetarius , Eloi monétaire, est con- signé. Il devint évêque de Noyon , et fut le confident de Dagobert, à qui il inspira le goût des fondations pieuses. Sa vie a été écrite par saint Ouen, et nous ne pouvons rapporter tous les miracles que cet écrivain lui attribue ; il en est pourtant un assez singulier pour le mentionner. L'église de Sainte- Colombe ayant été volée, saint Eloi s'en plaignit à cette sainte, et lui dit d'une façon hardie : Si vous ne faites rapporter aux voleurs les ornements et l'argent de votre église, je la fermerai si bien que personne n'y viendra plus. La nuit suivante, le tout fut rapporté.

Quant à Dagobert, son règne eut de bons commencements , mais l'amour des femmes le porta aux plus honteux excès ; il accabla le peuple d'impôts , fit des guerres injustes et commit de grandes cruautés.

Il mourut de ses débauches à trente- six ans. Il avait fondé l'abbaye de Saint- Denis et y fut enterré. On voit encore

POPULAIRES. 45

dans cette église une sculpture bizarre représentant la vision d'un évêque qui avait aperçu l'âme de Dagobert emme- née en enfer par les démons, et plusieurs saints , entre autres saint Denis , l'ar- rachant de leurs griffes et la portant au ciel. Quelques chroniques lui ont donné le titre de saint, mais l'Eglise ne le lui a pas confirmé. Tout le monde a vu au Cabinet des Antiques le fauteuil de Dagobert, monument de bronze fait, disait-on, par saint Eloi. Il a été rendu à l'abbaye de Saint-Denis en 1841.

Dans tout ce que nous venons de dire , rien ne peut motiver la chanson du Bon Roi Dagobert. Le style prouve qu'elle n'est pas fort ancienne , non plus que l'air de chasse sur lequel o la chante. Les anachronismes sont tro visibles pour qu'ils n'aient pas été fait exprès. Cette chanson est une espèce de thème sur lequel tout le monde a brodé; vers 1813 , elle redevint à la mode , et on y ajouta des couplets satiriques évidemment dirigés contre Napoléon,

46 CHANSONS

et relatifs à la campagne de Russie. La chanson, qui courait lesrttes, fut défen- due par la police. Je ne sais pourquoi Dagobert a donné lieu à plusieurs plai- santeries, entre autres à celle si connue : // n'est si bonne compagnie qui ne se quitte, disait le roi Dagobert à ses chiens, en les envoyant noyer parce qu'ils avaient la gale. Quant à saint Eloi , qui est le patron des orfèvres et des forgerons , il a encore servi de texte à une chanson un peu grossière dont nous donnerons un couplet.

Air : J'ai rêvé toute la nuit.

Saint Éloi avait un fils

Qui se nommait Oculi :

Et quand saint Éloi forgeait,

Son fils Oculi , bis.

Et quand saint Éloi forgeait, Son fils Oculi soufflait.

LE R.OI DAGOBERT.

Le bon roi Dagobert Avait sa culGtte à l'envers ;

POPULAIRES.

Le grand saint Eloi Lui dit : « 0 mon roi ! Votre Majesté tel mal

C'est vrai , lui dit le roi , Je vais ia remettre à l'endroit. »

Comme il la rem:: Et qu'un peu il se découvrait , Le grand saint Êloi Lui dit : « 0 mon roi !

irez la peau Plus noir qu'un corbeau.

Bah ! bah ! lui dit le roi ,

La rein' l'a plus noire que moi. >

Le bon roi Dagobeft Fut mettre son bel habit vert ; Le grand saint 1 Lui dit « 0 mon roi ! Votre habit paré Au coude est percé.

C'est vrai , lui dit le roi ; Le tien est bon : prête-le moi. »

Du bon roi Dagobert Les Das étaient longés des *ere ; Le grand saint Êloi Lui dit : « O mon roi : Vos deux cas cadets

CHANSONS

Font voir vos mollets.

C'est vrai , lui dit le roi ;

Les tiens sont bons : donne-les-moi.

Le bon roi Dagobert Faisait peu sa barbe en biver ; Le grand saint Éloi Lui dit : « 0 mon roi! Il faut du savon Pour votre menton.

C'est vrai , lui dit le roi ; As-tu deux sous? prête-les moi. »

Du bon roi Dagobert La perruque était de travers ; Le grand saint Éloi Lui dit : « 0 mon roi ! Votre perruquier Vous a mal coiffé.

C'est vrai , lui dit le roi ;

Je prends ta tignasse pour moi.

Le bon roi Dagobert Portait manteau court en hiver ; Le grand saint Éloi Lui dit : « 0 mon roi! Votre Majesté Est bien écourté.

C'est vrai , lui dit le roi ; Fais-le rallonger de deux doigts. »

POPULAIRES. 49

Du bon roi Dagobert Le cbapeau coiffait comme un cerf ; Le grand saint Éloi Lui dit : •< 0 mon roi! La corne au milieu Vous siérait bien mieux.

C'est vrai , lui dit le roi : J'avais pris modèle sur toi. »

Le roi faisait des vers ; Mais il les faisait de travers ; Le grand saint Éloi Lui dit : « 0 mon roi ! Laissez aux oisons Faire des chansons.

C'est vrai , lui dit le roi ; C'est toi qui les feras pour moi. *

Le bon roi Dagobert Chassait dans la plaine d'Anvers Le grand saint Éloi Lui dit : « 0 mon roi ! Votre Majesté Est bien essoufflé.

C'est vrai , lui dit le HA : Un lapin courait après moi. »

Le bon roi Dagobert Allait à la chasse au piton ; Le grand saint Eloi Lui dit : « 0 mon roi :

50 CHÀNSOSS

La chasse aux coucous Vaudrait mieux pour vous.

Eh bien , lui dit le roi ,

Je vais tirer: prends garde à toi.

Le bon roi Dagobert Avait un grand sabre de fer ; Le grand saint Éloi Lui dit : « 0 mon roi ! Votre Majesté Pourrait se blesser.

C'est vrai , lui dit le roi ; Qu'on me donne un sabre de boi;

Les chiens de Dagobert Étaient de gale tout couverts ; Le grand saint Éloi Lui dit .- « 0 mon roi ! Pour les nettoyer Faudrait les noyer.

Eh bien , lui dit le roi , Va-t'en les noyer avec toi. »

Le bon roi Dagobert Se battait à tort, à travers ; Le grand saint Eloi Lui dit : « 0 mon roi î Votre Majesté Se fera tuer.

C'est vrai , lui dit le roi ; Mets-toi bien vite devant moi. >•

POPULAIRES.

Le bon roi Dagobert Voulait conquérir l'univers ; Le grand saint Éloi Lui dit .- « 0 mon roi! Voyager si loin Donne du tintouin.

C'est vrai , lui dit le roi :

Il vaudrait mieux rester chez soi. »

Le roi faisait la guerre ; Mais il la faisait en hiver ; Le grand saint Éloi Lui dit .- « 0 mon roi ! Votre Majesté Se fera geler.

C'est vrai , lui dit le roi ;

Je m'en vais retourner chez moi. »

Le bon roi Dagobert Voulait s'embarquer sur la mer; Le grand saint Éloi Lui dit .- « 0 mon roi Votre Majesté Se fera noyer.

C'est vrai , lui dit le roi : On pourra crier : Le roi boit! »

Le bon roi Dagobert Avait un vieux fauteuil de fer: um) saint Eloi

52 CHANSONS

Lui dit : « 0 mon roi i Votre vieux fauteuil M'a donné dans l'œil.

Eh bien , lui dit le roi , Fais-le vite emporter chez toi. %

La reine Dagobert Choyait un galant assez vert; Le grand saint Eloi Lui dit : « 0 mon roi ! Vous êtes.... cornu, J'en suis convaincu.

C'est bon, lui dit le roi; Mon père l'était avant moi. »

Le bon roi Dagobert Mangeait en glouton du dessert ; Le grand saint Eloi Lui dit : « 0 mon roi I Vous êtes gourmand ; Ne mangez pas tant.

Bah ! bah ! lui dit le roi , Je ne le suis pas tant que toi. n

Le bon roi Dagobert Ayant bu , allait de travers ; Le grand saint Éloi Lui dit .- « 0 mon roi ! Votre Majesté Va tout de côté.

POPULAIRE*. 53

Eh bien , lui dit le roi .

Quand t'es gris marches-tu plvs droit ?'

Quand Dagobert mourut, Le diable aussitôt accourut; Le grand saint Èloi Lui dit : « 0 mon roi ! Satan va jm

: vous confesser.

Hélas! dit le bon roi,

Ne pourrais-tu mourir pour moi ? m

Cadet Rousseiïe.

Ce fut vers 1792 que les se.

étendirent chanter dans le Brabant une chanson de Jean de Nivelle. -nage qui leur était fort inc: ;uel ils substituèrent quelque lou- Ifl régiment appelé Cadet RousselU. Du reste, la chanson devint si popu- laire, qu'elle donna l'idée d'une pièce bouffonne qui fut jouée au théâtre de la dans laquelle l'acteur, Brunst.

54 CHANSONS

eut tant de succès que le type de ce personnage fut souvent employé pour lui. Il est certain que la chanson pri- mitive a été modifiée et augmentée à plusieurs reprises , et qu'il serait diffi- cile d'en retrouver le texte original. Elle a cependant été imprimée et gra- vée chez Frère; l'air, qui était fort gai, a été mis en contredanse.

Cadet Rousselle a trois maisons bis. Qui n'ont ni poutres ni chevrons. bis. C'est pour loger les hirondelles ; Que direz-vous d'Cadet Rousselle ?

Ah! ah ! ah ! mais vraiment, Cadet Rousselle est bon enfant.

Cadet Rousselle a trois habits ; bis. Deux jaunes, l'autre en papier gris ; bis. Il met celui-là quand il gèle , Ou quand il pleut et quand il grêle.

Ah ! ah ! ah ! mais vraiment , Cadet Rousselle est bon enfant.

Cadet Rousselle a trois chapeaux ; bis. Les deux ronds ne sont pas très-beaux , bis.

POPULAIRES. 55

Et le troisième est à deux cornes : De sa tête il a pris la forme.

Ah ! ah ! ah ! mais vraiment , Cadet Rousselle est bon enfant.

Cadet Rousselle a trois beaux yeux; bis. L'un regarde à Caen , l'autre à Bayeux ; bis. Comme il n'a pas la vu' bien nette , Le troisième , c'est sa lorgnette.

Ah ï ah ! ah ! mais vraiment , Caaei Rousselle est bon enfant.

Cadet Rousselle a une épée, bis.

Très-longue mais toute rouillée ; bis. On dit qu'ell' ne cherche querelle Qu'aux moineaux et aux hirondelles.

Ah! ah! ah! mais vraiment, Cadet Rousselle est bon enfant.

Cadet Rousselle a trois souliers; bu». Il en met deux dans ses deux pieds ; bis. Le troisièm' n'a pas de semelle; Il s'en sert pour chausser sa belle.

Ah ! ah ! ah ! mais vraiment, Cadet Rousselle est bon enfant.

Cadet Rousselle a trois cheveux ; bis. Deux pour les fac's, un pour la queue ; bis.

CHANSONS

Et quand il va voir sa maîtresse , Il les met tous les trois en tresse.

Ah ! ah ! ah ! mais vraiment , Cadet Pvousselle est bon enfant.

Cadet Rousselle a trois garçons ; bis. L'un est voleur, l'autre est fripon ; bis. Le troisième est un peu ficelle ; Il ressemble à Cadet Rousselle.

Ah ! ah ! ah ! mais vraiment, Cadet Rousselle est bon enfant.

CadetRousselle a trois gros chiens, bis. L'un court au lièvr', l'autre au lapin, bis. L'troisièm' s'enfuit quand on l'appelle, Comm' le chien de Jean de Nivelle.

Ah! ah! ah! mais vraiment, CadetRousselle est bon enfant.

CadetRousselle a trois beaux chats, bis. Qui n'attrapent jamais les rats ; bit. Le iroisièm' n'a pas de prunelle; Il monte au grenier sans chandelle.

Ah ! ah ! ah ! mais vraiment , Cadet Rousselle est bon enfant.

Cadet Rousselle a marié bis.

Ses trois filles dans trois quartiers ; bis.

rOPCLJURES. 57

Les deux premièr's ne sont pas belles , La troisièm' n'a pas de cervelle :

Ah ! ah ! ah ! mais vraiment , Cadet Rousselle est bon enfant.

Cadet Rousselle a trois deniers , bis. C'est pour payer ses créanciers ; bis. Quand il a montré ses ressources , Il les resserre dans sa bourse.

Ah : ah ! ah ! mais vraiment , Cadet Rousselle est bon enfant.

Cadet Roussell' s'est fait acteur, bis. Comme Chénier s'est fait auteur ; bis. Au café quand il jou' son rôle , Les aveugles le trouvent drôle ' .

Ah ï ah ! ah ! mais vraiment , Cadet Rousselle est bon enfant.

Cadet Roussell' ne mourra pas , Car, avant de sauter le pas , bis.

On dit qu'il apprend l'orthographe Pour fair' lui-mèm' son épitapbe.

Ah ! ah ! ah , mais vraiment , Cadet Rousselle est bon enfant.

La pièce de Aude était intitulée Cadet Rousseitt . mgUi.

51

Les Hossus.

La chanson des Bossus, que l'on trouve dans plusieurs recueils , y est rarement complète ; elle est attribuée à un bossu, médecin et neveu du fameux Santeuil ; il l'a composée pour un repas auquel il avait invité tous les bossus de sa con- naissance; c'était vers 1740.

Depuis longtemps je me suis aperçu De l'agrément qu'on a d'être bossu. Polichinelle en tous lieux si connu, Toujours chéri, partout si bien venu , Fait le gros dos parce qu'il est bossu.

Loin qu'une bosse soit un embarras , De ce paquet on fait un fort grand cas ; Quand un bossu l'est derrière et devant, Son estomac est à l'abri du vent, Et ses épaules sont plus chaudement.

On trouve ici des gens assez mal nés Pour s'aviser d'aller leur rire au nez : Ils l'ont toujours aussi long que le bec

POPULAIRES. o9

De cet oiseau que l'on trouve à Québec ; Et leur babil inspire du respect.

Tous les bossus ont ordinairement

Le ton comique et beaucoup d'agrément.

Quand un bossu se montre de côté ,

Il règne en lui certaine majesté ,

Qu'on ne peut voir sans en être enchante.

Si j'avais eu les trésors de Crésus , J'aurais rempli mon palais de bossus. On aurait vu près de moi , nuit et jour, Tous les bossus s'empresser tour à tour, De montrer leur éminence à ma cour.

Dans mes jardins, sur un beau piédestal , J'aurais fait mettre un Esope en métal , Et par mon ordre , un de mes substituts Aurait gravé près de ses attributs : Vive la bosse et vivent les bossus !

Concluons donc, pour aller jusqu'au bout, Qu'avec la bosse on peut passer partout. Qu'un homme soit ou fantasque ou bourru, Qu'il soit chassieux, malpropre, mal vêtu, On le distingue alors qu'il est bossu.

lia mère Michel.

C'est la mère Michel qui a perdu sou chat, Qui cri' par la fenêtr', qui est-c' qui lui rendra, Et 1' compèr' Lustucru qui lui a répondu : « Allez, la mèr'Michel,vot' chat n'est pas perdu.

C'est la mère Michel qui lui a demandé : « ilon chat n'est pas perdu! vous l'avez donc [ trouvé ? >' Et l' compèr' Lustucru qui lui a répondu : « Donnez un' récompense , il vous sera rendu.

Et la mère Michel lui dit: « C'est décidé : Si vous rendez mon chat, vous aurez un baiser. Le compèr' Lustucru, qui n'en a pas voulu, Lui dit: « Tour un lapin votre chat est vendu.

Au clair de la lune.

On assure qixe l'air : Au clair de la lune est de Lulli. Boyeldieu a fait sur cet air de charmantes variations dans les Voitures versées.

POPULAIRES.

Au clair de la lune, Mon ami Pierrot , Prête-moi ta plume Pour écrire un mot. Ma chandelle est morte, Je n'ai plus de feu. Cuvre-moi ta porte. Pour l'amour de Dieu.

Au clair de la lune , Pierrot répondit : Je n'ai pas de plume , Je suis dans mon lit. Va chez la voisine , Je crois qu'elle y t Car dans sa cuisine On bat le briquet.

Au clair de la lune ,

L'aimable Lubin J <*. ^ . '

Frappe chez la brune :

£11' répond soudain :

Qui frapp' de la sorte?

Il dit à son tour :

Ouvrez votre porte ,

Pour le dieu d'amour.

Au clair de la lune, On n'y voit qu'un oeu.

CHANSONS

On chercha la plume , On chercha du feu. En cherchant à" la sorte , Je n* sais c' qu'on trouva ; Mais j' sais que la porte Sur eux se ferma.

J'ai du bon tabac dan» ma tabatière.

J'ai du bon tabac dans ma tabatière s J'ai du bon tabac ; tu n'en auras

pas. J'en ai du fin et du râpé , Ce n'est pas pour ton fichu nez. J'ai du bon tabac dans ma tabatière , J'ai du bon tabac ; tu n'en auras pas.

Ce refrain connu que chantait mon père, A ce seul couplet il était borné. Moi , je me suis déterminé A le grossir, comme mon nez. J'ai du bon tabac dans ma tabatière , J'ai du bon tabac; tu n'en auras

Un noble héritier de gentilhommière, Recueille tout seul un fief blason :

POPCLA.IPJES. 63

Il dit à son frère puîné : Sois abbé , je suis ton aîné. J'ai du bon tabac dans ma tabatière , J'ai du bon tabac ; tu n'en auras pas.

Un vieil usurier, expert en affaire , Auquel par besoin on est amené , A. l'emprunteur infortuné, Iù: . après l'avoir ruiné : Tai du bon tabac dans ma tabatière , J'ai du bon tabac ; tu n'en auras pas.

Juges, avocats, entrouvrant leur serre, Au pauvre plaideur par eux rançonné , Après avoir pateline, Disent , le procès terminé : J'ai du bon tabac dans ma tabatière, J'ai du bon tabac ; tu n'en auras pas.

D'un gros financier, la coquette flaire

Le beau bijou d'or de diamants orné.

Ce grigou, d'un air renfrogné,

Lui dit : « Malgré ton joli nez....

J'ai du bon tabac dans ma tabatière,

J'ai du bon tabac; tu n'en auras

64 CHANSONS

Tel qui veut nier l'esprit de Voltaire, Est pour le sentir trop enchifrené. Cet esprit est trop raffiné , Et lui passe devant le nez. Voltaire a l'esprit dans sa tabatière . Et du bon tabac; tu n'en auras pas.

Voilà huit couplets , cela ne fait guère , Pour un tel sujet bien assaisonné ; Mais j'ai peur qu'un priseur mal , Ne chante, en me riant au nez : Pai du bon tabac dans ma tabatière , J'ai du bon tabac ; tu n'en auras

Attribuée à l'abbé de l'Attaic.vust,

lia Chaumière.

Pour trouver le parfait bonheur , Dont le séjour est un mystère , Consultez toujours votre cœur : Que ce guide seul vous éclaire. De ^os ambitieux désirs , Fuyez la trompeuse lumière ; Et pour goûter de vrais plaisirs ; Venez me voir dans ma chaumière

POPLLAIi-.E?. <

, tous jouirez des faveurs Que me prodigue la nature ; Vous y verrez des fruits, des fleurs, Et le cristal d'une onde pure. Si vous aimez un doux sommeil, Venez dormir sur ma fougère; Si vous aimez un doux réveil. Réveillez-vous dans ma chaumière.

Zéphire y parfume les airs Des odeurs que la rose exhale ; Vous entendrez les doux concerts De la fauvette matinale. Et si vous aimez la gaité Que donne un travail salutaire, On la trouve avec la santé Dans le jardin de ma chaumière.

La fortune, par des remords . Souvent nous fait payer ses charmes : Moi , je vous offre des trésors Qui ne couvent jamais de larmes : La paix du cœur, de vrais amis , Mon chien , ma lyre et ma bergère, Peu de livres , mais bien choisis : Voilà les biens de ma chaumière.

Loin de mon paisible séjour, Pour voler de belles en belles , Le plaisir, en l :iour,

CHANSONS

Lui prête, dites-vous, des ailes. Cet amour est un imposteur ; Le mien n'a pas l'humeur légère : Il ne quitte jamais mon cœur, Et ne sort pas de ma chaumière.

Pour ma Lise, mes feux constants Depuis vingt ans brûlent mon àme ; Lise pour moi, depuis vingt ans, N'a jamais vu pâlir sa flamme. 0 vous , dont le cœur veut former Un doux nœud pour la vie entière , Amants, jurez de vous aimer Comme on aime dans ma chaumière.

Par le comte ce SÉcua

E,es Amourettes.

Vivent les fillettes, Mais pour un seul jour ; J'ai des amourettes Et n'ai point d'amour.

Hier, pour Céphise Je quittai Dons ; Aujourd'hui c'est Lise, A demain Cloris. Vivent les fillettes, etc.

POPULAIRES. 67

J'aime fort ma belle Lorsqu'il m'en souv Je lui suis fidèle Quand son tour revient.

Vivent les tille:tes , etc.

On entre au bocage , Le plaisir vous suit. On rentre au village, Eh bien ! toui est dit.

Vivent les fil! Mais pour un seul jour; J"ai des amourettes Et n'ai point d'amour.

Paroles it Berquin, musique cTAlbanlzi;.

L'amour au Village.

A l'âge heureux de quatorze ans, Colette , belle sans parure , Tenait , comme la fleur des champs , Tous ses attraits de la nature. Ce n'était point Flore ou Cypris , Mais Colette.... pas davantage. On l'eût adorée à Paris , Elle fut aimée au village.

68 CHANSONS

Parmi les bergers d'alentour, Lucas , pour l'aimable fillette , Sentait augmenter chaque jour, Au fond du cœur, flamme discrète. Il dit enfin , d'amour épris : « Je t'aime bien... » pas davantage. On l'eût trouvé bête à Paris , Il n'était que simple au village.

Bientôt Lucas eut le bonheur D'être aimé de la bergerette ; Et , pour gage de son ardeur, De fleurs orna sa colerette. Un seul baiser en fut le prix , Un seul baiser.... pas davantage. C'eût été bien peu dans Paris, Mais c'était beaucoup au village.

De la ville un riche seigneur Dit à Colette : « Aimable brune, Aujourd'hui donne-moi ton cœur, Et demain je fais ta fortune. » Elle répond : « Mon cœur est pris. J'aime Lucas.... » pas davantage. Elle eût été riche à Paris , Elle fut heureuse au village.

Paroles de M. Delahaye, musique de Romagnesi.

POPULAIRES. 69

Taisez-vous.

Si l'on séduit votre femme volage, Si les galants font sauter les verroux, Pour conserver la paix dans le ménage , Taisez-vous, maris, taisez-vous.

Si vous avez les faveurs d'une belle , Gardez-vous bien d'exciter les jaloux ; Soyez discret encor plus que fidèle : Taisez-vous , amants , taisez-vous.

Si vous hantez les grands et l'opulence , Ne les heurtez de propos aigres-doux; Ils ont pour eux le crédit, la puissance : Taisez-vous, petits, taisez-vous.

D'un ton léger, lorsqu'ainsi je devise, Donnant pour loi mon avis et mes goûts, J'ai peur, vraiment, que chacun ne médise : Taisez-vous , bavard , tais€z-vous.

Roland.

Roland, fameux paladin qui passe pour le neveu de Charlemagne, et qui est plus célèbre par les traditions poétiques que dans l'histoire, est le héros de beau- coup de romans , et connu surtout par le poè'me de l'Arioste , le Roland furieux. On sait qu'il périt à Roneevaux vers 778. Il y a dans les Hautes-Pyrénées un passage nommé la Brèche de Roland. Dans le Roussillon, près du village d'It- saxoit, se trouve le Pas de Roland, l'on prétend que sont encore les em- preintes des pas de son cheval. Des ballades, conservées jusqu'à nos jours, font encore retentir les montagnes des frontières d'Espagne du nom de Ro- land.

Quant à la chanson de Roland, on entendait par le mot chanson, vers le xp

POPULAIRES. 71

et le XIIe siècles , un récit en vers , qui se chantait sans doute, comme on chante encore en Italie les stances de la Jéru- salem délivrée, du Tasse.

La chanson de Roland est une imi- tation de l'ancienne chanson de Geste , qui avait passé traditionnellement de- puis le temps de Charlemagne dans la Douche des soldats français ; ils la chan- taient dans le moyen âge et du temps du roi Jean , qui se plaignait qu'il n'avait plus de Roland dans son ar- mée.

Cette chanson fut composée par Alexandre Duval pour sa pièce de Gut7- laume le Conquérant , représentée sur le Théâtre-Français le 16 décembre 1803, et qui fut défendue à la seconde repré- sentation, parce qu'on avait cru y voir des allusions peu favorables au premier consul , qui méditait alors la descente en Angleterre. Des délateurs avaient signalé le couplet il est question de la mort de Roland à Roncevaux, comme un moyen d'annoncer aux Français que

72 CHANSONS

Bonaparte succomberait dans son ex- pédition. Ce mauvais présage rappelle involontairement celui de don Quichotte à sa troisième sortie, lorsqu'il entend un laboureur chanter :

Vous y faites mal vos orges, Français , à Roncevaux.

On empoisonna tellement les inten- tions de l'auteur, qu'il fut un moment question de le punir sévèrement; mais Joséphine calma l'orage.

C'est la meilleure imitation que Ton ait faite de l'ancienne chanson , et la musique de Méhul est admirable.

vont tous ces preux chevaliers, L'orgueil et l'espoir de la France?... C'est pour défendre nos foyers Que leur main a repris la lance ; Mais le plus brave, le plus fort, C'est Roland , ce foudre de guerre ; S'il combat , la faux de la mort Suit les coups de son cimeterre.

POPULAIRES. 73

Soldats français, chantons Roland, L'honneur de la chevalerie , Et répétons , en combattant , Ces mots sacrés : Gloire et patrie !

Déjà mille escadrons épars Couvrent le pied de ces montagnes ; Je vois leurs nombreux étendards Briller sur les vertes campagnes. Français , sont vos ennemis : Que pour eux seuls soient les alarmes; Qu'ils tremblent; tous seront punis!... Roland a demandé ses armes !

Soldats français, etc.

L'honnenr est d'imiter Roland, L'honneur est près de sa bannière ; Suivez son panache éclatant , Qui vous guide dans la carrière. Marchez , partagez son destin ; Des ennemis, que fait le nombre ! Roland combat : ce mur d'airain Va disparaître comme une ombre.

Soldats français , etc.

Combien sont-ils? combien sont-ils? C'est le cri du soldat sans gloire ; Le héros cherche les périls ; Sans les périls qu'est la victoire?

74 CHANSONS

Ayons tous, ô braves amis ! De Roland l'âme noble et fière : Il ne comptait ses ennemis Qu'étendus morts sur la poussière.

Soldats français , etc.

Mais j'entends le bruit de son cor Qui résonne au loin dans la plains.... Eb quoi ! Roland combat encor ! Il combat!... O terreur soudaine! J'ai vu tomber ce fier vainqueur; Le sang a baigné son armure ; Mais , toujours fidèle à l'honneur. Il dit, en montrant sa blessure :

« Soldats français!... chantez Roland: Son destin est digne d'envie. Heureux qui peut en combattant Vaincre et mourir pour sa patrie ! »

Bayard.

Emporté par trop de vaillance Au milieu des rangs ennemis , Le héros , l'espoir de la France

POPCLAIRES.

Vient de mourir pour son pays. Preux chevaliers , timides pastourelles

Que je gémis sur votre sort ! L'appui des rois , le défenseur des belles ,

Bayard est mort ! Bayard est mort ï

Honneur de la chevalerie , Tendre amant , courageux soldat, Il cédait tout à son amie, Et tout lui cédait au combat- Preux chevaliers , etc.

Bon chevalier, ami sincère, Toujours sans reproche et sans peur, Au milieu des cris de la guerre, La pitié parlait à son cœur.

Preux chevaliers , timides pastourelles, Que je gémis sur votre sort!

L'appui des rois , le défenseur des belles , Bayard est mort ! Bayard est mort

te Chevalier errant.

Dans un vieux château de l'Andalousie, Au temps l'amour se montrait c beauté , valeur et galanterie

75 CHANSONS

Guidaient au combat un fidèle amant; Un beau chevalier un jour se présente , Visière levée et la lance en main , Il vient demander si sa douce amante N'est pas , par hasard , chez le châtelain.

«Noble chevalier, quelle est votre amie Demande à son tour le vieux châtelain. «Ah! des fleurs d'amour c'est la plus jolie: Elle a teint de rose et peau de satin ; Elle a de beaux yeux dont le doux langage Porte en notre cœur doux enchantement- Elle a tout enfin : elle est belle et sage. '

- Pauvre chevalier, chercherez longtemps.

- Depuis qu'ai perdu cette noble dame, N'ai plus de repos , n'ai plus de plaisir, En chaque pays guidé par ma flamme Vais cherchant l'objet de tous mes désirs Des Gaules j'ai vu les plaines fleuries Du Nord parcouru les climats lointains- J'ai trouvé partout des femmes jolies ' Mais fidèle amie , ah ! je cherche en vain.

Guidez de mes pas la marche incertaine Ou puis-je trouver ce que j'ai perdu? - Mon fils, votre sort, hélas ! me fait peine Ce que vous cherchez ne se trouve plus Poursuivez pourtant votre long voyage ' Et si rencontrez un pareil trésor,

porrLAiREs. ::

Ne le perdez plus. Adieu ! bon courage. » L'amant repartit, mais il cherche encor.

Savez-vous pourquoi cet amant fidèle N'a pas retrouvé ce qu'il a perdu ? C'est que, pour chercher les pas de sa belle, Dans notre pays il n'est pas venu; Si , pour abréger sa peine cruelle , Le rieux châtelain l'eût conduit ici , Il aurait trouvé des femmes fidèles , Et son long voyage eût été fini.

I^e Départ pour la Syrie.

Cette romance , qui eut un grand succès sous l'empire, est, dit-on, de M. de Laborde; elle n'a rien d'extra- ordinaire ; mais ce qui contribua beau- coup à sa vogue , c'est que la musique avait été composée par la reine Hor- tense, fille de l'impératrice Joséphine et du vicomte de Beaubarnais. Cette princesse , née en 1783 , fut confiée , à l'âge de quinze ans, aux soins de ma- dame Campan, qui cultiva son heureux

78 CHANSONS

naturel et orna son esprit de toutes les connaissances propres à son sexe. Parmi les arts qu'elle cultiva , la musique fut celui auquel elle donnait une préférence qu'elle justifia par de gracieuses com- positions. Sa haute position, puisqu'elle était belle-fille de l'empereur, ne lui donna pas tout le bonheur qu'elle pou- vait attendre. Elle épousa , sans incli- nation, le prince Louis, qui fut ensuite roi de Hollande ; fut frappée dans ses affections par la mort de son fils aîné , et par celle d'une amie qui périt sous ses yeux dans un torrent. D'autres malheurs l'attendaient: la chute de Na- poléon mit le comble au chagrin que lui avait causé le divorce de sa mère. Son mari avait abdiqué le trône de la Hollande. Elle fut, depuis cette époque, errante , fugitive , presque sans asile , puisque la politique lui en refusait par- tout ; elle n'en dut un qu'à la générosité du roi de Bavière , qui lui permit de résider àÀugsbourg, elle termina sa carrière, en se faisant admirer par de

POPOLAIUS.

douces vertus et par une bienfaisance qui lui fit, comme partout, des amis dévoués. En songeant à l'éclat passager dont elle avait brillé , elle dut regretter plus d'une fois le bonheur paisible dont elle aurait joui dans une condition ob- scure dont les arts qu'elle aimait tant auraient fait le charme. Princesse mal- heureuse, elle aurait peut-être été heu- reuse si elle n'eût été qu'une simple musicienne.

Partant pour L S]

Le jeune et beau Danois Venait prier Marie De bénir ses exploits : « Faites, reine immortelle Lui dit-il en partant , « Que j'aime la plus belle, Et sois le plus vaillant. »

Il trace sur la pierre Le serment de l'honneur, Et va suivre à la guerre Le comte, son seig.. Au nuble vœu fidèle, combattant :

&0

« Amour à la phis belle , Honneur au plus vaillant. »

« On lui doit la victoire, Vraiment, » dit le seigneur. « Puisque tu fais ma gloir«v Je ferai ton bonheur. De ma fille Isabelle Sois l'époux à l'instant, Car elle est la plus belle Et toi le plus vaillant. »

A l'autel de Marie , Ils contractent tous deux Cette union chérie, Qui seule rend heureux. Chacun dans la chapelle Disait en les voyant : « Amour à la plus belle Honneur au plus vaillant. »

Richard Cœur de lion.

0 Richard ! ô mon roi !

L'univers t'abandonne ; Sur la terre il n'est donc que moi Qui s'intéresse à ta personne !

POPULAIRES. 81

Moi seul , dans l'univws ,

Voudrais briser tes fers , Et tout le monde t'abandonne.

0 Richard ! ô mon roi !

L'univers t'abandonne ; Et sur la terre il n'est que moi bis.

Qui s'intéresse à ta personne.

Et sa noble amie... hélas ! son cœur Doit être navré de douleur ; Oui , son coeur est navré de douleur. Monarques, cherchez des amis, Non sous les lauriers de la gloire, Mais sous les myrtes favoris Qu'offrent les filles de mémoire. Un troubadour Est tout amour, Fidélité, constance, Et sans espofrde récompense.

O Richard! ô mon roi!

L'univers t'abandonne ; Sur la terre il n'est donc que moi Qui s'intéresse à ta personne!

O Richard ! ô mon roi !

L'univers t'abandonne ; Et sur la terre il n'est que moi , Oui , c'est Blondel ! il n'est que moi Qui s'intéresse à ta pers ..nue !

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N'est-il que moi bis

Qui s'intéresse à ta personne ?

Sedaine. Musique de Grétry.

I^e Retour du Troubadour.

Un gentil troubadour Qui chante et fait la guerre , Revenait chez son père , Rêvant à son amour ; Gages de sa valeur, Suspendus en écharpe , Son épée et sa harpe Se croisaient sur son cœur.

Il rencontre en chemin Pèlerine jolie Qui voyage et qui prie , Un rosaire à la main ; Colerette à longs plis Ornait sa fine taille, Un grand chapeau de paille Couvrait son teint de lis.

« 0 gentil troubadour! Si tu reviens fidèle, Chante un couplet pour celle

POPULAIRES. 83

Oui bénit ton retour.

Pardonne à mon refus , Pèlerine jolie

Sans avoir vu ma mie, Je ne chanterai plus.

Ne la revois-tu pas, 0 troubadour fidèle ! Regarde bien : c'est elle; Ouvre-lui donc tes bras. Priant pour notre amour, J'allais en pèlerine

A la Vierge divine Demander ton retour. »

Près de ces deux amants S'élève une chapelle. L'hermite, qu'on appelle, Bénit leurs doux serments. Allez en ce saint lieu, Amants du voisinage, Faire un pèlerinage A la mère de Dieu.

Musique de Dalvimàrê,

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lia Sentinelle.

ROMANCE.

L'aBtre des nuits , de son paisible éclat Lançait les feux sur les tentes de France. Non loin du camp, un jeune et beau soldat Ainsi chantait, appuyé sur sa lance : Allez , volez , zéphyr joyeux , Portez mes chants vers ma patrie , Dites que je veille en ces lieux bis. Pour la gloire et pour mon amie.

A la lueur des feux des ennemis, La sentinelle est placée en silence : Mais le Français, pour abréger les nuits, Chante , appuyé sur le fer de sa lance : Allez , volez , etc.

L'astre du jour ramène les combats , Demain il faut signaler sa vaillance. Dans la victoire on trouve le trépas ; Mais si je meurs à côté de ma lance,

Allez encor, joyeux zéphyr,

Allez , volez vers ma patrie,

Dire que mon dernier soupir bis.

Fut pour la gloire et mon amie.

Paroles de Bràult, musique de Choron.

POPULAIRES.

te Retour de la Sentinelle.

L'aube riante annonçait le matin. Sous un vieil orme , auprès de sa chaumière Le casque en tête et la lyre à la main , Jeune guerrier chantait à sa bergère :

Ici me voilà de retour

Des nobles champs de la victoire :

J'offre mes loisirs à l'amour, 61*5.

Quand j'ai combattu pour la gloire.

Dans les périls oh l'honneur m'a conduit , Guidé par lui , soutenu par ma flamme , Aux feux du jour, aux ombres de la nuit, Je confiais le secret de mon âme.

Mais dans ces lieux, à mon retour

Des nobles champs de la victoire.

J'offre mes lauriers à l'amour, bis.

Quand j'ai combattu pour la gloire.

Avant que j'eusse affronté le trépas, A mes transports tu trouvais mille char:: Pour son amie, aura-t-il moins d'appas, L'amant chargé du noble poids des arme? ?

Non , non , tu dois à mon retour

Mêler, pour prix de la victoire,

B6 CBANSONS

tes myrtes heureux de l'amour bis. Aux lauriers brillants de la gloire.

Brault, musique de Choron.

Chant guerrier.

La France a l'horreur du servage, Et, si grand que soit le danger, Plus grand encore est son courage Quand il faut chasser l'étranger. Vienne le jour de délivrance , Des coeurs ce vieux cri sortira : Guerre aux lyrans! jamais en France, Jamais l'Anglais ne régnera.

Réveille-toi , France opprimée, On te crut morte , et tu dormais. Un jour voit mourir une armée; Mais un peuple ne meurt jamais. Pousse le cri de délivrance, Et la victoire y répondra : [etc.

Guerre aux tyrans: jamais en France,

En France jamais l'Angleterre N'aura vaincu pour conquérir; Ses soldats y couvrent la terre, La terre doit les y couvrir. Jetons le cri de délivrance Et la victoire y répondra : [etc.

Guerre aux tyrans ! jamais en France , Casimir et G. Delavigne, mus. (ZHalévï.

fOPULAIRES. 8T

La Slusette.

Cette romance de La Harpe parut pour la première fois dans VAlmanach des Muses de 1773, avec l'air noté. Mon- signy, qui en avait composé la musique, n'y avait pas mis son nom , attachant peu d'importance à cette mélodie , qui eut pourtant le plus grand succès. Cette romance fut chantée partout, et partout on chantait : Musette, mes amours, au lieu de : Musette des amours. Cette faute est également faite dans presque tous les recueils ; elle désolait La Harpe , qui , entendant un jour une demoiselle la chanter ainsi , lui dit : « Mademoi- selle, ma musette n'est pas et ne peut pas être mes amour s, mais elle les chante : c'est la musette des amours. »

0 ma tendre musette , Musette des amours , Toi qui chantais Lisette ,

CHANSONS

Lisette et ses beaux jours , D'une vaine espérance Tu m'avais trop flatté : Chante son inconstance Et ma fidélité.

C'est l'amour, c'est sa flamme Qui brille dans ses yeux : Je croyais que son âme Brûlait des mêmes feux. Lisette à son aurore Respirait le plaisir. Hélas ! si jeune encore Sait-on déjà trahir?

Sa voix, pour me séduire. Avait plus de douceur. Jusques à son sourire, Tout en elle est trompeur ; Tout en elle intéresse , Et je voudrais , hélas* Qu'elle eût plus de tendresse. Ou qu'elle eût moins d'appas.

0 ma tendre musette, Console ma douleur; Parle-moi de Lisette : Ce nom fait mon bonheur. Jo la revois plus belle, Plus bello tous les jours .-

POPULAIRES. 19

Je me plains toujours d'elle, Et je l'aime toujours.

La Harpe. Musique de Monsigny.

Les Souhaits.

Que ne suis-je la fougère , sur le soir d'un beau jour, Se repose ma bergère Sous la garde de l'amour ! Que ne suis-je le Zéphire Qui rafraîchit ses appas , L'air que sa bouche respire , La fleur qui nait sous ses pas ;

Que ne suis-je l'onde pure Qui la reçoit dans son sein ! Que ne suis-je la parure Qui la couvre après le bain Que ne suis-je cette glace Oh son portrait répété Offre à nos yeux une grâce Qui sourit à la beauté !

Que ne pms-je par un songe Tenir son cœur enchanté ! Que ne puis-je du mensonge

90 CHANSONS

Passer à la vérité ! Les dieux qui m'ont donné l'être M'ont fait trop ambitieux, Car enfin je voudrais être Tout ce qui plaît à ses yeux.

Riboutté. Musique de Pergolèse.

Vivre loin de ses aniours.

S'il est vrai que d'être deux Fut toujours le bien suprême , Hélas ! c'est un mal affreux De ne plus voir ce qu'on aime. Vivre loin de ses amours , Vest-ce pas mourir tous les jours .

Chaque instant vient attiser La flamme qui vous dévore , On se rappelle un baiser Et mille baisers encore. Vivre loin de ses amours , N'est-ce pas mourir tous les jours?

La nuit endormant, hélas! Victime d'un doux mensonge , Vous vous sentez dans ses bras ; Le jour vient c'était un songe.

POPCLA.IRES. 9

Vivre loin de ses amours , N'est-ce pas mourir tous les jours ?

Un tissu de ses cheveux Est le seul bien qui me reste ; Il devait me rendre heureux ; C'est un trésor bien funeste. Vivre loin de ses amours, N'est-ce pas mourir tous les jours?

Jfimgue de Boïeldiec.

Je ne t'aime plus.

Hier, je t'adorais encore : J'avais un bandeau sur les yeux ; Mais , trop peride Eléonore , Aujourd'hui je te connais mieux. Contre un désir que tu fis naitre , Les efforts seraient superflus ; Et je te regrette peut-être ; Mais pourtant je ne t'aime plus !

Dans ton sourire, que de charmes: Dans ton maintien , rien d'apprêté. Le plus sage te rend les armes , Et soupire de volupté.

CHANSOïlS

Je voudrais que mon autre amante , Unît ta grâce à ses vertus!... Car je te trouve encor charmante, Et pourtant je ne t'aime plus !

Sans doute qu'un autre , à ma place , Bientôt sera choisi par toi : Séduit par ta beauté , ta grâce , Il sera trompé comme moi. Malgré cela, j'envie encore Ses liens par l'erreur tissus. Je suis jaloux d'Éléonore , Et pourtant je ne l'aime plus !

Au fond de quelque solitude , Si je te retrouvais un jour, Je pourrais bien , par habitude , Te parler de mon vieil amour. Tu pourrais, ranimant encore Le désir dans mes sens émus, Me rendre mon Éléonore.... Et pourtant je ne t'aime plus .

Du Mersak. Musique de Jadj?

le Papillon.

Enfant de l'air, amant des fleurs , Aussi léger que le caprice,

POPULAIRES.

nui semble avoir de tes couleurs Nuancé l'heureux artifice , Beau papillon que des zéphyrs Emporte l'haleine légère . Tu me retraces les plaisirs Qui nous séduisent sur la terre.

Souvent je vois un jeune enfant Poursuivre ta course inégale. Bientôt il se croit triomphant, Et met sur toi sa main fa. Mais tu fuis : il na dans les doigts Qu'un peu de brillante poussière. Ah ! c'est ainsi que bien des foi6 On tient le plaisir sur la terre.

Le premier souffle du printemps A te donner la naissance; Et tu n'as que bien peu d'i:, A jouir de ton existence. Comme toi , quand nous folâtrons , Je dis à la sagesse austère : Les plaisirs et les papillons Ne font que passer sur la terre.

Dy MER6JUi. Musique de I

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I^s Hirondelles.

Que j'aime à voir les hirondelles A ma fenêtre tous les ans Venir m'apporter des nouvelles De l'approche du doux printemps ! Le même nid , me disent-elles, Va revoir les mêmes amours : Ce n'est qu'à des amants fidèles A vous annoncer les beaux jours.

Lorsque les premières gelées Font tomber les feuilles des bois , Les hirondelles rassemblées S'appellent toutes sur les toits : Partons , partons , se disent-elles , Fuyons la neige et les autans ; Point d'hiver pour les cœurs fidèles Ils sont toujours dans le printemps

Si par malheur, dans le voyage , Victime d'un cruel enfant , Une hirondelle mise en cage Ne peut rejoindre son amant , Vous voyez mourir l'hirondelle D'ennui , de douleur et d'amour,

POPULAIRES.

Tandis que son amant fidèle Près de meurt le même jour.

Flop.ian.

Le Rosier.

Je l'ai planté, je l'ai vu naître, Ce beau rosier les oiseaux Au matin , près de ma fenêtre , Viennent chanter sous ses rameaux.

Joyeux oiseaux , troupe amoureuse , àh : par pitié , ne chantez pas : L'amant qui me rendait heureuse Est parti pour d'autres climats.

Tour les trésors du nouveau monde Il fuit l'amour, brave la mort. Hélas: pourquoi chercher sur l'onde Le bonheur qu'il trouvait au port ?

Vous , passagères hirondelles, Qui revenez chaque printemps , Oiseaux voyageurs , mais fidèles , Ramenez-le moi tous les ans.

De Lèvre. Musique de I. J. Rousseau.

lie Bouton de rose.

Bouton de rose, Tu seras plus heureux que moi Car je te destine à ma Rose , Et ma Rose est ainsi que toi

Bouton de rose.

Au sein de Rose Heureux bouton, tu vas mourir! Moi , si j'étais bouton de rose, Je ne mourrais que de plaisir

Au sein de Rose.

Au sein de Rose Tu pourras trouver un rival ; Ne joute pas , bouton de rose, Car, en beauté , rien n'est égal

Au sein de Rose.

Bouton de rose, Adieu , Rose vient, je la voi : S'il est une métempsycose , Grands dieux, par pitié, rendez-moi

Bouton de rose !

La princesse Constance de Salm , Musique de Pradiier.

POPULAIRES,. 97

L'Orage.

On aurait de la peine à croire que cette romance, plus que naïve, soit due à la plume qui a tracé le Philinte de Molière, que cette idylle de moutons ait été faite par le loup révolutionnaire , Fabre d'Eglantine. Il y a dans le cœur de l'homme des cordes sensibles qui résonnent malgré lui. Le terroriste Jo- seph Lebon élevait des oiseaux. Le fou- gueux Camille Desmoulins adorait 6a femme et ses enfants. Les tigres aussi aiment leurs femelles et leurs petits, et se roulent avec plaisir sur les fleurs. Le fanatisme politique, comme le fana- tisme religieux , étoufre. les sentiments, qui se révèlent par un instinct auquel i'homme ne peut résister. Fabre d'E- glantine fut , à trente-neuf ans , la vic- time de ses anciens complices. L'auteur de V Orage fut enveloppé dans l'orage

7

98 CHANSONS

révolutionnaire. L'air délicieux d'un mu- sicien inconnu, nommé Simon , prouve ce que disait Grétry, qu'il n'y a pas un mauvais musicien qui ne fasse un air agréable une fois en sa vie.

Il pleut, il pleut, bergère .- Presse tes blancs moutons ; Allons sous ma chaumière , Bergère, vite, allons; J'entends sur le feuillage L'eau qui tombe à grand bruit; Voici , voici l'orage ; Voilà l'éclair qui luit.

Entends-tu le tonnerre? Il roule en approchant; Prends un abri , bergère , A ma droite , en marchant.

Je vois notre cabane

Et , tiens , voici venir

Ma mère et ma sœur Anne ,

Qui vont l'étable ouvrir.

Bonsoir, bonsoir, ma mère ; Ma sœur Anne , bon soir; J'amène ma bergère Près de vous pour ce soir. Va te sécher, ma mie , Auprès de nos tisons ;

POPULAIRES. 99

Sœur, fais-lui compagnie. Entrez, petits moutons.

Soignons bien , ô ma mère , Son tant joli troupeau; Donnez plus de litière A son petit agneau. C'est fait. Allons près d'elle. Eh Lien I donc, te voilà? En corset qu'elle est belle! Ma mère , voyez-la.

Soupons ; prends ceue chaise , Tu seras près de moi ; Ce flambeau de mélèse Brûlera devant toi ; Goûte de ce laitage. Mais tu ne manges pas ? Tu te sens de Forage , ,

Il a lassé tes pas.

Eh bien : voilà ta couche , Dors-y jusques au jour ; Laisse-moi sur ta bouche Prendre un baiser d'amour. Ne rougis pas , bergère , Ma mère et moi , demain , Nous irons chez ton père Lui demander ta main.

Pabf.e d'Églantinf.. Musique dt

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Plaisir dainour.

Plaisir d'amour ne dure qu'un moment : Chagrin d'amour dure toute la vie. J'ai tout quitté pour l'ingrate Sylvie : Elle me fuit et prend un autre amant. Plaisir d'amour ne dure qu'un moment : Chagrin d'amour dure toute la vie.

Tant que cette eau coulera lentement Vers le ruisseau qui borde la prairie, Je t'aimerai, me répétait Sylvie. L'eau coule encor : elle a changé pourtant. Plaisir d'amour ne dure qu'un moment : Chagrin d'amour dure toute la vie.

Charmante Gabriellt,

On a attribué cette romance , ainsi que la suivante , à Henri IV, mais il est probable que le bon roi ne faisait pas lui-même ses vers, et on assure oue Jean Bertaut lui prêtait sa plume.

POPULAIRES. 101

U aima la poésie , et plusieurs poètes se ressentirent de ses bienfaits ; toute- fois il fut trop occupé de ses guerres , de sa politique et de ses amours , pour avoir été un grand protecteur des lettres. Grétry, dans ses Essais sur la Mu sique , avait répété , d'après de fausse traditions, que l'air de cette chan soi était de Henri IV : il est du père Du- caurroy, maître de chapelle de Char les IX , qui l'avait composé pour un noè'l , et les paroles profanes nous l'ont

Charmante Gabrielle , Percé de mille dards, Quand la gloire m'appelle A la suite de Mars , Cruelle départie !

Malheureux jour! Que ne suis-je sans vie

Ou sans amour !

L'amour, sans nulle peine, M'a , par vos doux regards , Comme un grand capitaine Mis sous ses étendards.

102 CHANS03S

Cruelle départie I Malheureux jour !

Que ne suis-je sans vie Ou sans amour!

Si votre nom célèbre Sur mes drapeaux brillait, Jusqu'au delà de l'Êbre L'Espagne me craindrait. Cruelle départie !

Malheureux jour! Que ne suis-je sans vie

Ou sans amour!

Je n'ai pu , dans la guerre Qu'un royaume gagner ; Mais sur toute la terre Vos yeux doivent régner. Cruelle départies

Malheureux jour! Que ne suis-je sans vie

Ou sans amour !

Partagez ma couronne , Le prix de ma valeur ; Je la tiens de Bellone : Tenez-la de mon cœur. Cruelle départie!

Malheureux jour ! C'est trop peu d'une vie

Pour tant d'amour.

POPULAIRES. 103

Bel astre que je quilte, Ah! cruel souvenir! Ma douleur s'en irrite : Vous revoir ou mourir. Cruelle départie !

Malheureux jour! C'est trop peu d'une vie

Pour tant d'amour.

Je veux que mes trompettes , Mes fifres , les échos, A tous moments répèteut Ces doux et tristes mots : Cruelle départie !

Malheureux jour! C'est trop peu d'une vie

Pour tant d'amour.

Invocation à l'Amour.

Viens , aurore , Je t'implore , Je suis gai quand je te voi. La bergère Qui m'est chère , Est vermeille comme toi. *

104 CHANSONS

D'ambroisie

Bien choisie , Hébé la nourrit à part ;

Et sa bouche ,

Quand j'y touche, Me parfume de nectar.

Elle est blonde,

Sans seconde , Elle a la taille à la main.

Sa prunelle

Étincelle Comme l'astre du matin.

Pour entendre Sa voix tendre, On déserte le hameau-, Et Tityre , Qui soupire , Fait taire son chalumeau.

Les trois grâces ,

Sur ses traces Font naître un essaim d'amours.

La sagesse.

La justesse Accompagnent ses discours.

Attribuée à Henri IV.

POTULAIRES. 105

Les Souvenirs.

Nous sommes heureux de pouvoir placer un des noms les plus illustres de notre littérature et de notre histoire contemporaine parmi ceux qui figurent dans ce recueil. Si le génie a dicté de3 pages brillantes à l'auteur des Martyrs et au chantre du christianisme, c'est son cœur qui a laissé tomber cette tou- chante élégie des Souvenirs comme une jolie fleur qui s'échappe d'une couronne d'immortelles. Grâce, pureté, sentiment, tout se trouve dans ce petit poè'me. C'est te voix émue de l'exilé qui soupire et se confond avec le souffle des vents, auxquels il demande un peu de l'air de son pays natal. Une mélodie des mon- tagnes, simple et douce, ajoute du charme aux paroles , qui pourraient se

106 CHANSONS

dire sans être chantées , tant leur ex- pression est poétique et harmonieuse.

Combien j'ai douce souvenance

Du joli lieu de ma naissance !

Ma sœur, qu'ils étaient beaux les jours

De France! 0 mon pays , sois mes amours

Toujours !

Te souvient-il que notre mère Au foyer de notre chaumière , Nous pressait sur son cœur joyeux ,

Ma chère ? Et nous baisions ses blancs cheveux

Tous deux !

Ma sœur, te souvient-il encore Du château que baignait la Dore , Et de cette tant vieille tour

Du Maure , l'airain sonnait le retour

Du jour?

Te souvient-il du lac tranquille Qu'effleurait l'hirondelle agile ; Du vent qui courbait le roseau

Mobile , Et du soleil couchant sur l'eau ,

Si beau ?

POPULAIRES. 10

Te souvient-il de cette amie Tendre compagne de ma vie ? Dans les bois , en cueillant la fleur

Jolie, Hélène appuyait sur mon coeur

Son cœur.

Oh ! qui me rendra mon Hélène , Et ma montagne et le grand chêne Leur souvenir fait tous les jours

Ma peine : Mon pays sera mes amours

Toujours !

de Chateaubriand

Dormez, chères amours.

Reposons-nous ici tous deux ; Goûtons le charme de ces lieux ; Qu'un doux sommeil ferme vos yeux Que le bruit de l'onde se mêle Aux doux accents de Philomèle. Dormez, dormez, chères amours Pour vous je veillerai toujours.

bis.

Au sein de ces vastes forêts , Si l'ombre de ces bois épais

Us.

108 CHANSONS

De votre cœur trouble la paix, Chassez une crainte funeste : Auprès de vous votre ami reste. Dormez, dormez, chères amours, Pour vous je veillerai toujours.

Vos yeux se ferment doucement; Je vais chanter plus lentement •. Heureuse d'un songe charmant , Puissiez-vous être ramenée Aux doux instants de la journée! Dormez, dormez, chères amours, 1 . , Pour vous je veillerai toujours. )

Paroles et musique d'AuÊvÊx de Beacplan.

L'Hospitalière.

Sœur Luce , jeune hospitalière , Aux bienfaits consacrant ses jours, Près du théâtre de la guerre Aux blessés portait des secours. Un soir, près de l'hospice arrive Jeune soldat ensanglanté Qui disait , d'une voix plaintive : « Donnez-moi l'hospitalité ! »

POPULAIRES. 109

L'hospitalière , douce et bonne , Etanche le sang du soldat. Le secours qu'une femme donne Est toujours tendre et délicat. Elle se charge de la cure ; Mais tandis que la jeune sœur Cherche à guérir une blessure, 11 s'en fait une dans son cœur.

Le beau soldat qu'amour enflamme Se trouve bien dans la maison ; Il voudrait de toute son âme Voir retarder sa guérison. Mais il part , regarde en arrière , Et dit en pleurant a demi : « Adieu, charmante hospitalière, M'as fait plus mal que l'ennemi. »

Après la guerre , il s'achemine Pour retourner dans ses foyers ; Il rencontre Luce chagrine, Qu'entrainaient de méchants guerrier;. Il fait briller son cimeterre . La sauve, et lui dit , traniporté : « A ton tour, belle hospitalière , Accepte l'hospitalité. »

Paroles et musique de dc Mersa.x.

110

Ii© Retour de Pierre.

Pour aller venger la patrie, Jeune encor j'ai quitté ies champs ; Au silence de la prairie A succédé le bruit des camps. Plus d'une fois, pendant la guerre , Songeant au bonheur du hameau , Je regrettais mon vieux père, Ma chaumière et mon troupeau.

Du serment de servir la France Vingt blessures m'ont dégagé ; Mais j'emporte pour récompense La croix du brave et mon congé. Loin du tumulte de la guerre, Je vivrai paisible au hameau; Je reverrai mon vieux père , Ma chaumière et mon troupeau.

Braves soldats , mes frères d'armes , Dont j'ai toujours suivi les pas , Dans vos succès , dans vos alarmes, Compagnons, ne m'oubliez pas. Recevez les adieux de Pierre : Demain il retourne au hameau ,

POPULAIRES. 111

Revoir encor son vieux père , Sa chaumière et son troupeau.

Si vers les rives de la France L'étranger marchait en vainqueur, Le noble élan de la vaillance Soudain ferait battre mon cœur. Avec ardeur on verrait Pierre, Pour chercher au loin son drapeau , Quitter encor 6on vieux père, Sa chaumière et son troupeau

Souvenirs du bon vieux temps.

Giroflée, au printemps, Viens orner la tourelle , Et que ta fleur nouvelle Rappelle le vieux temps.

Que j'aime à voir la giroflée

Sur de vieux murs croître et fleurir ;

L'aspect de sa tige isolée

Du passé me fait souvenir.

Vieux palais, dont les voûtes sombre

S'embellissaient de marbre et d'or.

Vous n'êtes plus que des décombres

Oh la nature règne encor.

Giroflée , au printemps , etc.

:i2 CHANSONS

Ici d'un lit était la place : La châtelaine y reposait; du mot j'aime on voit la trace : Sans doute un page le disait. Aujourd'hui ton épais feuillage De la fauvette est le séjour, Et je devine à son ramage Qu'on y fait encore l'amour.

Giroflée } au printemps , etc.

L'amour se changeait donc en haine Lorsqu'il n'était point écouté? Oui : cet anneau vient de la chaîne dut gémir mainte heauté. La jeune Isaure y vit ses charmes De baisers flétris et couverts ; Étais-tu quand de ses larmes La pauvre enfant mouillait ses fers ?

Giroflée , au printemps , etc.

bas s'élève encor l'enceinte le baron tenait sa cour. De ce lieu pour la Terre-Sainte , En armes il partit un jour. Mais aux fureurs de l'infidèle Le Dieu vengeur l'abandonna : Oh ! qu'il maudit , loin de sa belle , Le nom de preux qu'on lui donna !

POPULAIRES. 113

Giroflée . au printemps Viens orner la tourelle, Et que ta fleur nouvelle Rappelle le vieux temps.

Salgat. Musique de Foucy.

Voyage «le 1" Amour et du Temps.

A voyager passant sa vie ,

Certain vieillard nommé le Temps .

Près d'un fleuve arrive et s'écrie .-

« Ayez pitié de mes vieux ans.

Eh quoi ! sur ces bords on m'oublie ,

Moi qui compte tous les instants !

Mes bons amis, je vous supplie,

Venez , venez passer le Temps. » bis

De l'autre côté, sur la plage, Plus d'une fille regardait , Voulant aidera son passage, Sur un bateau qu'Amour guidait. Mais une d'elles , bien plus sage , Leur répétait ces mots prudents : « Bien souvent on a fait naufrage , En cherchant à passer le Temps. » bis

L'Amour gaîment pousse au rivage , Il aborde tout près du Temps :

114 CHANSONS

Il lui propose le voyage ,

L'embarque et s'abandonne aux vent».

Agitant ses rames légères ,

Il dit et redit dans ses chants ;

v Vous voyez bien, jeunes bergères,

Que l'Amour fait passer le Temps. » bis,

Mais tout à coup l'Amour se lasse :

Ce fut toujours son défaut.

Le Temps prend la rame à sa place,

Et lui dit : « Quoi! céder sitôt!

Pauvre enfant, quelle est ta faiblesse?

Tu dors , et je chante à mon tour

Ce vieux refrain de la sagesse :

Ah ! le Temps fait passer l'Amour. » bis.

DE SÉGUR.

1/Aveugle et son Chien.

Non loin d'une antique chapelle , Un pauvre aveugle était assis; Près de lui faisait sentinelle Un chien , le meilleur des amis. Damon passe : son char rapide Écrase l'appui du malheur. Le vieillard, au cri de son guide , Exhale en ces mots sa douleur : bis.

POPULAIRES. 115

« Si de mon front sexagénaire

Les rides causaient tes dédains ,

Si les lambeaux de la misère

Blessaient tes regards inhumains ,

De mon existence pénible

Tu pouvais trancher le lien ;

Mais dis-moi, jeune homme insensible,

Dis-moi que t'avait fait mon chien ? bis.

« 11 veillait sur moi dès l'aurore,

Présentant sa coupe aux bienfaits;

La nuit Médor veillait encore

Le réduit je reposais.

Mon chien était, dans ma détresse,

Mon seul ami , mon seul soutien :

Ou puis-je traîner ma vieillesse,

Jeune homme?., regarde mon chien, bis.

« Comme toi je fus jeune et riche , Je montais un coursier fougueux; Mais dans ie rang que l'or affiche, Je respectais le malheureux. Quand un vieillard sur la poussière , De moi réclamait quelque bien , Mon cœur soulageait sa misère, Et ma main caressait son chien, bis.

« Si quelque jour le sort contraire Te réduisait a mendier,

116 CHANSONS

Si le passant à ta prière

Refusait un simple denier,

Ah! puisse-tu, dans tes alarmes.

Avoir un Médor pour soutien .

Et, repentant, verser des larmes

De m'avoir privé de mon chien. » Ht

JiÉvY Alvarez

«Joralie.

A dix-sept ans, la pauvre Coralie Disait tout bas à chaque instant du jour « Oui, c'en est fait, oui je fuirai l'amour, j Fuit-on l'amour quand on est si jolie?

Hylas parut , la bergère attendrie , En le voyant éprouva du plaisir ; Elle rougit, mais sans y réfléchir. Réfléchit-on quand on est si jolie?

Hylas lui dit : « Oh ! ma tant douce amie Daigneras-tu m'accorder un baiser ? » Elle n'eut pas le cœur de refuser. Refuse-t-on quand on est si jolie?

Un certain soir, sur la verte prairie, Elle combla tous les désirs d'Hylas ;

POPULAIRES. HT

À l'inconstance elle ne pensait pas. Y pense-t-on quand on est si jolie ?

Bientôt Hylas la quitte pour Sylvie; Lors, mes amis , j'ai vu la pauvre enfant Donner des pleurs à son volage amant, pleurer quand on est si jolie ?

Depuis ce jour, sa figure flétrie Perdit, hélas! moitié de ses attraits ; Elle souffrit sans se plaindre jamais. Doit-on souffrir quand on est si jolie ?

A dix-huit ans elle perdit la vie. Sur son tombeau les villageois en pleurs Répétaient tous , en le couvrant de fleurs : « Doit-on mourir quand on est si jolie? »

I/Espérance.

Quand de la nuit l'épais nuage Couvrait mes yeux de son bandeau , Tu me montrais après l'orage L'éclat prochain d'un jour nouveau; Tu me disais : « A la souffrance Le dernier bien qu'on doit ravir.

118 CHANSONS

C'est l'espérance En l'avenir. Sans espérance, Mieux vaut mourir.

Grâce à tes soins, quand ma paupière En se rouvrant a pu te voir, J'ai condamné ta vie entière A la douleur, au désespoir; Et cependant à la souffrance Le dernier bien qu'on doit ravir, C'est l'espérance , etc.

Va, ne crains pas : l'ingratitude Ne saurait désunir nos cœurs , Et calme cette inquiétude Qui te fait verser tant de pleurs; Car, tu le sais , à la souffrance Le dernier bien qu'on doit ravir,

C'est l'espérance

En l'avenir.

Sans espérance,

Mieux vaut mourir.

St Georges. Musique de Hàlévy

La Tyrolienne.

Montagnard ou berger, Votre sort peut changer : Comme moi , dans la garde Il faut vous engager. Quel état fortuné Vous sera destiné ! Vous aurez la cocarde Et l'habit galonné.

Non , vraiment ; m'engager ? Je crains trop le danger ;

Mieux vaut encor vivre et rester berger.

Dans mon hameau restons sans cesse Son aspect fait battre mon cœur .-

C'est qu'est ma maîtresse .

C'est qu'est le bonheur.

Dans les champs de l'honneur Brillera ta valeur ;

pour que l'on parvienne, Il ne faut que du cœur , On obtient le chevron , Et de simple dragon On devient capitaine Au doux son du canon.

120 CHANSONS

J'aime peu le fracas. Le canon peut , hélas ! Me prendre en traître : adieu jambes et bras.

Dans mon hameau restons sans cesse, etc.

Un soldat franc luron, Sans regrets , sans façon , Est toujours sûr de plaire Dans chaque garnison. De séjour en séjour

Et d'amour en amour, Toujours un militaire Est payé de retour.

Dès qu'il part dans les camps , Gare les accidents!

On prend la plaç' des malheureux absens.

Dans mon hameau restons sans cesse ; C'est bien plus sûr et moins trompeur.

C'est qu'est ma maîtresse,

C'est qu'est le bonheur.

Musique (I'Auber

POPULAIRES 121

JLa Fiancée d'AppenzeZ.

Venez , ô mes compagnes , Venez : voici mon plus beau jour : Venez sur nos montagnes, Venez chanter l'amour. La ou , la ou , la la.

Enfin mon coeur d'ivresse Va palpiter sans cesse : L'objet de ma tendresse M'assure de sa foi. C'est bien le moins volage Des bergers du village. H m'aime sans partage ; Il n'aimera que moi.

Venez, ô mes compagn-

Demain ma tendre mère, En quittant sa chaumière, M'offrira la première Mille cadeaux charmants. Demain dans la prairie , Sur l'herbette fleurie Bachelette jolie Envira mes rubans.

Venez , 0 mes compagnes , etc.

S 22 CHANSONS

Adieu, riant bocage, Discret et frais ombrage , sous le vert feuillage J'allais rêver le soir. Adieu , belle nature , Ruisseaux au doux murmure ; Adieu bois et verdure , Je reviendrai vous voir.

Venez , ô mes compagnes , Venez : voici mon plus beau jcur Venez sur nos montagnes , Venez chanter l'amour. La ou, la ou, la, la.

(lieux d'un Troubadour sur les bords du Tage.

Fleuve du Tage , Je fuis tes bords heureux ;

A ton rivage J'adresse mes adieux. Rochers , bois de la rive , Écho, nymphe plaintive,

Adieu, je vais Vous quitter pour jamais.

POPULAIRES. 123

Grotte jolie le temps fortuné ,

Près de Marie , A si vite passé , Ton réduit solitaire , Asile du mystère,

Fut pour mon cœur Le séjour du bonheur.

Jour de tendresse Comme un beau songe a fui ;

Jours de tristesse , De chagrin et d'ennui , Loin de ma douce amie, Désormais de ma vie

Vont pour toujours , Hélas ! flétrir le cours.

Terre chérie Oh j'ai reçu le jour,

Comme Marie, Objet de mon amour ; Rochers , bois de la rive, Écho, nymphe plaintive.

Adieu, je vais Vous quitter pour jamais.

Joseph de Meus.

124

^e Tambourin du vallon.

Adieu , vieux amis de la gloire , Courageux et nobles guerriers ; Adieu, trop flatteuse Victoire, Je ne veux plus de tes lauriers. bis.

Au son bruyant de la trompette ,

Au bruit terrible du canon ,

Je préfère tendre musette

Et le tambourin du vallon. bis.

Je vais habiter la chaumière je passai de si beaux jours , Je vais consoler mon vieux père , Revoir l'objet de mes amours. l,is.

Au son bruyant de la trompette ,

Au bruit terrible du canon ,

Je préfère tendre musette,

Et le tambourin du vallon. bis.

Salut ! beau pays de la France , Salut! séjour délicieux ; Témoins de ma plus tendre enfance , Je vous revois : je suis heureux, bis.

POPULAIRES. 12a

Au son bruyant de la trompette ,

Au bruit terrible du canon ,

Je préfère tendre musette

Et le tambourin du vallon. bis.

Il est minait.

Dest minuit:

zéphyr parcourant le bocage. Cherche les roses qu'il chérit ; L'amant discret qu'amour conduit A la beauté va rendre homma§

II est minuit.

I! est n.inuit : Ta dors en paii , mon adorable amie ; Mais pour moi le repos s'enfuit ; L'amour constant qui m'asservit Cause ma douce rêverie :

Il est minuit. quater.

Il est minuit : Songe enchanteur, viens fermer la paupière Du tendre amant, qu'amour poursuit. Quand le jour vient , il le détruit : Adieu bonheur et sa chimère.

Il est minuit. quater.

12G

Pauvre «Jacques,

ROMANCE.

Peu de romances ont eu une plus grande vogue que celle de Pauvre Jac- ques , qui prit naissance à la cour et ne tarda pas à courir la ville.

Ce fut vers 1776 que l'on replanta les jardins du Petit-Trianon, qui devint le séjour favori de la reine Marie- An- toinette ; cette époque était celle de la mode des jardins anglais. Au milieu de celui de Trianon, on avait construit un hameau et réservé un endroit pitto- resque que l'on appelait la Petite Suisse. On y mit un chalet, une laiterie, et pour animer le paysage, on fit venir de la Suisse des vaches et une jolie laitière. Bientôt la jeune Suissesse fut atteinte d'une mélancolie qui menaça ses jours; on découvrit qu'elle regrettait son pays et son fiancé. Le nom de son amant

POPULAIRES. 127

s'échappait de sa bouche avec des sou- pirs ; elle se persuadait qu'il était mal- heureux loin d'elle , comme elle était malheureuse loin de lui, et on la voyait pleurer en disant : Pauvre Jacques I La marquise de Travanet composa alors la romance naïve qu'elle embellit d'un air délicieux , inspiration digne de Grétry. La reine fit venir Jacques , maria et dota les deux amants.

L'air touchant de Pauvre Jacques a servi , lors de la révolution , à déplorer des infortunes royales , et Marie- Antoi- nette a pu entendre au Temple s'exhaler pour elle les mélodies plaintives qu'elle avait chantées pour la gentille laitière dans les bosquets du Petit-Trianon.

Pauvre Jacques, quand j'étais près de toi,

Je ne sentais pas ma misère ; Mais à présent que tu vis loin de moi,

Je manque de tout sur la terre. bis.

Quand tu venais partager mes travaux,

Je trouvais ma tache légère. T'en souvient-il ? tous les jours étaient beaux.

Qui me rendra ce temps prospère ? bis.

128

Quand le soleil brille sur nos guérets, Je ne puis souffrir sa lumière :

Et quand je suis à l'ombre des forêts, J'accuse la nature entière. bis.

i Pauvre Jacques, quand j'étais près de toi .

Je ne sentais pas ma misère ; Mais à présent que tu vis loin de moi ,

Je manque de tout sur la terre. bit,

Paroles et musique de la marquise de Travanet.

Il est trop tard.

KOMAN-CE.

'.e tendre Coupigny soupire une romance,

a dit le satirique Despazes , en parlant de ce poëte dont la modestie s'offensait qu'on lui accordât le sceptre de la ro- mance. Il faut convenir cependant que Coupigny a été très-supérieur dans ce

POPULAIRES. 12d

genre , qui demande la réunion de la simplicité, de la grâce et de l'esprit, et c'est ce que l'on trouve dans son recueil imprimé en 1813. Un second volume été publié après sa mort, en 1835. avc- une notice intéressante sur l'auteur qui fait connaître son caractère original dont nous citerons un trait. Coupigny, invité par un duc de la cour impériale, s'aperçut qu'à table on le mystifiait ouvertement; il en témoigna son hu- meur, et le duc eut le mauvais goût d<j lui dire, en citant Figaro : « Souffre la vérité , faquin , puisque tu n'a pas le moyen de payer un flatteur. » Coupi- gny répondit sans se troubler : « J'avais pensé à vous , monsieur le duc , mais vous êtes trop cher. »

Coupigny a fait sa part de quelques vaudevilles; mais il disait, comme La Fontaine :

Les loDgs ouvrages me font peur.

11 n'en a fait que peu et trèa-eoorts , aussi Le Ifontey disait de sa romance

i30 CHANSONS

Il est trop tard pour qu'amour nous en- gage : « C'est Y Iliade de Coupigny ! »

Il est trop tard pour qu'amour nous engage, Quand des beaux ans pâlit déjà la fleur. Écoute , Églé , cet avis doux et sage , Et n'attends pas, pour songer au bonheur, Qu'il soit trop tard.

De mille attraits brillante à ton aurore, Au tendre amour ouvre ton jeune cœur. Tu le voudrais, et tu n'oses encore; Crains son courroux s'il devient ton vainqueui Un peu plus tard.

Retiens ceci .- Pour gentille fillette , Il n'est , Églé , qu'une heureuse saison ; Quand est passé joli temps d'amourette, A ses soupirs l'enfant malin répond : 11 est trop tard.

Las des rigueurs d'une beauté rebelle , Lorsque l'amour commence à s'envoler, C'est pour jamais qu'il fuit à tire d'aile ; On le regrette, on veut le rappeler s 11 est trop tard !

Paroles de Coupigny, ?v.usique de

FlANTADE.

POPULAIRES. 131

L'Ermite de Sainte Areïle.

ROMANCE.

Aux rochers de Sainte-Aveile, La reine Berthe, autrefois, Fit bâtir une chapelle

e-Dame des Bois. Ce fut dans ce lieu sauvage Qu'un jour, lisant son missel, L'ermite du voisinage Reçut un beau damuisel.

Bien que le vieillard , d'avance, Cherchât aie rassurer, L'étranger, en sa présence, Soudain se prit à pleurer. « Mon fils, dit le solitaire, Pariez, d'où naissent vos pleurs? Hélas ! je n'ose , mon père , Vous avouer mes douleurs.

Pour avoir de noble dame Obtenu simple baiser, Je vais brûlant d'une flamme Que rien ne peut apaiser.

132 CHANSONS

Oh ! dites-moi , je vous prie, Par quel charme si fatal , Le doux baiser d'une amie Est cause de tant de mal.

Si je dors, un trouble extrême Précipite mon réveil ; Et je ne peux , la nuit même, Reposer dans mon sommeil. Tout vient irriter ma peine, Tout m'offre le souvenir De la belle châtelaine Dont les baisers font mourir.

Mais le sire de Contade La tient sous sa dure loi , Et j'apprends qu'à la croisade Il me faut suivre le roi. Je viens donc ici , mon père, Vous demander instamment Ou croix bénite ou rosaire Pour apaiser mon tourment.

Mon fils , répondit l'ermite . De Notre-Dame des Bois Le pouvoir est sans limite , Et le ciel s'ouvre à sa voix ; Mais, hélas! sur cette terre, Oh l'homme ne vit qu'un jour,

FOPtLAlF.ES. 133

Il n'est ni croix ni rosaire Qui guérisse de l'amour.

Paroles de M. S. E. Gép.us

Le Juif errant.

Il est probable que la légende fabu- leuse du Juif errant est une allégorie de la dispersion des Juifs, inventée dans les temps d'ignorance et de superstition ce peuple était proscrit par toute la terre.

La tradition du Juif errant a com- mencé à s'accréditer vers le commence- ment du XIIIe siècle. Matthieu Paris, chroniqueur anglais qui vivait en 1228, en a parlé comme d'un personnage qui avait été vu par un archevêque de la Grande Arménie. Cet homme, nommé, selon lui, Carthophilus, était portier du prétoire : il frappa Jésus dans le dos , et lui dit : Marche, Jésus; pourquoi t'ar-

134 CHANSONS

rêtes-ta ? Jésus , se retournant , lui dit : Je vais, et toi, tu attendras ma seconde venue. Depuis, cet homme fut baptisé et appelé Joseph, par Ananias, qui avait baptisé l'apôtre saint Paul. Cependant il marche continuellement , et tous les cent ans il renaît et revient à l'âge qu'il avait à l'époque de la Passion. D'autres traditions le nomment Michab- Âder, et la Rapsodie lyrique du poëte allemand Schubark le nomme Âhasver.

On prétendit l'avoir vu à Hambourg en 1542, en France en 1604, à Bruxelles en 1774. C'est à cette date qu'on rap- porte la complainte et le portrait pré- tendu véritable qui l'accompagne.

Dans cette complainte aussi naïve que pauvrement rimée , comme dans une autre de 1609 , le Juif errant dit qu'il était cordonnier et qu'il s'appelle haac Laquedem. Une lettre de l'Espion turc, de 1644, raconte le passage du Juif errant à Paris. Ce personnage a été employé dans le roman du Moine, par Lewis. M. Ed. Quinet a composé sur

POPULAIRES. 135

lui un livre intitulé Ahasvérus. Enfin , tout le monde connaît le roman de M. Eugène Sue, dont le Juif errant n'est que le prétexte.

Air de chasse.

Est-il rien sur la terre Qui soit plus surprenant Que la grande misère Du pauvre Juif errant ?

Que son sort malheureux Parait triste et fâcheux !

Des bourgeois de la ville De Bruxelle en Brabant, D'une façon civile L'accostent en passant. Jamais ils n'avaient vu l'n homme si barbu.

Son habit, tout difforme Et très-mal arrangé , Fit croire que cet homme Était fort étranger, Portant, comme ouvrier, D . vantlui un tablier.

On lui dit : « Bonjour, maître De grâce accordez-nous

136 CHANSONS

La satisfaction d'être Un moment avec vous. Ne nous refusez pas, Tardez un peu vos pas.

Messieurs, je vous proteste Que j*ai bien du malheur; Jamais je ne m'arrête,

Ni ici , ni ailleurs ;

Par beau ou mauvais temps,

Je marche incessamment.

Entrez dans cette auberge» Vénérable vieillard ;

D'un pot de bière fraîche Vous prendrez votre part. Nous vous régalerons Le mieux que nous pourrons.

J'accepterai de boire Deux coups avecque vous , Mais je ne puis m'asseoir; Je dois rester debout.

Je suis, en vérité, Confus de vos bontés.

De connaître votre âge Nous serions curieux :

A voir votre visage

Vous paraissez fort vieux ;

POPlLAir.ES. 137

Vous avez bien cent ans: Vous montrez bien aatast.

La vieillesse me gêne; J'ai bien dix-huit cents ans. Chose sûre et certaine,

Je passe encor douze ans ; J'avais douze ans passés Quand Jésus-Christ est né.

N'ètes-vous point cet homme De qui l'on parle tant,

Que l'Écriture nomme Isaac , Juif errant ? De grâce , dites-nous Si c'est sûrement vous.

Isaac Laquedem Pour nom me fut donné ; à Jérusalem ,

Ville bien renommée:

Oui c'est moi , mes enfants,

Qui suis le Juif errant.

Juste ciel ! que ma ronde Est pénible pour moi! Je fais le tour du monde Pour la cinquième fois. Chacun meurt à son tour, Et moi je vis toujours :

138 CHANSONS

Je traverse les mers, Les rivières , les ruisseaux , Les forêts , les déserts , Les montagnes, les coteaux; Les plaines, les vallons, Tous chemins me sont bons.

J'ai vu dedans l'Europe, Ainsi que dans l'Asie, Des batailles et des chocs Qui coûtaient bien des vies .• Je les ai traversés Sans y être blessé.

J'ai vu dans l'Amérique ,

C'est une vérité,

Ainsi que dans l'Afrique,

Grande mortalité :

La mort ne me peut rien ,

Je m'en aperçois bien.

Je n'ai point de ressource

En maison ni en bien ;

J'ai cinq sous dans ma bourse :

Voilà tout mon moyen.

En tous lieux , en tout temps ,

J'en ai toujours autant.

Nous pensions comme un songe Le récit de vos maux ;

POPULAIRES. 133

Nous traitions de mensonge Tous vos plus grands travaux ; Aujourd'hui nous voyons Que nous nous méprenions.

Vous étiez donc coupable De quelque grand péché , Pour que Dieu tout aimable Vous eût tant affligé ? Dites-nous l'occasion De cette punition.

C'est ma cruelle audace Qui causa ne mcmalheur; Si mon crime s'efface , J'aurai bien du bonheur. J'ai traité mon Sauveur Avec trop de rigueur.

Sur le mont du Calvaire, Jésus portait sa croix ; Il me dit débonnaire , Passant devant chez moi : « Veux-tu bien , mon ami , « Que je repose ici ? »

Moi , brutal et rebelle , Je lui dis sans raison : « Ote-toi, criminel, « De devant ma maison :

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« Avance et marche donc, « Car tu me fais affront. »

Jésus , la bonté :

Me dit en soupirant :

« Tu marcheras toi-même

« Pendant plus de mille ans;

« Le dernier jugement

« Finira ton tourment. »

De chez moi , à l'heure même, Je sortis bien chagrin ; Avec douleur ext~ e, Je me mis en chemin. Dès ce jour-là je suis En marche jour et nuit.

Messieurs , le temps me presse , Adieu la compagnie; Grâce à vos politesses , Je vous en remercie ; Je suis trop tourmenté Quand je suis arrêté. »

POPULAIRES. 141

Histoire de Dauion et d'Henriette.

Henriette était fille D'un baron de renom; Dune ancienne famille Était le beau Damon ; Il était fait au tour, Elle était jeune et belle , Et du parfait amour Ils étaient le modèle.

Damon, plein de tendresse, Un dimanche matin, Ayant ouï la messe D'un père capucin , S'en fut chez le baron , D'un air civil et tendre : « Je m'appelle Damon ; Acceptez-moi pour gendre.

Mon beau galant, ma fille N'est nullement pour vous ; Car, derrière une grille, Dieu sera son époux. J'ai des meubles de prix , De l'or en abondance,

142 CHASSONS

Ce sera pour mon fils, J'en donne l'assurance.

Ah î gardez vos richesses. Monsieur, et votre bien ; Je vous fais la promesse De n'y prétendre rien. Comme vous j'ai de l'or , Tout ce que je souhaite , Et de tous vos trésors , Je ne veux qu'Henriette. »

Ce vieillard malhonnête I S'en fut, sur ce propos , En secouant la tète Et lui tournant le dos ; Comme un père inhumain , Traîna la nuit suivante Dans un couvent, bien loin La victime innocente.

Hélas ! quel triste orage Pour ces tendres amants ; Que ce cruel partage Leur cause de tourments» Damon a beau chercher Sa charmante Henriette, Mais il ne peut trouver Le lieu de sa retraite.

P0PCLAIRE5. S 43

L'abbesse prend à tâche

De lui tourner l'esprit;

Lui parlant sans relâche

Et de règle et d'habit :

« Prends le voile au plus I '

Orne-s-en do^c ta tête ,

Et les anges d'en haut

En chanteront la fête. %

Ah ! madame l'abbesse , Ramassez tos bandeaux ; Je ne puis par fait. Tomber dans tos panneaux. Pour un sort plus heureux Le dieu d'amour m'appelle ; Damon a tous mes vœux , Je lui serai fidèle. «

On envoie d'Allemagne Une lettre au baron , Lui mandant que Guillaume Vient de perdre son nom Dans un sanglant combat , Montrant son grand courage Mais un seul coup dompta Ce guerrier redoutable.

En lisant cette lettre, Poussait mille soupir?,

1*4 CHANSONS

Pleurant avec tendresse La mort de son cher fils. « J'avais , dit-il , gardé Pour toi bien des richesses , Mai3 le ciel a vengé Le malheur d'Henriette. »

Le lendemain à la grille Henriecte il fut voir, Lui dit : « Ma pauvre fille , Je meurs de désespoir. Le ciel me punit bien De mon trop de rudesse; Mais tu n'y perdras rien , Je te rends ma tendresse.

Qu'avez- vous donc, cher père. Qui vous chagrine tant?

Ma fille , ton pauvre frère Est mort en combattant,

En défendant le roi , Au pays d'Allemagne , Et je n'ai plus que toi Pour être ma compagne.

Or, en ce moment même , Ah ! mon père, arrêtez ! Celui que mon cœur aime, Vous me le donnerez ?

POPULAIRES. 14$

=- Depuis longtemps , M Ma fille , en Italie , Oa dit qu'à Castella Il a perdu la vie.

Cruelle destinée ! Quoi ! mon amant est mort! Sa vie est terminée, Et moi je vis encorl Destin trop rigoureux , Et vous , père barbare , Votre insensible cœur A jamais nous sépare.

Adieu donc, mon aimable Je ne te verrai plus ! Ton souvenir m'accable. Tes soins sont superflus. Adieu , cher tourtereau, Ta chère tourterelle Au delà du tombeau , Oui , te sera fidèle.

Ah ! madame ï'abbesse . Donnez-moi un habit; Un saint désir me presse D'être de vos brebis. Coupez mes blonds cheveux , Dont j'eus un soin extrême:

146 CHANSONS

Arrachez-en les nœuds : J'ai perdu ce que j'aime.

Adieu donc, mon cher père. Et toutes mes amies ! Dedans ce monastère 3e veux finir ma vie, Passer mes tristes ans Sous un habit de nonne, Prier pour mes parents. Que le ciel leur pardonne. »

La voilà donc novice. Le grand dommage, hélas î Que sous un noir cilice Soient cachés tant d'appas ! Son père veut encor L'arracher de la grille; Mais son amant est mort : Elle veut rester fille.

Or, justement la veille De sa profession (Écoutez la merveille Digne d'attention ), En tous lieux on publie Qu'un captif racheté Revient de la Turquie, Jeune et de qualité.

POPULAIRES. 147

On parle dans la ville De ce captif si beau; D'une façon civile Chacun lui fait cadeau. Les dames , dont les coeurs SoDt tendres de nature, Versent toutes des pleurs Sur sa triste aventure.

L'abbesse, curieuse, A son tour veut le voir; Chaque religieuse Se transporte au parloir; Un secret mouvement Y conduit Henriette, Qui ordinairement Restait en sa chambrette.

« Beau captif, dit l'abbesse, Quel est votre malheur? A vous je m'intéresse. Madame , trop d'honneur; Je ne puis maintenant Dire comme on me nomme; Apprenez seulement Que je suis gentilhomme.

J'aimais d'amour fidèle Une jeune beauté;

148 CHANSONS

La jeune demoiselle M'aimait de son côté ; Mais son père inhumain Autrement en ordonne, Et m'enlève un matin Cette aimable personne.

Ou l'a-t-il donc cachée, Ce père rigoureux? Sept ans je l'ai cherchée En cent différents lieux. Par tout pays je cours , Cherchant, sans espérance Celle qui doit un jour Terminer ma souffrance.

Pris par un vieux corsaire , Me vendit sans pitié , Et d'un cœur débonnaire J'ai gardé l'amitié ; Mais sa fille enchantée, Quoique charmante et belle. Me voulait épouser. Pour moi quelle nouvelle !

Enfin , de mes refus Cette fille se rebute-, Pendant un an et plus Elle me persécute,

rOFl-L.\IRES. itf

Et sou ordre m'oblige A de rudes travaux. Leur souvenir m'afflige En vous disant ces mots.

C'était fait de ma vie, J'en désirais la fin , Quand le ciel en Turquie Conduit les Mathurins ; Ils brisent mes liens, Au patron ils m'achètent. Pour moi le jour n'est rien Sans ma chère Henriette. »

La novice, éperdue , Succombe à ce discours ; Chaque sœur se remue Pour lui donner secours. Elle ouvre un œil mourant, Disant, toute tremblante : « Damon , mon cher Damon, Tu revois ton amante. »

A la voix de la fille, Damon perd la raison. Il veut forcer la grille Ou brûler la maison , Et , pour le retenir, Il faut qu'on lui promette

150 CHANSONS

De lui faire obtenir Sa constante Henriette.

Le vieux baron arrive Pour la profession ; * Une amitié si -vive Lui fait compassion. Le voilà consentant Designer l'alliance; Il veut , dès ce moment , Combler leur espérance.

L'on fit ce mariage Tout en solennité; Leurs parents de tout âge ; Chacun s'y est trouvé. Après tant de douleurs , De traverse et de gênes, L'on unit ces deux cœurs , Récompensant leurs peines.

Cantique de Geneviève de Hraliant.

Approchez-vous, honorable assistance . Pour entendre réciter en ce lieu L'innocence reconnue et patience

POPULAIRES. 151

De Geneviève très-aimée de Dieu;

Étant comtesse,

De grande noblesse , Née du Brabant était assurément.

Geneviève fut nommée au baptême : Ses père et mère l'aimaient tendrement; La solitude prenait d'elle-même , Donnant son cœur au Sauveur tout-puissan

Son grand mérite

Fit qu'à la suite , Dès dix-huit ans fut mariée richement.

En peu de temps s'éleva grande guerre , Son mari, seigneur du Palatinat , Fut obligé, pour son honneur et gloire , De quitter la comtesse en cet état ,

Étant enceinte

D'un mois sans feinte , Fait ses adieux, ayantles larmes aux yeux.

Il a laissé son aimable comtesse Entre les mains d'un méchant intendant. Qui la voulut séduire par finesse , Et l'honneur lui ravir subitement.

Mais cette dame

Pleine de charme N'y voulut consentir aucunement.

Ce malheureux accusa sa maitresse D'avoir péché avec son cuisinier :

152 CHANSONS

Le serviteur fit mourir par adresse , Et la comtesse fit emprisonner

Chose assurée ,

Est accouchée , Dans la prison , d'un beau petit garçon.

'Le temps finit toute cette grand' guerre , Et le seigneur revint en son pays. Golo s'en fut au-devant de son maître , Jusqu'à Strasbourg , accomplir son envie.

Ce téméraire

Lui fit accroire Que sa femme adultère avait commis.

Étant troublé de chagrin dans son âme, Il ordonna à Golo , ce tyran , D'aller au plutôt faire tuer sa dame Et massacrer son petit innocent.

Ce méchant traître ,

Quittant son maître , Va , d'un grand cœur, exercer sa fureur.

Ce bourreau de Geneviève si tendre, La dépouilla de ses habillements ; De vieux haillons la fit vêtir, et prendre Par deux valets fort rudes et très-puissants.

L'ont emmenée ,

Bien désolée , Dans la forêt avec son cher enfant.

POPULAIRES. 153

Geneviève, approchant du supplice . Dit à ses deux valets, tout en pleurant : « Si voos voulez me rendreun grand se: Faites-moi mourir avec mon cher enfant;

Et sans remise

Je suis soumise à votre volonté présentement. »

La regardant, l'un dit : « Qu'allcns-nous faire ? Quoi ! un massacre ! je n'en ferai rien ;

Faire mourir notre aimable maîtresse

Peut-être un jour nous fera-t-elle du bien.

Sauvez-vous, dame

Pleine de charme; Dans ces forêts qu'on ne vous voie jamais. »

Celui qui a fait grâce à sa maîtresse, Dit : « Je sais bien comment tromper Golo , Lalangued'un chien, nous faut, par finesse - Prendre et porter à ce cruel bourreau.

Ce traître infâme,

Dedans son âme Dira : C'est celle de Geneviève au tombeau, m

Au fond d'un bois, dedans une carrière Geneviève demeura pauvrement, Etant sans pain , sans feu et sans lumière Ni compagnie que de son cher enfant.

Mais l'assistance

Qui la substante C'est le bon Dieu, qui la garde en tout lieu.

,54 CBASSOSS

Elle fut visitée par une pauvre biche Qui tous les jours allaitait son enfant. Tous les oiseaux chantent et la réjouissent, ^'accoutumant à leur aimable chant.-

Les bêtes farouches

Près d'elle se couchent, Divertissant elle et son cher enfant.

Voilà son mari qui est en grande peine Dans son château, consolé par Golo; Ce n'est que jeux, que festins qu'on lui mène; Biais ces plaisirs sont très-mal à propos;

Car, dans son âme,

Sa chère dame, Ce châtelain pleure avec grand chagrin.

Jésus-Christ a découvert l'innocence De Geneviève, par sa grande bonté : Chassant dans la forêt en diligence , Le comte des chasseurs s'est écarté ,

Après la biche ,

Qui est nourrice De son enfant, qu'elle allaitait souvent.

T,a pauvre biche se sauve au plus vite Dedans la grotte , auprès de l'innocent ; Le comte aussitôt, faisant la poursuite Pour la tirer de ces lieux promptement ,

Vit la figure

D'une créature Qui était auprès de son cher enfant.

POPULAIRES. 155

Apercevant dans cette grotte obscure Cette femme couverte de cheveux , Lui demanda : « Qui êtes-vous, créature ? Que faites-vous dans ces lieux ténébreux?

Ma chère amie ,

Je vous en prie , Dites-moi donc, s'il vous plaît, votre nom.

Geneviève, c'est mon nom d'assurance, Née du Brabant, sont tous mes parents. Un grand seigneur m'épousa sans doutance , Dans son pays m'emmena promptement.

Je suis comtesse

De grande noblesse, Mais mon mari fait de moi grand mépris.

Il m'a laissée , étant d'un mois enceinte Entre les mains d'un méchant intendant, Qui a voulu me séduire par contrainte, Et puis me faire mourir vilainement ;

De rage félonne

Dit à deux hommes De me tuer moi et mon cher enfant. »

Le comte ému, reconnaissant sa femme Dedans ce lieu, la regarde en pleurant. « Quoi! est-ce vous, Geneviève, chère dame, Pour qui je pleure il y a si longtemps?

Mon Dieu! quelle grâce,

Dans cette place De retrouver ma très-chère moitié. »

156 CHANSONS

Ah ! quelle joie ! Au son de la trompette, Voici venir la chasse et les chasseurs , Qui reconnurent le comte, je proteste, A ses côtés et sa femme et son cœur.

L'enfant, la biche,

Les chiens chérissent ; Les serviteurs rendent grâce au Seigneur.

Tous les oiseaux et les bêtes sauvages Regrettent Geneviève par leur chant, Pleurent et gémissent par leurs doux ramages En chantant tous d'un ton fort languissant,

Pleurant la perte

Et la retraite De Geneviève et de son cher enfant.

Ce grand seigneur, pour punir l'insolence Et la perfidie du traitre Golo , Le fit juger par très-juste sentence , D'être écorché tout vif par un bourreau.

A la voirie

L'on certifie Que son corps y fut jeté par morceaux.

Fort peu de temps notre illustre princesse Resta vivante avec son cher mari. Malgré ses chères et tendres caresses, Elle ne pensait qu'au Sauveur Jésus-Christ.

Dans sa chère âme,

Remplie de flamme, Elle priait Dieu tant le jour que la nuit.

POPULAIRES. 157

Elle ne pouvait manger que des racines Dont elle s'était nourrie dans les bois ; Ce qui fait que son mari se chagrine , Offrant toujours des vœux au roi de?

Qu'il s'intéresse

De sa princesse, Qui suivait si austèrement ses lois.

«Puissant seigneur, par amour, je vous prie Et puisqu'aujuurd'hui il faut nous quitter, Que mon cher fils, ma douce compagnie , Tienne toujours place à votre côté ;

Que la souffrance

De son enfance Fasse preuve de ma fidélité. »

Geneviève à ce moment rendit l'âme Au roi des rois , le Sauveur tout-puissant. Bénoni de tout son cœur et son âme Poussait des cris terribles et languissants

Se jetant par terre

Lui et son père , Se lamentant, pleurant amèrement.

Du ciel alors sortit une lumière, Comme un rayon d'un soleil tout nouveau, Dont la clarté dura la nuit entière; Rien n'a paru au monde de plus beau.

Les pauvres et riches ,

Jusqu'à la biche , >Tout a suivi Geneviève au tombeau.

158 CHANSONS

Pour conserver à jamais l'innocence De Geneviève accusée par Golo, La pauvre biche veut par sa souffrance La prouver par un miracle nouveau ,

Puisqu'elle est morte,

Quoi qu'on lui porte , Sans boire ni manger sur le tombeau.

Fuuldès.

Cette complainte a été publiée en quarante-huit couplets. Nous ne don- nons que ceux qui nous ont paru néces- saires à la description de cet horrible crime. C'est une plaisanterie de mau- vais goût sur une chose atroce , corn

Ecoutez , peuples de France , Du royaume de Chili , Peuples de Russie, aussi Du cap de Bonne-Espérance , Le mémorable accident D'un crime très-conséquent.

?0 PILAIRES.

Capitale du Rouergue, Vieille ville de Rhodez , Tu vis de sanglants forfaiu A quatre pas de l'Ambergue , Faits par des coeurs aussi durs Comme tes antiques murs.

De très-honnête lignée Vinrent Bastide et Jausion , Pour la malédiction De cette ville indignée; Card'Rhodez les habitants Ont presqu'tous des sentiments.

Bastide le gigantesque.

Moins deux pouce; ayant six pieds,

Fut un scélérat fieffé

Et même saDs politesse .

Et Jausion l'insidieux

Sanguinaire, avaricieux.

Us méditent la ruine

D?un magistrat très-prudent .

Leur ami , leur confident ;

Mais ne pensant pas le crime,

il ne se méfiait pas

Qu'on complotait son trépas.

Hélas ! par un sort étrange , Pouvant vivre honnêtement,

CHANSONS

Ayant femme et des enfants, Jausion , l'agent de change, Pour acquitter ses effets Résolut ce grand forfait.

Bastide le formidable ,

Le dix-neuf mars, à Rhodez,

Chez le vieillard Fualdès

Entre avec un air aimable ,

Dit : « Je dois à mon ami ;

Je fais son compte aujourd'hui. »

Ces deux beaux frères perfides Prennent des associés : Bach et le porteur Bousquier, Et Missonnier l'imbécile, Et Colard est pour certain Un ancien soldat du train.

Dedans la maison Bancale , Lieu de prostitution , Les bandits de l'Aveyron , Vont faire leur bacchanale, Car pour un crime odieux , Hien n'est tel qu'un mauvais ttea

Alors le couple farouche Saisit Fualdès au Terrai , Avec un mouchoir fatal On lui tamponne la bouche,

POPULAIRES. 1G1

On remplit son nez de son Pour intercepter le son.

Dans cet infâme repaire Ils le poussent malgré lui , Lui déchirant son habit , Jetant son chapeau par terre, Et des vielleurs insolents Assourdissent les passants.

Sur la table de cuisine

Ils retendent aussitôt;

Jausion prend son couteau

Pour égorger la victime ;

Mais Fualdès , d'un coup de temps ,

S'y soustrait adroitement.

Sitôt l'Hercule Bastide Le relève à bras tendu ; De Jausion éperdu Prenant le fer homicide : «Est-ce comme on s'y prend ? Va, tu n'es qu'un innocent. »

«Puisque sans raison plausible, Vous me tuez , mes amis , De mourir en étourdi, Cela ne m'est pas possible : Ah! laissez-moi dans ce lieu Faire ma paix avec Dieu, »

II

162 CHANSONS

Ce géant épouvantable Lui répond grossièrement : « Tu pourras dans un instant Faire paix avec le Diable.» Ensuite d'un large coup Il lui traverse le cou.

Voilà le sang qui s'épanche , Mais la Bancale aux aguets Le reçoit dans un baquet, Disant : « En place d'eau blanche , Y mettant un peu de son , Ça sera pour mon cochon.»

Fualdès meurt , et Jausion fouille Prenant le passe-partout, « Ramass' tout, » dit Bastide. Il empoigne la grenouille , Bague, clef, argent comptant , Montant bien à dix-sept francs.

Alors chacun à la hâte, Colard, Benoît , Missonnier, Et Bach , le contrebandier. Mettant la main à la pâte, Le malheureux maltraité Se trouve être empaqueté.

Certain bruit frappe l'ouïe De Bastide furieux .-

POPULAIRES. 163

Un homme s'offre à ses yeux , Qui dit : «Sauvez-moi la vie ; Car, sous ce déguisement , Je suis Clarisse Enjalran. »

Lors d'une main téméraire Ce monstre licencieux Veut s'assurer de son mieux A quel homme il a affaire , Et , trouvant le fait constant, Teint son pantalon de sang.

Sans égard et sans scrupule Il a levé le couteau. Jausion lui dit .- « Nigaud , Quelle action ridicule Un cadavre est onéreux , Que feras-tu donc de deux ? »

On traîne l'infortunée Sur le corps tout palpitant; On lui fait prêter serment. Sitôt qu'elle est engagée , Jausion officieux fait sortir de ces lieux.

Quand ils sont dedans la rue . Jausion lui dit d'un air fier : « Par le poison ou le fer, Si tu causes t'es perdue, n

164 CHÀNS0N8

Manson rend du fond du cœur Grâce à son tendre sauveur.

Bousquier dit avec franchise , En contemplant cette horreur .- « Je ne serai pas porteur De pareille marchandise. Comment , mon cher ami Bach , Est-ce donc ton tabac?»

Mais, Bousquier faisant la mine De sortir de ce logis, Bastide prend son fusil , L'applique sur la poitrine De Bousquier, disant : « Butor, Si tu bouges tu es mort.»

Bastide, ivre de carnage , Donne l'ordre du départ: En avant voilà qu'il part ; Jausion doit fermer la marche ; Et les autres du brancard Saisissent chacun un quart.

Alors de l'affreux repaire Sort le cortège sanglant : Colard et Bancal devant, Bousquier, Bach , portaient derrière : Missonnier, ne portant rien , S'en va la canne à la main.

POPCLAIPvES. 155

En allant à la rivière ,

Jausion tombe d*erf:

Bastide lui dit : « Eh quoi !

Que crains-tu? » Le cher beau-frère

Lui répond : « Je n'ai pas peur, »

Mais tremblait comme un voleur.

Enfin l'on arrive au terme : Le corps, désempaqueté , Dans l'Aveyron est jeté; Bastide alors , d'un air ferme, S'éloigne avec Jausion ; Chacun tourne les talons.

te comte Orry.

La romance picarde du comte Orry n'était qu'une tradition de province qui datait du xive ou du xve siècle, et dont il ne restait que quelques fragments , lorsque La Place en remplit les lacunes, en rajeunit le langage . et l'inséra dans son recueil de pièces intéressantes et peu connues . en 1785. MM. Scribe et Poirson en ont fait le sujet d'un fort

tC6 CHASSONS

joli vaudeville joué en 1816. C'est de cette époque que date la réputation du comte Orry, qui jusque-là avait étf circonscrite dans les villages de la Pi . cardie, et qui s'est encore agrandi, lorsque les mêmes auteurs ont fait , en 1828 , de leur vaudeville un opéra , et qu'il a été embelli de la musique du célèbre Rossini.

Le comte Orry disait pour s'égayer Qu'il voulais prendre le couvent de Farmoutier. Pour plaire aux nonnes et pour les désen nuy er.

Ce comte Orry, châtelain redouté. Après la chasse n'aimait rien que la gai té, Que la bombance , les combats et la beauté.

« Holà ! mon page, venez me conseiller. L'amour me berce , et je ne puis sommeiller Comment m'y prendre pour dans ce couvent [entrer?

—Sire , il faut prendre quatorze chevaliers, Et tous en nonnes il vous les faut babiller, Puis, à nuit close, à la porte aller heurter.»

Orry va prendre quatorze chevaliers ; Et tous, en nonnes, Orry les fait habiller : Puis, à nuit close, à la porte ils vont heurter.

POPULAIRES. 167

à Hclà! qui frappe? qui mène un si grand [bruit? —Ce sont des nonnes, et qui ne vont que de nuir Qui sont en crainte de ce maudit comte Orry.»

Survientl'abbesse, les yeux tout endormis... «Soyez, mesdames, bienvenues en ce logis... Mais comment faire? trouver quatorze lits? »

Chaque nonnette , d'un cœur vraiment

[chrétien,

Aux étrangères, offre la moitié du sien...

«Soit, ditl'abbesse, sœur Colette aura le

[mien. »

La sœur Colette, c'était le comte Orry, Qui, pour Tabbesse, d'amour ayant appétit, Dans sa peau grille de trouver la pie au nid.

Fraîche, dodue, œil noir et blanches dents, Gentil corsage, peau d'hermine et pieds d'en- [ fants , tadameabbesse ne comptait pas vingt-cinqan

Au lit en semble îous les deux bien pressés ... . «Ah! ditl'abbesse, ciel! comme vous m'embrassa —Vrai Dieu! madame, peut-on vous aimer assez ?

Ah ! sœur Colette, qu'avez bien le cœur [bon!...

168 CHANSONS

Mais, sœur Colette, qu'avez bien rude menton !

Parbleu! madame, ainsi mes compagnes l'on

Toutes mes nonnes, venez me secourir ! Croix et bannière, l'eau bénite allez quérir ; Car je suis prise par ce maudit comte Orry.

Ah ! dame abbesse, vous avez beau crier; laissez en place croix , bannière et bénitier, Car chaque nonne est avec son chevalier.

La pauvre abbesse, après un plus grand cri, Sans voir de nonnes, n'espérant plus de merci , Prit patience avec sœur Colette aussi.

Neuf mois ensuite, vers la fin de janvier, L'histoire ajoute, comme un fait singulier, Que chaque nonne fit un petit chevalier.

lia Tentation de saint Antoine.

Air : Plus inconstant que l'onde.

Ciel î l'univers va-t-il donc se dissoudre ? Quel bruit! quels cris! quel horrible fracas!

Devant moi je vois la foudre ;

Elle tombe par éclats : Tout est en poudre

POPULAIRES. Il .

Sur mon grabat. Grand Dieu ; du haut des cieu> Vois ma disgrâce, Et par ta grâce Fais que je chasse L'enfer de ces lieux.

Air : Du haut en bas.

C'était ainsi Qu'Antoine exprimait ses alarmes ;

C'était ainsi Qu'Antoine exprimait son souci , Lorsque le diable , par ses charmes , Venait chez lui faire vacarmes.

C'était ainsi.

Air : Des folies d'Espagne.

On vit sortir d'une grotte profonde Mille démons , mille spectres divers ; Des noirs esprits toute la troupe immonde Pour le tenter, déserta les enfers.

Air : Turelure, lure, et (Ion, flon, flon.

On vit des démons

De tous les cantons, De la ville et de la campagne , De la Cochinchine et d'Espagne ; On vit des diables blondins .

Des bruns , des gris et des châtains ; Les bruns, surtout, méchants lutins Faisaient remuer des pantins. Tureiure , lure , Et flon, flon, flon, Tous avaient leur ton , Leur allure.

Air : La faridondaine.

Quelques-uns prirent le cochon

De ce bon saint Antoine , Et , lui mettant un capuchon ,

Ils en firent un moine. Il n'en coûtait que la Façon La faridondaine , La faridondon : Peut-être en avait-il l'esprit

Biribi , A la façon de Barbaj i Mon ami.

Air : Dans un détour.

Sur un sofa Une diablesse en falbala , Aux regards fripons , Découvrait deux jolis monu Ronds.

vu

Air : Au fond de cateau.

Ronflant comme un cochon,

On voyait sur un trône Un des envoyés de Pluton.

Il portait pour couronne

Un vieux, réchaud san* fond ,

Et pour sceptre un tison.

Sous ses pieds un démon

Vomissait du canon. Le diable s'éveille, s'étonne, Et dit : « Garçon ,

Air : La Pierre-Fiioise.

Courez vite , prenez le patron , Et faites-le moi danser en rond! Courez vite, prenez le patron, Tirez-le par son cordon. Bon ! » m Messieurs les démons , laissez-moi donc.

Non , tu chanteras, Tu sauteras,

Tu danseras. -Messieurs les démons , laissez-moi donc,

Non , tu chanteras, Tu sauteras.

Tu danseras. Courez vite , prenez le patron ,

Tirez-le par son cordon. Bon!

Air : Quand la mer Rouge apparut.

Le saint , craignant de pécher, Dans cette aventure , S'en fut vite se cacher

Sous sa couverture. Mais montant sur son châlit, Il rencontra dans son lit Un minois fripon, Un joli tendron; Sous des traits , Pleins d'attraits, Une concubine : C'était Proserpme.

Air : Nous autres, bons villageois.

Piqué dans ce bacchanal , D'avoir vu qu'on lui brisait sa cruche ,

Et qu'un derrière infernal Avait fait caca dans sa huche ; Crainte aussi de tentation , Notre saint prend un goupillon Et flanque aux démons étonnés De l'eau bénite par le nez.

Air: Des folies d'Espagne.

Tel qu'un voleur, sitôt qu'il voit main forte ;

FOPLLAÎKES. 173

Tel qu'un soldat, à l'aspect des prévôts , On vit s'enfuir l'infernale cohorte, Et s'abîmer dans ses affreux cachots.

Air: Ah! maman, que je l'échappe belle I

«Ah: mon Dieu ! que je l'échappe belle: Dit le saint tremblant, Tout en sortant De sa ruelle. Ah: mon Dieu! que je l'échappe belle! Un moment plus tard , Je faisais le diable cornard. »

Air : Le démon malicieux et fin. * Le démon, quoiqu'il passe pour fin ; Ne fut pas lors assez malin. Ah: s'il eût pris la forme de Toioette, Son air charmant, sa taille et ses appas, C'en était fait, la grâce était muette , Et saint Antoine eût volé dans ses bras.

Sedaine.

174 CHANSONS

La Vestale.

A.'r : Vlà c'que c'est qu' d'aller au bois.

L'aut' matin, je m' disais comm' ça : Mais qu'est qu'c'est donc qu'un opéra? V'Jà qu'dans un'rue, au coin d' la Halle ,

J'iisons : la Vestale!

Faut que j'm'en régale. C'est trois liv's douz'sous qu'ça m'coût'ra.

Un' vestale vaut ben ça. *

Air : Décacheter sur ma Poste.

On dit qu'la pièce est si triste Qu'il faut pour qu'on y résiste Avoir un cœur d'rocher. Moi qui n'ai de mouchoir Qu'pour me moucher, Je m'en fus chez l'cousin Baptiste, Qui m'prête un mouchoir d'batisle.

Air : Tous les bourgeois de Chartres.

L'heur' du spectacle approche , J'me r'quinqu' pus vite qu' ça , Et les sonnett's en poche , J' courons à l'opéra ;

popclaip^es. i::

Mais Toyant qu'pour entrer l'on s'bat danr

[l'antichambre,

fme dis .- Voyez queu chien d'honneur,

Quand pour c'te Vestale d" malheur

J'me s'rai foulé z'un membre :

Air : du Lendemain.

>" croyez pas, ma cocc .

ut exprès pour vos beaux ; J'allions, à propos d't

tire casser z'un' jambe ou deux : Je reviendrons, n'vous en déplaise.... ff sait-ion pas qu'il est d's endroits Ou c? qu'on entre plus à Taise La s'conde fois?

' Air : Tarare Pompon.

y nons pas pus tôt aeh'vé , Qu' la parole étouffée . Par un' chienne d*bouffée Je m' sentons soulevé ; Le déloge m'entraine , Et me r-'ik z'en deux temps, Sans billet z'et sans peine . Dedans.

Air: A boire! à boire! à boire.'

Silence ! silence ! silence :

Vlà que la première act' commence

176 CHANSONS

Chacun m' dit : « Mettez chapeau bas. » Je 1' mets par terre : il n' tomb'ra pas.

Air : II était une fille.

y voyons un monastère OU c' qu'un' fille d'honneur Était r'ligieuse à contre-cœur. C'était monsieur son père Qui , l' jour qu'il trépassa, D' sa fille exigea ça... Ha!

Air: Quoi! ma voisine, es-tu fâchée?

Quand aux règles du monastère

Un'fill' manquait On vous la j'tait tout' vive en terre

Comme un paquet. Si la terre aujourd'hui d' nos belles

Couvrait l's abus , J' crois ben qu'j'aurions pus de d'moi- fselles

Dessous que d'sus.

Air : Dans les gardes françaises.

Vlà z'enfin un bel homme , Qu'aile avait pour amant , Qui r'vient vainqueur à Rome Avec son régiment.

POPULAIRES. 177

Il apprend que 1' cher père A cloîtré son objet... Il pleure , il s' désespère, Mais c'est comme s'il chantait.

Air : Traitant l'Amour sans pitié.

Dans c'pays-là , par bonheur,

La loi voulait qu'on choisisse

La Vestal' la plus novice

Pour couronner le vainqueur.

« Tu r'viens comme Mars en carême

Lui dit tout bas cell' qu'il aime,

Pour rec'voir le diadème

Du cœur dont t' as triomphé. »

Il veut répondre ; il s'arrête ,

Il la r'garde d'un air bête ,

Et le v'ià qui perd la tête

Au moment d'être coiffé. bis,

Air : Bonsoir, la compagnie.

Enfin,

Un serr'ment d' main

Lui dit : « Prends garde ,

On nous regarde. »

LVlà qui s'remet ;

Vlà qu'ell' lui met

Un beau plumet. « A c'te nuit, j' te l'promets. A c'te nuit, j' te l'permets. »

173 CHANSONS

h Puisqu' la çarimonie , Dit l'abbesse, est finie, Rentrez dans vot' dortoir ; Jusqu'au revoir, Bon soir. »

Air: À boire! à boire! à boire!

Silence! silence! silence!

Vlà qu'la seconde act' commence Et j' vois l'enceinte du saint heu Avec un réchaud z'au milieu.

Air : J'arrive à pied de province.

On ordonne à la r'ligieuse

D'entret'nir le feu ; S'il s'éteint, la malheureuse

N'aura pas beau jeu. A son devoir ell' s'apprête ,

N'osant dir' tout haut Qu'ell' a bien d'aut's feux en tète

Que l'feu du réchaud.

Air : Des fraises.

La v'ià seule, et dans son cœur, Oh qu' la passion s' concentre, Elle appelle son vainqueur; Mais que d'viendra son honneur fc'il entre ! s'il entre ! s'il entre !

POPULAIRES. 179

Air : Du haut en bas.

«Il entrera, S' di t-elle au bout d'un bon quart d'heure ;

Il entrera , Et puis après il sortira. Gn'y a bien assez longtemps que j' pleure ;

Du moins j'dirai

S'il faut que j'meure :

Il est entré. »

Air : Uns fille est un oiseau.

Sitôt pris, sitôt pendu; Elle court ouvrir la porte. L'amant, que l'plaisir transporte, Accourt, d'amour éperdu. « Faut qu' ce soir je t'appartienne; J'ai ta parole , t'as la mienne , Pus d'feu, pus d'réchaud qui tienne. Ciel ! m'arracher de dieu saint : » Bref, mêm' rage les consume; Et tandis quleur feu s'allume, Vlà-Vi' pas qu'î'autre s'éteint! bis.

Air.- Au coin du feu.

« 0 ciel ! je suis perdue ! Dit la Vestale émue ; Gn'y a pas dT)on Dieu : » Et via qu'la pauvre amante

180 CHANSONS

Tomb' glacée et tremblante Au coin du feu. ter.

Air des Trembleurs.

Les cris d'ia belle évanouie Donn'nt l'alerte à l'abbaye , Qui s'éveill' tout ébahie ; Et l'amant, qui s'sent morveux, Voyant qu'on crie à la garde , S'esbigne en disant : « Si f tarde , Si j'm'amuse à la moutarde , Nous la gobons tous les deux. »

Air : Dépêchons, dépêchons, dépêchons- nous.

« Ah ! mamsell', qu'avez-vous fait là!

Dit d'un' voix d'tonnerre L'révérend du monastère; Ah! mam'sell', qu'avez-vous fait là! Vot' feu s'est éteint, mais il vous en cuira. D'shabillez, d'shabillez, d'shabillez-la. Son affaire Est claire : Qu'à l'instant même on l'enterre , Et qu'ça mor.. et qu'ça mor... et qu'ça mor-

[bleu! L'i apprenne une aut'fols à bien souffler son

[feu.»

popiL.vir.ES. l8i

Air : des Pendus.

Là-d'sus on lui couv' l'estomac

D'un ling' tout noir qu'a l'air d'un sac,

L'orchest' li pince à sa manière

Un' marche à porter 1' diable en terre;

Et la patiente , d' son côté ,

S' dit tout bas : « J' m'en avais douté. »

Air : A boire ! à boire ! à boire!

Silence! Silence! silence! Via qu' la troisième act' commence. J'vois six tombeaux, sept, huit, neuf, dix. Qu'c'est gai comme un De profundis.

Air : Au clair de la lune.

Au clair de la lune, L'amant, tout en l'air, Sur son infortune Vient chanter z'un air, c'qu'il dit : « Qu'ail' meure , Et j' varrons beau train ! S'il fait nuit à c*t' heure , Il f ra jour demain. »

Air des Fleurettes.

Mais drès que d'ia Yestale Il entend v'nir l'convoi.

182 CHANSONS

Crac , le v'ià quf détale , On n' sait pas trop pourquoi. Devant la fosse il s'arrête ; On croit que Ppauvre officier D'chagrin va s'y j'ter l'premier, Mais pas si bête !

Air : Le port Mahon est pris.

Du plus haut d'ia montagne L'enfant Descend; Tout l'monde l'accompagne, Et tout bas chaq' compagne S'dit, en allongeant l'cou :

«Via son trou,v'là son trou,v'là son trou.i Pendant VMiserere Qu'entonne m'sieu 1' curé, Blême et plus morte qu' vive,

Au bord du trou la Vestale arrive ; Tout 1' monde d'mand' qu'ail' vive. L' curé répond : « Nenni , N, i, ni, c'est fini. »

Air : Bonjour, mon ami Vincent.

« Ctapendant, qu'il dit, j' veux bien Faire encor queuq' chose pour elle : Sur c'réchaud oh gn'y a plus rien Mettez l'fichu d'ia d'moiselle; Si Pling' brûle, on nTenter'ra pas;

POPULAIRES. t&3

S'il n'brùie pas, ell'nTéchapp':.. Vous l'voyez , aucune étincelle N'vient contremander son trépas ;

Or, pius d'débats ;

Du haut en bas , Gn'y a point za dir*, faut qu'ell' saute le pas.'.

Air : Nous nous marierons dimanche.

.c Douc'ment , Dit l'amant, Qui guettait Tmoment; Faut qu'enfin l'cbap'let s'débrouille; C'est moi qu'a tout fait ; Gràc' pour mon objet , Sinon, j'ai ma patrouille. Par son trépas D'un crim' vot'bras

Se souille. Si ça n'est pas , J'veux qu'mon damas

Se rouille ! Mon Dieu, comme il ment". Dit la pauvre enfant ; Ni ru, ni connu , j't'embrouille. »

Air : Rîantanplan tirelire.

««Vite, à moi, mon régiment! En plein , plan , Rîantanplan ,

181 CHANSONS

V'ià z'un enterrement Qu'à l'instant, Et d'but en blanc Il faut mettre en déroute. Battons-nous , coût' que coûte, Quoique j' n'y voyons goutte. » Mais l' régiment Du couvent, En plein , plan , Rlantanplan , Qu'est pour l'enterr'ment, Répond qu'il vers'ra son sang Jusqu'à la dernier' goutte. Pendant queuqu' temps on doute Qu'est-c' qu'emport'ra la r'doute. Au bout d'un combat sanglant, En plein, plan, Rlantanplan, Au lieu d'1'enterr'ment , C'est l'régiment De l'amant Qui s'trouve être en déroute.

Air : Il a voulu, il n'a pas pu.

Gn'y a pas d'milieu,

Faut s'dire adieu ; C'est-i-ça qui vous l'coupe?

Rien que d'ies voir,

Vlà mon mouchoir Qu' est trempé comme un' soupe.

Air : N'est-il, amour, sous tan empire.

L' pauvre agneau descend dans la tombe ,

Qu' c'est pain béni ! Sur sa tête l'couvercle rHombe ;

Vlà qu'est fini. Pour si peu s'voir si maltraitée!

L'beau chien d'plaisir: Et n'ia v'là-t-i' pas ben plantée

Pour reverdir!

Air : Ciel! l'univers va-t-il donc se dis- soudre?

Mais, patatras ! vlà z'un éclair qui brille ; Et l' Tout-Puissant, qui, j'dis n'est pas [manchot, Pour sauver la pauvre fille, Vous lâche un pétard qui grille L'diable d'chiffon qui pendait sur l'ré Vive l' Père Eternel , [ chaud.

Qui,d'son tonnerre, ArraDg' l'affaire ! F n'y comptions guère : C'est z'un coup du ciel.

Air : Ah! mon Dieu ! que je V échappai belle .

« Ah : mon Dieu ! que 3e l'échappe belle: Dit en haussant l'cou

$6 CHANSONS

Au-d'sus du trou La demoiselle ; Au bon Dieu je d'vons un' fier' chandelle Car je n'pouvous pas M'dissirauler qu'j'étions ben bas. »

Air : 0 filii et filiœ.

Tant y a que l'couple s'épousa , Et qu'chaqu' Vestal' dit, voyant ça : « Quand est-c' qu'autant m'en arriéra? Alléluia ! »

DÉSALGIERS.

la Paille.

Sur tout on a fait des chansons : On a chanté le vin , les belles , L'eau, le feu , les fleurs , les moissons, Les brebis et les tourterelles ; Un auteur dont je suis bien loin Fit des vers sur l'huitre à l'écaillé , Un autre en a fait sur le foin : Je vais m'étendre sur la paille.

La paille couvre l'humble toit, Du laboureur modeste asile ; Un lit de paille aussi reçoit Son corps fatigué, mais tranquille;

POPULAIRES. 187

Le riche, au sein de ses palais, Sur le duvet s'ennuie et baille. Peines, tourments sont sous le dais, Quand le bonheur est sur ]a paille.

La paille , tressée en réseaux , Du soleil garantit nos belles ; Grâce à ces immenses chapeaux, Elles n'ont plus besoin d'ombrelles; Mais ils voilent trop leurs appas, Et Zéphir leur livre bataille. Il a raison : on ne doit pas Cacher les roses sous la paille.

Jadis , respectant ses serments, L'amant, tidèle à sa maitresse, Pour elle encor, après trente ans , Brûlait d'une égaie tendresse ; Hélas i on n'aime plus qu'un jour! De la constance l'on se raille ; Et maintenant les feux d'amour Ne sont plus que des feux de paille.

Mais je n'aurais jamais fini

Si, dans l'ardeur qui me travaille,

J'entreprenais de dire ici

Toui ce qui se fait sur !a paille.

Ami lecteur je meurs d'effroi

Que ta rigueur ne me chamaille ;

(88 CHANSONS

Sois indulgent , car avec toi Je ne veux pas rompre la paille.

SERVIÈr.ES.

lies grandes Vérités.

Air : Aussitôt que la lumière.

Oh ! le bon siècle , mes frères , Que le siècle nous vivons ï On ne craint plus les carrières Pour quelques opinions. Plus libre que Philoiène , Je déchire le rideau ; Coulez , mes vers , de ma veine. Peuple, voici du nouveau.

La chandelle nous éclaire, Le grand froid nous engourdit, L'eau fraiche nous désaltère , On dort bien dans un bon lit ; On fait vendange en septembre, En juin viennent les chaleurs; Et quand je suis dans ma chambre Je ne suis jamais ailleurs.

Rien n'est plus froid que la glace Pour saler il faut du sel.

POPCLAIRES. Il

Tout fuit , tout s'use et tout passe , Dieu lui seul est éternel. Le Danube n'est pas l'Oise Le soir n'est pas le matin , Et le chemin de Pontoise N'est pas celui de Pantin.'

Le plus sot n'est qu'une bête, Le plus sage est le moins fou : Les pieds sont loin de la tête , La tête est bien près du cou. Quand on boit trop on s'enivre ; La sauce fait le poisson ; Un pain d'une demi-livre Pèse plus d'un quarteron.

Romulus a fondé Rome. On se mouille quand il pleut. Caton fut un honnête homme. Ne s'enrichit pas qui veut. On n'aime pas la moutarde Que l'on sert après diné. Parlez-moi d'une camarde Pour avoir un petit nez.

Quand un malade a la fièvre 11 ne se porte pas bien. Qui veut courir plus d'un lièvre, A coup sûr, n'attrape rien.

190 CHANSONS

Soufflez sur rotre potage, Bientôt il refroidira; Enfermez votre fromage , Ou le chat le mangera.

Les chemises ont des manches. Tout coquin n'est pas pendu. Tout le monde court aux branches Lorsque l'arbre est abattu. Qui croit tout est trop crédule. En mesure il faut danser. Une écrevisse recule Toujours au lieu d'avancer.

Point démets que '.'on ne mange, Mais il faut du pain avec , Et des perdrix sans orange Valent mieux qu'un hareng sec. Une tonne de vinaigre Ne prend pas un moucheron ; A vouloir blanchir un nègre Un barbier perd son savon.

On ne se fait pas la barbe Avec un manche à balai ; Plantez-moi de la rhubarbe. Vous n'aurez pas de navet. C'était le cheval de Troie Qui ne buvait pas de vin ;

POPULAIRES. 1

Et les ânes qu'on emploie Ne sont pas tous au moulin.

J'ai vu des cailloux de pierre, Des arbres dans les forêts , Des poissons dans la rivière, Des grenouilles aux marais. J'ai vu le lièvre imbécile Craignant le vent qui soufflait, Et la girouette mobile Tournant au vent qui tournait.

Le bon sens vaut tous les livres ; La sagesse est un trésor; Trente francs font trente livres ; Du papier n'est pas de l'or ; Par maint babillard qui beugle Le sourd n'est pas étourdi ; Il n'est rien tel qu'un aveugle Pour n'y voir goutte à midi.

Attribuée au Cousin Jacques.

L,es Holnes.

Nous sommes des moine» De aiint Bernardin -

192 CHANSONS

Qui se couchent tard Et se lèvent matin , Pour aller à matines Vider leur flacon.

Et bon , bon , bon ,

Et v'ià qu'est bon ,

Et bon, bon, boq. Ah ! voilà la vie ,

La vie suivie, Ah ! voilà la vie que les {peines font.

A notre déjeûner

Du bon chocobit

Et du bon café Que l'on nomme moka , La fine andouillette, La tranche de jambon , Et bon , bon, bon, etc.

A notre diner, Un bon chapon gras Qui trempe la soupe Comme au mardi gras , Lapins de garenne Sentant la venaison. Et bon , bon , bon , etc.

A notre goûter, Des petits oiseaux Que l'on nomme cailles , Bécasses et perdreaux ,

POPULAIRE? I&3

La tarte sucrée .

Les marrons de Lyon.

Et bon, bon, bon,

Et v'ià qu'est bon ,

Et bon, bon, bon.

Ah! voilà la vie,

La vie suivie, At : voilà la vie que les moines font.

Le Proverbe latin.

ROMANCE BACHIQCÏ.

Air ; 0 Fontenay qu'embellissent les roses.

Dieu ! quels débris ' dit, d'un ton lamen- [ table,

Roch, arrivant après un grand repas.

Frères gourmands, quoi! vous sortez d? [table

Ne me laissant que les os dans les plats: i

Plein de courroux , le vénérable Père , Soumis au jeûne et regardant les os , Brisa les plats et cassa plus d'un verre , En s'écriant, morbleu, •< libéra nos. » 13

1&4 CHANSONS

Mais, tout à coup, du fond de la dépense , Vint une voix qui tout haut prononça : « Viens donc plus tôt, pour mieux faicir [ta panse. « Pater, tarde venientibus ossa. »

le fond de la Besace.

Air des Trembleurs.

Un jour le bon frère Etienne, Avec le joyeux Eugène, Tous deux la besace pleine , Suivis du frère François , Entrant tous à la Galère , Y firent si bonne chère Aux dépens du monastère , Qu'ils s'enivrèrent tous trois.

Ces trois grands coquins do frères , Perfides dépositaires Du dîner 'de leurs confrères , S'en donnent jusqu'au menton ; Puis ronds comme des futailles , Escortés de cent canailles, Du corps battant les murailles, Regagnèrent la maison.

195

Le portier, qui les voit ivres , Leur demande sont les vivres. m Bon : dit l'autre . avee ses livres , Nous prend-il pour des savants? Je me passe bien de lire , Mais pour chanter, boire et rire, Et tricher la tirelire , Bon ! à cela je m'entends. »

An réfectoire on s'assemble, Vieux dont le râtelier tremble Et les jeunes , tous ensemble Ont un égal appétit. Mais, ô fortune ennemie! Est bien fou qui s'y confie , ainsi que dans la vie, Ce qu'on croit tenir nous fuit.

Arrive frère Pancrace, Faisant piteuse grimace De ne rien voir à sa place, Pour boire ni pour manger, A son voisin il s'informe, S'il serait venu de Borne Quelque bref portant réforme Sur l'usage du diner.

« Bon ! répond son camarade , N'ayez peur qu'on s'y hasarde, Sinon . je prends la cocarde Et je me ferai Prussien.

196 CHANSONS

Qu'on me parle d'abstinence Quand j'ai bien rempli ma panse , J'y consens ; mais sans pitance, Je suis fort mauvais chrétien.

—Resterons-nous donc tranquilles Comme de vieux imbéciles ? Répliqua père Pamphile. Oh ! pour le moins vengeons-nous; Prenons tous une sandale, Et, sans crainte de scandale , Allons battre la cymbale Sur les fesses de ces loups. »

Chacun ayant pris son arme , Fut partout porter l'alarme ; Mais au milieu du vacarme, Frère Etienne fit un p... Mais un p... de telle taille, Que jamais jour de bataille, Canon chargé de mitraille Ne fit un pareil effet.

Ainsi finit la mêlée; Car la troupe épouvantée, S'enfuyant sur la montée , Pensa se rompre le cou ; Tandis que le frère Etienne, Riant à perte d'haleine

POPCIAIRES. 191

Et frappant sur sa bedaine . Amorçait un second coup.

L'arrivée de Mgaudln à Paris.

Les deux chansons suivantes ne sont pas richement rimées ; mais elles don- neront une idée de celles qu'on chante dans les carrefours et qui sont compo- sées par les chanteurs eux-mêmes. Ces poésies faciles ne laissent pas que d'avoir leur intérêt dans l'histoire de notre lit- térature et de nos moeurs. Elles sont à la portée du peuple, qui les retient et les chante plus volontiers que des ouvrages de meilleur goût.

Air de la valsé de : Une nuit de la Garde

Nationale.

Soudain , Me l'vant de grand matin , J'fais mon paquet fort bien , Et je m'mets en voyage : J'avions souliers , babits et bas . Mon bâton sous le bras ,

198 CHANSONS

Vers Paris j'guide mes pas. J'enrage,

Il vient un grand orage ,

Le tonnerre fait tapage ;

Mais, grand Dieu ! quelle averse'.

J'suis mouillé jusqu'aux os.

Fveux passer un ruisseau ,

Via t'y pas qu'un lourdeau

Me pousse et me renverse ? A peine à Paris, v'ià qu'une belle Me dit , en me prenant la main : « Mon ami. comment qu'tu t'appelles? —Moi, mamselle?j'm'appello Nigaudin.

Vlà qu'ail' m'presse , Qu'ail' m'caresse , Et me serre sur son sein. Quelle tendresse ! Quelle ivresse De te voir, mon cher cousin

Enfin , La journé' s'pass' très-bien , Je dors jusqu'au lend'main La grasse matinée. A onze heur's , ma cousine me dit : Lève-toi, mon petit, Le déjeuner est cuit.

Après m'être fait bien du corps J'fais ma toilette et j'sors

POPULAIRES. 199

Pour visiter la ville : Fm'en fus voir l'ours Martin , L'éléphant, le requin; J'étais dans ce jardin Comme au sein d'ma famille.

J'vois une affiche qu'on contemple , Les mains dans mes poches, j'iisons: « Ambigu , boulevard du Temple , Aujourd'hui les Ch'valiers du Lion. »

Au spectacle ,

Sans obstacle, Dans un fiacre, j'guide mes pas

Cette vie

Est jolie, Quand l'argent ne manque pas.

Tentre, j'voyons l'ver un rideau,' On crie : En bas l'chapeau ! Je l' jette Sous ma banquette. Arrivent des horam's et des soldats, Qui font de grands ébats ; Tout ça n'me regarde pas.

Queu bonheur ! Au bout d'trois quarts d'heure J'n'en pouvions plus de chaleur, Voilà qu'on baisse la toile.

200 CHANSONS

J'sors pour me délasser : J'vois du monde d'amassé , On m'dit qu'c'était Bobèche , Et puis Galimafré.

De leurs farces , de leurs parades J'm'tenais l'ventre, tant que j'riais , Ne v'ià-t'y pas qu'un camarade M'emprunt' ma montr?dans mon gousset?

Dans la foule,

Vlà qu'on s'boule; J'cours après, mais queu malheur! Ne v'ià-t'y pas qu'la patrouille M'arrête pour le voleur?

J'ons beau m'expliquer,

Beau crier Et ben gesticuler, On m'mène au corps-de-garde. J'vous en prie, monsieur l'général, Ou bien le caporal , Ne me faites pas de mal.

Après avoir fait un'faction ,

Je sors du violon

Sans demander mon reste. A Paris , j'dis adieu d'bon cœur

On n'y voit qu'des malheurs ,

Du monde et des voleurs.

POPULAIRES. 201

Là, c'est un serin qu'est envolé , Un chien quest écrasé , Plus loin une batt'rie; Là, c'est des charlatans , Des bonn's et des enfants , Des voitures, des marchands ; De tous côtés l'on crie.

C'est un train à fendre la tête ; On n'fait que d'être poussé, r'poussé; Et si quelque part l'on s'arrête, Vot'voisin vous marche sus l'pied.

Ttire ma crampe, Etj'décampe, Car si j'restions plus longtemps, Au village , Je le gage , jVtourn'rais comme un p'iit saint Jean.

Adieu Paris, adieu beaux jours ,

L'objet de mes amours ,

Tout d'bon j'vous abandonne; Tout droit j'm'en retourne à mon pays;

Car pour rester ici ,

>* , i , ni , c'est fini.

LETELLmr.

202

K<e retour de Xigaudin dans sa famille.

Air de la Bonde de Nuit.

De Paris quittant le canton , A. ch'val sur mon ànon , J'pars pour lMllag5 d'Anière ; Plus j'voulais qu'il aille en avant, Il allait en reculant Et se couchait par terre.

De rage , à grands coups d'éehalas , Frappant à tour de bras , J'iui caressais les côtes. Via qu'un mauvais plaisant Disait, en me voyant : Oui, c'est bien vraiment Deux bêt's l'un' portant l'autre.

D'un nouveau malheur 3e me damne : Au cabaret étant entré , J'avais mal attaché mon âne : Vlà qu'il prend la fuit' dans les prés.

Vlà que j'cours , Que j'parcourB ,

TOPLL AIRES. 203

En d'mandant mon bourriquet.

J' vous en prie ,

V tous supplie, Si vous l'avez , rendez-le.

De loin , voyant mon petit ânon ,

J'crie : «Arrête, Manon. »

A grands pas v"là qu'j'arpente ; Mais, jarni , ben mal à propos ,

J'choppe auprès d'un hameau.

V'ià que j'tombe à plat ventre.

Queu train !

Via le marchand de vin ,

Armé d'un gros gourdin ,

Et d'une manièri frappante M'disant : «P'tit tondu,

Tu me dois un écn ;

Tu vas m'payer mon dû.»

La scène était touchante; Dans mon désespoir je m'écrie : «C'est Tmaudit âne qu'est cause de ça. Oui, c'est en courant après lui Qu'j'ai oublié d'vous payer ça.»

Plus d^onne mine, Pius d'cuisine , Plus d'montre , plus d'ànon. Je suis bien

204 CHANSONS

Petit Enfant prodigue Retournant à la maison.

Pourtant Vlà qu'j'aperçois l'clocher. Ben las , ben efflanqué , Au villag' v'ià qu'j'arrive ; C'était ben l'cas de dire, vraiment , J'étais en arrivant Comme le Juif errant. Vlà Martin , Blaisot , Nicolas , Et puis le grand Colas , Qui volent sur mes traces. « C'ment , c'est toi , Nigaudin ! Oui, c'est ben moi , Catin ; Embrasse-moi donc un brin.» Vlà qu'ail' m'saute sur la face ;

Vlà qu'ma tante , mon père ,

Et ma mère ,

S'écriant : L'v'là donc , c' pauvre enfant! Dis'nt avec des larmes amères : Nigaudin , viens donc sur mon flanc.

L'un m'embrasse ,

L'autre m'arrache, Et dans un jour aussi beau ,

Père et mère ,

POPULAIRES. 205

Oncles et frères, Tout l'monde pleurait comme des veau.

Entré dans not'maison ,

Vlà-t'y pas qu'tout l'canton

Cheu nous arrive en foule , D'mandant à cor et à cris Que j'ieux fasse un récit Sur la ville de Paris.

« Vraiment C'est un pays charmant; Mais faut beaucoup d'argent Dans ce riant asile. Mais c'qui déplaît tout d'bon , J'vais vous Fdire sans façon : La hauteur des maisons Empêche de voir la ville ;

Champs-Elysées, quais et Tuileries ., Palais-Royal et boulevards , des demoiselles jolies S'y promènent de toutes parts.

Grande roulade , Grande parade , Escamoteurs , aboyeurs ; Grand spectacle, Charrettes , fiacres,

206 CT1ANSOSS

Et demoiselles Qui vendent leur honneur. * Après un aussi beau récit, Vlà tout Pmonde ébaubi De joie et de surprise .- Monsieur l'euré, l'maire et l'baiLi Restent tout interdits Sus l'grand tableau de Paris.

Letellier.

fca belle Bourbonnaise.

La chanson de la Bourbonnaise était une grosse bouffonnerie, dont l'héroïne était sans doute quelque courtisane de l'époque , qui , comme beaucoup de ses semblables, était tombée dans la misère après avoir brillé dans Paris. En 1768, lorsque la du Barri commença d'être en faveur, on chercha tous les moyens d'en dégoûter le roi, et on fit plusieurs chan sons sur sa basse extraction , entre au- tres la Nouvelle Bourbonnaise. Mais la première chanson était antérieure au

I MRES.

règne de la favorite, et ce qui lui donna une vogue qui s'est prolongée pendant plus d'un demi-siècle, c'était la manière dont elle était chantée par un homme connu sous le nom de Grimacier, dont la physionomie mobile et expressive était tres-originale. Cet homme , qui avait disparu pendant la Révolution, reparut sous l'Empire, et chanta encore dans les rues la Bourbonnaise, dont le succès n'a pas survivre au talent Bernique de son interp.

Dans Paris la grand'ville, Garçons , femmes et filles , Ont tous le cœur débile, Et poussent des hélas : ah : ah ! ai ! ah î La belle Bourbonnaise, La maîtresse de Biaise, Est très-mal à son aise Elle est sur le grabat, ah! ah! fut ii foi

N'est-ce pas grand dommage Qu'une fille

Au printemps de Sun âge, Soit réduite au trépas? ah : oh ! ah ! ah.' La veille d'un dimanche.

)8 CHANSONS

En tombant d'une branche, Se fit mal à la hanche Et se démit le bras, ah! ah ! huit fois.

On chercha dans la ville Un médecin habile Pour guérir cette fille : Il ne s'en trouva pas, ah: ah! ah! ah: On mit tout en usage , Médecine et herbage, Bon bouillon et laitage : Rien ne la soulagea, ah ! ah ! huit fois.

Voilà qu'elle succombe ; Elle est dans l'autre monde. Puisqu'elle est dans la tombe, Chantons son Libéra, ah! ah! ah ! ah! Soyons dans la tristesse, Et que chacun s'empresse, En regrettant sans cesse, Ses charmes, ses appas, ah! ah! huit fois.

Pour qu'on sonnât les cloches, On donna ses galoches , Son mouchoir et ses poches , Ses souliers et ses bas, ah! ah! ah! ah! Quant à sa sœur Javotte, On lui donna sa cotte , Son manteau plein de crotte, Séjour qu'elle expira, ah! ah! huit fait.

POPULAIRES. 209

En fermant la paupière Eli' finit sa carrière , Et sans drap et sans bière En terre on l'emporta , ah ! ah! ah! ah! La pauTre Bourbonnaise Va dormir à son aise , Sans fauteuil et sans chaise, Sans lit et sans sofa, ah ! ah ! huit fois.

J^e léger Bateau.

On m'avait dit sur un autre rivage : Dans les cités va chercher le bonheur; Dans les cités rien n'a séduit mon cœur, Et je reviens dans mon pauvre village. Rendez-moi mon léger bateau, L'azur du lac paisible Et ma rame flexible ; Rendez-moi mon léger bateau Et ma chaumine au bord de l'eau, ter.

Sous ces lambris oh la pourpre étincelle , Je n'avais plus ma douce liberté ; De noirs soucis ombrageaient ma gaité, J'avais perdu tout bonbeur avec elle. Rendez-moi mon léger batea-j

:10 CHANSONS

Je Yeux revoir ces jeux sur la fougère , Qu'un triste ennui ne refroidit jamais; Je veux revoir ce ciel pur que j'aimais ; Je veux m'asscoir au foyer de mon père.

Rendez-moi mon léger bateau,

L'azur du lac paisible

Et ma rame flexible ;

Rendez-moi mon léger bateau

Et ma chaumine au bord de l'eau. 1er

Petit blanc.

CHANSON CRÉOLE.

Un petit blanc que j'aime En ces lieux est venu ; Oui, oui, c'était lui-même C'était lui , je l'ai vu. A la pauvre né^.'esse Il porte le bonheur ; jlle voudrait sans cesse Le presser sur son cœur. Petit blanc, mon bon frère, Ah ! petit blanc si doux , Il n'est rien sur la terre D'aussi joli que vous.

POPLLAir.ES. 2ii

Sitôt que l'ombre cesse , Que le ciel est en feu , Vous me dites : « Négresse Reposez-vous un peu. » Vous, bon, toujours le même, Jamais ne me battez , Et quand je vous dis j'aime , Vous, blanc, tous m'écoutez. Petit blanc, mon bon frère, etc.

Si belle est votre bouche , Vos cheveux sont si doux! Lorsque ma main les touche Mon cœur en est jaloux ; Votre regard m'enchante Comme le plus beau jour, Et votre voix touchante Me fait mourir d'amour. Petit blanc, mon bon frère, Ah! petit blanc si doux, 11 n'est rien sur la terre D'aussi joli que vous.

Gentille .innette.

Air de Robin des Bois.

Gentille Annette, Tu vas seulette

2i2 CHANSONS

Sous la coudrette , Chanter la Robin des Bois. C'est pour savoir si le printemps s'avance. Pour chasser l'échéance De nos climats d'hiver. Tra la, etc.

Dans le village, Sous le feuillage , Tu surpasses, je gage , Même la cour des rois. C'est pour savoir, etc.

Gentille hirondelle, Déployant tes ailes , Tu fuis avec elle La coupe des bois. C'est pour savoir, etc.

Le beau Narcisse , La croyant novice, Près d'elle se glisse, La suit pas à pas. C'est pour savoir, etc.

Hirondelle volage Parcourant le bocage . Tu fuis à l'ombrage Des pays déserts. C'est pour savoir, etc.

P0PLLAir.E5, 21'

Adieu donc , ma belle ,

Adieu donc , cruelle ,

Jamais de nouvelle

Tu n'auras de moi. C'est pour savoir ô le printemps s'avance. Pour chasser l'échéance De nos climats d'hiver. Trala, etc.

L'Amour marchand de plaisir.

L'amour courait, cherchant pratique ; De plaisir il était marchand. Pourachalander sa boutique, Il s'en allait partout criant j « Dans la saison d'aimer, de plaire, Régalez-vous, il faut jouir; Étrennez l'enfant de Cythèrc, Mesdames , voilà le plaisir! bi

Régalez-vous , mesdames , Voilà le plaisir '.

« Le temps s'envole et sur sa trace Fuit beauté , jeunesse et désir ; Comme un éclair le plaisir passe : Au passage il faut le saisir. Fillettes dont le cœur palpite, Régalez-vous; pourquoi rougir ?

214 CHANSONS

Au plaisir l'Amour vous invite, Fillettes , voiià le plaisir ! bit.

Régalez-vous , mesdames,. Voilà le plaisir !

« Au Mentor, au tyran sévère Se dérober en tapinois, D'un jaloux tromper la colère , Réduire un Argus aux abois ; Par un peu de coquetterie Sans cesse éveiller le désir, Voilà le plaisir de la vie. Mesdames, voilà le plaisir ! bis.

Régalez-vous , mesdames , Voilà le plaisir!

« Dans le hameau, dans la campagne, A la cour et chez les prélats , A Rome , en France , dans l'Espagne , Les plaisirs sont les meilleurs plats. C'est le plaisir qui toujours reste, On ne le voit pas desservir ; Jusqu'au dernier, d'une main leste, On voit les rois mêmes l'offrir. Mesdames , voilà le plaisir ! bis.

Régalez-vous , mesdames , Voilà le plaisir!

« Mon adresse est chez le Mystère , A l'en3eigne du Rendez-Vous ;

POPULAIRES. 215

Venez , venez , j'ai votre affaire , J'ai du plaisir pour tous les goûts, b Bientôt le plaisir fut si preste, Tant de chalands vinrent s'offrir, Qu'Amour criait : « Au reste , au rs!e ! Hâtez-vous , ou point de plaisir, fefe, Régalez-vous, mesdames, Voilà le plaisir! »

Les Souhait*»..

L'abbé de Lattaignant , vers la fin du xviie siècle, et qui fut chanoine de Reims, eut pendant trente ans la ré- putation du plus aimable chansonnier de Paris. Il faisait les délices de la so- ciété par sa facilité à composer et à chanter des couplets. Ses poésies ont été recueillies en quatre volumes in -12, 1557. Elles sont trop nombreuses pour qu'il n'y en ait pas quelques-unes de médiocres; mais elles brillent toutes par la grâce et la facilité. Quand le diable devint vieux, il se fit ermite. L'abbé

21G CHANSONS

de Lattaignant se retira sur la fin de ses jours chez les pères de la Doctrine chrétienne, et y mourut en 1779.

Air du prologue de l'opéra du Carnaval

du Parnasse,

ou : Air nouveau de Jadin.

Ma mie , Ma douce amie Répond à mes amours. Fidèle A cette belle , Je l'aimerai toujours.

Si j'avais cent cœurs, Ils ne seraient remplis que d'elle;

Si j'avais cent cœurs , Aucun d'eux n'aimerait ailleurs. Ma mie , etc.

Si j'avais cent yeux, Ils seraient tous fixés sur elle;

Si j'avais cent yeux, Ils ne verraient qu'elle en tous lieux. Ma mie , etc.

Si j'avais cent voix, Elles ne parleraient que d'elle

y~p=li

POPILAIRES. 217

Si j'avais cent voix,

Toutes rediraient à la fois :

Ma mie , etc.

Si j'étais an dieu, Je voudrais la rendre immortelle;

Si j'étais un dieu,

On l'adorerait en tout lieu.

Ma mie , etc.

Fussiez-vous cinq cents, Vous seriez tous rivaux près d'elle ;

Fussiez-vous cinq cents, Vous voudriez en être amants. Ma mie , etc.

Eussiez-vous cent ans, Nestor rajeunirait pour elle ;

Eussiez-vous cent ans , Vous retrouveriez le printemps. Ma mie, Ma douce amie Répond à mes amours. Fidèle A cette belle , Je l'aimerai toujours.

L'abbé de Lattaig.nant.

21 S CHANSONS

IiC Tambourin.

Entendez-vous le tambourin ?

Vite à la danse ; bis.

Entendez-vous le tambourin Qui met le villageois en train?

Fi de la ville , On y vit tranquille ; ^oint de gaité : l'on danse à petits pLS. Au village on est plus habile, Au village on rit aux éclats. Entendez-vous le tambourin? etc.

Eh quoi ! Lisette, Vous n'êtes pas prête ; Votre fichu vous tient encore là? Déjà se gonfle la musette, Et Colin vous attend là-bas. Entendez-vous le tambourin? etc

L'amour invite,

Et chacun s'agite.

Eh quoi ! la nuit nous arrive déjà

Si la danse finit trop vite

La chanson la remplacera.

POPULAIRES. 219

Entendez-vous le tambourin ?

Vite à la danse; bis.

Entendez-vous le tambourin Qui met le villageois en train ?

ma Cavale.

Cette romance était chantée dans Far- ruch le Maure, drame en trois actes et en vers de Victor Escousse, joué au théâtre de la Porte-Saint-Martin , en juin 1831. Le même auteur donna la même année, en novembre, au Théâtre- Français, un drame en cinq actes et en vers, intitulé. : Pierre III; et en 1832, il avait terminé sa carrière avec son ami Auguste Lebras : les deux malheureux poètes s'étaient asphyxiés, en accusant leur siècle de ne pas les comprendre.

Étrange et vaniteuse folie d'un jeune homme qui u'était, pour ainsi dire, qu'un apprenti de la vie , et qui avait voulu conquérir subitement les honneurs et

220 CHANSONS

la fortune , qui couronnent si rarement même le mérite reconnu, même les ta- lents éprouvés.

A peine débutant, on lui avait ouvert les portes du Théâtre-Français; il y avait réussi, grâce à l'indulgence qui encourageait son talent naissant ; et il s'appela incompris ! et il voulait que son siècle admirât ses essais, des essais que peut-être la maturité de l'âge lui eût fait un jour juger lui-même avec sévérité, s'il avait eu le courage de per- sévérer dans la carrière.

Mais le malheur de beaucoup de jeunes gens, c'est de regarder la poésie, ce noble délassement de l'esprit, comme une chose qui doit fixer l'attention de toute la société ; ils se repaissent d'il- lusions , et la triste réalité les met aux prises avec la misère. Alors arrive le suicide , cette lâche désertion de celui qui oublie que

La vie est un combat.

Trois ans après la mort d'Eseousse

POPULAIRES. 22!

M. de Vigny a fait jouer aux Français son Chatterton , dont la fatale pensée semble la justification du malheureux dont nous plaignons la démence.

0 ma cavale au sabot noir,

Passons le seuil du vieux manoir ;

Dévorons vite l'intervalle

Qui d'elle me sépare encor.

Ma belle et fougueuse cavale,

Partons , partons au son du cor. bi*.

Foule et décbire le gazon.

La lune monte à l'horizon :

Du rendez-vous d'amour c'est l'heure

Àb : qu'il est doux de la saisir.

En vérité je cbante et pleure

D'amour, de joie et de plaisir. bis.

Oui, c'est bien le vieux clocher

Dont le portail doit nous cacher ;

Et dans un galant équipage ,

A l'autre bout du pont-levis ,

Voici venir son petit page

Qui m'apporte un joyeux avis. bis.

Allons un pas, un pas encor, Et maintenant donnons du cor. A travers la longue avenue ,

222 CHANSONS

Je la distingue : la voici.

De bonheur mon àme est émue.

Merci , ma cavale , merci. bis ,

Tonton, Ton lai ne.

Il y a beaucoup de chansons de chasse avec ce refrain, mais la plupart sont un peu libres et ne peuvent guère se chanter que dans les bois ou à huis clos. Celle-ci, quoique fort gaie, est de bonne compagnie ; elle fut faite en 1770 pour le château de La Brosse , qui ap- partenait au duc de Montmorency. L'auteur est M. Marion du Mersan, un de ces poètes aimables du xvme siècle, qui faisait des vers pour son plaisir, comme les Chaulieu qt les Lattaignant, et qui brillait dans la société choisie de cette époque. Il était à Peilhac, près de Ploermel , en Bretagne, en 1718, et il est mort à Paris en 1801 , âgé de quatre-vingt-trois ans.

POPULAIRES.

LE REFRAIN DU CHASSEUR.

Mes amis , partons pour la chasse ; Du cor j'entends le joyeux son.

Tonton , tonton ,

Tontaine, tonton. Jamais ce plaisir ne nous lasse. Il est bon en toute saison. %

Tonton ,

Tontaine, tonton.

A sa manière chacun chasse , Et le jeune homme et le barbon.

Tonton, tonton,

Tontaine, tonton. Mais le vieux chasse la bécasse, Et Le jeune un gibier mignon. Tonton ,

Tontaine , tonton.

Pour suivre le chevreuil qui passe Il parcourt les bois , le vallon.

Tonton, tonton,

Tontaine, tonton. Et jamais , en suivant sa trace Il ne trouve le chemin long. Tonton ,

Tontaine, tonton.

224 CHANSONS

A l'affût le chasseur se place , Guettant le lièvre ou l'oisillon.

Tonton , tonton ,

Tontaine, tonton. Mais si jeune fillette passe, . Il la prend : pour lui tout est bon. Tonton ,

Tontaine , tonton.

Lg vrai chasseur est plein d'audace ; Il est gai , joyeux et luron.

Tonton , tonton ,

Tontaine, tonton. Mais, quelque fanfare qu'il fasse, Le chasseur n'est pas fanfaron. Tonton ,

Tontaine, tonton.

Quand un bois de cerf l'embarrasse , Chez sa voisine, sans façon ,

Tonton , tonton ,

Tontaine, tonton. Bien discrètement il le place Sur la tète d'un compagnon. Tonton ,

Tontaine, tonton.

Quand on a terminé a. chasse , Le chasseur se rend au grand rond.

POPULAIRES. 225

Tonton , tonton ,

Tontaine, tonton. Et chacun boit à pleine tasse Au grand saint Hubert, son patron. Tonton ,

Tontaine, tonton.

Marios du Mersan.

La Chasse.

Cette chanson, sur le même air que la précédente, est de Philippon La Ma- deleine , l'un des convives des Diners du Vaudeville, et l'un des spirituels au- teurs de ce théâtre, qu'on appelait dans ce temps-là la Boite à l'esprit.

Le genre a bien dégénéré depuis. Les drames larmoyants et la grosse bouf- fonnerie ont remplacé les couplets fins et délicats.

Philippon La Madeleine, qui est mort en 1818, âgé de quatre-vingt-quatre ans, avait conservé jusqu'à ses derniers moments la grâce et la vivacité de la

15

226 CHANSONS

jeunesse et tout le charme de l'urbanité française.

Chacun de nous a sa folie; Moi , la cbasse est ma passion.

Tonton , tonton ,

Tonlaine , tonton. C'est un plaisir que je varie Suivant le lieu , l'occasion. Tonton ,

Tontaine, tonton.

Tantôt les perdrix dans la plaine Tombent sous mes coups à foison.

Tonton , tonton ,

Tontaine, tonton. Tantôt la troupe au bois m'entraîne- Tout gibier me plait s'il est bon. Tonton ,

Tontaine, tonton.

Dans les vignes du vieux Silène , La chasse est de toute saison.

Tonton , tonton ,

Tontaine, tonton. Et le plaisir passe la peine, Car on y laisse sa raison. Tonton ,

Tontaine, tonton.

POPULAIRES. 227

Quelquefois je vais au Parnasse; Mais , hélas ! depuis qu'Apollon

Tonton , tonton ,

Tontaine, tonton, N'a plus le Goût pour garde-chasse , Son domaine est à l'abandon. Tonton,

Tontaine , tonton.

Sur les terres de la fortune, Le chasser n'est plus aussi bon.

Tonton, tonton,

Tontaine, tonton. La chasse au toI est trop commune Depuis dix ans dans le canton. Tonton ,

Tontaine, tontoD.

J'aime à braconner à Cythère ; Mais du cor j'adoucis le son ,

Tonton, tonton,

Tontaine, tonton. Les Grâces ne se prennent guère Dans les filets du fanfaron. Tonton,

Tontaine, tonton.

Philupon la Mi»elrine.

228 CHANSONS

plaintes d'une Amante abandonnée.

Dans les gardes françaises J'avais un amoureux , Fringant, chaud comme braise, Jeune , beau , vigoureux ; Mais de la colonelle C'est le plus scélérat; Pour une pcronelle Le gueux m'a planté là.

11 avait la semaine Deux fois du linge blanc, Et, comme un capitaine, La toquante d'argent, Le fin bas d'écarlate A côtes de melon , Et toujours de ma patte Frisé comme un bichon.

Pour sa dévergondée , Sa Madelon Friquet, De pleurs tout inondée J'ai rempli mon baquet : Je suis abandonnée; Mais ce n'est pas le pis :

POPULAIRES. - 22&

Ma fille de journée Est sa femme de nuit.

Une petite rente, D'un monsieur le bienfait, Mon coulant, ma branlante, Tout est au berniquet : Il retournai: mes poches, Sans me laisser un sou. Ce n'est pas par reproches , Mais il me mangeait tout.

La nuit quand je sommeille, Je pense à mon coquin; Mais le plaisir m'éveille Tenant mon traversin. La chance est bien tournée , A présent c'est Catin Qui suce la dragée, Et moi le chicotin.

De ta lame tranchante Perce mon tendre cœur ; Fais périr ion amante, Ou rends-lui son bonheur. Le passé n'est qu'up 3onge, Une fichaise , un rien : J'y passerai l'éponge ; Viens , rentre dans ton bien.

Attribuée à V*dé

230

Ah ! vous dirai-je, Maman.

Ah ! vous dirai-je maman, Ce qui cause mon tourment ? Depuis que j'ai vu Silvandre Me regarder d'un air tendre, Mon cœur dit à tout moment, Peut-on vivre saus amant ?

L'autre jour dans un bosquet, De fleurs il fit un bouquet, Il en para ma houlette, M,e disant : « Belle brunette, Flore est moins belle que toi, L'amour moins tendre que moi.

o Étant faite pour charmer, Il faut plaire, il faut aimer. C'est au printemps de son âge Qu'il est dit que l'on s'engage; Si vous tardez plus longtemps, On regrette ces moments.»

Je rougis et par malheur, Un soupir trahit mon cœur; Silvandre, en amant habile, Ne joua pas l'imbécile:

/

POPCLAIRES. 231

Je veux fuir, il ne veut pas : Jugez de mon embarras.

Je fis semblant d'avoir peur, Je m'échappai par bonheur; J'eus recours à la retraite. Mais quelle peine secrète Se mêle dans mon espoir, Si je ne puis le revoir ?

Bergères de ce hameau , . N'aimez que votre troupeau ; Un berger, prenez-y garde , S'il vous aime , vous regarde . Et s'exprime tendrement , Peut vous œuser du tourment.

Les Vendanges.

Air de Dufresny.

Dans la vigne à Claudine Les vendangeurs y vont : On choisit à la mine Ceux qui vendangeront. Aux vendangeurs qui brillent un s Monne V H>as ;

CHANSONS

Les autres y grappillent, Mais n'y vendangent pas.

Sur la fin de l'automne , Vint un joli vieillard : « Si la vendange est bonne, J'en veux avoir ma part.» Cette prudente fille Lui répondit tout bas : «Vieux vendangeur, grappille, Mais ne vendange pas. »

Aux vignes de Cythère , Parmi les raisins doux, Est mainte grappe amère: N'en cueillez pas pour vous. Ce choix, pour une fille, Est un grand embarras : La plus sage grappille, Mais ne vendange pas.

DlIFRESNY.

I.a Boulangère.

Cette chanson, un peu grivoise, dont on ne chante presque partout que le

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poplxaip.es. 233

premier couplet, nous a été donnée par un amateur qui croit qu'elle date du temps de la régence, ainsi que celle de a Meunière. On connaît la chanson de Boufflers , Gentille boulangère, qui est \ peu près dans le même genre ; nous croyons celle-ci plus ancienne. On sait que c'est un air sur lequel on danse depuis longtemps une ronde qui finit gaiment tous les bals bourgeois. Nous n'avions trouvé la chanson dans aucun recueil.

La boulangère a des écus

Qui ne lui coûtent guère : Elle en a , car je les ai vus ,

J'ai vu la boulangère Aux écus ,

J'ai vu la boulangère.

« D'où te viennent tous ces écus.

Charmante boulangère? —Ils me viennent d'un gros Crésus

Dont je fais bien l'affaire, Vois-tu!

Dont je fais bien l'affaire.

A mon four aussi sont venus

224

De galants militaires ; Mais je préfère les Crésus A tous les gens de guerre,

Vois-tu ! À tous les gens de guerre.

Das petits-mai très sont venus, En me disant : «Ma chère,

« Yous êtes plus bell' que Vénus ; » Je n'ies écoutais guère,

Vois-tu ! Je nies écoutais guère.

Des abbés coquets sont venus : Ils m'offraient, pour me plaire,

Des fleurettes au lieu d'écus; Je les envoyais faire...

Vois -tu! Je les envoyais faire...

Moi , je ne suis pas un Crésus,

Abbé, ni militaire; Mais mon talent est bien connu :

Boulanger de Cythère , Vois- tu !

Boulanger de Cythère.

Je pétrirai , le jour venu,

Notre pâte légère, Et la nuit, au four assidu,

POPULAIRES. 235

4 'enfournerai, ma chère,

Vois-tu! J'enfournerai , ma chère.

Eh bien ! épouse ma vertu , Travaill' de bonn' manière ,

Et tu ne seras pas... déçu Avec la boulangère

Aux écus ! Avec la boulangère. »

Attribuée à Gallet.

âLa Meunière du moulin à vent.

En amour je suis très-savant De plus d'un' manière. Depuis qu'un jour qu'il fsait du vent, Par derrière comm' par devant,

J'ai vu la meunière

Du moulin à vent.

Je me promenais très-souvent :

Près de la rivière; L'moulin à eau dorénavant Ne me plaira plus comme avant .

J'ai vu la meunière

Du moulin à vent.

236 CHANSONS

Je lui dis : « Je suis bon vivant,

Aimez-moi , ma chère ; Vous verrez qu'avec moi le vent Soufflera toujours du levant Pour la bell' meunière Du moulin à vent. »

Mais c'est une tète à l'évent;

EU' tourna l'derrière , Et, refermant son contrevent Eli' me laissa tris',e et rêvant

A la belle meunière

Du moulin à vent.

J'voulais , plein d'un zèle fervent,

Faisant ma prière, M'aller jeter dans un couvent, N'pouvant pas êtr' frère servant

D'ia belle meunière

Du moulin à vent.

J'allai la voir le jour suivant;

Elle fut moins fière , Se tourna mieux qu'auparavant; Et le lendemain , par devant,

J'ai vu la meunière

Du moulin à vent.

D'un autre moyen me servant, J'allai chez l'notaire :

POPULAIRES. 237

Et sur le contrat écrivant,

J'ois : « Mettez .- Passé par-devant...

J'épous' la meunière

Du moulin à vent. »

Attribuée à Gallet.

lia Grisette.

Oui, je suis grisette; On voit ici-bas Plus d'une coquette Qui ne me vaut pas.

Je suis sans fortune Et n'ai point d'aïeux; Oui, mais je suis brune, Et j'ai des yeux bleus. Oui , je suis grisette , etc.

Un vieux duc me presse; Je résisterai , Et serai duchesse Lorsque je voudrai.

Oui, je suis grisette, etc.

Libre en ma demeure, J'écris à Julien :

238 CHANSONS

« Viens donc de bonne heure, Tu feras le mien. » Oui, je suis grisette, etc.

On nous fait la guerre, Et pourtant , je crois , Nous n'en avons guère Qu'un seul à lfc fois. Oui , je suis grisette , etc.

Moi , je fais l'épreuve D'un hymen complet, Et je deviens veuve Quand cela me plait. Oui , je suis grisette, etc.

Une prude jeûne Avec des façons, Et moi je déjeune Avec les garçons. Oui , je suis grisette, etc.

Pour avoir dimanche Bonnet et ruban, J'ai la robe blanche Que je mets en plan.

Oui , je suis grisette , etc.

Fi d'un bal qu'éclaire Le feu des quinquets '

PO l" CL A 1RES. 239

Vive la Chaumière : On a des bosquets ! Oui, je suis grisette, etc.

Je suis ouvrière , Voilà tout mon bien, Et j'aide ma mère, Qui ne gagne rien. Oui , je suis grisette , etc.

J'aurais bien pu rendre Mon sort fortuné , Si j'avais su vendre Ce que j'ai donné. Oui , je suis grisette , etc.

Mais, simple et modeste , Je ne veux pas d'or, Et ce qui me reste, Je le donne encor. Oui, je suis grisette; On voit ici-bas Plus d'une coquette Qui ne me vaut pas.

Frédéric de Colrct.

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JLa ftasconne.

Un jour cet automne, Bordeaux revenant, Je vis nymphe mignonne Qui s'en allait chantant : On rit, on jase, on raisonne, On n'aimé qu'un moment.

Je vis nymphe mignonne Qui s'en allait chantant : C'était la jeune OEnone , Fraîche comme un printemps. On rit, on jase, on raisonne, On n'aimé qu'un moment.

C'était la jeune OEnone, Fraîche comme un printemps. Fermé comme une nonne , Un morceau friand. On rit, on jase, on raisonne, On n'aimé qu'un moment.

Fermé comme une nonne , Un morceau friand. Dans mon humeur gasconne , J'étais entreprenant.

POPULAIRES. 241

On rit, on jase, on raisonne, On n'aimé qu'un moment.

Dans mon humeur gasconne, J'étais entreprenant. Je déchire et chiffonne Lacet, gaze et ruban. On rit, on jase, on raisonne, On n'aimé qu'un moment.

Je déchire et chiffonne Lacet, gaze et ruban. « Tiens , le fils Latone, Lui dis-je , est moins ardent. » On rit , on jase , on raisonne , On n'aimé qu'un moment.

« Tiens, fils Latone, Lui dis-je, est moins ardent; Et son flambeau, mignonne, S'éteint dans l'Océan. » On rit, en jase, on raisonne, On n'aimé qu'un moment.

« Et son flambeau , mignonne , S'éteint dans l'Océan. Celui que je donne S'en va toujours brûlant. » On rit , on jase , on raisonne , On n'aimé qu'un moment.

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242 CHANSONS

« Celui que je donne S'en va toujours brûlant. Ah ! dit la friponne , J'en doute à ton ascent. » On rit, on jase , on raisonne, On n'aimé qu'un moment.

De Baussay.

^a marmotte en vie.

J'ai quitté la montagne jadis je naquis, Pour courir la campagne Et venir à Paris. Ah ! voyez donc la marmotte ,

La marmotte en vie. Donnez queuqu' chose à Javotte Pour sa marmotte en vie. Ah ! voulez-vous voir la marmotte ,

La marmotte en vie ; Ah ! donnez queuqu' chose à Javotte Pour sa marmotte en vie.

De village en village Je m'en allai tout droit. Portant petit bagage , Criant dans chaque endroit :

POPULAIRES. 243

« Ah ! voyez donc la marmotte

La marmotte eu vie. Donnez queuqu' chose à Javotte Pour sa marmotte en vie. Ah ! voulez-vous voir la marmotte,

La marmotte en vie ; Ah ! donnez queuqu' chose à Javotte, Pour sa marmotte en vie. »

Quand j' fus à la barrière ,

Un commis m'arrêta,

M'disant : « Jeune étrangère,

Que portez-vous donc' là? Ah ! monsieur, c'est la marmotte,

La marmotte en vie. Donnez queuqu' chose à Javotte

Pour sa marmotte en vie ; Ah ! voulez-vous voir la marmotte,

La marmotte en vie ; Ah ! donnez queuqu' chose à Javotte

Pour sa marmotte en vie.

Passez la jeune fille,

Avec ce petit bien ;

Quand on est si gentille ,

Au roi l'on ne doit rien. Allez crier la marmotte,

La marmotte en vie. D'mandez queuqu' chose pour Javotte,

Pour sa marmotte en vie. »

244 CHANSONS

Ah ! voulez-vous voir la marmotte,

La marmotte en vie ; Ah ! donnez queuqu' chose à Javotte. Pour sa marmotte en vie.

Un beau monsieur me r'garde, Puis s'arrête tout doux : « La belle Savoyarde , Montre-moi tes bijoux; Ah ! voyons donc c'te marmotte,

C'te marmotte en vie. J' donn'rai queuqu' chose à Javotte Pour sa marmotte en vie. Ah ! montre-moi ta marmotte,

Ta marmotte en vie ; Oui, j'donn'rai queuqu' chose à Javotte Pour sa marmotte en vie. »

Moi, sans plus de mystère, Soudain le satisfis. Il ouvr' son aumônière , Puis , comptant ses louis : « Ah ! prête-moi ta marmotte ,

Ta marmotte en vie. J'donn'rai tout c't'or à Javotte Pour sa marmotte en vie. Ah ! prête-moi ta marmotte ,. Ta marmotte en vie; "Oui , j' donn'rai tout c't'or à Javotte Pour sa marmotte en vie. »

rOPILAlRiS. 245

Que faire , pauvre fille , En voyant tant d'argent? D'aise mon cœur pétille. J'accepte le présent.... « Prenez, prenez la marmotte,

La marmotte en vie. Donnez , donnez à Javotte Pour sa marmotte en vie. Ah ! caressez la marmotte, La marmotte en vie; Ah! donnez, donnez à Javotte Pour sa marmotte en vie. »

Mais ce bien que r'grette , Il me l'prit pour son or; Vai plus que la coffrette gardais ce trésor. Ah ! j'ai perdu la marmotte

La marmotte en vie. C'en est fait, pauvre Javotte,

D'ta marmotte en vie! Ah ! oui, j'ai perdu la marmotte ,

La marmotte en vie , Ah ! c'en est fait , pauvre Javotte , D'ta marmotte en vie !

DCCRAÏ DlMtML

246

Ata! le bel Oiseau, Ulaman!

Ah ! le bel oiseau , maman , Qu'Alain a mis dans ma cage! Ah ! le bel oiseau , maman , Que m'a donné mon amant!

En cachette , hier au soir, Nous sortîmes du village : « Suis-moi , si tu veux le voir, Me dit-il , sous ce feuillage. » Ah ! le bel oiseau , maman , etc.

« Pressons-nous , mon cher Alain ; S'il s'échappait, quel dommage! Mon cœur bat, mets-y la main. » Le sien battait davantage. Ah ! le bel oiseau , maman , etc.

Il me prit un doux baiser : « Alain , Alain , sois donc sage. C'est, dit-il , pour préparer Du bel oiseau le ramage. » Ah ! le bel oiseau , maman , etc.

Il me presse de nouveau. « Je le tiens , dit-il , courage !

POPULAIRES. 247

Le voici sous mon chapeau ; C'est le plus beau du village. » Ah ! le bel oiseau , maman , etc.

Il est à moi pour toujours ; Il chérit son esclavage; C'est l'objet de mes amours. J'en veux jouir sans partage.

Ah ! le bel oiseau , maman , Qu'Alain a mis dans ma cage '. Ah ! le bel oiseau , maman , Que m'a donné mon amant!

l'amour, la nuit et le jour.

Rendez-vous à mes vœux, Belle et tendre bergère ; Le temps est précieux , Profitez-en pour faire L'amour, l'amour, l'amour, Et la nuit et le jour.

En vain par mille appas Vous chercheriez à plaire, Si vous ce vouliez pas En profiter pour faire L'amour, l'amour, l'amour, Et ta nuit et le jour.

248 CHANSONS

Vous êtes faite exprès Pour l'amoureuse guerre , Et, jusqu'au moindre trait, Tout parle en vous de faire L'amour, l'amour, l'amour, Et la nuit et le jour.

Fuyez les froids discours

D'une vieillesse austère. .

Les vieux , dans leurs beaux jours,

Ne s'occupaient qu'à faire

L'amour, l'amour, l'amoUr,

Et la nuit et le jour.

Le bel âge s'enfuit, La tendresse s'altère, La beauté se détruit, Et l'on ne peut plus faire L'amour, l'amour, l'amour, Et nuit et le jour.

Les plus charmants appas N'ont que l'éclat du verre, Un rien les met à bas , Souvent faute de faire L'amour, l'amour, l'amour? Et la nuit et le jour.

Songeons à prévenir Une perte si chère ;

POPULAIRES. 249

N'ayons d'autre désir* D'autre soin que de faire L'amour, l'amour, l'amour, Et la nuit et le jour.

Quand l'hiver sur nos jours Viendra semer la neige, Désirons pour retour Et pour dernier cortège , Toujours, toujours, toujours, Bacchus et les Amours.

5la Lisette.

S'il fut jamais tendron A l'humeur guillerette Au minois frais et rond, Vrai gibier de luron , C'est ma Lison . ma Lisette , La grisette ; C'est ma Lison Que j'adore avec raison.

Qui n'ayant pour tout bien Que sa mine drôlette ,

£50 CHANSONS

Aux baisers d'un vaurien Vient la livrer pour rien C'est ma Lison , ma Lisette, etc.

Sur le pavé glissant, Trottillant, légerette, Qui rend de tout passant Le regard caressant? C'est ma Lison , ma Lisette , etc.

Au pauvre, en son chemin , Qui donne à l'aveuglette, Sans songer que demain Elle sera sans pain ? C'est ma Lison , ma Lisette , etc.

Qui mange sans compter L'argent que je lui prête, Mais qui , pour m'en prêter Vingt fois sut emprunter ? C'est ma Lison , ma Lisette , etc.

Qui jadis me trompa Sans paraître coquette ; Puis, pour moi, qui dupa Celui qui m'attrapa? C'est ma Lison , ma Lisette , etc.

Par de tendres leçons Qui donne à ma musette

POPULAIRES. 251

Quelques traits polissons , Dont je fais des cbansons? C'est ma Lison , ma Lisette , etc.

Dimanches et lundis, Venant dans ma chambrette, Qui fait un paradis De mon pauvre taudis? C'est ma Lison , ma Lisette , etc.

Lorsque de moins jouir La prudence projette, Entre elle et l'avenir, Qui jette le plaisir? C'est ma Lison , ma Lisette , La grisette ; C'est ma Lison , Que j'adore avec raison.

E. Hachis.

la Fille du Savetier.

Qu'un moment de vivacité Peut causer de calamité ! Sexe chéri pour qui les larmes Sont un besoin rempli de charmes, Ah ! qu'au récit de mes malheurs Vos beaux yeux vont verser de pleurs !

252 CHANSONS

Mon père était un savetier Fort estimé dans son métier, Et ma mère était blanchisseuse ; Moi , déjà j'étais ravaudeuse , Gagnant jusqu'à dix sous par jour : Mais qu'est l'or sans un peu d'amour ?

Sur le même carré que nous - Logeait un jeune homme fort doux ; Soit que j'entre , soit que je sorte , Toujours il était sur la porte; A chaque heure il suivait mes pas; Mais mes parents ne l'aimaient pas.

Un jour, j'étais innocemment Dans la chambre de mon amant, Mon père vient, frappe à la porte : Grands dieux ! que le diable l'emporte < Hélas ! ne pourrons-nous jamais De nos amours jaser en paix!

Mon père, comme un furieux, Prend mon amant par les cheveux ; Mon amant , quoique doux et tendre , Contraint enlin de se défendre , D'un coup de poing sur le museau , Jette papa sur le carreau.

Aux cris du vieillard moribond , Ma mère avec un gros bâton ,

popcla.ir.es. 253

Arrive comme la tempête , Frappe mon amant sur la tête. Ah ! pour moi , quel funeste sort ! Mon amant tombe roide mort !

Pour ce fatal coup de bâton , v On conduit ma mère en prison On la pend . et le commissaire

ie à la Salpêtrière

Qu'un moment de vivacité Peut causer de calamité !

Le désir d'être sage.

Tous les jours je veux être sage , Suivre les lois de la raison , Auprès du plus charmant visage Rester comme un petit Caton. Le soir vient , je vois mon amie : Le plaisir arrive soudain. Encore aujourd'hui la folie , Et je serai sage demain.

Le lendemain je jure encore , Et ne puis tenir mon serment; Je revois celle que j'adore : Peut-on résister un moment?

254 CHANSONS

Un baiser de ma douce amie Fait fuir la sagesse grand train. Encore aujourd'hui la folie , Et je serai sage demain.

L'homme, auprès d'une fille aimable Peut-il répondre de ses vœux Un regard , un ris délectable Le transporte et le rend heureux. Vous par qui nous aimons la vie, De vous fuir on projette en vain. Encore aujourd'hui la folie Et je serai sage demain.

C'est donc demain qu'est la sagesse , Et demain n'arrive jamais ; C'est la faute de ma maîtresse , Otez-lui donc quelques attraits , Otez-lui son joli sourire, Ses traits charmants , son air malin ; Otez-lui tout ce qui m'inspire, Et je serai sage demain.

i,a mère Bontemps.

La mère Bontemps S'en allait disant aux fillettes :

POPCLAIKES. 25i

«Dansez mes enfants , Tandis que vous êtes jeunettes ; La fleur de gaité Ne croit point l'été : Née au printemps comme la rose , Cueillez-!a dès qu'elle est éclose : Dansez à quinze ans , Plus tard il n'est plus temps.

A vingt ans mon cœur Crut l'Amour un dieu plein de charmes;

Ce petit trompeur M'a fait répandre bien des larmes :

Il est exigeant ,

Boudeur et changeant ; Fille qu'il tient sous son empire Fuit le monde , rêve et soupire.

Dansez à quinze ans, Plus tard il n'est plus temps.

Les jeux et les ris Dansèrent à mon mariage :

Mais bientôt j'appris Qu'il est d'autres soins en ménage.

Mon mari grondait ,

Mon enfant criait : Moi, ne sachant auquel entendre , Sous l'ormeaa pouvais-je me rendre?

Dansez à quinze ans , Plus tard il n'est plus temps.

256 CHANSONS

L'instant arriva ma fille me fit grand'mère ;

Quand on en est là, Danser n'intéresse plus guère :

On tousse en parlant,

On marche en tremblant; Au lieu de sauter la gavotte , Dans un grand fauteuil on radote.

Dansez à quinze ans Plus tard il n'est plus temps.

Voyez les Amours Jouer encor près de Louise.

Elle plait toujours , Au bal elle serait de mise; * Comme moi pourtant,

Sans cesse on l'entend Dire et redire à ses fillettes , Si gentilles, si joliettes :

Dansez à quinze ans, Plus tard il n'est plus temps. ><

îHa tante ttarauerite.

Ma vieille tante Marguerite ,

Qui touche à ses quatre-vingts ans

Me dit toujours : «Pauvre petite.

POPULAIRES 'i

Craignez les propos séduisants ; Fillette doit fuir au plus vite Quand un berger lui fait la cour. Ah : vieille tante Marguerite , Vous n'entendez rien à l'amour. b^

Eh quoi ! lorsque, dans la prairie , On me dira bien poliment Que je suis aimable et jolie , Faudra-t-iï me fâcher vraiment! Un beau berger, si je l'irrite , Prendrait de l'humeur à son tour. Ah ! vieille tante Marguerite , Tous n'entendez rien à l'amour. bis.

Toutes les filles de mon âge,

En cachette écoutent déjà

Des garçons le tendre langage ;

Je ne vois pas grand mal à ça.

Ma tante veut qu'on les évite ;

Mais je répondrai chaque jour :

Ah! vieille tante Marguerite,

Vous n'entendez rien à l'amour. » l is

Et l'innocente, un soir, seulette , Fit la rencontre de Colin , Qui, d'abord, lui conta fleurette, Puis l'égara de son chemin ; Si bien que la pauvre petite N'osa plus dire à son retour :

17

258 CHANSOXà

«« Ah! vieille tante Marguerite ,

Vous n'entendez rien à l'amour. » bis.

SîLVAlN BLOT.

L.e Départ du Conscrit,

Je suis t'-un pauvre conscrit De l'an mille huit cent dix ; Faut quitter le Languedo , Le Languedo, le Languedo ,

Oh! Faut quitter le Languedo , Avec le sac sur le dos.

Le maire , et aussi le préfet , N'en sont deux jolis cadets; Us nous font tirer z'au sort , Tiré z'au sort, tiré z'au soit ,

Ort; Ils nous font tiré z'au sort, Pour nous conduir' z'à la mort.

Adieu don^, mes chers parent N'oubliez pas votre enfant ; Grives li de temps er. ter.

POPULAIRES. 259

De temps en temps, de temps en temps.

En; Crivés li de temps en temps , Pour lui envoyer de l'argent.

Adieu donc , chères beautés. Dont nos cœurs sont z'enchaiitéi ; Ne pleures point not'départ , Not'départ, not'départ,

Art; Ne pleurez point not'départ : Nous reviendrons tôt z'ou tard.

Adieu donc, mon tendre cœur; Vous consolerez ma sœur : Vous y direz que Fan fan , Que Fanfan , que Fanfan ,

An ; Vous y direz que Fanfan , Il est mort z'en combattant.

Qui qu'a fait cette chanson , N'en sont trois jolis garçons; Ils étiont faiseux de bas , Faiseux de bas , faiseux de bas ,

Ah; Ils étiont faiseux de bas , Et à c't'heure ils sont soldats.

260 CHANSONS

¥>e I oiainimesi*.

Sais-tu pourquoi que je t'estime, Dis-moi donc, mon cher fourniment? C'est qu'tu fus toujours mon intime, Depuis quej'suis t'au régiment. A demain pour monter la garde, Je vais t'blanchir et t'nétoillier, Pour qu'on admire à la parade L'beau fourniment du guernadier.

Viens toi , ma charmante giberne : C'est par toi que j'vas commencer, Toi , que l'on n'a jamais vu' lerne Au jour qu'y avait du danger! Ma p'tit' combien tu dois ètr' fière Tout à la fois de renfermer Les cheveux d'ia particulière Et les cartouch's du guernadier.

Sabre d'amour, sabre de guerre , Tu s'ras toujours le défenseur De la cell' qui a su me plaire, Et qu'elle a su toucher mon cœur. Malheur à c'tilà qui t'offense : De toi il doit se méfillier ;

POPULAIRES. 261

Car tu coup's les ennemis d!la France, Comme les rivaux du guernadier.

0 toi, soutien de ma vaillance, 0 mon fuzil , si clair, si beau ! Toi, qui , pour le salut d'ia France, Serais dans l'cas d'partir dans l'eau ; Au tripoli , fils de la gloire , Tu dois l'éclat de ton acier, Comme je te dois la victoiie, Vieux compagnon du guernadier.

Hàvre-sac, ô mon tendre frère! Que sur mon dos j'ai tant porté, Dans la Russi' z'et la Bavière , Avec mui t'as fièrement trotté ! Tu renferm's les bas , la chemise , L'fin pantalon d'drap d'officier, Et les mouchoirs que la payse Fit présent à son guernadier.

Souvenirs d'un vieux Militaire.

Emile Debreaux, élève du Lycée im- périal, puis employé à la Bibliothèque de l'Ecole de Médecine, préféra une

262 CHANSONS

douteuse indépendance à une vie régu- lière qui , sans mener à la fortune, as- sure pourtant l'existence. Il voulut être chansonnier. Ce qui ne doit pas être un état . mais le délassement de l'homme de lettres.

La misère l'atteignit ; il la "brava-, mais il y succomba en 1831 , à peine âgé de trente-trois ans. Sa muse fut po- pulaire comme sa personne. Il ne reste plus de lui que le souvenir de nobles pensées exprimées parfois avec négli- gence , et quelques fleurs jetées sur sa tombe par Béranger.

Te souviens-tu , disait un capitaine Au vétéran qui mendiait son pain , Te souviens-tu , qu'autrefois dans la plaine Tu détournas un sabre de mon sein? Sous les drapeaux d'une mère chérie, Tous deux jadis nous avons combattu ; Je m'en souviens , car je te dois la vie ; Mais toi , soldat, dis-moi, t'en souviens-tu ?

Te souviens-tu de ces jours trop rapides, le Français acquit tant de renom ?

,r<^Cx

POPULAIRES. 263

Te souviens-tu que sur les pyramides, Chacun de nous osa graver son nom? Malgré les vents , malgré la terre et Tonde , On vit flotter, après l'avoir vaincu, Notre étendard sur le berceau du monde : Dis-moi , soldat , dis-moi , t'en souviens-tu ?

Te souviens-tu que les preux d'Italie Ont vainement combattu contre nous? Te souviens-tu que les preux d'Ibérie Devant nos chefs ont plié les ger, Te souviens-tu qu'aux champs de l'Allemagne , Nos bataillons, arrivant impromptu, En quatre jours ont fait une campagne : Dis-moi , soldat, dis-moi, t'en souviens-tu ?

Te souviens-tu de ces plaines glacées Ou le Français, abordant en vainqueur, Vit sur son front les neiges amassées Glacer son corps sans refroidir son cœur? Souvent alors, au milieu des alarmes, Nos pleurs coulaient , mais notre œil abattu Brillait encor quand on volait aux armes : Dis-moi , soldat, dis-moi , t'en souviens-tu ?

Te souviens-tu qu'un jour notre patrie, Vivante encor descendit au cercueil, Et que l'on vit dans Lutêce flétrie Des étrangers marcher avec orgueil? Grave en ton cœur ce jour pour le mau i i Et quand Bellone enfin aura paru,

Qu'un chef jamais n'ait besoin de te dire : Dis-moi , soldat, dis-moi , t'en souviens-tu ?

Te souviens -tu Mais ici ma voix tremble;

Car je n'ai plus de noble souvenir;

Viens-t'en , l'ami , nouspleureronsensemble,

En attendant un meilleur avenir,

Mais si la mort , planant sur ma chaumière,

Me rappelait au repos qui m'est dû,

Tu fermeras doucement ma paupière,

En me disant : Soldat, t'en souviens-tu?

Emile Debreaux.

lies Adieux de ï.a Tulipe.

Jean Monnet , dans son Anthologie , dit que cette chanson est de Christophe Mangenot , commissaire des guerres dans l'armée du maréchal de Saxe. Elle fut faite en 1744, dans le temps des guerres de Flandre. M. Ourry, dans le recueil des Chants et chansons populaires^ dit qu'elle est de i'abbé Mangenot, frère du premier. Mais tous les recueils du

POPULAIRES. 265

temps l'attribuent à Voltaire, à qui on en a attribué d'autres du même genre. Beaucoup de personnes, à cette époque, l'en croyaient auteur, et elle ne nous semble pas indigne de lui.

Malgré la bataille Qu'on livre demain , Çà, faisons ripaille, Charmante Catin. Attendant la gloire, Goûtons le plaisir, Sans lire au grimoire Du sombre avenir.

Tiens , voilà ma pipe , Serre mon briquet; Et si La Tulipe Fait le noir trajet, Que tu sois la seule Dans le régiment. Qu'ait le brùle-gueule De son cher amant.

Si la hallebarde Je puis mériter, Près du corps-de-gar<i* Je te veux planter,

CHANSONS

Avec la dentelle, Le soulier brodé , La boucle à l'oreille. Le chignon cardé.

Narguant tes compagne.? Méprisant leurs vœux. J'ai fait deux campagnes Rôti de tes feux. Digne de la pomme, Tu reçus ma foi , Et jamais rogomme Ne fut bu sans toi.

Ah ! retiens tes larmes, Calme ton chagrin , Au nom de tes charmes , Achève ton vin. Déjà de nos bandes J'entends les tambours. Gloire, tu commandes i Adieu, mes amours!

Attribuée à VOLTAIRE

Fanfnu l-a Tulipe.

Comme l'mari d'notre mère . Doit toujours s'appeler papa ,

POPULAIRES. 267

Je vous dirai que mon père Un certain jour me happa; Puis me menant jusqu'au bas dla rampe , M'dit ces mots qui m'mirent tout sens «J'te dirai , ma foi , [d'sus d'sous : N'y a plus rien pour toi , Rien chez nous : Vlà cinq sous , Et décampe. En avant, Fan fan La Tulipe, Mill' millions d'un' pipe, En avant! »

Puisqu'il est d'fait qu'un jeune homme. Quand il a cinq sous vaillant, Peut aller dTaris à Rome , Je partis en sautillant. L'premier jour je trottais comme un ange , Mais V lendemain j'mourais quasi de faim. Un r'cruteur passa Qui me proposa.... Pas d'orgueil , J'm'en bats l'œil, Faut que j' mange. En avant Fanfan La Tulipe, etc.

Quand j'entendis la mitraille, Coin m' je regrettais mes foyers ! Mais quand j'vis à la bataille Marcher nos vieux grenadiers :

268 CHANSONS

Un instant, nous somm's toujours ensemble Ventrebleu! me dis-je alors tout bas : Allons mon enfant, Mon petit Fanfan , Vite au pas , Qu'on n'dis' pas Que tu trembles. En avant, Fanfan La Tulipe, etc.

En vrai soldat de la garde , Quand les feux étaient cessés, Sans regarder la cocarde , J'tena<xis la main aux blessés. D'insulter des homm's vivant encore, Quand j'voyais des làch's se faire un jeu : Ah! mille ventrebleu, Quoi! d'vant moi, morbleu! J'souffrirais Qu'un Français S'déshonore ! En avant, Fanfan La Tulipe, etc.

Longtemps soldat vaill' que vaille, Quoiqu'au d'voir toujours soumis, Un'fois hors du champ d'bataille, J'n'ai jamais connu d'enn'mis : Des vaincus la touchante prière M'fit toujours voler à leur s'eours. P't-êtr1 que c'que pour eux J'fais , les malheureux

POPULAIRES. ifil

I.'.':ont un jour, A leur tour, Pour ma mère. En avant, Fanfan La Tulipe , etc.

A plus d'une gentill' friponne Maintes fois j'ai fait la cour, Mais toujours à la dragonne : C'est vraiment l'chemin l'plus court. Et j'disais , quand une fille un peu fière Sur l'honneur se mettait à dada : « N' tremblons pas pour ça, Car ces vertus-là Tôt ou tard, Finiss'nt par S'iaisser faire. » En avant, Fanfan La Tulipe, etc.

Mon père dans l'infortune, M'app'la pour le protéger; Si j'avais eu d'ia rancune Quel moment pour me venger! Mais uu franc, un loyal militaire D'ses parents doit toujours être l'appui Si j'n'avais eu que lui Je s'rais aujourd'hui Mort de faim ; Mais enfin , C'est mon père. En avant, Fanfan La Tulipe, etc.

îl) CUANSONS

Maintenant je me repose Sous le chaume hospitalier Et j'y cultive la rose Sans négliger le laurier. D'mon armur' je détache la roui/le. Si le roi m'app'lait dans les combats , De nos jeunes soldats En guidant les pas , J' m'écrirais : « J' suis Français! Qui touche mouille. En avant, Fanfan La Tulipe , Mill' millions d'un' pipe, En avant! »

Emile Debreaux.

lies deux Conscrits.

« Queu douleur ! faut que j'aille Vivre loin du pays ; J'aimons pas la bataille, Car j'ons pas d'ennemis. A tout je me conforme, J'partirai sans regrets : Le tambour, l'uniforme Ont pour moi tant d'attrai'-1 '

POPLLAIRES.

Ran tan plan , bis.

j'aim' ce refrain du régiment. Ran tan plan, ran palaplan.

J'ons le cœur qui me serre Quand j'vois battre un dindon"; Pourrai-j' ben à la guerre Tuer des gens pour tout d'bon ?

Les enfants de la France A l'enn'mi vont gaiment, Et pas un ne balance Quand on crie : En avant!

Ran tan plan , bis.

Au feu l'on court en chantant. Ran tan plan , ran pauplan.

Après une bonne affaire, On revient clopin dopant.

Mais à la boutonnière Peut briller un ruban.

On attrap' quelqu' torgnules ,

Mais on devient sergctt.

L'canon vous carambole

On, meurt glorieus'ment.

Ran tan plan , bii

On voit l'ennemi fuyant, Et l'on redit... en mourant ; Ran palaplan.

Adieu donc au village.

~-;eZ pou. les COfl»

chanso?;s

Et nous, par not' courage F'sons honneur au pays.

On ne peut sans souffrance De lui se détacher.

Gardons tous l'espérance De revoir son clocher.

Ran tan plan , bit.

Amis, la gloir' nous attend, Ran tan plan , ran pataplan.

Cogniard frères.

lia Lettre de faire part y ou la Mort du Conscrit.

Rose, l'intention d'ia présente Est d't'informer de ma santé. L'armé' française est triomphante, Et moi j'ai l'bras gauche emporté. Nous avons eu d'grands avantages. La mitraille m'a brisé les os. Nous avons pris arm's et bagages. Pour ma part, j'ai deux ball's dans l' dos.

JVécris à l'hôpital, d'où j'pense Partir bientôt pour chez les morts. J't'envoi' dix francs qu'celui qui m'panse M'a donné pouf avoir mon corps.

POPULAIRES. 273

Je m'suis dit . puisqu'il ftut que Et qu'ma Ros' perd son épouseur, Ça fait que j' mourrai plus tranquille D'savoir que j'iui laiss' ma valeur.

Lorsque j'ai quitté ma vieill' mère, Elle expirait sensiblement; A l'arrivée d'ma lettr^, j'espère Qu'ell' sera morte entièrement. Car si la pauvi^ femme est guérite . Elle est si bonn' qu'elle est dans l'cas De sïair^ mourir de mort subite A la nouvell' de mon trépas.

Pte recommande bien, ma p'tit' Rose, Blon pauvre chien : nTabandonn' pas, Et surtout n'iui dis pas la chose Qui fait qu'il ne me r'verra pas ; Car lui , qui se faisait un' le te De me voir rev'nir caporal, Il pleurerait comme une bête En apprenant mon sort fatal.

C'est tout d'même un' chos' qui m'en rage. D'ètr' fait mourir loin du pays; Car lorsque l'on meurt au village, On peut dire bonsoir aux amis; L'on a sa place derrièr' l'église, L'on a son nom sur un'croix d'buis ,

CHANSONS

Et l'on peut croir'que la payse Y viendra prier quelquefois.

Adieu! Rose, adieu! du courage! A nous r'voir il n'faut plus songer ; Car au régiment ou fm'engage, On n'vous accorde pas de congé. Via tout qui tourne... j'n'y vois goutte! Ah! c'est fini... j' sens que j'nren vas!.. J'viens de r'cevoir ma feuille de route. Adieu , Rose , adieu , n'm'oubli' pas !

Jaimk, musique de Lhèritier.

lie Mtotelot de Bordeaux.

Le souvenir de cette chanson a été conservé par un paillasse du boulevard du Temple , nommé Rousseau , qui fai- sait la parade devant la porte du spec- tacle de la danseuse de corde Malaga , vers 1800, avant le célèbre Bobèche. C'est une de ces chansons de matelots que l'on chante sur les ports de mer, et qui ne manquent ni de gaieté ni d'originalité.

POPULAIRE*. Ti

C'est dans la ville de Bordeaux Qu'est arrivé trois beaux vaisseaux : Les matelots qui sont dedans , Ma foi , ce sont de bons enfants.

Il y a un' dame dans Bordeaux Qu'est éprise d'un matelot : « Ma servante, allez-moi queri Le matelot le plus joli.

Beau matelot, mon bel ami , Madame vous envoi' queri; Montez là-haut; c'est au premier : Collation vous y ferez. »

La collation a duré Trois jours, trois nuits, sans déeesse» Mais au bout de trois jours passes Le matelot s'est ennuyé.

Le matelot s'est ennuyé,

Par la fenêtre a regardé :

« Madam', donnez-moi mon congé:

Il fait beau temps : j'veux m'en aller.

Beau matelot, si tu t'en vas, Bien mal de moi tu parleras. Tiens, voilà cent écus comptés. Sera pour boire à ma santé. »

CHANSONS

Le matelot, en s'en allam, Fit rencontre du président : « Beau président, beau président. J'ai tes éeus : je suis content.

Beau matelot, mon bel ami , Répète-moi ce que t' as dit. —Monsieur, je dis qu'il fait beau temp Pour aller sur la mer voguant. »

Le matelot, dans son vaisseau, S'mit à cbanter des airs nouveaux : « Vive les dames de Bordeaux Qui aiment bien les matelots! »

^e Marin.

Sur l'Océan, j'aime à passer ma vie; De nos cités, moi je fuîs la rumeur. Gai matelot, la mer est ma patrie ;

C'est qu'on trouve le bonheur. Sur terre, hélas ! la vie est importune; Oui, je n'y vois que chagrins et tourment:

Ainsi que sur mon bâtiment , Gloire, grandeurs et titres et fortune,

Autant en emporte le vent. bis,

POPULAIRES. 277

Dans mes amours j'imite l'hirondelle: J'aime très-vite, et cela pour raison. A mon objet je puis être fidèle ,

Mais seulement pour la saison. De lui carder à jamais ma tendresse. A mon départ , je lui fais le serment ;

Mais bientôt sur mon bâtiment, Serments d'amour et serments de maîtress*

Autant en emporte le vent. bit

Quand ballotté par les flots et l'orage , Notre navire est près de couler bas, Nous prions Dieu d'apaiser le tapage.

Et de nous sauver du trépas.

Un jurons d'observer l'abstinence, De nous priver de tabac du Levant;

Et quand vogue le bâtiment, Serments de fous, serments de tempe

Autant en emporte le vent. bis.

I fUf, amis, puisqu'il faut que je meure. Ah! quedu moins ce soit sur mon vaisseau! Promettez-moi qu'après ma dernière heure

La mer deviendra mon tombeau. Ne cherchez pas de menteuse épitaphe; Qu'un gros requin soit mon seul monumen

Un regret sur le bâtiment, Mais pas de pleurs, pas dedeuil. d'épi taphe.

Autant en emporte îe vent. bit.

27$

JLa Philosophie du Marin.

Chacun a sa philosophie ; Un marin a la sienne aussi. Sur ma frégate je défie Et les chagrins et les soucis. Pour les dompter, Les éviter, Toujours j'embarque avec moi la folie. Dans mon hamac, Sur le tillac, Je me distrais en fumant mon tabac; Mais quand ma pipe est allumée, Je me dis : Que sont les grandeurs ? Les biens , l'amour et les honneurs ? Ma foi , de la fumée.

Comme un autre , dans ma jeunesse , J'ai vécu sur le continent , Et je me dis avec tristesse : La terre est un sot élément.

Plus d'un faquin,

Jadis Pasquin, N'y paraît grand que par mainte bassesse.

Quand de son char,

Un peu plus tard ,

POPULAIRES. 279

Sur nous il jette un coup d'œil goguenard. Mais quand pour moi la mer est douce, Je ris, je chante sur le pont. je ne crains pas qu'un fripon En passant m'éclabousse.

Traversant la mer de la vie, Tâchons d'arriver à bon port; Soyons sans haine et sans envie , Toujours contents de notre sort. De la gaité , De la santé. D'être immortels n'ayons point la manie; Car bien souvent Le plus savant Voit ses écrits emportés par le vent. N'usons donc point en vain notre encre; L'onde coule, et l'homme s'en va , Et corbleu! dans cette mer-là, L'on ne jette pas l'ancre.

Mse Ménage de Garçou

Je loge au quatrième étage , C'est que finit l'escalier ; Je suis ma femme de ménage, Mon domestique et mon portier.

>S0 CHANSONS

Des créanciers quand la cohorte Au logis sonne à tour de bras, C'est toujours, en ouvrant ma porte, Moi qui dis que je n'y suis pas.

De tous mes meubles l'inventaire Tiendrait un carré de papier; Pourtant je reçois d'ordinaire Des visites dans mon grenier. Je mets les gens fort à leur aises A la porte un bavard maudit, Tous mes amis sur une chaise , Et ma maîtresse sur mou lit.

Vers ma demeure quand tu marches, Jeune beauté, va doucement; Crois-moi, quatre-vingt-dix-huit marches Ne se montent pas lestement,. Lorsque l'on arrive à mon gîte, On se sent un certain émoi ; Jamais sans que son cœur palpite , Une femme n'entre chez moi.

Gourmands, vous voulez , j'imagine , De moi pour taire certain cas, Avoir l'état de ma cuisine. Sachez que je fais trois repas .- Le déjeuner m'est très-facile , De tous côtés je le reçjoi : Je ne dine jamais qu'en ville, Et ne soupe jamais chez moi.

POPULAlf.KS.

Je suis riche , et j'ai pour campagne Tous les environs de Paris ; J'ai mille châteaux en Espagne ; J'ai pour fermiers tous mes amis. J'ai , pour faire le petit-maitre , Sur la place un cabriolet; J'ai mon jardin sur ma fenêtre, Et mes rentes dans mon gilet.

Je vois plus d'un millionnaire Sur moi s'égayer aujourd'hui : Dans ma ricliesse imaginaire, Je suis aussi riche que lui. Je ne vis qu'au jour la journée, Lui, vante ses deniers comptants : Et puis à la tin de l'année, Nous arrivons en même temps.

Un grand homme a dit dans son livre Que tout est bien , il m'en souvient. Tranquillement laissons-nous vivre , Et prenons le temps comme il vient. Si , pour recréer ce bas monde, Dieu nous consultait aujourd'hui , Convenons-en tous à la ronde, Nous ne ferions pas mieux que lui.

Joseph Pain. Musique de Gaùudë,

282

lia Philosophie.

On parle de philosophie : On ne sait pas la définir ; Mais la seule digne d'envie, La mienne, enfin, c'est le plaisir. Sourire à l'aimable folie, Pour mieux jouir, être inconstant C'est ainsi qu'on descend gaîraent Le fleuve de la vie.

Les anciens sages de la Grèce N'étaient pas sages tous les jours; On a vu souvent leur sagesse Échouer auprès des amours. Sourire à l'aimable folie , etc.

Pour composer son édifice L'abeille se nourrit de fleurs ; Suivons son exemple propice: Sachons effleurer tous les cœurs. Sourire à l'aimable folie, Pour mieux jouir être inconstant: C'est ainsi qu'on descend gaiment Le fleuve de la vie.

Seyvrw. Musique de MEISSONNIER.

POPULAIRES. 2*3

Il faut souffrir pour le plaisir.

Il n'est pas de plaisir sans peine, Nous dit une vieille chanson. Cette morale est pure et saine , Et je l'adopte sans façon. Moi, qui, souvent d'humeur légère, Ai changé mon goût, mon désir, Pour bien jouir sur cette terre , J'ai vu , n'importe la manière , Qu'il faut souffrir pour le plaisir.

Vous avez remarqué sans doute Que le premier jour de l'hymen , Quand du logis on prend la route , Jeune épouse pleure soudain. Mais la maman , prudente et sage, Lui dit, au moment de partir : « En tout faut un apprentissage; Allons , ma tille , du courage , Il faut souffrir pour le plaisir. »

Lise possédait une rose , Et Lise n'avait que quinze ans ; Pour la cueillir à peine éclose, Le désir enflamma mes sens. Je la cueillis, je vous l'assure,

23 i CHANSONS

Car Tépine se fit sentir. Dans les maux que depuis j'endure. Je dis , en pansant ma blessure : Il faut souffrir pour le plaisir.

Un damoiseau qu'amour transporte , Attente à l'honneur conjugal : Le mari vient, frappe à la porte, Pour lui quel contre-temps fatal I De ces lieux comment disparaître : La belle, hélas! par oîi sortir? Vous pouvez vous blesser peut-être Mais je ne vois que la fenêtre : Il faut souffrir pour le plaisir.

Sur mon cœur, en pressant ma femme Au milieud'un vif entretien , Je lui dis ', pour doubler notre âme Qu'un gentil enfant viendrait bien . Quel bonheur de devenir père! Mais si la femme doit gémir, Que sa peine lui devient chère Dans les doux devoirs d'une mère ! Il faut souffrir pour le plaisir.

Chano

F-OPI'LAIRES.

Le Char de la Vie.

N'envions pas ces chars pompeux Que Plutus lance dar.s l'arène : C'esi l'ambition qui les traine, Le souci voltige autour d'eux. Couvert de fleurs et de feuillage Le nôtre roule doucement, Et le plaisir, en souriant,

Dirige l'équipage. En chantant , joyeux troubadours, Pour que jamais il ne de Attelons au char de la vie Et les plaisirs et les amours.

Arrête, gentil conducteur,

J'aperçois gente pèlerine,

Et de la rose purpurine

Son gai minois a la fraicheur.

Fais-la monter : dieu ! sa main tremble;

Des pleurs mouillent ses yeux si doux :

Timide enfant , rassurez-vous,

Nous voyageons ensemble; K* chantant, joyeux troubuduu:

Mais auprès du fils de Y

Est assis le dieu de la treille .

286 CHANSONS

Sa main , d'une grappe vermeille , Sait pressurer le divin jus. Autour de nous quel cercle aimable ! Le char n'est-il pas arrêté ? Ah ! c'est charmant en vérité,

Nous voyageons à table. En chantant, joyeux troubadours, etc.

D'amour s'amortissent les feux , Tu disparais, trop chère idole , Et c'est la poussière qui vole Qui nous fait blanchir les cheveux. Le jour paraît, et dès l'aurore, Qui nous ramène ses rayons , Bacchus nous ranime, espérons :

Notre char roule encore. En chantant, joyeux troubadours , etc.

Mais un souffle éteint le flambeau, Et du char il nous faut descendre. Amitié, porte notre cendre Au pied d'un fertile coteau : Endormis sous l'herbe légère , Parmi les fleurs nous renaitrons : Heureux destin ! nous parerons

Le sein d'une bergère! En chantant, joyeux troubadours, Pour que jamais il ne dévie , Attelons au char de la vie Et les plaisirs et les amours.

POPULAI!

Te Portrait de la Vie.

Un sage l'a dit autrefois : Tout est vanité sur la terre: Jeunes et vieux, bergers et rois, Chacun caresse une chimère. Craindre, espérer, douter de tout , Suivre la raison , la fulie , Jouir un peu, souffrir beaucoup : Voilà ce que c'est que la vie. bis.

L'homme puissant feint d'être heureux,

Le lâche affecte du courage ,

Le pervers se dit vertueux ,

L'insensé veut paraître sage ;

Cet autre , embrassant son rival ,

Est dévoré de jalousie ;

C'est à qui cachera son mal :

Voilà ce que c'est que la vie. bis

Faire l'éloge de son cœur, Se plaindre de l'ingratitude , Être chatouilleux sur l'honneur Et vicieux par habitude ; Parler toujours déloyauté, User souvent de perfidie,

CHANSONS

Faiblesse, audace, cruauté :

Voilà ce que c'est que la vie. bis

Du hasard tout subit la loi : Sans le vouloir on reçoit l'être ; On aime sans savoir pourquoi ; On s'égorge sans se connaître ; Pour un riche, raille indigents; Pour l'indigent, point de patrie ; Pour tout le monde des tourments : Voilà ce que c'est que la vie. bis.

Désireux de ce qu'on n'a pas , Fatigué de ce qu'on possède , Frémir à l'aspect du trépas, Appeler la mort à son aide , Vouloir embrasser la vertu, Retomber dans son apathie, Et mourir comme on a vécu : Voilà ce que c'est que la vie. bis.

Les Souvenirs.

Nous vieillissons, ma pauvre bonne amie, Hélas ! le temps a marbré nos cheveux , Et notre main , déjà mal affermie , Trahit souvent nos désirs et nos vœux.

POPULAIRES. 289

Mais si l'hiver qui glaça ma musette , A nos plaisirs vient mettre le holà ; Caressons-nous, caressons-nous, Lisette. Pour endormir encor ce regret-là. bis.

Te souviens-tu de ce bosquet de roses Qui sur mon cœur vit ton cœur se presser.' Là, sous tes pas, mille fleurs dem: Tout doucement t'invitaient à glisser. sont ces fleurs, témoins de ta défaite? Sous ces remparts, un jour on les foula. Caressons-nous, caressons-nous, Lisette'; Pour endormir encor ce regret-là. bit.

Te souviens-tu de ce vieil uniforme Que j'étrcnnai si bien à Friedland ! Le temps enfin Ta mis à la réforme ; Le bras faiblit, mais le cœur est brûlant. Ah ! mon habit, parmi ceux qu'on achète, Tu ne fus pas :.... Aussi l'on t'exila. Caressons-nous, caressons-nous, Lisette, Pour endormir encor ce regret-là. bis.

Te souviens-tu de l'honorable signe Qui sur mon sein brilla dans les cent jours? Ah ! devait-on m'en déclarer indigne ! Mon pays seul n'eut-il pas mes amours? Mais le traitant, qu'à ma place on breveté. Pour l'obtenir, que de preux il vola !

19

290 CHANSONS

Caressons-nous, caressons-nous, Lisette, Pour endormir encor ce regret-là. bis.

Te souviens-tu?... Laissons-là ma misère : Soyons Français, ne pensons plus à moi. Citons plutôt le nouveau Belisaire , Dont les malheurs ont causé tant d'émoi Quoi ! l'aigle est mort, on a flétri la tête Qui tant de fois de gloire étincela! Caressons-nous, caressons-nous. Lisette, Pour endormir encor ce regret-là. bis.

EMILE DEBRIAUX.

lie Hollandais.

Un Hollandais, riche comme un Crésus, Au lourd maintien , à face ronde ,

Se dit un jour ! « Consacrons mes écus Aux jouissances de ze monde ; Rassemblons à la fois Les objets dont le choix Offre au mortel la plus suave ivresse Pour me bien divertir ce soir, Dans mon logis je veux avoir Pot de bière, pipe et maîtresse. »

POPULAIRES. 291

Il va chercher au fond d'un cul-de-sac . Dans la plus belle tabagie ,

Un pot de bière, une once de tabac , Et la femme la plus jolie. , Il reprend son chemin , Bière et tabac en main ,

Et sous son bras l'objet de sa tendresse; Il revient chez lui tout joyeux D'avoir, pour contenter ses vœux , Pot de bière , pipe et maîtresse.

Qu'un Hollandais doit bénir son destin ,

Quand il boit, qu'il aime et qu'il fume! A ses côtés il pose un verre plein ,

Et puis sa pipe qu'il allume; Dans an fauteuil à bras Il place les appas De sa moderne et robuste Lucrèce.

Mais, dit-il , « par commencer ?

Qui dois-je d'abord caresser?

Pot de bière, pipe ou maitresse? »

Il prend sa pipe , et puis il réfléchit

Qu'il devrait commencer par boire. Il prend son verre, et soudain il se dit : n , l'amour aura la victoire. >= Mais tout en se hâtant, L'infortuné répand Le pot de bière; et cette maladresse Fait sauver la belle, et du coup

292

Sa pipe s'éteint : il perd tout , Pot de bière , pipe et maîtresse.

Faibles mortels , c'est ainsi qu'à vos yeux Le bonheur s'envole en fumée ,

Soit qu'à l'amour .vous adressiez vos vœux, Soit à l'or, à la renommée. Un grand perd ses États , Un gourmand un repas ,

L'auteur sa rime, un traitant sa richesse. Hélas! au moment de jouir, On voit tomber, s'éteindre ou fuir Pot de bière, pipe et maîtresse!

Saint-Félix.

I.e roi des plaisirs et le plaisir «les rois.

Sous des lambris l'or éclate Fouler la pourpre et l'écarlate, Sur un trône dicter des lois,

C'est le plaisir des rois. Sur la fougère et sur Therbelte, Lire dans les yeux de Lisette Qu'elle est sensible à nos soupirs,

C'est le roi des plaisirs. bis

POPULAIRES. 293

Quelque part que l'on se transporte ,

Être entouré d'une cohorte,

Voir des curieux jusques aux tons ,

C'est le plaisir des rois. Quand on voyage avec Sylvie . N'avoir pour toute compagnie Que les amours et les zéphyrs ,

C'est le roi des plaisirs. bis.

Posséder des trésors immenses , Briller par de riches dépenses , Commander et donner des lois,

C'est le plaisir des rois. Toucher l'objet qui sait nous plaire ; Par un retour tendre et sincère, Le voir sensible à nos désirs,

C'est le roi des plaisirs. bis.

Agir et commander en maître , Avec la poudre et le salpêtre Fortement appuyer ses droits.

C'est le plaisir des rois. Quand le tendre enfant nous couronne, Tenir du cœur ce qu'on nous donne, Ne rien devoir qu'aux doux soupirs.

C'est le roi des plaisirs. Ois.

Des plus beaux bijoux de l'Asie Parer une beauté chérie,

294 CHANSONS

En charger sa tête et ses doigts ,

C'est le plaisir des rois. Voir une petite fleurette Toucher plus le cœur de Nanette Que perles, rubans et saphirs ,

C'est le roi des plaisirs. bis.

Quand on est heureux à la guerre, En informer toute la terre, Publier partout ses exploits,

C'est le plaisir des rois. Lorsque l'amour nous récompense , Goûter dans l'ombre et le silence Le fruit de nos tendres soupirs ,

C'est le roi des plaisirs. bis.

Avec une meute bruyante, Remplir les forêts d'épouvante, Réduire des cerfs aux abois ,

C'est le plaisir des rois. Avec une troupe choisie, Chasser à grands coups d'ambroisie La douleur et les vains soupirs,

C'est le roi des plaisirs. 6m.

Donner dans une grande fête Des concerts à rompre la tête, Oh l'on entend mugir cent voix, C'est le plaisir des rois.

POPULAIRES. 29»

Dans un petit repas tranquille Par quelque gentil vaudeville , Du cœur exprimer les désirs, C'est le roi des plaisirs. bi:.

A des flatteurs , dont la souplesse S'avilit jusqu'à la bassesse, Donner souvent les beaux emplois,

C'est le plaisir des rois. Verre en main près de ce qu'on aime , Railler ceux qu'une ardeur extrême De l'ambition rend martyrs,

C'est le roi des plaisirs. bit.

Panard.

lies Gueux.

Il ne faut pas toujours prendre à lf lettre la prétendue philosophie de: poètes et des chansonniers.

Les gueux sont heureux à leur ma nière; et si l'on est bien dans un gre nier à vingt ans , on y est bien mal à soixante.

«29G UIANSON'S

Les illusions de la jeunesse embel- lissent tout; mais son imprévoyance prépare à la vieillesse de tristes jours.

Si l'on peut manger sans nappe quand on n'en a pas , et dormir sur la paille quand on manque d'un bon lit , cela ne prouve pas qu'une table bien servie soit désagréable, et qu'on dorme mal sur un bon matelas.

Il est singulier que des gens d'esprit apotbéosent le cynisme , et que , parce qu'Homère a demandé l'aumône , qu'il était aveugle , que Cervantes a été en prison , que Camoëns est mort à l'hô- pital, on croie qu'il soit nécessaire, pour être heureux et pour être poé'te, de leur ressembler par les disgrâces du sort, de mendier et de se crever les yeux.

Horace n'en faisait pas de plus mau- vais vers quand il avait bu du falerne à ïibur, et Voltaire n'en était pas plus malheureux parce qu'il avait soixante mille livres de rente.

Ces sortes de déclamations sont peut- être une consolation pour ceux qui n'ont

roruLAUEs.

rien ; mais il vaudrait mieux leur ap- prendre à avoir quelque chose.

Si Diogène savait se passer des biens, 'ppe savait en user : sa philosophie I pas la plus mau\ i

On a dit queBéranger, auteur de ces deux chansons, avait un peu de ressem- blance avec J.-J. Rousseau par son goût pour les paradoxes et la misanthropie. La première partie de cette proposition est seule vraie. Béranger aime le para- doxe; mais le paradoxe en chansons comme il sait les faire, est chose déli- cieuse et charmante. Béranger n'est point misanthrope ; il est vrai qu'il n'a voulu être ni académicien, ni repré- sentant du peuple ; mais il n'a pas cessé de chanter malgré ses soixante -di.:

Les gueux , les gueux Sont des gens heureux ; Ils s'aiment entre eux.

Vivent les gueux!

Des gueux chantons la louange , Que de gueux hommes de bien '

298 CHANSONS

îl faut qu'enfin l'esprit venge L'honnête homme qui n'a rieu. Les gueux , les gueux, etc.

Oui, le bonheur est facile Au sein de la pauvreté ; J'en atteste l'Évangile , J'en atteste ma gai té.

Les gueux , les gueux , etc.

Au Parnasse la misère Longtemps a régné , dit-on ; Quel bien possédait Homère? Une besace, un bâton.

Les gueux, les gueux, etc. t

Vous qu'afflige la détresse , Croyez que plus d'un héros Dans le soulier qui le blesse Peut regretter ses sabots. Les gueux , les gueux , etc.

Du faste qui vous étonne L'exil punit plus d'un grand; Diogène, dans sa tonne, Brave eu paix un conquérant. Les gueux, les gueux, etc.

D'un palais l'éclat vous frappe , Mais l'ennui vient y gémir.

POPULAIRES. 29S

On peut bien manger sans nappe : Sur la paille on peut dormir. Les gueux, les gueux, etc.

Quel dieu se plaît et s'agite Sur ce grabat qu'il fleurit ? C'est l'Amour qui rend visite A la Pauvreté qui rit.

Les gueux , .les gueux , etc.

L'amitié que l'on regrette N'a point quitté nos climats : Elle triDque à la guinguette, Assise entre deux soldats.

Les gueux, les gueux Sont des gens heureux; Ils s'aiment entre eux.

Vivent les gueux !

' DÉRANGER.

I*e Grenier.

Je viens revoir l'asile ma jeunesse De la misère a subi les leçons. J'avais vingt ans, une folle maîtresse , De francs amis et l'amour des chansons. Bravant le monde, et les sots et les sages.

300 CHANSONS

Sans avenir, riche de mon printemps, Leste et joyeux, je montais six étages. Dans un grenier qu'on est bien à vingt ans !

C'est un grenier, point ne veux qu'on l'i- gnore. fut mon lit bien chétif et bien dur; fut ma table; et je retrouve encore Trois pieds d'un vers charbonné sur le mur. Apparaissez, plaisirs de mon bel âge, Que d'un coup d'aile a fustigés le Temps. Vingt fois pour vous j'ai mis ma montre [en gage. Dans un grenier qu'on est bien à vingt ans !

Lisette ici doit surtout apparaître, Vive et jolie, avec un frais chapeau. Déjà sa main à l'étroite fenêtre Suspend son chàle en guise de rideau ; Sa robe aussi va parer ma couchette ; Respecte, Amour, ses plis longs et flottants. J'ai su depuis qui payait sa toilette. ' Dans un grenier qu'on est bien à vingt ans !

A table, un jour, jour de grande richesse, De mes amis les voix brillaient en chœur, Quand jusqu'ici monie un cri d'allégresse: « A Marengo, Bonaparte est vainqueur ! » Le canon gronde ; un autre chant commence ; Nous célébrons tant de faits éclatants!

POPULAIRES. 301

Les rois jamais n'envahiront la France. Dans un grenier qu'on est bien à vingt ans !

Quittons ce toit ma raison s'enivre. Oh ! qu'ils sont loin ces jours tant regrettés ! J'échangerais ce qu'il me reste à vivre Contre un des mois qu'ici Dieu m'a comptés. Pour rêver gloire, amour, plaisir, folie, Pour dépenser sa vie en peu d'instants, D'un long espoir pour la voir embellie , Dans un grenier qu'on est bien à vingt ans :

BÉRANGER.

I/e Flâneur.

Air de la Légère, contredanse.

Mi. je flâne; bis.

Oa'on m'approuve ou me condamne ! Moi, je flâne, 0!>\

Je vois tout Je suis partout.

Dos sept heures du matin , Je demande à !a laitière Des nouvelles de Nanterre Ou bien du marché voisin ;

302 CHASSONS

Ensuite au café je flûte Un verre d'eau pectoral Puis, tout en mangeant ma flûte, Je dévore le journal. Moi, je flâne, etc.

J'ai des soins très-assidus Pour les Petites-Affiches ; J'y cherche les chiens caniches Que l'on peut avoir perdus. Des gazettes qu'on renomme Je suis le premier lecteur; Après je fais un bon somme Sur l'éternel Moniteur.

Moi, je flanc, etc.

Pressant ma digestion , Je cours à la promenade ; Sans moi , jamais de parade , Jamais de procession. Joignant aux mœurs les plus sages La gaité , les sentiments , Je m'invite aux mariages, Je suis les enterrements. Moi , je flâne , etc.

J'inspecte le quai nouveau Qu'on a bâti sur la Seine; J'aime à voir d'une fontaine Tranquillement couler l'eau.

POPULAIRES. 303

Quelquefois, une heure entière , Appuyé sur l'un des ponts , Je crache dans la rivière Pour faire des petits ronds. Moi, je flâne, etc.

Il faut me voir au Palais , Debout à la cour d'assises; Près des caillettes assises, Je suis tous les grands procè*. De l'antre des procédures Je vole chez Martinet, Et dans les caricatures Je vois souvent mon portrait. Moi, je flâne, etc.

Almanach royal vivant, Je connais chaque livrée , Chaque personne titrée Et tout l'Institut savant. Chaque généalogie Se logeant dans mon cerveau, Je pourrais, par mon génie, Siéger au conseil du sceau. Moi, je flâne, etc.

Sur les quais, comme un savaa*. En prudent bibliomane . Je fais , devant une manne , Une lecture en plein vent.

304 CHANSONS

Si je trouve un bon ouvrage , Je sais , en flâneur malin , Faire une corne à la page , Pour lire le lendemain. Moi, je flâne, etc.

Quand le soleil est ardent, Pour ne point payer de chaise Et me reposer à Taise , Je m'étale sur un banc. A Coblentz , aux Tuileries . Observateur fortuné, Combien de femmes jolies Me passent... devant le nez!

Moi, je flâne, etc.

Las de m'être promené , Je vais , en gai parasite, Rendre à mes amis visite Quand vient l'heure du diné. Par une mode incivile, S'il arrive , par malheur, Qu'hélas ! ils dînent en ville , Alors je dine par cœur.

Moi, je flâne, etc.

Le soir, près des étourneaux , A mon café je babille Sur les effets d'une bille, Sur un coup de dominos

POPULAIRES. 305

Je fais la paix ou la guerre Arec quelque vieux nigaud, Qui sable un cruchon de bière En raisonnant comme un pot.

Moi, je flâne, etc.

Enfin soyez avertis

Que je ne vais au spectacle

Que quand, par un grand miracle,

Les Français donnent gratis.

Sans maîtresse et sans envie,

Buvant de l'eau pour soutien ,

Ainsi je mène la vie

D'un joyeux épicurien.

Moi, je flâne; bis.

Qu'on m'approuve ou me condamne ! Moi, je Dàne, bis.

Je vois tout, Je suis partout.

Casimir Méjcétrier.

les Raretés,

On dit qu'il arrive ici Une compagnie

20

306 CHANSONS

Meilleure que celle-ci

Et bien mieux choisie. Va-t'en voir s'ils viennent, Jeuu Va-t'en voir f'ils viennent.

Un abbé qui n'arme rien

Que le séminaire, Qui donne aux pauvres son bien,

Et dit son bréviaire. Va-t'en voir s'ils viennent, Jean j Va-t'en voir s'ils viennent.

Un magistrat curieux

De jurisprudence, Et qui , devant deux beaux yeux ,

Tient bien la balance. Va-t'en voir s'ils viennent, Jean , Va-t'en voir s'ils viennent.

Une fille de quinze ans,

D'Agnès la pareille, Qui pense que les enfants

Se font par l'oreille. Va-t'en voir s'ils viennent, Jean, Va-t'en voir s'ils viennent.

Une femme et son époux ,

Couple bien fidèle; Elle le préfère à tous ,

Et lui n'aime qu'elle.

popllaip.es. 307

y»-t'en voir s'ils viennent, Jean , Va-t'en voir s'ils viennent.

Un chanoiDe dégoûté

Du bon jus d'octobre; Un auteur sans vanité;

Un musicien sobre. Va-t'en voir s'ils viennent, Jean . Va-t'en voir s'ils viennent.

Un Breton qui ne boit point :

Un Gascon tout bète ; Un Normand franc de tout point:

Un Picard sans tète. Va-t'en voir s'ils viennent, Jean.

Va-t'en voir s'ils viennent.

Une femme que le temps

A presque flétrie , Qui voit des appas naissants

Sans aucune envie. Va-t'en voir s'ils viennent, Je, Va-t'en voir s'ils viennent.

Une belle qui, cherchant

Compagne fidèle, La choisit en la sachant

Plus aimable qu'elle. Va-t'en voir s'ils viennent .

Va-t'en voir s'ils viennent.

308 CHANSONS

Un savant prédicateur

Comme Bourdaloue , Qui veut toucher le pêcheur

Et craint qu'on le loue. Va-t'en voir s'ils viennent, Jean, Va-t'en voir s'ils viennent.

Une nonne de Lonchamps ,

Belle comme Astrée, Qui brûle, en courant les champs,

D'être recloitrée. Va-t'en voir s'ils viennent, Jean , Va-t'en voir s'ils viennent.

Un médecin sans grands mots ,

D'un savoir extrême , Qui n'ordonne point les eaux

Et guérit lui-même. Va-t'en voir s'ils viennent, Jean , Va-t'en voir s'ils viennent.

Et, pour bénédiction,

Nous aurons un moine Fort dans la tentation ,

Comme saint Antoine. Va-t'en voir s'ils viennent , Jean , Va-t'en voir s'ils viennent.

De La Motte.

POPULAIRES. 309

I*e Vin, les Femmes et le Tabac.

Quand j'ai ma pipe bien aimée , Mon seul trésor, mes seuls amours, Lorsque s'exhale sa fumée, Je vois renaître mes beaux jours. Lorsqu'un nuage me contourne, Ah ! je suis plus heureux qu'un roi ! bis. Combats, victoir's, tout cela tourne, Tout cela tourne autour de moi. ter.

Moi je dis : Vive une maîtresse! Il m'en faut, j'en veux à foison ; Gaiment je change de tendresse Quand je change de garnison. Dans chaque endroit je séjourne, Fille ou veuve, cède à ma loi ; bis

Oui , chaque tète tourne, tourne, Chaque tète tourne pour moi. ' ter.

Moi , le vin seul me met en veine , Lorsque j'en bois avec ardeur, P'tit à p'iit j'devieus capitaine', J'suis général, puis empereur. Près de moi le plaisir séjourne , Dans le paradis je me crois , bis.

Lorsque tout tourne , tourne , tourne , Lorsque tout tourne autour de moi. ter,

310 CHASSONS

ï-es nouions.

Bans un pays que chacun peut connaître, Au temps jadis vivaient nombreux jrou- [ peaux; Mais les bergers voulaient, comme le maître Dimer, tailler, tondre jusqu'aux agneaux. Pour s'affranchir de ce joug tributaire, La gent qui hèle un îour se révolta. Pauvres moutons,oh! vous avez beau faire, Toujours on vous tondra.

Grande rumeur ï on prit les chiens pour [guide , C'était gémir sous de nouveaux tyrans. On vit bientôt cette race perfide Se transformer en des loups dévorants. Jour de terreur! Leur rage sanguinaire Sur ce beau sol trop longtemps s'exerça. Pauvres moutons, oh ! vous avez beau faire, Toujours on vous tondra.

Sire lion, d'un courage indomptable, Vint à régner en ce temps désastreux. Gloire, revers, splendeur trop peudurable, Ont signalé son empire orageux.

POPULAIRES. 3-U

Le léopard trembla dans son repaire; Mais que d'agneaux ce triomphe coûta! Pauvres moutons, oh! vous avez beau faire, Toujours on vous tondra.

On vit bientôt mille hordes sauvages Fondre du Nord sur ces bords de - On s'adjugea de riches pâturages Pour secourir des frères accablés. Le reste échut au fermier solidaire, Qui par traités en toisons s'acquitta. Pauvi es moutons, oh! vous avez beau faire, Toujours on vous tondra.

Robin mouton, favori du despote, Eut après lui la bergerie à bail. Flatteur adroit et fourbe patriote, A l'étranger il vendait le bercail. On paya bien son zèle mercenaire; Il voulait paître, et paitre on l'envoya. Pauvres moutons, oh! vous avez beau faire, Toujours on vous tondra.

Ah ! quand pourrai-je aux rives de la Seine Voir nos moutons jouir d'un sort plus [doux, Et pour eux seuls fertilisant la plaine, Croître et bondir sans la crainte des loups! En attendant cet appui tutelaire Que chaque maitre à son tour promettra,

312 CHANSONS

Pauvres moutons, oh! vous aurez beau [ faire Toujours on vous tondra.

Attribuée'à Déranger.

lie vrai Buveur.

Adam Billaut, connu sous le nom de Maître Adam, était menuisier à Ne- vers. Il vécut sur la fin du règne de Louis XIII , et pendant les vingt pre- mières années du règne de Louis XIV. Les poètes de son temps l'appelèrent le Virgile au rabot. Il faisait ses vers au milieu de ses outils et de ses bouteilles. Il donna à ses recueils les titres de Chevilles et de Vilebrequins.

Sa chanson a été retouchée par une main moderne.

Aussitôt que la lumière A redoré nos coteaux , Je commence ma carrière Par visiter mes tonneaux.

POPULAIRES. 313

Ravi de revoir l'aurore , Le verre en main je lui dis : Vois-tu sur la rive maure Plus qu'à mon nez de rubis ?

Le plus grand roi de la terre , Quand je suis dans un repas , S'il me déclarait la guerre , Ne m'épouvanterait pas. A table rien ne m'étonne , Et je pense , quand je bois , Si là-haut Jupiter tonne, Que c'est qu'il a peur de moi.

Si quelque jour, étant ivre , La mort arrêtait mes pas , Je ne voudrais pas revivre Pour changer ce doux trépas. Je m'en irais dans l'Averne Faire enivrer Alecton , Et bâtir une taverne Dans le manoir de Pluton.

Par ce nectar délectable , Les démons étant vaincus, Je ferais chanter au diable Les louanges de Bacchus. J'apaiserais de Tantale La grande altération ; Et, passant l'onde infernale, Je ferais boire Ixion...

314 CHANSONS

Au bout de ma quarantaine , Cent ivrognes m'ont promis De venir la tasse pleine , Au gite l'on m'aura mis. Pour me faire une hécatombe Qui signale mon deslin, Ils arroseront ma tombe De pius de cent brocs de vin.

De marbre ni de porphyre Qu'on ne fasse mon tombeau ; Pour cercueil je ne désire Que le contour d'un tonneau; Je veux qu'on peigne ma trogne Avec ces vers à l'entour : Ci-git le plus grand ivrogne Qui jamais ait vu le jour.

Maitre Adam.

Jouissons du temps présent.

Le fameux comte de Bonneval, après avoir servi avec distinction sous Cati- nat et Vendôme , eut quelques mécon- tentements, et quitta sa patrie en 1706

Pupi: 315

pour se mettre au service de l'Autriche. Il fut condamné à avoir la tête tran- chée ; mais après s'être mis à l'abri chez les impériaux, et avoir battu les Turcs avec le prince Eugène , il quitta le service de l'empereur, alla en Turquie se faire musulman, et devint, sous le nom de Soliman, pacha de Romélie. Il mourut en 1747, et sa vie aventureuse a donné lieu à une foule de mém cires apocrvphes. La jolie chanson : Nous n'avons qu'un temps à vivre , est une des boutades épicuriennes de sa jeunesse.

Nous n'avons qu'un temps à vivre , Amis , passons-le gairnent ; Que celui qui duit le suivre Ne nous cause aucun tourment.

A quoi sert d'apprendre l'histoire? N'est-ce pas la même partout? Apprenons seulement à boire : Quand on sait bien boire on sait tout.

Nous n'avons qu'un temps à vivre, etc.

Qu'un tel soit général d'armée ; Que l'Anglais succombe sous lui .

il 6 CHANSONS

Moi qui vis bien sans renommée , Je ne veux vaincre que l'ennui. Nous n'avons qu'un temps a vivre, etc.

A parcourir la terre et l'onde , On perd trop de temps en chemin ; Faisons plutôt tourner le monde Par l'effet de ce jus divin. Nous n'avons qu'un temps à vivre, etc.

Qu'un savant à voir les planètes Occupe son plus beau loisir; Je n'ai pas besoin de lunettes Pour apercevoir le plaisir. Nous n'avons qn'un temps à vivre, etc.

Qu'un avide alchimiste exhale Sa fortune en cherchant de l'or; J'ai ma pierre philosophale Dans un cœur qui fait mon trésor. Nous n'avons qu'un temps à vivre, etc.

Au grec, à l'hébreu je renonce :

Ma maîtresse entend le français;

Snùt qu'à boire je prononce ,

Elle me verse du vin frais! Nous n'avons qu'un temps à vivre, Amis , passons-le gaiment; Que celui qui doit le suivie Ne nous cause aucun tourment.

Le comte de Bonneval.

POPCLAIRES. 3ï7

Fanehon.

Amis , il faut faire une pause : J'aperçois l'ombre d'un bouchon ; Buvons à l'aimable Fanehon, Pour elle faisons quelque chose. Ah! que son entretien est doux, Qu'elle a de mérite et de gloire! Elle aime à rire, elle aime à boire, Elle aime à chanter comme nous.

Fanehon , quoique bonne chrétienne ,

Fut baptisée avec du vin ;

Un Allemand fut son parrain

Une Bretonne sa marraine.

Ah! que son entretien est doux . etc.

Elle préfère une grillade

Au repas le plus délicat;

Son teint prend un nouvel éclat,

Quand on lui verse une rasade.

Ah ! que son entretien est doux , etc.

Si quelquefois elle est cruelle , C'est quand on lui parle d'amour;

Ï18 CHANSONS

Mais , moi , je ne lui fais la cour

Que pour m'enivrer avec elle.

Ah! que son entretien est doux, etc.

Un jour le voisin La Grenade Lui mit la main dans son corset : Elle riposta d'un soufflet Sur le museau du camarade. Ah ! que son entretien est doux , Qu'elle a de mérite et de gloire ! Elle aime à rire, elle aime à boire, Elle aime à chanter comme nous.

lie Cabaret.

A boire je passe ma vie , Toujours dispos, toujours content; La bouteille est ma bonne amie, Et je suis un amant constant. Au cabaret j'attends l'aurore : Du vin tel est l'heureux effet, La nuit souvent me trouve encore Au cabaret.

Si, frappé de quelques alarmes , Mon cœur éprouve du chagrin , Soudain on voit couler mes larmes ; Mais ce sont des larmes de vin.

POPULAIRES. 319

Je bois , je bois à longue haleine. Du vin tel est l'heureux effet, Le malheureux n'a plus de peine

Au cabaret. bis.

Si j'étais maître de la terre , Tout homme serait vigneron ; Au dieu d'amour toujours sincère Bacchus serait mon Cupidon. Je ne quitterais plus sa mère, Car, de la cour un juste arrêt Ferait du temple de Cythère

Un cabaret. h>is.

Auteurs qui courez vers la gloire, Bien boire est le premier talent : Bacchus au temple de mémoire Obtient toujours le premier rang. Un tonneau , voilà mon Pégase, Ma lyre , un large robinet ; Et je trouve le mont Parnasse

Au cabaret. bis.

Commençons la Semaine.

Commençons semaine : Qu'en dis-tu, cher voisin""

320 CHANSONS

Commençons par le vin ,

Nous finirons de même.

Vaut bien mieux moins d'argent, Chanter, danser, rire et boire;

Vaut bien mieux moins d'argent, Rire et boire plus souvent.

On veut me faire accroire

Que je mange mon bien ;

Mais on se trompe bien ,

Je ne fais que le boire.

Vaut bien mieux moins d'argent, etc.

Si ta femme querelle ,

Dis-lui , pour l'apaiser,

Que tu veux te griser,

Pour la trouver plus belle.

Vaut bien mieux moins d'argent, etc.

Le receveur des tailles

Dit qu'il vendra mon lit.

Je me moque de lui :

Je couche sur la paille.

Vaut bien mieux moins d'argent, et

Au compte de Barème Je n'aurai rien perdu, Je suis venu tout nu , Je m'en irai de même. Vaut bien mieux moins d'argent, etc.

POPULAIRES.

Providence divine ,

Qui veilles sur nos jours,

Conserve-nous toujours

I,a cave et la cuisine.

Vaut bien mieux moins d'argent ,

Chanter, danser, rire et boire;

Vaut bien mieux moins d'argent

Rire et boire plus souvent.

Scrutin des Buveur*. Air : Tant qu'il reste une goutte encore.

On vote de bien des façons, Aux chambres , à l'Académie : Joyeux buveurs, nous ne votons Que pour juger mainte folie

Mainte folie, se fera notre festin? Aurons-nous quelque femme aimable? Boit-on du Bcaune ou du Thorrin? Quand nous votons , ce n'est qu'à table ,

Ce n'est qu'à table. Il faut un moyen convenable De voter le verre à la main. lis.

Voter par assis et levé :

Nos jambes nous portent à peine.

2A

CBANSOHS

Pour faire un vote motivé ,

Ma langue éprouve quelque gêne ,

Quelque gêne. Avec des boulettes de pain Peut-on voler par blanche et noire? Faut-il, pour écrire un scrutin, Changer son verre en écritoire,

En écritoire? Votons , si vous voulez m'en croire , Par verre vide et verre plein. bis.

Les rétrogrades voteront, Leur verre plein d'un froid liquide; Les gens de progrès montreront Jusqu'au fond de leur cristal vide,

Leur cristal vide. Le centre , toujours incertain , Remplissant et vidant son verre , Votera, l'air calme et serein, Pour ceux qui font meilleure chère,

Meilleure chère. Mais toujours au doux bruit du verre, Par verre vide et verre plein. bis.

Parfois on est en désaccord Au sein d'un docte aréopage , Lorsqu'il arrive que d'abord La majorité se partage,

Se partage. Nous qui votons avec du vie ,

POMJLi 323

Si parfois la lutte s'engage,

s plutôt jusqu'à demain . Chez nous , voyez quel avantage,

Quel avantage, On recommence un balîôlage

: re vide et verre plein. bis.

Pour essayer, j'ai deux projets A soumettre à votre lumière : Applaudira-t-on mes couplets , Yotera-t-on à ma manière ,

A ma manière? De mon vote et de mon refrain , Qu'à l'instant le sort se décide : Par acclamation soudain , Votez tous , d'une soif avide ,

Soif avide , En montrant chaque verre vide, En vidant chaque verre plein. bw.

àUBXASDU DD COLOMWÏ'i.

Vire le Vin

vive le vin ! Je veux jusqu'à la tin

Î24

Pelit ou grand, Un homme est toujours franc, Loyal et bon vivant, S'il boit sec et souvent.

A mon amie, Jeune et jolie, Moi je consacre et l'amour et le vin. Joyeuse vie , Point d'insomnie, Aimons tous deux, buvons jusqu'à demain Mon Adèle , Toute belle, Boit gaîment de ce jus divin ; Avec elle , Moi près d'elle , Nous chantons ce joyeux refrain : Vive le vin ! etc.

Qu'épris de ses attraits , D'autres chantent Glicère ; Je ris de leurs couplets , Je n'aimerai jamais. Au comble de mes souhaits, Quand je remplis mon verre, Je savoure à longs traits Tous les plaisirs parfaits. Vive le vin ! etc.

Quelle folie , Quelle manie,

POITLAIftES. 325

: er l'amour à ce bon vin ; Triste JnsomDie, Tourment, folie, Voilà le lot d'un amoureux destin. Haute gloire Et victoire A Baechus , père du rai : Cent bouteilles Des plus vieilles A celui qui tit ce refrain : Vive le vin ! etc.

Versant donc à longs traits , Quand je remplis mon verre, Nargue des freluquets ! Je dis : N'aimez jamais. Et, près d'elle buvant. Je vois, vidant mon verre , L'amour, en badinant, Lever son voile blanc.

Vive le vin ! Vive ce jus divin ! Je veux jusqu'à la fin Qu'il égayé ma vie.

Petit ou grand, Un homme est toujours fi Loyal et bon vivant . S'il boit sec et souvent.

326

ILc J;cn Silène.

Le visage teint Du raisin pressuré la veille ,

Par un beau matin , Se réveillant sous une treille , Silène chantait, L'écho répétait : « Satyres, quittez vos retraites , Faunes, vos Dryades coquettes ; Ne dormez plus , je vous le défends , Buvez, chantez, mes joyeux enfants. »

Bientôt à sa voix , Du doux jus , la troupe idolâtre ,

S'échappe des bois , Seconde sa ^ité folâtre ;

Puis d'un tambourin

A son gai refrain Mêlant des sons avec adresse , Bedit dans sa bruyante ivresse : «Ne dormez plus, je vous le détends, Buvez, chantez , mes joyeux enfants.

Silène joyeux, Dit : « Chantez une hymne de gloire;

POPULAIRES. 327

Du plus grand des dieux Je vais vous raconter l'histoire ; Et puisque sans vin On fredonne en vaiD , Pour que votre voix soit moins ietw? Versez de la liqueur brûlante : Ne dormez plus, je vous le défends, Buvez, chantez, mes joyeux enfants.

« Dès qu'il fut tiré Du mont le cachait son père

Bacchus altéré Par le feu qui brûla sa mère, D'un ton clapissant, Disait en naissant : « Arrosez ma voix et les vôtres, « Et chantez à tous mes apôtres; « Ne dormez plus , je vous le défends, « Buvez, chantez, mes joyeux enfants. »

« Au petit marmot, Placé sous ma main protectrice ,

Je donne bientôt La chèvre qu'il eut pour nourri :e.

Lorsqu'elle broutait,

Le vaurien tétait, Puis disait, en mouillant sa lèvre Du raisin que grugeait la chèvre : « Ne dormez plus, je vous le défends, « Buvez, chantez, mes joyeux enfants. »

328 CUANSONS

« A peine grandi , Sa taille égalait son courage;

Il devint hardi, De» conquêtes il eut la rage.

De son joug si doux

Les peuples jaloux, Du bon vin aimant la fumée. Répétaient avec son armée : « Ne dormez plus, je vous le défends, « Buvez, chantez, mes joyeux enfants. >•

« Dans l'Inde il porta La gaitô, la joie et ses charmes.

Enfin il quitta Les peuples soumis à ses armes.

Sur ses pas les fleurs

Se mêlaient aux pleurs. Pour les sécher, sa voix céleste Leur criait : « La vigne vous reste; « Ne dormez plus , je vous le détends , « Buvez, chantez , mes joyeux enfants. *

« Dans le court trajet Qu'il fit pour retourner en Gièce,

Il devint sujet D'une jeune et vive maîtresse.

Malgré ses serments

De fuir les amants, Par le bon vin apprivoisée, Elle chanta loin de Thésée ;

POPULAIRES.

« Ne dormez plus , je vous le défends, « Buvez , chantez, mes joyeux enfants

« Enfin de retour Dans notre brillante patrie.

Jupin à son tour, Pour sabler la liqueur chérie, Aux cieux l'appela. Depuis ce temps-là. Protégeant la vigne dorée, Il chante à la voûte éthérée : « Ne dormez plus, je vous le défends . « Buvez, chantez, mes joyeux enfants. »

Un faux pas borna Le gai récit du bon Silène;

Sa chute entraina Tous ses compagnons sur l'arène. Chacun d'eux chantait, L'écho répétait : « Satyres, quittez vos retraites; Faunes , vos Dryades coquettes ; Ne dormez plus je vous Je défends. Buvez , chantez mes joyeux enfants. ..

CHANSONS

Crois-moi 5 plante de la Vigne.

Que fais-tu de tes richesses, Sot favori 3e Plutus ? T'occuperas-tu sans cesse D'augmenter tes revenus ? A quoi sert cette opulence Dont tu me parais si vain ? Triste, au sein de l'abondance, Veux-tu voir fuir le chagrin ? Crois-moi , plante de la vigne, Tu cueilleras du raisin , Et tu boiras du bon vin.

Cette tige salutaire,

Pour l'homme est un don des cieux;

Elle attire sur la terre

Tous les favoris des dieux.

Le pauvre, en vidant bouteille,

Voit disparaître soudain

Les fatigues de la veille,

Les soucis du lendemain.

Crois-moi, plante de la vigne, etc.

Vois ce buveur qui s'arrête.- Il admire , il est heureux, Il entend, tourne la tête, Écoute des chants joyeux;

POPULAIRES. 331

Entrant dans une guinguette, On lai met un verre en main ; En buvant sa chopinette, Il chante ce doux refrain : Crois-moi , plante de la vigne , etc.

Si la fortune volage Sur moi versait ses bienfaits, Je ferais un digne usage Du bien qu'elle m'aurait fait : Point de luxe, d'équipage, Point de château ni de train ; m Tranquille en mon ermitage, Bienfaiteur du genre humain , Je planterais de la vigne, Je cueillerais du raisin , Et je boirais du bon vin.

Eloge de l'Eau.

Armand Gouffé, quoique membre du Caveau moderne, l'eau était proscrite, ne l'a pas moins chantée d'une manière très-spirituelle. Ce chansonnier, en 1773, a précédé dans la carrière des chansons les Désaugiers et les Béran-

332 CUANSONS

ger. Il a été un des membres des Dîners du vaudeville, fondés en 1796. Les re- cueils de ses chansons , publiés sous le titre de Ballon d'essai, Ballon perdu, etc., en contiennent de très-jolies, et dont plusieurs ont eu de grands succès. Comme vaudevilliste, Armand Gouffé a travaillé à beaucoup de pièces de théâtre ; mais il y a longtemps qu'il a abandonné les Muses, et il s'était retiré au fond d'une province , il est mort depuis peu.

Air : Tarare, Pompon.

11 pleut, il pleut, enfin! Et la vigne altérée Va se voir restaurée Par ce bienfait divin ! De l'eau chantons la gloire, On la méprise en vain : C'est l'eau qui nous fait boire Du vin.

C'est par l'eau, j'en conviens, Que Dieu fit le déluge ; Mais ce souverain juge iMit les maux près des biens.

POPULAIRES. 333

Du déluge, l'histoire Fait naître le raisin. C'est l'eau qui nous fait boire Du vin.

Du bonheur je jouis Quand la rivière apporte, Presque devant ma porte , Des vins de tous pays. Ma cave et mon armoire, Dans l'instant tout est plein \ C'est l'eau qui me fait boire Du vin.

Par un temps sec et beau , Le meunier du village Se morfond sans ouvrage Et ne boit que de l'eau. Il rentre dans sa gloire Quand l'eau vient au moulin. C'est l'eau qui lui fait boire Du vin.

S'il faut un trait nouveau , Mes amis, je le guette. Voyez à la guinguette Entrer mon porteur d'eau : Il y perd la mémoire Des travaux du matin. C'est l'eau qui lui fait boire Du vin.

CHANSONS

Mais a vous chanter l'eau, Je sens que je m'altère ; Passez-moi vite un verre Plein de jus du tonneau. Que tout mon auditoire Répète mon refrain : C'est l'eau qui lui fait boire Du vin.

Armand Gôuffé.

Pins on est de Fous, plus on rit.

Des frelons bravant la piqûre,

Que j'aime à voir, dans ce séjour,

Le joyeux troupeau d'Epicure

Se recruter de jour en jour!

Francs buveurs que Bacchus attire

Dans ces retraites qu'il chérit,

Avec nous venez boire et rire :

Plus on est de fous, plus on rit. bis.

Ma règle est plus douce et plus prompte Que les calculs de nos savants : C'est le verre en main que je compte Mes vrais amis , les bons vivants! Plus je bois, plus leur nombre augmente, El quand nia coupe se tarit,

335 Au lieu de quinze : M*!..

Plus od est de fuus, plus on rit.

Si j'avais une salle pleine

Des vins choisis que nous sablons,

- comme la p] a De Saint-Denis ou des Subions, Mon pi r. n ianslalie,

Sur tous les murs aurait écrit : Entrez , enfants de la folie : Plus on est de fuus , plus on rit. bis.

Entrez , soutiens de la sa_- Apôtres de l'humanité ;

: , amis de La

i , amants de la beauté; Entrez, fillettes dégourdies; Vieilles qui vi^ez à l'esprit; Entrez , auteurs de tragédies : Plus on est de fous , plus on rit. ois.

Puisque notre vie a des bornes, Aux enfers un jour nous h Et malgré le diable* t 1

r.rs un jour nous rirons. L'heureux espoir'. ..

. arrit :

I ie : Plus s on rit. bis.

FFB.

•-• -

336

I.e Iflaftre d'équipage.

Je suis maître d'équipage, J'aime la fureur des flots ; J'ai bravé cent fois l'orage, Je n'ai peur que du repos. Les jeux , l'amour et la table Ne m'ont jamais trouvé las , Et j'y suis infatigable, Autant que dans les combats.

Mais pour calmer la soif qui me dévore, Verse , verse, verse"encore: Au courage, à la gai te ; Je veux boire à la beauté , Au courage, à la gai té.

Rien n'est bon comme un naufrage Pour former les matelots.- Le péril qu'on envisage Est l'école des héros. Dans l'or et dans la misère, Pillant, pillé, pris, repris, J'aime les jeux de la guerre Par-dessus tout, mes amis.

Mais pour calmer, etc.

POPULAIRES. 337

S'il arrive qu'une belle Veuille monter à mon bord , L'amour en mer n'a point d'ailes. L'inconstance reste au port. S'il arrive que l'orage Vient troubler de si beaux jours, Je trouve un nouveau courage Pour veiller sur mes amours.

Mais pour calmer la soif qui me dévore , Verse, verse , verse encore : Au courage , à la gaité ; Je veux boire à la beauté , Au courage, à la gaité.

I.e vrai Tlomuslen.

Air d'une ronde allemande.

lUsien, j'éparpille ma vie Entre les arts, Iiacchus et la gaité ; Lorsque chez moi jamais n'entra l'envie. Dois-je songer à la célébrité? Non , pour être heureux, Bornant mes vœux A ma chaumière, je vis content, Libre, joyeux , indépendant.

2i

B CHANSONS

S'il me faut ici

Être aussi Couvert de poussière , Celle des vallons Vaut mieux que celle des salons.

Lorsque je dors s l'ombre d'une treille, Sur moi Momus agite son grelot; Je vois le. monde en forme de bouteille, Et vainement j'en cherche le goulot. Mais à mon réveil , Un vin vermeil Me désaltère. Dès que je le vois , Je ris , je bois tout à la fois ; Et pour m'animer, Pour m'enflammer Au lieu d'un verre , Bacchus vient m'offrir La coupe qu'il tient du plaisir.

Souvent mon bras , du fouet de la satire^ Aime à frapper les sots, les courtisans ; Mais plus souvent je ressaisis ma lyre Pour célébrer les hommes bienfaisants. Dès l'aube du jour Je chante l'amour

Et la gloire; L'oiseau du hameau Kedit :e que redit l'écho ;

POPULAIRES. C39

De nos vieux soldats Fiers aux combats Je lis l'histoire. Las! ils ne sont plus!... Mais il nous reste leurs vertus.

Dans mon réduit je n'ai pour seule escorie Que le mystère, et ma belle et mon cbicn ; Mais qu'un ami soudain frappe à ma porte, J'ouvre, et mon cœur vole au devant du Il voit, satisfait, [sien.

L'effet qu'il fait Par sa présence; Bientôt un flon flon Accompagne un large flacon. Le temps passe enfin ;

Vient la fin De ma jouissance; Il part... et mes yeux Prolongent encor mes adieux.

Si , près de moi ma belle se repose Sous le taillis ensemble nous chantons; A son corset si je place une rose, Zéphyr malin m'en fait voir les boutons. Souper sans apprêts Se prend au frais Et suus l'ombrage; La nuit nous poursuit

340 CHANSONS

Le désir nous appelle au lit. Par son chant Touchant, Le rossignol du voisinage Nous dit qu'il fait jour; L'amour nous le dit à son tour.

Decour.

la dernière Goutte.

Eh quoi! nous semblons engourdis; Nous restons froids et droits en place : On dirait qu'un voile de glace Nous a tous presque abasourdis. Sachons donc bannir ce froid-là; Qu'enfin notre front se colore; Savourons le jus que voilà, Et chantons ce refrain sonore : Tant qu'il reste ane goutte encore Mes amis , desséchons-la. bis.

La guerre ayant de plus d'un preux Dévoré le mince héritage, A nous est le noble avantage De lui tendre un bras généreux , En sougeant que de fois il a Protégé ces grands qu'il implore,

POPLL 311

Sous ces vieilles moustaches-là, Qui d'Austerlitz ont vu l'aurore. Tant qu'il reste une goutte encore, Mes amis, desséchons-la.

Loin de vouloir dicter la loi A notre Estelie, à notre Lise, Attendons que son œil nous dise : Ose tout, et je suis à toi. Quelquefois cet œil se perla D'une larme qu'amour déplore ; Mais sitôt qu'elle parait là. Qu'un brûlant baiser la dévore. Tant qu'il reste une goutte encore, Mes amis, desséchons-la. li$

Le front couronné de bluets, Laissons les rois et leurs ministres

a de terreurs sinistres, Boire à peine dans leurs palais. S'il leur faut, un jour de gala, Un nectar qui les corrobore, Que nous fait, buvant celui-là. Le coteau qui le vit éclore? Tant qu'il reste une goutte ene Mes amîs, desséchons-la. bis.

Enfin, mesurant nos désirs Aux bienfaits d'une main sacrée.

342 CHASSONS

Plongeons notre bouche altérée Dans le calice des plaisirs. Trop souvent ce calice-là, Qui séduit, enivre, restaure, De sa faux le Temps le fêla; C'est pourquoi , dès que nait l'aurore , Tant qu'il reste une goutte encore.. Mes amis , desséchons-la. bis,

Mes vieux Souvenirs.

Air : Mes amis, faites comme moi.

J'éprouve, amis, pourriez-vous b'en le Du temps jaloux l'inexorable loi ; [croire ? Il m'a déjà retiré la mémoire, Et le passé m'échappe malgré moi. Hais quelquefois un flacon me ramène Jux jours heureux de mes premiers loisirs. Versez, amis, versez à tasse pleine : Rendez-moi mes vieux souvenirs.

De ce nectar voyez le privilège , Il me reporte à ces temps enchanteurs tous les ans j'enlevais du collège Livres dorés et couronnes de fleurs. 0 ma couronne, aux rives de la Seine Tu ne fis pas en trente ans deux martyr? !

POULAlKLS. o43

Versez , amis , versez a tasse pleine : « Rendez-moi mes vieux souvenirs.

Dieu! qu'à seize ans, pour nne âme brulcnle, Baiser de vierge est un fatal poison: Que je l'aimais , et qu'elle était tremblante Lorsqu'en tremblant j'égarais sa raison ' Oh ] quel bonheur quand ma gentille Hclèi c, En m 'apprenant, s'apprenait les plaisirs : Versez, amis, versez à tasse pleine : Rendez-moi mes vieux souvenirs.

Vingt ans sonnaient qu^nd de la Pru?=.: [allière, Au nom des rois, le gant nous fut jeté; Et tout à coup on vit la France entière Marcher au cri : « Vive la Liberté ! ;> Avec quel l'eu pour cette augu.-ie reine Nous immolions espoir, bonheur, désirs! Versez , amis, versez à tasse pleine : Rendez-moi mes vieux souvenirs.

J'avais trente ans lorsqu'à notre rivage L'homme du siècle osa donner des fers; Et cependant, même au sein du serrage, La France encor planait sur l'univers. Esclave ici, mais partout souveraine, Les potentats n'étaient que ses vizirs. Versez, amis, versez à tasse pleine : Rendez-moi mes vieux souvenirs.

344 CHANSONS

A quarante ans j'ai revu ma patrie ,Le vent du nord me rejette à Fleurus; Et je vois la liberté chérie, Victime enfin des rois cent fois vaincus. Mais en tombant dans l'immortelle arène, Qu'elle était belle à ses derniers soupirs! Versez , amis, versez à tasse pleine : Rendez-moi mes vieux souvenirs.

J'ai soixante ans: que sans crainte on rem- [plisse Le doux cristal qu'ici mon bras vous tend, Car le passé n'a rien dont je rougisse , Et tout Français n'en pourrait dire autant. Petit acteur d'une bien vaste scène , J'eus des chagrins, jamais de repentirs. Versez, amis, versez à tasse pleine : Rendez-moi mes vieux souvenirs.

EMILE DEBUEAUX.

I^a Barque a Caron.

Ah ! que l'amour est agréable ! Il est de toutes les saisons : Un bon bourgeois dans sa maison Le dos au feu , le ventre à table ,

tison

Caressait un jeune tendron.

Bacchus sera mon capitaine, Vénus sera mon lieutenant, Le rôtisseur mon commandant, Le fournisseur mon porte-enseigne, Ma bandoulière de boudins, Mon fourniment rempli de vin.

Quand nous serons dans l'autre monde Adieu plaisirs, adieu repas; Sachez bien que nous n'aurons pas D aussi bon vin dans l'autre monde- INous serons quittes d'embarras , L'n' fois partis dans ces lieux bas.

Aprts ma mort, cfaers camarad

Vous placerez dans mon tombeau ' Un petit broc de vin nouveau, Un saucisson, une salade, Une bouteille de Màcon, Pour passer la barque à'caron.

I/O* Glouglous.

jfesehers amis, pour jouir de la

Le verre en main . i

346 CHANSONS

Et, pour tyomus prodiguant notre encens, Que sa marotte nous rallie. Joyeux troubadours Répétez toujours i Non, non, non , non , point de mélancolie. Oui le vrai bonlieur Nait du son flatteur De tous les panpans, Les panpans des bouclions; Do tous les glouglous, les glouglous des fla- [ cons, De tous les lanla, les lanla des chausons.

Dans un concert, qu'une voix magnifique Par des accents , ravisse l'auditeur, Et que Lafond, sur son luth enchanteur, Promène son archet magique ;

A tous ces grands airs ,

Ces brillants concerts , A tous ces flonflons de la musique

Je préfère en cor

Le joyeux accord

De tous les panpans, etc.

Quand un ami, par un retour sincère,

Dans un repas veut réparer ses torts ;

Pour le haïr en vain doublant d'effovis,

Vous lui montrez un front sévère,

Si d'un verre plein ,

Sa tremblante main ,

POPULAIRES. 317

Tin, tin, tin, tin, vient choquer votre verre, La haioe s'enfuit Et cède au doux bruit De tous les panpans . etc.

Pour obtenir d'une jeune fillette L'aveu charmant que retient la pudeur, Joyeux lurons, tâchez avec ardeur De trinquer avec la pauvrette :

Si le jus divin

Pénètre son sein, Zon, zon, zon, zon, elle n'est plus muette.

Ses tendres aveux

Partent avec les feux

De tous les panpans, etc.

Un vieux soldat, à la gloire fidèle, De son pays protégeant les remparts, Si Mare chez lui porte ses étendards, S'anime d'une ardeur nouvelle. Il n'est jamais sourd Au son du tambour ; Le ran tan plan, ran tan plan le rappelle, Et sous l'olivier Le vaillant guerrier Revient aux panpans, Aux panpans des bouchons, Revient aux glouglous , aux glouglous des [flacons Revient aux lanla, aux lanla des chansons.

348 CHANSONS

A mon convoi, puisqu'il faut que je meure, Pour cierge, amis, que l'on porte un flacon; Qu'un vieux tonneau de Beaune ou de Mâ- Fasse ma dernière demeure. [cou

Qu'au temple divin , Des verres de vin , Din, din, din, din , du convoi sonnen» De ce divin jus [i heure;

Chantons l'Orémus, Au bruit des panpans , Des panpans des bouchons; De tous les glouglous, les glouglous des fla- [cons, De tous les lanla, les lanla des chansons. Claye (d'Eure-et-Loir).

B.e Bonsoir.

Mes bons amis, ajournons à huitaine Nos airs joyeux, nos chants de gai savoir Momus remonte au céleste domaine.

Il est minuit, bonsoir,

Jusqu'au revoir, bonsoir.

A nos santés vidons pourtant nos verres . Prêts à quitter ce toit hospitalier, Nos devanciers, nos fidèles trouvères, Bnvaient toujours le coup de l'étrier. Mes bons amis, ajournons à huitaine» eto

POTOLAfHES. 34y

De nos amis îa cohorte agréable Augmente encore avec ce vin clairet ; Quand on est quinze en se mettant à table. On se voit trente au sortir du banquet.

Mes bons amis, ajournons à huitaine, etc.

Il se fait tard : à gagner sa demeure Chacun de nous doit prudemment songer ; Pour les maris c'est un vilain quart d'heure, Pour les amants c'est l'heure du berger.

Mes bons amis, ajournons à huitaine, etc.

Mais au buveur qui sent sa tête prise, On doit offrir un bras sûr et prudent; Nous aurions l'air d'une patrouille grise Si l'un de nous marchait en chancelant.

Mes bons amis, ajournons à huitaine, etc.

Chemin faisant, si quelque jouvencelle Pour son fallût vous prend en tapinois, Conduisez-la sans bruit et sans chandelle ; On a, la nuit, les yeux au bout des doigts.

Mes bons amis, ajournons à huitaine, etc.

Mais d'un regard votre soif est coupable : Sur ce bouchon pourquoi fixer les yeux? De ces flacons qui dorment sur la table, Ah : dans huit jours le vin sera plus vieux !

350 CHANSONS

Mes bons amis, ajournons à huitaine Nos airs joyeux, nos chants de gai savoir: Momus remonte au céleste domaine.

Il est minuit, bonsoir,

Jusqu'au revoir, bonsoir.

le Mouvement perpétuel.

Loin d'ici , sœurs du Permesse ,

Chétives buveuses d'eau;

Cachez-vous avec prestesse

Dans votre fangeux ruisseau.

Bacchus m'anime et m'inspire;

Il échauffe tous mes sens.

C'est lui qui monta ma lyre ,

Ecoutez ses fiers accents : Remplis ton verre vide, Vide ton verre plein. Ne laisse jamais dans ta main

Ton verre ni plein ni vide; Ne laisse jamais dans ta main

Ton verre ni vide ni plein.

Si le ciel, dans sa colère, Te fit le funeste don D'une femme atrabilaire Troublant toute ta maison,

P0TCLA1RES. 3r.l

Laisse celte Mégère, Ce lutin, ce vrai démon, Et vite, d'un pas célère , Vers le plus prochain bouchon , Remplis ion verre vide, etc.

Nargue de la gent savante Qui , du mouvement sans fin , Depuis mille ans se tourmente Sans aucun succès certain ! Moi tout seul, et pour moi-même, Assis dans un cabaret, J'ai trouvé ce grand problème. Voici quel est mon secret : Remplis ton verre vide, etc.

Si les voûtes azurées

S'écroulaient avec fracas,

Si leurs ruines embrasées

Vomissaient mille trépas,

La trogne toujours vermeille

Et le front toujours serein ,

Tenant en main ma bouteille,

Je dirais à mon voisin : Remplis ton verre vide, Vide ton verre plein. Ne laisse jamais dans ta main

Ton verre ni plein ni vide : No laisse jamais dans la main

Ton verre ni vide ni plein.

35-i

les Effets du Vin.

Voulez-vous suivre un bon conseil? Buvez avant que de combattre; De sangfroid je vaux mon pareil , Mais lorsque j'ai bu j'en vaux quatre. Versez donc, mes amis, versez, Jamais je n'en puis boire assez.

Comme ce vin tourne l'esprit! Comme il vous change une personne! Tel qui tremble s'il réfléchit, Faii trembler quand il déraisonne. Versez donc, mes amis, versez, Je ne puis jamais boire assez.

Ma foi , c'est un triste soldat Que celui qui ne sait pas boire: Il voit les dangers du combat, Le buveur n'en voit qu« la gloire. Versez donc, mes amis, versez, Je n'en puis jamais boire assez.

Cet univers , oh ! c'est très-beau ; Mais pourquoi dans ce bel ouvrage Le Seigneur a-t-il mis tant d'eau? Le vin me plairait davantage.

popi'LAIRES. 353

Vevsez donc, mes amis , versez , Je n'en puis jamais boire assez.

S'il n'a pas fait un élément De celle liqueur rubiconde, Le Seigneur s'est momré prudent : Nous eussions desséché le monde. Versez donc, mes amis, versez, Je n'en puis jamais boire assez.

Fabien Pillet.

1^» Marseillaise.

Ce fut le 30 juillet 1792 que les Mar- seillais arrivèrent à Paris , après s'être signalés dans les départements du Midi par de3 expéditions patriotiques, selon le langage des journalistes du temps. lis entrèrent par le faubourg Saint -Au toine , et furent conduits par Santerre aux Champs Élysées , où. uu banquet leur était préparé. Leur arrivée fut si- gnalée par des troubles sanglants. Il y eut une rixe entre eux et des gardes

53.

354 CHANSONS

nationaux du bataillon des Filles-Saint- Thomas, de la rue des Petits-Pères, et des gardes du corps. Le peuple s'en mêla. Plusieurs de ceux qui avaient crié rire le roi et vive Lafayeite furent blessés ; Duhamel fut massacré. Les Marseillais étaient venus à Paris sous le prétexte que la patrie était en dan- ger; leur patriotisme exalté venait à son secours.

Ce fut alors que Rouget de Lille composa les paroles et la musique, de son Hymne des Marseillais, communé- ment appelé la Marseillaise. Ce chant patriotique et guerrier retentit dans toute l'Europe. On ne saurait se faire aujourd'hui une idée de l'enthousiasme qu'il inspira et de l'influence qu'ilexerça, l'on n'en avait éprouvé les effets lors de nos deux dernières révolutions. L'air est devenu une des plus belles marches militaires que l'on connaisse; il a souvent mené nos soldats à la vic- toire. Les paroles se ressentaient de l'inspiration républicaine de l'auteur.

Malheureusement on fait des plus belles choses un mauvais emploi. La Marseil- laise fut aussi l'accompagnement de? i\ - a nombreuses qui eurent lieu a c îtte êpd |ué.

Le 18 nivôse an iv '8 janvier 1"

a-, arrêté du Directoire ordoir

dans ton? les spectacles Y:

la Marseillaise avec ceux : Ça ira.

Ions au salut de l'empire et le Ch:

.Le même arrêté défendait ii Ré- veil du Peuple. De toutes ces chansons révolutionnaires , la Marseillaise était sans contredit la meilleure, car elle était exaltée , mais non sanguinaire.

C'est à cette chanson que Rouget de Lille a sa réputation. Il était à Lons-le-Saulnier, et était officier de génie en 1790. Malgré ses opinions républicaines, il fut incarcéré pendant la terreur et ne fut sauvé que par le 9 thermidor. Il aurait sans doute en- tendu jouer la Marseillaise en allant à l'échafaud !

On a de lui plusieurs autres poésies

356 CHANSONS

patriotiques, et de plus cinquante chants français, paroles de différents auteurs , qu'il a mis en musique et publiés en 1825. C'est son dernier ouvrage.

Allons, enfants de la patrie, Le jour de gloire est arrivé; Contre nous de la tyrannie L'étendard sanglant est levé. bit.

Entendez-vous dans ces campagnes Mugir ces féroces soldats? Ils viennent, jusque dans vos bras , Égorger vos fils , vos compagnes î

Aux armes ! citoyens, formez vos bataillons,

Marchons (bis), qu'un sang impur abreuve

[nos sillons'.

Que veut cette horde d'esclaves, De traîtres , de rois conjurés ? Pour qui ces ignobles entraves, Ces fers dès longtemps préparés?... bis Français, pour nous, ah! quel outrage, Quels transports il doit exciter! C'est nous qu'on ose méditer De rendre à l'antique esclavage ?

Aux armes! citoyens, etc.

POPULAIRES. 357

Quoi ! ces cohortes étrangères Feraient la loi dans nos foyers : Quoi ! ces phalanges mercenaires Terrasseraient nos fiers guerriers ? bis. Grand Dieu ! par des mains enchaînées Nos fronts sous le joug se ploieraient! De vils despotes deviendraient Les maitres de nos destinées ! Aux. armes! citoyens, etc.

Tremblez, tyrans, et vous perfides, L'opprobre de tous les partis ! Tremblez! vos projets parricides Vont enfin recevoir leur prix! bis.

Tout est soldat pour vous combattre. S'ils tombent nos jeunes héros, La France en produit de nouveaux , Contre vous tout prêts à se battre. <\ux armes! citoyens, etc.

Français, en guerriers magnanimes, Portez ou retenez vos coups ; Épargnez ces tristes victimes A regret s'armant contre nous. bis. Mais ces despotes sanguinaires, Mais les complices de Bouille, Tous ces tigres qui, sans pitié, Déchirent le sein de leur mère!...

Aux armes : citoyens , etc.

|$6 CHANSONS

Nous entrerons dans la carrière Quand nos aînés ne seront plus; Nous y trouverons leur poussière Et la trace de leurs vertus. bis»

Bien moins jaloux de leur survivre Que de partager leur cercueil , Nous aurons le sublime orgueil De les venger ou de les suivre.

Aux armes! citoyens, etc.

Amour sacré de la patrie,

Conduis, soutiens nos bras vengeurs;

Liberté, liberté chérie,

Combats avec tes défenseurs! bis.

Sous nos drapeaux que la victoire

Accoure à les rnàles accents!

Que tes ennemis expirants

Voient ton triomphe et notre gloire .'

Aux armes! citoyens, formez vos bataillons,

Marchons {bis), qu'un sang impur abreuve

f nos sillons

Rouget dk Lille.

POPULÀir.BS. 339

Le Chant du Départ.

HYMNE DE GUERRE.

Le 14 juillet 1794 approchai:: la France s'apprêtait à célébrer l'an saire de la prise de la Bn^i1 te, ce s événement qui avait ébranle le vieux monde et ouvert une ère nouvelle.

On était dans l'ivresse de la lil si glorieusement conquise, et qu'il s'a- gissait de défendre contre les rois de l'Europe, qui la menaçaient s: comprendre, sans soupçonnerles prodi- ges qu'elle pouvait enfanter ; et en même temps que d raient, tous

les enfants de cette France, devenue une nation de héros, se précipitaient vers les frontières menacées :

Nu-pieds, sans pain, lourds aux lâches alar- [mes, Tous à la gloire allaient du même pasl

S5° CHANSONS

C'est alors que Marie-Joseph Chéniêr inspiré par la grandeur du spectacle qu'il avait sous les yeux, improvisa cet hymne de guerre qu'il appela le Chant du Départ, dont Méhul improvisa la mu- saque, qu'il écrivit de verve au milieu des causeries d'un salon.

Dire avec quel enthousiasme ces vers et surtout cette admirable musique fu- rent accueillis, est impossible : ce fut une sorte de délire, un entraînement gênerai dont rien ne saurait donner l'i- dée. Ce fut surtout dans nos armées que cet hymne eut un succès prodigieux; l'enthousiasme qu'il y excita ne peut être comparé qu'à celui qu'avait fait naître U Marseillaise.

La main de fer impériale comprima, un peu plus tard, cette exaltation; le Chant du Départ, comme la Marseillaise, fut mis à l'index, et ces deux hymnesy qui avaient "concouru au gain de tant de batailles, ne reparurent pendant quel- ques jours, en 1815, que pour être re- plongés presque aussitôt dans les limbes

POPULAIRES. 3S1

le despotisme s'efforçait d'engloutir tout ce qui était capable de raviver dar.s le cœur du peuple l'amour de la patrie et de la liberté.

-La même chose arriva lors de la révo- îlution de 1830 ; ces nobles chants, qui t'étaient reproduits, ne tardèrent pas à effrayer les hommes rétrogrades qui s'é- taient emparés du pouvoir, et le i dut cesser de faire entendre le Chant du Départ, qui menaçait d'envoyer les ty- rans au cercueil.

Enfin vint la Révolution de 1848 qui, exilant une dernière fois la royauté du sol de la France, donna un nouvel essor lau patriotisme et à tous les sentiments généreux. Le Chant du Départ a con- tribué, avec le chœur des Girondins, [que nous donnons à la fin de ce re cueil) à l'enthousiasme des journées d Février.

Il est juste de dire pourtant qu'à l'exception de la première strophe, qui est véritablement admirable, ces vers de Chénier se ressentent beaucoup de la

$62 CHANSONS

précipitation avec laquelle ils ont été faits ; mais la musique en est réellement enivrante; il est impossible de rester froid en entendant ces accents' r '- ques, surtout lorsque vient cette explo- sion après la mineure de l'air :

La République nous appelle'.

Rieu au monde n'est plus grand, plus majestueux, plus électrique sur- tout. Enfin cela ne peut pas mourir, pur la raison toute simple que c'est immor- tel; combien comptons-nous de chefs- d'œ vre dont on en puisse dire autant?

La victoire en chantant nous ouvre la bar- La liberté guide nos pus, [rière,

Et du iNorti au Midi la trompette guerrière A sonné l'heure des combats. Tremblez . ennemis de la France! Rois ivres de sang et d orgueil! Le peuple souverain s'avance : Tyrans , descendez au cercueil!

POPULAIRES. 3GJ

La république nous appelle , Sachons vaincre ou sachons périr.- Un Français doit vivre pour elle, Pour elle un Français doit mourir!

Une mère de famille.

nos yeux maternels ne craignez pas les [ larmes : Loin de nous do lâches douleurs! Nous devons triompher quand vous prenez [ les armes ; C'est aux rois à verser de* pleurs! Nous vous avons donné la vie, Guerriers ! elle n'est plus à vous; Tous vos jours sont à la pairie : Elle est votre mère avant nous! La république nous appelle, etc.

Deux Vieillards.

Que le fer paternel arme la main des braves!

Songez à nous , au champ de Mars ; Consacrez dans le sang des rois et des esclaves

Le fer béni par vos vieillards :

Et, rapportant sous la chaumière

Des blessures et des vertus ,

Venez fermer notre paupière

Quand les tyrans ne seront plus!

La république nous appelle, etc.

364 CUANSONS

Un Enfant.

De Barra, de Viala, le sort nous fait envie : Ils sont morts, mais ils ont vaincu.

Le lâche accablé d'ans n'a point connu la vie Qui meurt pour le peuple a vécu. Vous êtes Vaillants , nous le sommes .- Guidez- nous antre les tyrans; Les républicains sont des hommes , Les esclaves sont aes enfants !

La république nous appelle, etc.

Une Epouse.

Partez, vaillants époux : les combats sont vos

[fêtes ; Partez, modèles des guerriers.

Nous cueillerons des fleurs pour en ceindre [vos têtes; Nos mains tresseront des lauriers ; Et, si le temple de mémoire S'ouvrait à vos mânes vainqueurs, Nos voix chanteront votre gloire , Nos flancs porteront vos vengeurs.

La république nous appelle , etc.

Une jeune Fille.

Et nous, sœurs des héior,nous qui de l'hy- Ignorons les aimei'wjs nœuds, [menée

roriL 365

Si, pour s'unir un jour à notre destinée, Les citoyens forment des vœux, Qu'ils reviennent dans nos murailles, Beaux de gloire et de liberté Et que leur sang, dans les batailles, Ait coulé pour l'égalité.

La république nous appelle, etc. Trois Guerriers.

Sur le fer, devant Dieu , nous jurons à nos A nos épouses , à nos sœurs . [pères,

A nos représentants, à nos fils, à nos rnères, D'anéantir les oppresseurs; En tous lieux, dans la nu'.t profonde, Plongeant l'infâme royauté, Les Français donneront au monde Et la paix et la liberté:

La république nous appelle , Sachons vaincre ou sachons périr : Uc Français doit vivre pour elle, Pour elle un Français doit mourir !

M. J. Cbxniek. Musique de Mûbul.

360

La Parisienne.

Les poètes ne manquent jamais aux circonstances politiques : les uns flat tout les rois , les antres flattent les peu- ples, selon que les rois ou les peuples tiennent le pouvoir en main. Malheu- i-eusement les Muses sont souvent des girouettes et s'inspirent du vent qui souffle. Tel poëte a chanté Marat , qui a salué l'astre de Napoléon et le ber- ceau du roi de Rome, puis qui s'est courbé devant les lis, a encensé la res- tauration et l'aurore du duc de Bor- deaux, et n'a pas manqué de rime* pour la dynastie de juillet. Le Diction naire des girouettes a signalé ces enthou siasmes de commande. Nous ne confon- drons pas dans cette tourbe de rimeurs Casimir Delavigne , le poëte des Messé- niennes , dont les chants élégiaques et héroïques ont soupiré les malheurs de

',&

POPLLAIRES. 367

la France écrasée, mais non v par les forces de l'Europe coalisée. Son chant de la Parisienne, œuvre patrio- tique . eut un moment la vogue de Ici Marseillaise et du Chant du départ. Lx Yartorienne eut moins de retentissement, parce qu'elle s'adressait a moins de passions. Ce sont des boutades enthou- siastes dont l'effet est prompt, mais qui meurent avec les circonstances qui les avaient fait naître.

Ce qui consacre la réputation de Ca simir Deiavigne, ce sont ses tragédies, l'élégance et la pureté de ses poésies, surtout dans le genre lyrique.

La mort a ravi trop tôt ce poëte , en 1794, et qui n'avait pas encore par- couru l'espace d'un demi-siècle lorsqu'il a été enlevé à l'Académie , à la scène française et à ses nombreux amis.

Peuple français , peuple de braves . La liberté rouvre ses bras ; On nous disait : Soyez esclaves: Nous avons dit : Soyons soldats! Soudain Paris dans sa mémoire

368 CHANSONS

A retrouvé son cri de gloire En avant, marchons Contre leurs canons, A travers le fer. le feu des bataillons,

Courons à la victoire ! bis.

Serrez vos rangs! qu'on se soutienne Marchons! chaque enfant de Paris De sa carti uche citoyenne Fait une offrande à son pays. 0 jours d'éternelle mémoire! Paris n'a plus qu'un cri de gloire : En avant, marchons, etc.

La mitraille en vain nous dévore: Elle enfante des combattants. Sous les boulets voyez éclore Ces vieux généraux de vingt ans. 0 jours d'éternelle mémoire! Paris n'a plus qu'un cri de gloire : En avant, marchons, etc.

Pour briser leurs masses profondes , Qui conduit nos drapeaux sanglants? C'est la liberté des deux Mondes, C'est Lafayette en cheveux blancs. 0 jours d'éternelle mémoire! Paris n'a plus qu'un cri de gloire : En avant, marchons, etc.

POPULAIRES. 369

Les trois couleurs sont revenues , Et la colonne avec fierté Fait briller à travers les nues, L'arc-en-ciel de la liberté. 0 jours d'éternelle njéraoire! Paris n'a plus qu'un cri de gloire : En avant, marchons, etc.

Soldat, du drapeau trie D'Orléans , toi qui Tas : Ton sang se mêlerait encore A celui qu'il nous a coûté. Comme aux beaux jours de notre hi- Tu redirais ce cri de gloire : [ stoire, En avant, marchons, etc.

Tambours, du convoi de nos fi Roulez le funèbre signal. Et nous de lauriers populaires Chargeons leur cercueil triomphal. 0 temple de deuil et de gloire ! Panthéon, reçois leur mémoire!

Portons-les, marchons,

Découvrons nos fronts, Soyez immortels, vous tous que nouspleu- M .rtvrs de la victoire ! bis. [ rons,

Casimir Du,

S70

l.n Varsovienne.

Il s'est levé , voici le jour sanglant ; Qu'il soit pour nous le jour de délivrance. Dans son essor voyez notre aigle blanc Les yeux fixés sur Tarc-en-ciel de France. Au soleil de juillet, dont l'éclat fut si beau, Il a repris son vol , il fend les airs, il cr'.e :

Pour ma noble patrie, Liberté, ton soleil, ou la nuit du tombeau! Polonais, à la baïonnette! C'est le cri par nous adopté; Qu'en roulant le tambour répète : k la baïonnette! Vive la liberté!

Guerre !.. . A cheval, cosaques des déserts !

Sabrons, dit-il, la Pologne rebelle.

Point de Balkans, ses champs nous son!

[ouverts;

C'est au galop qu'il faut passer sur elle.

Halte! n'avancez pas! ces Balkans sont nos

[corps,

La terre nous marchons ne porte que des

[braves,

POPULAIRES. 371

Rejette les esclaves, Et de ses ennemis ne garde que les morts. Polonais, à la baïonnette: etc.

Pour loi, Pologne, ils combattront, tes fils, Plus fortunés qu'au temps o*i la victoire Mêlait leur cendre aux sables deMemphis, le Kremlin s'écroula sous leur gloire. Des Alpes au Thabor, de l'Ébre au Ponr- [Euxin, Us sont tombés vingt ans sur la rive étran- Cette fois, ô ma mère! [gère;

Ceux qui mourront pour toi dormiront sur [ ton sein ! Polonais, à la baïonnette! etc.

Viens, Kosciusko, que ton bras frappe au Cet ennemi qui parle de clémence, [cœur En avait-il quand son sabre vainqueur Noyait Pragadans un massacre immense.» Tout son sang va payer le sang qu'il prodigua; Cette terre en a soif, qu'elle en soit arrosée ;

Faisons sous sa rosée Reverdir le laurier des martyrs de Praga! Polonais , à la baïonnette ! etc.

Allons, guerriers, un généreux effort! Nous les vaincrons; nos femmes les dé- ifient.

372 CHANSONS

0 mon pays! montre au géant du Nord Le saint anneau qu'elles te sacrifient. Que par notre victoire il soit ensanglanté ; Marche! et fais triompher au milieu des ba- [ tailles L'anneau des fiançailles Qui t'uuit pour toujours avec la liberté. Polonais , à la baïonnette ! etc.

A nous, Français ! Les balles d'Iéna Sur notre sein ont inscrit nos services; A Marengo, le fer le sillonna ; De Champ-Aubert comptez les cicatrices. Vaincre ou mourir ensemble autrefois fut si [doux! Nous étions sous Paris... Poui de vieux [ frères d'armes N'aurez-vous que des larmes? Frères, c'était du sang que nous versions [pour vous ! Polonais, à la baïonnette! etc.

0 vous du moins dont le sang glorieux S'est dans l'exil répandu comme l'onde, Pour nous bénir, mânes victorieux , Relevez-vous de tous les points du monde Qu'il soit vainqueur, ce peuple, ou martyi [comme vous, Sous les bras du géant, qu'en mourant ii [retarde.

POPULAIRES. 373

Qu'il tombe à l'avant-garde Pour couvrir de son corps la liberté de tous ! Polonais, à la baïonnette! etc.

Sonnez, clairons ! Polonais, à ton rang! Suis sous le feu ton aigle qui s'élance. La liberté bat la charge en courant. Et la victoire est au bout de la lance. Victoire à l'étendard que l'exil ombragea Des lauriers d'Austerlitz, des palmes dldu- Pologne bien-aimée, [mée!

Qui vivra sera libre, et qui meurt l'est déjà! Polonais, à la baïonnette!

. !e cri par nous adopté ; "Qu'en roulant le tambour répète : A la baïonnette Vive la libeite:

Casons Delavignf..

Chaut de Liberté.

Air : Vous qui, d'amoureuse aventure.

Veillons au salut de l'Empire, Veillons au maintien de nos droits!

374 CHANSONS

Si le despotisme conspire ,

Conspirons la perte des rois! Liberté! que tout mortel te rende hommage. Tremblez, tyrans! vous allez expier vos for-

Plutôt la mort que l'esclavage ! [ faits !

C'est la devise des Français.

Du salut de notre patrie

Dépend celui de l'univers ;

Si jamais elle est asservie,

Tous les peuples sont dans les fers. Liberté! que tout mortel te rende hommage. Tremblez, tyrans ! vous allez expier vos for-

Plutôt la mort que l'esclavage ! [ faits !

C'est la devise des Français.

Ennemis de la tyrannie Paraissez tous , armez vos bras. Du fond de l'Europe avilie , Marchez avec nous aux combats.

Liberté! liberté! que ce nom sacré noup

[rallie.

Poursuivons les tyrans, punissons leurs for Nous servons la même patrie : [faits! Les hommes libres sont Français.

Jurons union éternelle Avec tous les peuples divers ;

POPULAIRES. 375

.•urons une guerre mortelle

A tous les rois de l'univers. [ rallie ! Liberté! liberté! que ce nom sacré nous Poursuivons les tyrans, punissons leurs for-

On ne voit plus qu'une patrie [ faits ï

Quand on a l'àme d'un Français.

ï.a Carmagnole.

Cette horrible chanson est un monu- ment curieux de la folie démagogique, et nous la donnons dans ce recueil pour faire voir avec quelle poésie brutale on excitait le peuple. Elle fut composée en août 1792, époque à laquelle Louis XVI fut mis au Temple. Elle eut une vogue populaire et devint le signal et l'ac- compagnement des joies féroces et des exécutions sanglantes. On dansait la Carmagnole dans les bals, on la chantait au théâtre et autour de la guillotine. On appelait les diecours que Barrère

376 CHANSONS

prononçait à la Convention des Carma- gnoles. L'air, qui est véritablement en- traînant, était joué en pas redoublé dans la musique militaire ; mais Bona- parte le défendit, ainsi que Ça ira, lors- qu'il fut consul.

Cette cbanson parut au moment les troupes françaises venaient d'entrer triomphantes dans la Savoie et le Pié- mont, dont Carmagnole est une ville forte. On ignore si la musique et la danse de la Carmagnole sont originaires de ce pays et en ont pris le nom , ou si l'air a été composé par quelque musi- cien piémontais ou français, à l'époque de nos victoires en Piémont.

Madam' Veto avait pronr's bis.

De faire égorger tout Paris ; bis.

Mais son coup a manqué,

Grâce à nos canonnié.

Dansons la carmagnole, Vive le son ! vive le son !

Dansons la carmagnole, Vive le son du canon !

POPULAIRES. 377

M. n sieur Veto avait promis bis.

Ij'ètre fidèle à sa patrie; bis.

Mais il y a manqué ,

Ne faisons plus cartié.

Dansons la carmagnole , etc.

Antoinette avait résolu bis,

De nous faire tomber sur eu ; bis.

Mais son coup a manqué ,

Elle a le nez cassé.

Dansons la carmagnole , etc.

Son mari , se croyant vainqueur, bis. Connaissait peu notre valeur. bis.

Va, Louis , gros paour,

Du Temple dans la tour.

Dansons la carmagnole, etc.

Les Suisses avaient tous promis bis. Qu'ils feraient feu sur nos amis :

Mais comme ils ont sauté,

Comme ils ont tous dansé !

Chantons notre victoire, etc.

Quand Antoinette vit la tour, bis.

Elle voulut fair' demi-tour ; bis.

Elle avait mal au cœur

De se voir sans honneur.

Dansons la carmagnole, etc.

378 CHANSONS

Lorsque Louis vit fossoyer, bis.

A ceux qu'il voyait travailler, bis.

Il disait que pour peu

11 était dans ce lieu.

Dansons la carmagnole, etc.

Le patriote a pour amis, bis.

Tous les bonnes gens du pays: bis.

Mais ils se soutiendront

Tous au son du canon.

Dansons la carmagnole, etc.

L'aristocrate a pour amis , bis.

Tous les royalist's à Paris; bis.

Ils vous les soutiendront. Tout comm' des vrais poltrons. Dansons la carmagnole, etc.

La gendarmerie avait promis bis.

Qu'elle soutiendrait la patrie ," bis.

Mais ils n'ont pas manqué

Au son du canonié.

Dansons la carmagnole, etc.

Amis, restons toujours unis, bis.

Ne craignons pas nos ennemis: bis.

S'ils viennent attaquer.

Nous les ferons sauter.

Dansons la carmagnole, etc.

POPULur.r.ç, 379

Oui , je suis sans cuioiie , moi , bis.

En dépil des amis du roi , bis.

Vivent les Marseillois,

Les Bretons et nos lois.

Dansons la carmagnole, etc.

Oui , nous nous souviendrons toujours bis Des sans-culottes des faubourgs, bis.

A leur santé, buvons.

Vivent ces bons lurons!

Dansons la carmagnole, Vive le son ! vive le son î

Dansons la carmagnole , Vive le son du canon !

(a ira.

Le refrain connu de cette chanson fut improvisé au Champ de Mars , pen- dant que l'on y préparait la fête de In Fédération et que tout le monde y rou lait la brouette, sur un air appelé le Ca- rillon national. C'était une contredanse à la mode, et que la reine aimait à jouer sur son clavecin ; elle ne se dou-

380 «..UANSOXS

tait pas qu'il l'accompagnerait à Pécha- faud!

Ah '. ça ira , ça ira , ça ira

Le peuple en ce jour sans cesse répète ;

Ah ! ça ira , ça ira , ça ira ,

Malgré les mutins, tout réussira.

Nos ennemis confus en restent , Et nous allons chanter Alléluia. Ah ! ça ira , ça ira , ça ira.

En chantant une chansonnette,

Avec plaisir on dira : Ah ! ça ira , ça ira , ça ira. Le peuple en ce jour sans cesse répète ; Ah ! ça ira , ça ira , ça ira Malgré les mutins, tout réussira.

Quand Boilcau, jadis, du clergé parla,

Comme un prophète il prédit cela.

Ah ! ça ira , ça ira , ça ira

Suivant les maximes de l'Évangile;

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,

Du Législateur tout s'accomplira;

Celui qui s'élève, on l'abaissera;

Et qui s'abaisse , on l'élèvera.

Ah ! ça ira , ça ira , ça ira ,

Le peuple en ce jour sans cesse répète ;

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,

Malgré les mutins , tout réussira.

POTOLAIABS. 381

Le vrai catéchisme nous instruira Et l'affreux fanatisme s'éteindra;

Pour être à la loi docile ,

Tout Français s'exercera. Ah ! ça ira , ça ira , ça ira , Le peuple en ce jour, sans cesse rénète,' Ah ! ça ira , ça ira, ça ira, Malgré les mutins , tout réussira.

Ah! ça ira, ça ira , ça ira,

Pierrot et Margot chan ten l à la guinguette ,

Ah : ça ira , ça ira , ça ira.

Rejouissons-nous, le bon temps reviendra.

Le peuple français jadis à quia.

L'aristocrate dit : Mea cul^i.

Ah ! ça ira , ça ira , ça ira ,

Le cierge regrette le Lien qu'il a ,

Par justice la nation l'aura;

Par le prudent Lafayeite,

Tout trouble s'apaisera. Ah ! ça ira , ça ira , ça ira , etc.

Ah ! ça ira , ça ira , ça ira ,

Par les flambeaux de l'auguste assemblée .

Ah ! ça ira , ça ira , ça ira ,

Le peuple arme, toujours se gardera.

Le vrai d'avec le faux l'on connaîtra,

Le citoyen pour le bien soutiendra.

Ah ! ça ira , ça ira , ça ira ,

Quand l'aristocrate protestera ,

382 CHANSONS

Le bon citoyen au nez lui rira;

Sans avoir l'àme troublée,

Toujours le plus fort sera. Àh ! ça ira, ça ira, ça ira, Le peuple en ce jour sans cesse répète ; Ah ! ça ira , ça ira , ça ira , Malgré les mutins tout réussira. Ah ! ça ira , ça ira , ça ira , Petits comme grands sontsoldats dans l'àme. Ah ! ça ira , ça ira , ça ira , etc.

Pendant la guerre, aucun ne trahira.

Avec cœur tout bon Français combattra ;

S'il voit du louche, hardiment parlera.

Ah ! ça ira , ça ira , ça ira ,

La liberté dit : Vienne qui voudra,

Le patriotisme lui répondra,

Sans craindre ni feu ni flammes, Le Français toujours vaincra !

Ah ! ça ira , ça ira , ça ira ,

Le peuple en ce jour sans cesse répète ;

Ah ! ça ira , ça ira , ça ira ,

Malgré les mutins tout réussira.

Ladre , chanteur public. Musique de Bécourt.

POPCLAIREI. 383

Histoire abrégée de l'Opéra.

L'invention des opéras ou représenta- tions en musique accompagnées de danses, de machines et de décorations, est due aux Italiens. On avait tenté plusieurs fois , mais sans succès, de les introduire en France, lorsque l'abbé Perrin , qui avait la place d'introduc- teur des ambassadeurs près de Gaston de France , duc d'Orléans , entreprit de naturaliser chez nous ce spectacle. Il composa une pastorale qu'il fit mettre en musique par Cambert, intendant de la musique de la reine mère. Cette pièce, qui fut d'abord chantée à Issy, chez M. de La Haye, fut si goûtée, quoique exécutée sans machines et sans danses , que le cardinal Mazarin en fit donner à Yincennes plusieurs repré sentations devant le roi.

L'abbé Perrin composa ensuite une

CHANSONS

Ariadne, dont on fit plusieurs répéti- tions ; mais la mort du cardinal, arrivée en 1661 , empêcha qu'elle fût jouée, et suspendit pour un temps le progrès des opéras naissants. Cependant l'abbé Perrin poursuivit son projet, et il ob- tint enfin, en 1669, des lettres patentes pour l'établissement d'une Académie des opéras en langue française. Il s'associa pour la musique avec Camhert. pour les machines avec le marquis de Sour- deac, et fit représenter a Paris , sur le théâtre de l'hôtel deGuénégaud, l'opéra de Pomone, au mois de mars 1671. Les danses étaient de la composition de Beauchamp, surintendant des ballets du roi.

Le rôle de Pomone fut chanté par une demoiselle de Castiiiy^ et pour remplir les autres rôles ; On avait fait venir du Languedoc plusieurs musi- ciens.

La nouveauté de ce spectacle attira la foule, et le succès se soutint pendant huit mois entiers. Mais le marquis de

. sous prétexte ùes a-... qnïl avait faites, s'empara des re puis du théâtre , et déposséda l'abbé Perrin. Pour se passer de son ancien associé, il eut recours à Gilbert, secré- taire des commandements de la reine Christine, et poète qui n'était pas sans mérite. Gilbert composa une pièce inti- tulée les Peines et les Plaisirs de l'amour, qui fut représentée sur le théâtre de la rue Guénégaud. Les auteurs de la mu- sique , des danses , l'inventeur de-s ma- chines et les acteurs furent les mêmes que dans Pomone, excepté que le rôle de Climène fut joué par mademoi- selle Brigogne.

Le roi s'intéressa beaucoup à ce nou- veau spectacle , et crut ne pouvoir le mettre en meilleures mains que dans celles de Lulli , qui était surintendant de sa musique. Il lui fit expédier des lettres de privilège pour la représen- tation des opéras.

Dans ces lettres patentes, le roi per met à Lulli d'établir une Académie

33G CHANSONS .

royale de musique. Tel est le titre que prit dès lors l'Opéra. « Nous l'érigeons, est-il ajouté, sur le pied de celles des académies d'Italie, les gentilshommes chaulent publiquement en musique sans déroger, voulons et nous plaist que tous gentilshommes et demoiselles puissent chanter auxdites pièces et représenta- tions de notre Académie royale, sans que pour ce ils soient censés déroger rmdit titre de noblesse et à leurs pri- vilèges. »

Lûîli établit son théâtre au jeu de paume du Bel-Air, près de la rue Gué- négaud, et donna au public, en 1672, les Fêtes de l'Amour et de Bacchus , storale composée de fragments de diffé- rents ballets, dont il avait fait l'a mu sique pour le roi, sur les paroles de Quinault. Ce fut un Italien nommé Vigarani qui conduisit les machines.

Dans le ballet, dont une partie avait été composée par Lulli et l'autre par des Brosses, parurent de très-grands soigneurs, le duc de Monmouth, le duc

ropuLAir.F.?. ierov et le marquis de Ras qui dansèrent en présence du roi avec les danseurs de ce spectacle , les sieurs Beanchamp . Saint-André , Favier et La Pierre, dont les noms se trouvent aux ballets des pièces de Molière.

Depuis ce moment, presque tous les opéras furent composés en société par Quinault et Lulli , qui furent les tables créateurs de ce genre en France. Il n'est personne qui ne sache combien cette association produisit de cl l'œuvre.

Thomas Corneille fit pour L Psyché et Bellérophon, et Campistron fit cis PGilatée.

Molière étant mort le 17 février 1673, le roi donna le théâtre du Palais-Royal, qu'occupait la troupe de ce célèbre co- mique, à l'Académie royale de mu- sique.

Lalli l'occupa jusqu'en 1687 , lors- qu'il mourut au mois de mars '. Son

' Lulli , »ïiort à cinquante -quatre -

388 CHASSONS

gendre . Nicolas de Francinet , maître d'hôtel du roi, obtint sa survivance, et prit, en 1698 , pour associé Dumont, écuyer du dauphin.

Lulli avait fait le premier acte ày Achille et Polyxène, opéra de Campi- stron, dont la musique fut achevée par Colasse , maître de la musique de la chambre et de la chapelle du roi. Ce successeur de Lulli a composé dix opé- ras. Les deux fils de Lulli en compo- sèrent aussi quelques-uns , ainsi que Marin Marais, Desmarets, Charpentier, Bouvard , La Coste, Destouches, Cam pra et Lalande.

En 1712, Destouches fut créé in specteur général de la régie de l'Aca demie royale de musique. Nous ne saurions nommer tous les musiciens qui firent représenter des ouvrages à l'Opéra. Nous signalerons cependant Mouret, Rebel et Francœur, de même

terré dan» l'église des Petits-Pères , près la place Notre-Dair.e des Victoires , l'on voit < ncore son tombeau

POPttLi Zï9

que nous cîterons parmi lss auteurs des paroles les noms célèbres de Fonte- nelle , La Motte , et ceux de Danchet , Pellegrin, Cahusac, Roi et Moncrif.

Ce fut en 1733 qu'un homme j ment célèbre, Rameau, qui ne se lança cependant dans la carrière du théâtre qu'à l'âge de cinquante ans, jeta un nouvel éclat sur la scène lyrique, et composa trente opéras, parmi les on distingue comme ses chefs-d'œuvre Dardanus et Castor et Poîlux. Il mou- rut en 1764, âgé de plus de quatre- ans.

Mais la musique devait subir une nouvelle révolution , et Gluck vint en France, en 1770, précédé d'une répu- tation immense et justement m H ne trouvait pas à la langue italienne assez de nerf pour se mettre à l'un des passions violentes ; il pensa que la scène française , par la régularité de son ordonnance et la progression de son intérêt , était plus favorable à l'u- nité , condition qui l'occupait :

390 CHANSONS

toute chose. Enfin le public français

il être, selon lui, le plus sens à la vérité dramatique. C'était un i ôl

piquant pour un étranger , que celui de relever notre langue de Fana- thème prononcé contre elle par le plu-, éloquent des écrivains français , Jean- Jacques Rousseau.

31 fit alors la musique à'Iphigénie en Aulide, dont le bailli du Rollet coupa le poè'me d'après celui de Racine, en conservant, autant que possible, l'ad- mirable versification du poëte.

Du Rollet écrivit à l'administration de l'Opéra et l'engagea à faire venir le musicien à Paris. L'idée d'une révo- lution musicale souleva une violente opposition ; mais on eut recours à la dauphine Marie- Antoinette , qui avait beaucoup d'attachement pour son an- cien maître, et qui fut heureuse de lever tous les obstacles. Gluck se mit en route à l'âge de soixante ans. Iphigénie fut représentée le 19 avril 1774 et fit époque ; l'effet en fut prodigieux ; il en

POP II \ 3Si

fut de même d'Orpte'e et àJAkeste. La mu-

E ne. justement alarmée lut opposer

i:iccini, qui i

Italie. Alors commença cette gue: r rittant de bruit, entre- les glatJn&u* etle-

-âtre devint une table arène, quelquefois sanglante, que matin , dans les feuilles publiques, _ e d'injures et d'épi- grammes ; tout Paris était en insurrec- tion. Les hostilités durèrent jusqu'à ce que le compositeur allemand fût re- tourné à Vienne. Avant son départ , en 17b0, il donna Armide et Iphigémt en Tauride. Il mourut à Vienne, le 15 novembre 1787, d'une attaque d'apo- plexie.

Gluck a fait de l'art dramatique un langage sublime qui captive l'âme tout entière. Sa musique'fait oublier par un étonnart prestige que c'est par l'oreille qu'elle arrive au cœur. « Grâce à ce grand homme, a dit un iuge compé-

392 CHANSONS

tent , l'opéra n'offre plus un concert dont le drame est le prétexte ; il a tout l'intérêt de la tragédie ; c'est Corneille, c'est Racine traduits dans une langue nouvelle ; c'est le sublime et le pathé- tique de ces grands poètes. »

Piccini marcha sur les traces de son rival dans Iphigénie en Tauride et dans la Didon , dont Marmontel avait écrit le poëme.

Salieri , à qui Gluck avait remis l'opéra des Danaïdes, que sa santé ne lui permettait pas d'écrire, obtint un succès auquel succéda celui de Tarare, que Beaumarchais lui avait confié-

Nous arrivons à Sacchini, qui obtint un éclatant succès avec les opéras de Dordanus, Benaud et Chimène. Son plus bel ouvrage fut Œdipe à Colonne , que la cour accueillit avec un grand en thousiasme, mais dont l'apparition à Paris fut retardée pur des obstacles de mille espèces. Ce ne fut que quatre mois après la mort du célèbre compo- siteur qu'on représenta à l'Opéra OEdipe

POFU 393

à Colonne } qui restera l'un des chefs- d'œuvre du genre , autant par le génie du musicien que par la beauté du poëme de Guiilard. La musique de Sac- chini , simple et gracieuse , est rehaus- sée par une mélodie et une harmonie toujours correctes ; aussi a-t-elle défié les outrages du temps , malgré les ré- volutions opérées depuis un demi-siècle dans l'art musical.

Nous terminerons la liste des musi- ciens célèbres qui ont illustré l'opéra par le nom de Grétry, qui a dit dans un de ses ouvrages : « Ma musique n'est pas aus?i énergique que celle de Gluck, mais je ia crois la plus vraie de toutes les compositions dramatiques. Je n'ai pas exalté les têtes par un super- latif tragique, mais j'ai révélé l'accent de la vérité. »

Treize ouvrages de ce maitre ont été joués au grand Opéra; plusieurs ap- partiennent au genre comique.

Les ouvrages qui ont obtenu le plus de succès jusqu'en 1827 sont : la l

394 CHANSONS

•"terreilleuse , d'Etienne et Nicolo ; la

■■■ , de Jouy et Spont;r,i ; F , t'ortez , des mêmes auteur.-: > Leclerc et Giraud , musique de Kreutzer.

Alors apparut une nouvelle ère mu- sicale avec le Siège de Corinthé, qui iit connaître le célèbre Rossini.

Cet illustre maestro qui, depuis 1810, avait commencé à briller sur les théâ- tres d'Italie, il avait donné Tancredi, il Barbiere , Otello, la Gazza ladra, la Cenerentola , n'aurait pas cru sa gloire complète s'il ne l'avait consacrée sur la scène lyrique française. Ce hardi novateur a lancé la mélodie dans des routes nouvelles, et changé tout le sys- tème lyrico-dramatique des Italiens , en appelant l'orchestre à concourir à l'intérêt qui , précédemment, se portait uniquement sur la partie vocale. Ce- pendant des critiques prétendent que Rossini, qui osa lutter avec Paesielloet Mozart, est au-dessous du premier pour la mélodie et du second pour l'harmo

POPl'i

iules.

presque toujours la règle fon

s les beau:**

à doit régner dans une coin- n. regardée comme un tout dont

.rties s'enchaînent et un appui mutuel. Le cucf-d'oeu. . Rossini, Guillaume Tell, pu. musique par des auteurs françai- comme poëme un ouvrage très-irrégu- lier et sans intérêt. Il es: vrai que, dans un opéra italien , il ne s'agit guère que de flatter l'oreille par quelques an quelques morceaux d'éclat , la pièce n'étant qu'un cadre auquel on ne fait point d'attention. C'est le système op posé qu'avait suivi Gluck et qu'ont tou- jours adopté les grands maîtres de la scène lyrique ; c'est celui que suivent en- core Meyerbeer et Halévy, et qui a fait le grand succès de Bolert le Diable , des Huguenots et de la Juive, dont les poèmes, écrits par Scribe, sont de vraie» compo- sitions dramatiques l'intérêt du su-

3S6 CHANSONS

jet , la splendeur du spectacle con courent au bel ensemble de l'opéra.

Peut-on parler de l'Opéra sans citer quelques-uns des noms qui y sont de- venus célèbres , et sans citer pour le chant Cheron, Lays, Rousseau, la fa- meuse Saint-Huberty, et sous l'empire, Dérivis , Nourrit et madame Brancbu , puis de nos jours, Dupi-ez, mademoi- selle Falcon et madame Stolz ?

La danse a eu aussi ses célébrités dans les Gardel, les Vestris, et les de- moiselles Salle , Camargo , Guimard , génération à laquelle a succédé celle des Clotilde , des Bigottini , et ensuite celle de Taglioni , d'Essler, puis d'une foule d'autres sylphides dont la reine est aujourd'hui la ravissante Carlotta Grisi.

Maintenant que les décorations et les costumes sont si perfectionnés, on ne saurait s'imaginer à quel point ils fu- rent longtemps ridicules à l'Opéra.

Au Théâtre-Français, sous LouisXIV, les acteurs de tragédie étaient vêtus du

POPULAIRES. 397

costume qu'on portait à la cour, y joignaient une écharpe en ceinture . et avaient la tête embarrassée de la vo- lumineuse perruque du temps, sur la- quelle on plaçait une couronne de lau- rier ou un chapeau garni de plumes.

A l'Opéra, les costumes étaient d'ima- gination et ne ressemblaient à ceux d'aucun temps, d'aucune nation. Les dieux, les bergers, les rois, les héros figuraient ornés de guirlandes de fleurs, et tous portaient des paniers comme les femmes d'alors.

En 1681, on vit pour la première fois des danseuses paraître sur le théâ- tre de l'Opéra; jusqu'alors ces emplois avaient été remplis par des hommes habillés en femmes.

Les danseurs parurent longtemps avec des masques . et il n'y a guère qu'une soixantaine d'années qu'ils ont dansé à visage découvert.

En 1719, l'Opéra était encore éclairé par des chandelles. En cette année , par la munificence du fameux contrôleur

398 OSS "

général Law, on leur substitua des bou- gies.

Quoique nous l'ayons tracée rapide- ment et en passant sur beaucoup de détails, l'histoire du théâtre de l'Opéra ne serait pas complète si nous n'y joi- gnions pas celle des différentes salles dans lesquelles ce spectacle a été établi.

Le théâtre du Palais-Royal , dont Sauvai dit 1 qu'il était le plus commode et le mieux entendu de tous, ne con- sistait qu'en vingt-sept degrés ou gra- dins et deux rangées de loges. Les de- grés n'avaient que quatre ou cinq pouces de hauteur; les spectateurs du vingt- septième degré n'étaient point au-dessus des acteurs. Les femmes de la cour faisaient porter des fauteuils ou des chaises que l'on posait sur ces degrés.

L'entrée de ce spectacle était sur la place du Palais-Royal, et on y parvena;t par un cul-de-sac étroit qui s'ouvra:'!; sur la foçade du palais. Le théâtre qui

; (•ilicuitès de Paris, tome III , p-ige

lui était contigu n'avait rien qui ie ca- ractérisât. Un incendie le détruisit en 1763, et pendant qu'on le reconstruisit les acteurs jouèrent au théâtre des ma- chines du château des Tuileries.

E" 1770 . la nouvelle salle fut .. vée et ouverte au public, qui s'y porta avec une affluence extraordinaire. Elle fut plus élégante que celle qui avait été incendiée; on y trouvait quatre rangs de loges. Après douze ans d'exi>îence,. -aile devint encore la proie des flammes au mois de juin 1781.

C'était sur ce nouveau théâtre qu'a- vaient brillé le danseur Dauberval, le chanteur Legros, et Sophie Arnonld, re par la vivacité de son esprit et ses heureuses et fines reparties.

On bâtit alors une salle provisoire près de la Porte Saint-Martin ; elle fut achevée dans l'espace de soixante- quinze jours. Les acteurs de l'Opéra y jouèrent jusqu'en 1793 , époque ils allèrent établir leur spectacle dans . e que la demoiselle Montausier

400 CHASSONS

avait fait élever dans la rue Richelieu , vis-à-vis la Bibliothèque royale. L'Opéra y resta jusqu'au 13 février 1821, époque d'un événement affreux, l'assassinat du duc de Berry. L'édifice fut démoli et le spectacle transféré d'abord au théâtre de Louvois , puis au théâtre Favart, et enfin dans la salle il est actuelle- ment, rue Lepelletier, sur l'emplace- ment de l'ancien hôtel de Choiseul. Il y fut installé en 1821.

Telles sont les différentes migrations de l'Opéra, qui attend un emplacement définitif, la salle il est aujourd'hui n'étant que provisoire. Cependant cette salle est encore la plus belle de Paris , et les talents de tout genre que l'on y admire font de l'Opéra le premier spec- tacle du monde.

PC PILAIRES. 401

MORCEAUX TIRES DE TOPERA.

Le lecteur a pu déjà remarquer dans oc recueil des morceaux tirés d'opéras, mais ils ont été ainsi classés à cause de leur analo- gie avec les chansons qui les entourent. Cette observation s'applique également aux morceaux tirés de l'Opéra-Comique et du Vaudeville.

(kanNO! de la "f nette de Portlcl.

BARCÀHOLLE.

aiince est belle :

•- ..ntTOtre nacelle, Et de? vents bravez le courroux. Conduis ta barque avec prudence,

Tècheur, parle bas , Jette tes filets en silence; Pêcheur, parle bas : Le roi des mers ne t'échappera pas. I

Vhe\ -achoos Fat:

Plus tard nous saurons la saisir.

402 CHASSONS

Le courage fait entreprendre,

Mais l'adresse fait réussir.

Conduis ta barque avec prudence, etc.

Pêcheur, sur la mer orageuse Brave la mort et le destin ;. Pour une action périlleuse, Vogue sans peur, en vrai marin. Conduis ta barque avec prudence, etc.

Ne redoute pas la baleine; Le temps est calme : il faut partir. Si la conquête est incertaine, Brave , ne crains pas de mourir. Conduis ta barque avec prudence,-

Pêcheur, parle bas , Jette tes filets en silence ;

Pêcheur, parle bas : Le roi des mers ne t'échappera pas. bis.

Paroles de Scribe , musique cJ'Aubert.

Vaudeville de Colinette à la Cour.

LA FÊTE DES BONNES GENS.

Cette jolie chanson était le vaude- ville final de l'opéra de Colinette à la

POPLL.ur.Es. 403

Cour, qui fut joué pour la première fois à l'Académie royale de musique , ls 1er janvier 1782. L'air est une de ces compositions franches et naïves comme en faisait Grétry. qui y mettait tou- jours de la mélodie et du chant. Le grand Opéra ne croyait pas déroger alors en donnant des pièces gracieuses et amusantes, dont tout le monde rete- nait les airs, comme on avait retenu ceux du Devin de village de Rousseau. Aujourd'hui l'on appelle cela perruque et rococo; et l'on ne doit pas oublier, à la honte du siècle , qu'il y a quelques années , à une représentation du Devin de village, un impertinent jeta une per- ruque sur le théâtre. Il n'en est pas moins vrai que les dernières reprises des charmants opéras de Grétry et de Mon- signy, à l'Opéra-Comique , ont prouvé que le gracieux et le naturel devaient toujours réussir.

L'amitié vive et pure Donne ici des plaisirs vrais,4

CTTANSONS

C'est la simple nature Qui pour nous on fait les frais. Gaîté franche, amour honnè: c , Ramènent le bon vieux temps. Chez nous , c'est en cor la fête , La fête des bonnes gens.

Chez nous le mariage N'est que l'accord de deux coeurs.

D'an si doux esclavage Les nœuds sont tissus de fleurs. Du bonheur on est au faite, Sitôt qu'on a des enfants. En famille on fait la fête, La fête des bonnes gens.

La bergère sévère Prend gaiment le verre en main ;

L'amour au fond du verre Se glisse et passe en son sein. Pour l'amant, quelle conquête! Tous deux en sont plus charmant? L'amour embellit la fête, La fête des bonnes gens.

Par de grands airs tragiques A la ville on attendrit.

Par des concerts rustiques Au village on réjouit. Sans vour, fatiguer la tête Par des accords trop savants,

POPIL . 405

Venez tous rire à la fête , des bonnes ..

ITBI 1

.>utice sur le* 91ya*tère» tlMsis».

La réputation de Mozart faisait dé- sirer depuis longtemps que ses chefs- d'œuvre fussent nationalisés en France. On avait déjà parodié , en 1793 , le di Figaro, on fit choix, en 1801, de la Flûte enchantée, qui jouissait en .:.gne d'une grande réputation, e: 'A. Morel, le grand faiseu f Opéra, ajusta sous le titre des ML.

gré la faiblesse du poëme, la eut un grand succès, grâce à . mirable musique de Mozart. On i partout l'air la Vie eut un voyage, chante délicieusement par Laïs. Le motif de cet air ne parut cependant pas nou- veau, et en effet il avait été ena

406 CHANSONS

dans un joli opéra-comique , les Visi- tandines. Voici à ce sujet une anecdote peu connue : Gaveaux, qui jouait dans cette pièce le rôle de Belfort, n'était pas content de l'air que lui avait fait Devienne sur le rondeau Enfant chéri des dames. « Fais-en un autre, » lui dit Devienne. En effet, Gaveaux apporta le lendemain l'air charmant qui eut le plus grand succès , et qu'il avait sans façon imité de celui de Mozart, qui n'était pas connu en France ; il n'avait fait qu'en changer le mouvement.

Depuis la représentation des Mystères d'Isis, on a donné en France d'autres opéras de Mozart; le Don Juan fut re- présenté en 1805 à l'Académie impériale de musique, et le Nozze di Figaro à l'O- péra-Buffa en 1807.

Mozart ne fut pas témoin du succès que sa musique obtint sur les théâtres de France ; il mourut à Vienne en 1792, âgé seulement de trente-six ans.

pori'LAir.Es. -io:

COUPLETS DES MYSTÈRES D*JSÎS.

La vie est un voyage ,

Tâchons de l'embellir :

Jetons sur ce passage

Les roses du plaisir. ter,

Dans l'âge heureux de la jeunesse , L'amour nous flatte , il nous caresse Il nous présente le bonheur, Puis il s'envole : on voit l'erreur. Hélas! que faire? Tâcher de plaire. bis.

Du bien présent savoir jouir, Sans trop songer à l'avenir. ter.

A la ville, au village ,

On n'est content de rien :

Pensons comme Je sage

Qui dit que tout est bien. ter.

Le bonheur n'est qu'imaginaire , Chacun sourit a sa chimère ; Chantons . célébrons tour à tour Bacchus , le plaisir et l'Amour. Que sous la treille Le plaisir veille. bis.

Tenant le flambeau de l'Amour, Bacchus sera le dieu du jour. ter.

Les dieux , à leur image , Formèrent la beauté:

CHANSONS

Sur leur plus bel ouvrage

I/Aniour fut consulté. 1er,

Le jour, la nuit, lut-elle obs Sous la pourpre, sur la verdure . Suivons l'Amour et la gai Aux autels de la volupté. Ah : quel délire l

Pour qui respire : bis.

]. 'encens par l'Amour présanté , Des dieux c'est la félicite : ter.

Paroles de Morel, musique de Mozart, arrangée par Lachnitii.

Komacee de ia Juive.

Loin de son amie , Vivre sans plaisirs , Ne compter la vie Que par ses soupirs , Voilà de l'absence Quelle est la souffrant, e ! Mais voici le jour, Maîtresse ebérie , Oui , voici le jour

Par qui tout s'oublie : viur.

-

- Tu n'étais p..- Toui, durais

.ici le jour Heureux et prosp- . Mais voici le jour Ou tout va me plaire : Le jour du u

KACUEL.

Quelle voix chérie, Si douce à mon cœur, Me rend à la vie Ainsi qu'au bonheur? J'avais, dans l'abs« :. Perdu l'espérance :

s rit le jour Qui vers moi t'amène : Béni soit le jour finit ma peine : I

•A* Scribe, mus ique <THal£i

4iO

Couplet de la Juive.

ÉLÉAZAR.

Racbel , quand du Seigneur la grâce tutélaire Ames tremblantes mains confia ton berceau, J'avais à ton bonheur voué ma vie entière, 0 Racbel , et c'est moi qui te livre au bour-

[ reau : J'entends une voix qui me crie : « Préservez-moi de la mort qui m'attend. Je suis si jeune, et je tiens à la vie :

Mon père , épargnez votre enfant. » Et d'un seul mot, arrêtant la sentence, Je puis te soustraire au trépas! J'abjure à jamais ma vengeance, Non, Racbel, tu ne mourras pas !

Paroles de Scribe, musique cJ'Halévï.

Couplets d'Aristippe.

Connaissez ma philosophie; Je possède en suivant 6es pas

POPULAIRES. 4il

Tous les biens qui charment la vie \ Ces biens ne me possèdent pas.

Des plaisirs permis à la terre Je prends l'exemple dans les deux : Minerve , qu'on dit si sévère, Boit le doux nectar chez les dieux.

En suivant leur philosophie, Comme eux je possède ici-bas Tous les biens qui charment la vie Ces biens ne me possèdent pas.

Tour à tour, du chant, de la danse, Belles disputez l'heureux prix; Aux lauriers qu'Apollon dispense Joignez les myrtes de Cypris.

Ah ! suivez ma philosophie : Vous posséderez sur ses pas Tous les biens qui charment la vie , Mais qui ne vous possèdent pas.

Sur les fleurs fraîchement écloses , Marchons doucement, sans regrets, Vers ce terme lauriers et roses Céderont la place aux cyprès.

Oui, voilà ma philosophie, Et je possède dans ses bras

4t2 CHANSONS

Tons les biens qui charment la f> Ôésè&felii pas.

Paroien d<> GlRAUD, musique de Kl.; \m

Couplets d'Anaeréon.

Si des tristes cyprès , Si du fatal rivage, On pouvait à grands frais S'épargner le voyage , J'aimerais fort Un bon trésor, Et le jour qu'à ma por'*e La mort frapperait , Ma voix lui dirait i Prends , emporte Mon or, mes trésors pour JaifeUk Auséjnurdes regrets!... Mais des tristes cyprès , Mais du fatal rivage, Au gré de mes souhaits , Sauve-moi le voyage.

Mais, hélas! tous les biens Et d'Europe e', d'Asie

POPULAIRES. 413

Sont d'impuissants moyen? Pour prolonger la vie. Du seul plaisir Je sais jouir, Et moissonner les roses. Adieu, je l'entend Qui chante gaiment. Vieillards moroses, Fuyez Plutus et ses appas ; Tout finit ici-bas: Suivez, suivez mes pas. Au déclin de la vie L'univers ne vaut pas Un beau jour qu'on envie.

Paroles de Guy, musique de ....

Couplets de Tarare.

Cet opéra , que Beaumarchais appela vélodrome, fut représenté pour la pre- mière fois le 8 juin 1787 et repris le août 1790, augmenté du couronne- ment de Tarare. L'auteur de Figaro fit précéder la nouvelle édition d'une énorme préface dans laquelle il cherche

414 CHANSONS

à prouver que lorsqu'il avait composé sst pièce, il avait fait un acte de courage. « Citoyens , s'écrie-t-il , souvenez-vous du temps vos penseurs inquiétés , forcés de voiler leurs idées , s'envelop- paient d'allégories , et labouraient pé- niblement le champ de la révolution. Après quelques autres essais , je jetai dans la terre , à mes risques et périls , ce germe d'un chêne civique au sol brûlé de l'Opéra. »

Il avait lutté pendant six ans contre le pouvoir avant de faire représenter sa pièce, qui fit beaucoup de scandale et obtint d'abord peu de succès. Ce- pendant, tout en disant que la pièce était mauvaise, tout le monde y courait.

Beaumarchais avait prétendu faire un opéra philosophique. « Une maxime à la fois consolante et sévère , disait-il. est le sujet de mon ouvrage. » C'est celle par laquelle il le termina :

Mortel, qui que tu sois, prince, prêtre ou [ soldat,

pnpuLAir.ns. 415

Homme : ta grandeur sur la terre N'appartient point à ton état : Elle est toute à ton caractère.

Le couronnement de Tarare , ajouté en 1790, était une allusion à la liberté française et une amplification de ces paroles de Mirabeau : La liberté fera le tour du monde !

De tout le fatras dont Beaumarchais avait fait sa pièce, composition bizarre et informe, durement versifiée, il n'est resté que les couplets de Calpigi, dont l'air charmant de Salieri fit la vogue, et qui est encore employé aujourd'hui par les vaudevillistes et les chanson- niers.

CALPIGI.

Je suis natif de Ferrare.

Là, par les suins d'un père avare

Mon chant s'étant fort'embelli ,

Ahi ! povero Calpigi'

Je passai du Conservatoire

Premier chanteur à l'oratoire

Du souverain di Napoli :

Ah! bravo, caro Calpigi.

416

La plus célèbre cantatrice De moi fit bientôt par caprice Un simulacre de mari. Ahi ! povero Calpigi ! Mes fureurs ni mes jalousies N'arrêtant point ses fantaisies , J'étais chez moi comme un zéro : Ahi ! Calpigi povero !

Je résolus , pour m'en défaire , De la vendre à certain corsaire, Exprès passé de Tripoli : Ab i bravo , caro Calpigi ! Le jour venu , mon traître d'homme , Au lieu de me compter la somme , M'enchaîne au pied de leur châlit Ahi ! povero Calpigi !

Le forban en fit sa maîtresse ; De moi , l'argus de sa sag* Et j'étais tout comme ici : Ahi! povero Calpigi!

ATAR.

Qu'avez-vous à rire , Spinette ?

CALPIGI.

Vous voyez ma fausse coquette.

ATAU.

Dit- il vrai ?

SIMNETTE.

Signer, è vero

P0PLLA1KES. 417

CALPIGI.

Ahi ! Calpi§i povero !

Paroles de Beaumarchais, musiqui de Salieki.

Histoire abrégée de l'Opéra-

t'oniique.

L'opéra-comique , ce genre vraiment national en France, a son origine au vaudeville , qui lui-même a pris naissance dans les théâtres de la foire. Au lieu de nier son origine plébéienne, il doit se glorifier de s'être élevé si haut lorsqu'il était sorti de si bas.

Nous croyons qu'il sera intéressant de donner à nos lecteurs une idée de ce qu'étaient les théâtres forains, dont les traces sont perdues depuis longtemps , et qui ont tant diverti nos aïeux.

Il y avait à Paris deux foires Saint- Germain et une foire Saint-Laurent. Il est mention de la première foire Saint-Germain sous le règne de Phi- 21

418 CHANSONS

lippe le Hardi, vers 1280. On n'en sait plus rien depuis le règne de Louis XII.

L'autre foire Saint-Germain , celle qui a duré jusqu'à la révolution de 1789, fut érigée par Louis XI , en 1482 , et donnée à l'abbé et aux religieux de Saint-Germain avec francbise huit jours durant. Sous Charles VIII elle ne du- rait que quatre jours ; Henri IV la fît durer trois semaines ; en 1630, elle fut continuée six semaines ; sous Louis XV ^t jusqu'à la révolution, elle durait deux mois.

L'origine de la foire Saint-Laui'ent est inconnue ; tout ce que l'on en sait, 2 est qu'elle a pris son nom de l'église îSainV-Lr.urent dont elle était voisine, et \ i :L- se tenait le jour de la fête d? ce saint. Elle appartenait aux prêtres de la mission le Saint-Lazare.

Ces foires étaient garnies de bouti- ques et d'écbopes .'on vendait toutes sortes de marenandises ; ensuite on y fit voir des animaux curieux. Il se passa beaucoup le temps avant qu'il

POPULAihL^. 415

s'y introduisît des spectacles de qu genre que ce fût. Les premiers que l'on y vit furent des marionnettes, et le fameux Brioché y tran sporta les siennes . Scarron en parle dan» sa description burlesque de la foire Saint-Germain.

En 1646, le lieutenant civil accorda une permission à des danseur et en 1678 ces bateleurs jouèrent pour la première fois une espèce de pièce mêlée d'intermèdes et d'exercices, in- titulée les Forces de l'Amour et de la ma- gie.

Les danseurs de corde , sauteurs et montreurs de marionnettes donnaient leurs jeux dans des baraques que l'on appelait des loges, et qui n'étaient point faites en forme de salles de spectacle comme elles l'ont été depuis.

Une loge était un lieu fermé avec des planches, l'on dressait des écha- faudages pour les spectateurs , ui:e corde tendue pour les danseurs , et une estrade peu élevée pour les sauteurs.

En 1690, Alexandre Bertrand aug-

420 CHANSONS

menta son jeu de marionnettes d'une troupe de jeunes acteurs qui représen- tèrent une petite comédie. \ Les comédiens français réclamèrent contre cette innovation. La loge fut abattue par ordre du lieutenant de po- lice ; Bertrand se réfugia à la foire Saint-Laurent.

En 1697, la suppression de la troupe des comédiens italiens offrit une res- source aux entrepreneurs dt^s jeux de la foire, qui, se regardant comme héritiers de leurs pièces de théâtre, en jouèrent plusieurs fragments et ajoutèrent à leurs troupes des acteurs capables de les représenter. Le public y courut en foule. Alors on construisit des salles de spectacle en forme , théâtre , loges , parquet, etc.

On ne saurait se faire une idée des persécutions qu'essuyèrent les malheu- reux forains de la part des comédiens français , et de la persistance avec la- quelle ils y résistèrent. Sentences de police , ordres du parlement , ils élu-

POPULAIRES. 42 t

daient tout. On démolissait leurs théâ très, ils les rebâtiraient.

On ne leur permettait de jouer que des scènes détachées , ils appelaient dtf lieutenant de police au parlement , qui suspendait l'exécution des sentences ; enfin, triomphant de tous les obstacles, les forains furent tout à fait établis vers 1700. Ils prirent un arrangement avec l'Opéra, et se firent quelques amis parmi les comédiens 'français. L'Opéra, en vertu de ses privilèges, leur accorda la permission déchanter, et, moyennant un droit qu'ils s'obligèrent à payer, leurs pièces devinrent des comédies mêlées de changements de décorations, de machines, de musique et de bal- lets.

En 1708, Dominique Biancolelli , fils de Dominique, l'excellent arlequin de la Comédie-Italienne, débuta à la foire Saint-Laurent par une pièce de sa composition , intitulée Arlequin gen UUiomme par hasard. L'acteur et la pièce eurent le plus grand succès. Ce

422 CHASSONS

comédien quitta la foire eu 1717 pour débuter au Théâtre-Italien.

En 1712, Le Sage, Fuzelier et d'Or- neval commencèrent à composer des pièces purement en vaudevilles , et le spectacle prit de ce moment le nom d'Opéra-Comique.

On mêla peu à peu de la prose on des vers avec les couplets pour mieux les lier ensemble et pour se dispenser d'en faire de trop communs.

Mais il survint ufle défense aux fo- rains de parler. Les comédiens français avaient obtenu un arrêt qui défendait à ceux-ci de donner aucune comédie par dialogue ou par monologue. Les forains eurent recours aux écriteaux , c'est-à- dire que chaque acteur avait son rôle écrit en gros caractères sur du carton qu'il présentait aux yeux des specta- teurs. Ces inscriptions parurent d'abord en prose , après cela on les mit en chansons; mais comme ces écriteaux embarrassaient snr la scène, on les fit descendre du ceiutre. Deux enfants ha-

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Nnvlaires. 423

billes en amours, et suspendus en l'air déroulaient l'écriteau. l'orchestre jouait l'air du couplet , et des personnes pla- cées dans la salle le chantaient pendant que les acteurs y accommodaient leurs gestes.

L'Opéra-Comique vécut pendant quel- ques années; mais, en 1721, le privi- lège fut ôté à la troupe qui l'avait, puis, en 1722, le spectacle fut fermé tout à fait. Les acteur 3 s'avisèrent alors de louer une loge et d'y faire représen ter leurs pièces par des marionnettes. Cette nouveauté réussit.

Après beaucoup de vicissitudes qu'il serait trop long de décrire, l'ancien Opéra-Comique passa, en 1743, dans les mains de Jean Monnet , homme d'esprit . qui attacha à son théâtre des auteurs dont le talent commençait à plaire au public : c'étaient, entre autres, Piron , Yadé et Favart.

Il est curieux de voir, dans les Mé- moires de Monnet , l'état d'avilisse- ment dans lequel le théâtre de l'Opéra-

•424 CHANSONS

Comique était tombé, par la négligence du directeur Ponteau, ce qui en avait absolument éloigné la bonne compa gnie.

« La livrée , dit-il , s'était emparée du parterre ; elle décidait des pièces , sifflait les acteurs et quelquefois même ses maîtres quand ils s'avançaient trop sur le devant de la scène. (On sait qu'à cette époque il y avait des deux côtés de la scène des banquettes pour les spectateurs. ) Les loges des actrices étaient ouvertes à tout le monde ; la salle et le théâtre étaient construits comme les loges des baladins. La garde s'y faisait par un officier de police et sept à huit soldats de robe courte. L'orchestre était composé par des gens qui jouaient aux noces et aux guin- guettes ; la plupart des danseurs figu- raient avec des bas noirs et des culottes de drap de couleur. Rien , en un mot , n'était si sale , si dégoûtant même que les accessoires de ce spectacle. »

Monnet obtint une ordonnance du

m^m*

POPPLAIRES. 425

roi qui défendait les entrées à la livrée ; il fit construire un amphithéâtre, ré- parer et décorer la salle à neuf, cher- cha des sujets pour améliorer sa troupe, tet eut le bonheur d'y faire entrer Pré- ville, qui est devenu depuis un des plus célèbres acteurs du Théâtre-Français.

Pendant longtemps les opéras-co- miques ne furent que des pièces dont les couplets étaient faits sur des airs connus comme nos vaudevilles ; mais l'apparition en France des chanteurs italiens, nommés bouffons, inspira à Vadé l'idée de faire composer de la mu- sique nouvelle pour ses opéras-comi- ques , et lorsque après un séjour de dix-huit mois, en 1753, les bouffons eurent repassé les monts , Vadé fit les Troqueurs, et proposa son projet à d'Au- vergne, habile harmoniste. Ce compo- siteur réussit : il attira au spectacle de l'Opéra-Comique l'affluence des ama teurs de la bonne musique; les Tro- queurs eurent un succès de vogue.

Sedainc, Anseaume, Poinsinet, Fa'

42fi CHANSONS

\art et plusieurs autres suivirent l'exem- ple de Vadé, et on vit paraître les airs charmants des Duni , Grétry, Philidor, Monsigny , Martini , et de quelques autres musiciens moins célèbres.

Cependant plusieurs de ces pièces étaient mêlées d'airs anciens et d'airs nouveaux; peu à peu la musique prit le dessus, et le vieux vaudeville dispa rut tout à fait.

Ce fut en 1761 qu'eut lieu la réunion de l'Opéra-Comique avec la Comédie Italienne. Les deux troupes alternèrent et eurent des jours fixés# pour leurs représentations: mai3 bientôt l'Opéra. Comique tua la Comédie-Italienne.

La Muse de Favart commençait à jeter le plus vif éclat sur cette scène par les Trois Sultanes etAnnette et Lubin. Bientôt après Anseaume y donna les Chasseurs et la Laitière, avec la jolie mu- sique de Duni. Poinsinet fit jouer le Sorcier avec celle de Philidor. Sedaine et Monsigny enrichirent la scène de Rose et Colas.

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POPCLAir.ES. 42?

vart marcha de succès en succès avec hahelle et Gerirude, la Fée Urgèle. Sedaine et Monsigny donnèrent le Dé- serteur ; Marmontel et Grétry, le Hu- ron, et le même compositeur, avec An- seaume, le Tableau parlant.

Zemire et A:or. la Rosière de Salericy, le Magnifique . Sylvain , la Belle Arsène, . et tant d'autres pièces dont il serait impossible de donner la liste , enre:.' ; qui ont duré jusqu'à

nos jour;. Ces succès toujours crois- - déterminèrent en 1789 les comé- diens italiens à se retirer et à laisser le théâtre à Y Opéra-Comique. Il r.' de conservés que l'excellent Carlin , et Camerani , qui eut l'administration du spectacle en qualité de semainier per-

Cependant, outre les pièces à ar: I on y joua quelquefois des drames et des comédies. Desforges y fit jouer la Femme jalouse et Tom Jones à Londres, Mercier l'Indigent et la Brouette du vinai- grier ; Andrieux v donna Anaximandre

423 CHANSONS

et les Etourdis. Nous pourrions en citer beaucoup d'autres qui eurent du succès. On y avait joué plus anciennement de charmantes comédies de Marivaux , telles que les fausses Confidences et les Jeux de l'Amour et du Hasard. Plusieurs de ces pièces ont été depuis jouées aux Fran- çais. Bientôt après on y joua aussi les jolis vaudevilles de Piis et Barré, genre gracieux, aussi français, plus français peut-être que l'opéra-comique lui-même, et dont nous parlerons dans une notice sur le théâtre du Vaudeville.

En 1783 , le Théâtre-Italien quitta l'hôtel de Bourgogne, rue Mauconseil, et s'établit sur le terrain de M. de Choi- seul , il est encore maintenant et il prit, en 1792, le titre de Théâtre na- tional de l'Opéra-Comique. C'est depuis cette époque que l'on y vit des acteurs chéris du public : Caillot, Trial, Clair- val, Michu, Elleviou, et que, parmi les actrices , on remarqua mesdames Du- gazon et Saint-Aubin , dont les talents ne peuvent être mis en comparaison

POPLLMRES. 429

qu'avec ceux des meilleures comé- diennes du Théâtre-Français.

Marsollier et Dalavrac furent les au- teurs les plus féconds et les plus heu- reux de T Opéra-Comique. On leur dut Nina , Camille et vingt autres pièces à succès. Paul et Virginie de Kreutzer, les Délies et la ilélomanie de Champein contenaient des airs que tout le monde retenait et chantait.

Il serait impossible de citer tous les ouvrages qui rirent pendant vingt ans la fortune de ce théâtre , jusqu'à sa réunion avec le théâtre Feydeau qui , créé en 1789, lui suscita jusqu'en 1803 une dangereuse rivalité. Le privilège de ce théâtre . qui eut d'abord le titre de Théâtre de Monsieur, avait été donné à Léonard, coiffeur de la reine. Il joua d'abord dans la salle des Tuileries, eu 1790 àla foire Saint-Germain, et en 1791 dans la nouvelle salle, rue Feydeau.

Le Théâtre de Monsieur avait d'abord joué des opéras traduits de l'italien; il joua bientôt des opéras français ;

•430 CHANSONS

l'émulation produisit des effets heu- reux, mais les deux troupes rivales ne purent se soutenir, et la réunion des talents que possédait chacune d'elles ht de l'Opéra-Comique un théfttre ad- mirable.

Martin, Solié , Gavaudan, Juîiet . mesdames Scio et Rolandeau con.' rent un ensemble que l'on ne peut com- parer qu'à celui qu'offrit la réunion des comédiens français , à peu près à la même époque.

L'Opéra-Comique a subi depuis trente- trois ans bien des révolutions , il a vu briller et disparaître bien des talents aimés du public ; mais ceci devient de Thistoire contemporaine ; ces souvenirs sont trop présents pour que nous croyions nécessaire d'aller plus loin. Nous avons seulement voulu initier nos lecteurs aux commencements d'un genre qui , faible dans sa source, a pris un développe- ment si brillant, et qui d'un spectacle forain est devenu l'un des plus inté- ressants de notre capitale.

POPILAIKL-

touplets du Secret.

LE MARI.

Femmes, Toulez-vous épr Si vous êtes encor sensibles? Un beau matin venez rêver A l'ombre des bosquets paisibles. Si le silence et la fraîcheur, Si l'onde qui fuit et murmure Agitent encor votre cœur, Ah ! rendez grâce à la nature.

Mais, dans le sein de la furet . Asile sacre du mystère, Si votre co^ur reste muet , Femmes , ne cherchez plus à plaire. Si pour vous le soir d'un beau jour N'a plus ce charme qui me touche , Profanes, que le nom d'amour Ne sorte plus de votre bouche.

LA FEMME.

Maris qui voulez éprouver Jusqu'où va notre patience , Vous pourriez bien aussi trouver Le prix de votre impertinence. Plus de pitié que de courroux EBt ce qu'on doit à votre injure

432 CHANSONS

Vos femmes valent mieux que vous: Rendez-en grâce à la nature.

Paroles de Hoffmau, musique de Solié.

Couplets de la Fête du villa se voisin.

RÉMI.

Amusez-vous, oui, je vous le conseille, Allez, allez, à c'te fête sans moi. Mais, par bonheur, j'ai là.... j'ai de quoi M'en dédommager à merveille. Les jolis gluugious, Les glouglous si doux , Les glouglous, glouglous d'ia bouteille, Meplaisentbien plus que tousles fron, fro.. D'un violon , Que tous les zigzags d'un rigodon, Que tous les lanla d'une chanson.

Lorsque Pplaisir drès l'matin vous éveille Mesdames, zest!... vous n'y résistez pas; Vous ne cherchez que le bruit, que l' tracas Tout c'qui brise Tiimpan d'I'oreille. Mais le doux tin lin D'un verre tout plein , Plein, plein , plein , plein de jus d'ia treille

POr CLAIRES. ,,33

Me plait cent fois plus que tous les truii, fron D'un violon , Que tous les zigzags d'un rigod n , Que tous les lanla d'uDe cnanson.

Paroles de Sewrin , mwque de BOYELDiEr.

Couplets des deux Jaloux.

FANCHETTE.

Il est vrai que Thibaut mérite Qu'on l'aime bien .- il a bon cœur. Je l'aimais quand j'étais petite, Quoique souvent il me fit peur. A présent ce n'est pas de même , Voyez comme j'ai du malheur! Plus je grandis et moins je l'aime... ot'5. Sous vot' bon plaisir, monseigneur.

C'qui me fâche contre moi-même, C'est que par quelque sort, je croi, A mesur' que je le désaime, J'en aime un autre malgré moi. Je voudrais prendre, pour bien faire, Cet autre pour mon epouseur, Et garder Thibaut pour mon pore... bis- Sous vot' bon plaisir, monseigneur. 26

431

Thibaut m'veut pour sa ménagère ,

Ça me chagrine, voyez-vous :

Il est brutal , il est colère,

Il est taquin , il est jaloux.

Oui , je le sens au fond de l'âme,

Je ne ferais pas son bonheur,

Et si jamais j'étais sa femme!.... bis.

Sous vot' bon plaisir, monseigneur.

Paroles de Creuzé de Lesser, musique de Mœe Gail.

notice sur Aline, reine de Oolconde.

Un conte charmant du chevalier de Boufflers avait fourni le sujet d'un opéra joué, en 1766, sous ce titre. Sé- daine, qui en était l'auteur, n'eut pas l'art de transporter dans sa pièce la grâce qui avait fait réussir le conte , et il eut peu de succès , malgré la musi- que de Monsigny. Trente-six ans après, le 3 septembre 1802, le sujet d'Aline fut repris par MM. Favières et Vial \ la

POPULAIRE?. 435

musique ravissante de Bertou ajouta son charme à la manière spirituelle dont la pièce était traitée.

Nous donnerons en peu de mots l'analyse du conte et de la pièce.

Saint-Phar, gentilhomme français, à peine adolescent, rencontre l'inno- cente Aline, jeune et gentille laitière, dans un vallon de la Provence. Se voir, s'aimer, se ie dire, ne fut pour ce joli couple que l'affaire d'un instant. Saint Phar, forcé de quitter sa maîtresse, lui donna un anneau d'or qu'il la pria de conserver toute sa vie.

Aline devint reine de Golconde. Le cœur toujours occupé de son premier amour, elle fit arranger dans son parc un lieu semblable à celui elle avait connu Saint-Phar.

Le jeune officier , quelques années après , est nommé ambassadeur vers la reine de Golconde. Aline reconnaît son amant , et jouit de sa présence sans en être reconnue. Elle veut l'éprouver et :ui causer une agréable snrprise. Elle

36 CHANSONS

fait transporter Saint-Phar endormi dans le vallon qui doit lui rappeler leur première rencontre ; , des paysans vêtus à la française chantent des re- frains provençaux. Saint-Phar croit rê- ver ; Aline paraît sous ses habits de bergère. Il la reconnaît et ne sait que penser de ce bonheur inattendu. Un breuvage soporilique le plonge encore dans le sommeil et termine une scène ou'il trouvait chai-mante.

Lorsqu'il se réveille , il se retrouve dans le palais de la reine, à laquelle une révolte fait courir le plus grand danger.' Un ministre ambitieux , qui veut monter au trône et en chasser Aline, s'est rendu maître delà ville. Saint-Phar combat pour la reine et lui rend la couronne. Aline offre sa main à son libérateur, qui la refuse pour être fidèle à sa bergère ; mais Aline lève son voile , se fait reconnaître et proclame Saint-Phar son époux.

Cette historiette , qui n'est pas plus invraisemblable que beaucoup de gros

POPCLAIRES. 437

romans, eut un succès prodigieux, grâce à la manière piquante dont elle était racontée. Dans ce temp3 , l'esprit était encore à la mode, on se faisait une réputation avec quelques pages et quel ques vers. Boufflers fut un des poètes qtu eurent le plus de vogue dans ce qu'on pourrait appeler la littérature de boudoir; il la partagea avec les Parny, les Ber- tin et quelques autres aimables épicu- riens. Mais BoufHers ne se contenta pas de tenir la plume, sa main porta l'épée ; il entra dans un régiment de hussards avec le grade de capitaine, fit une par- tie de la guerre de sept ans , et obtint ensuite le commandement de l'île Saint- Louis au Sénégal. La bravoure, l'esprit et une grande naissance parurent des titres plus que suffisants pour que Bouf- iiers fût reçu à l'Académie, à une époque on y entrait avec une seule de ces recommandations. Ses ingénieuses ba- gatelles avaient été beaucoup louées par Voltaire, qui y retrouvait quelque chose de sa philosophie satirique. La Révo

438 CHANSONS

lution changea le poëte en homme d'État ; il fut député aux états géné- raux, quitta la France pour se soustraire à la terreur, y revint en 1800, reprit ses occupations littéraires , et quoique âgé de soixante-trois ans , retrouva souvent cette imagination vive et ces saillies heureuses auxquelles il avait jadis ses succès , à la cour la plus élégante de l'Europe.

Il fut admis en 1804 à l'Institut, comme faisant partie de l'ancienne Académie, et termina en 1815, à l'âge de soixante dix-huit ans , une carrière aussi honorable que brillante.

ROMANCE D'ALINE.

Alors dans la Provence , . Ce beau pays de France, Simple laitière étais; Aline me nommais. Quinze ans était mon âge ; Simple , naïve et sage , Mon cœur au nom d'amant Palpitait doucement, Et j'appelais doux sentiment. bis

POPULAIRES. 439

Alors dans la Provence , D'une haute naissance Un beau jeune homme était: Sainl-Phar on le nommait. Vingt ans était son âge ; Quoique naïve et sage , J'écoutais cet amant.... Parlait si tendrement Que je connus doux sentiment. bis.

Las! des siens la puissance L'éloigna de la France. Pour lui , bravant le sort, Naufrageai sur ce bord. Le destin m'y fit reine; Mais quoique souveraine , Mon cœur tendre et constan*. Toujours pour mon amanl Conservera doux sentiment. bis.

Paroles de Vial et Favières, musxque de Berton.

Couplets d* Aline, reine de Cioleonde.

Il reçut au sein de la gloire Et les mvrtes et les lauriers

440 CHANSONS

Que les belles et la victoire Tressent pour le front des guerrier: En amour ainsi qu'à la guerre Il vole à de nouveaux succès ; Il sait aimer, combattre et plaire, C'est vous dire qu'il est Français. On ne peut nous entendre : Je vais tout vous apprendre ; Vous promettez d'être discret? C'est qu'au fond de leurs âmes , Il est encor des femmes Qui savent garder le secret.

Vive , sensible, un peu coquette, Aimant la gloire et les plaisirs , C'est à la fois la violette, La rose , amante des zéphyrs ; Elle s'emporte, elle s'apaise, Soupire et sourit tour à tour; Elle est en même temps Française Et constante dans son amour. On ne peut nous entendre : Je vais tout vous apprendre; Vous promettez d'être discret? C'est qu'au fond de leurs âmes , Il est encor des femmes Qui savent garder le secret.

Paroles de Vial et Favières , »H*si de Beuton.

44i

Notice mur Joconde.

Il n'est personne qui ne connaisse le conte charmant de La Fontaine , dans lequel il surpassa l'Arioste , auquel il l'avait emprunté, et qui mérita que Boi- leau lui consacrât une longue diiser- tation.

Ce sujet avait été plusieurs fois traité, aux Français , par Fagan , en 174C ; à l'Opéra-Comique, par Desforges , en 1790 ; au Théâtre de la Cité, par Léger, en 1793 , lorsqu'en 1814 Etienne s'en empara de nouveau avec un grand suc- cès. La musique ravissante de Nicolo mit ses airs dans toutes les houches; Martin n'y contribua pas peu par la manière délicieuse dont il chanta le rôle de Joconde.

Etienne , que les lettres viennent de perdre récemment , était un homme de beaucoup d'esprit, de peu d'ims-

442 CHANSONS

tion , mais un des plus habiles arran- geurs qu'il y ait eus au théâtre. Il re- prenait avec un talent remarquable les sujets déjà traités, et savait les rendre nouveaux par la manière dont il les présentait , comme il l'a prouvé dans les opéras du Rossignol, de Cendrillon et de Jeannot et Colin, et dans la comédie des deux Gendres, qui fit tant de bruit en 1810.

Etienne était en 1777 d'une fa mille peu aisée, dans le village de Cha- mouilly. Il vint à Paris en 1796 , et débuta dans la carrière littéraire par de petits vaudevilles et des articles de journaux. La protection du duc deBas- sano , dont il devint secrétaire, lui ou- vrit la porte de la fortune. Il obtint des places lucratives, entre autres la direc- tion de la police générale des journaux et des théâtres , put travailler à sa ré- putation et ne tarda pas à entrer à l'Académie française. Nous ne devons pas parler ici du rôle politique qu'il a rempli avec habileté, mais de ses succè3

POPULAIRES. 443

comme chansonnier et comme vaude- villiste. Ce ne sont pourtant pas ceux- qui en ont fait un pair de France. Il est auteur de quarante-cinq pièces de théâtre et il a coopéré à la rédaction du Nain jaune , du Constitutionnel et de la Minerve. Il est mort le 13 mars 1845, âgé de soixante-huit ans.

Couplets de Joconde.

JEANNETTE.

Parmi les filles du canton

On choisit la plus innocente ;

Le bailli proclame son nom.

Vous jugez comme elle est contente ;

Mais avec le bouquet chéri

Elle obtient encore autre chose :

Elle peut choisir un mari....

Que je voudrais avoir la rose!

On va bien me la disputer: Chacune se dit la plus sage ; Pourtant j'espère l'emporter Sur les filles de ce village. De leurs efforts je ne crains rien ; Voulez-vous en savoir la cause ?

444 cnvNSONS

Ma mère et le bailli sont bien.,. Et je crois que j'aurai la rose.

JOCONDE.

Si l'on couronne la beauté , Si l'on couronne l'innocence, Vous êtes digne, en vérité, D'avoir ici la préférence. A quelqu'un ce présent si doux Est destiné, je le suppose. Chacun voudrait être l'époux Qui recevra de vous la rose.

Paroles d'ÉTIEMWE, musique de Nicolo.

Couplets de Joconde.

Dans un amoureux délire Un berger jeune et discret Disait ainsi son martyre A l'écho de la forêt : « Ah, c'est le bonheur suprême D'inspirer tendre retour, Mais, hélas ! celle que j'aime Ne rend pas amour bis.

Pour amour. »

POPLLAlI.tï. l45

Mais la bergère attentive. Quand le berger soupirait, A sa romance plaintive En ces termes répondait :

« Va ! ta plainte est inutile , Ne gémis pas n\r.' et jotfr; Sois confias! , sois docile, Si tu veux amour bis.

Pour amour.

De nos bois la fuis l'ombrage

C'est qu'il faut un peu cha:..

Tu plais à tout le vill

Je n'aime qu'un seul berger.

I; ::ioius eoqu<_

inuins jaloux i El duns ma douce retraite Vieil s me rendre amour t is.

Pour amour. »

Paroles d Etienne, musique de NlCuLO.

Romance de Jocoudc

Dana un délire extrême , On veut fuir ce qu'on aime ,

446 CHANSONS

On prétend se venger, On jure de changer, On devient infidèle, On court de belle en belle; Mais on revient toujours A ses premiers amours.

Ah! d'une ardeur sincère Le temps ne peut distraire, Et nos plus doux plaisirs Sont dans nos souvenirs. On pense, on pense encore A celle qu'on adore , Et Ton revient toujours A ses premiers amours.

Paroles détienne, musique de Nicolc

Rondeau de Joconde.

J'ai longtemps parcouru le monde , Et l'on m'a vu de toute part, Courtisant la brune et la blonde, Aimer, soupirer au hasard.

Sémillant avec les Françaises , Romanesque avec les Anglaises,

POPULAIRES. 447

En tous lieux j'ai voyagé, Selon le pays j'ai changé. Sans me piquer d'être fidèle, Je courais damour en amour; Je n'aimais jamais qu'une belle, Oui , mais je ne l'aimais qu'un jour.

J'ai longtemps parcouru le monde, etc.

Ce n'était point de l'inconstance , Oh ! non, c'était de la prudence ; Car des femmes, sans vanité, Je connais la légèreté, Et je ne les quittais d'avance Que pour n'en pas être quitté; Et cependant, en vérité, Je l'ai souvent bien mérité;

Car j'ai longtemps couru le monde, etc.

Mais de l'amour je porte enfin les chaines, L'aimable Édile a reçu mes serments, Je trouve même un charme dans mes pei- Et chéris jusqu'à mes tourments, [nés, Mon luth , si longtemps infidèle , Ne résonne plus que pour elle. Pourtant, je dois en convenir, Je m'en souviens avec plaisir,

J'ai longtemps parcouru le monde, Et Ton m'a vu de toute part ,

448 CHANSONS

Courtisant la brune et la blonde , Aimer, soupirer au hasard.

Paroles détienne, musique de Nicolo.

Romance de Cendrillon.

«Je suis modeste et soumise, Le monde me voit fort peu , Car je suis toujours assise Dans le petit coin du feu. Cette place n'est pas belle , Mais pour moi tout parait bon : Voilà pourquoi l'on m'appelle La petite Cendrillon.

« Mes sœurs , du soin du ménage Ne s'occupent pas du tout. C'est moi qui fais tout l'uuvrage Et pourtant j'en viens à bout. Attentive, obéissante, Je sers toute la maison ; Et je suis votre servante, La petite Cendrillon.

« Quoique toujours je m'empresse Mon zè)e est très-mal payé;

POPULAIRES. 449

Et jamais on ne m'adresse

Un petit mot d'amitié.

Mais, n'importe, on a beau Eure ,

Je me tais , et j'ai raison.

Dieu protégera , j'espère ,

La petite Cendrillon.

Paroles d'ÉTiENNE, musique de Nkolo.

Chanson de Cendrillon.

A quoi bon la richesse,

A quoi bon la grandeur,

Si l'on était sans cesse

En paix avec son cœur ?

S'aimer et se le dire ,

Deviner un sourire,

N'est-ce pas le vrai bien, même au sein de k

Non, non, non, non, [cour?

Il n*est point de bonheur, de plaisir sans

[ l'amour.

Un beau jour Colinette Fut conduite à la cour; Elle était inquiète Dans ce brillant séjour. Il fallai* se contraindre Ou bien ii fallait feindre*

29

450 CHANSONS

Car on ne peut ici se montrer sans détour.

Non, non, non, non, Il n'est point de bonheur, de plaisir sans [ l'amour.

Colinette au village

Reprit sa liberté ;

Elle aimait davantage

Sa douce obscurité.

Là, jamais d'artifice,

De fierté , de caprice ; [jour,

Auprès d'elle elle avait son amant tout le

Son amant tout le jour! [l'amour. Il n'est point de bonheur, déplaisir sans

Paroles cTÉtienne, musique de Nicolo.

Couplets de ïllnon chez madame de Sévigné.

C'e3t bien le plus joli corsage ! Le pied mignon , surtout les yeux î Depuis bien longtemps, je le gage, Paris n'en a pas vu de mieux. Sa beauté séduirait un prince; Ah ! pour attraper les maris , Les femmes ont dans la province Les mêmes armes qu'à Paris.

POPULAIRES.

» Paris , dit-on , c'est l'usage : On s'moque des provinciaux. Tout c-'qui n'est pas du grand village, Passe à Paris pour et' des sois. Croyant leur mérite plus mince .

_ .uds on trait' tous nos maris, Mais les maris de la prorince Ne le sont pas plus qu'à Paris.

De not' maîtresse , je vous jure, Tout en est beau, tout en est fc

mange pour la figure , Et peur l'esprit c'est un démon. De celui qu'elle fait par-, Comm' de ses traits on est épris. Excepté madame, peut-être, On n'en a pas plus à Paris.

Paroles de Dupaty, musique de

Chanson du Pré aux Cleres.

ISABELLE

A la fleur du l Geor_ . :ur

Disait dans le villiige ; n'aui

45'2 CHANSON"'

Un soir, par imprud Au son du tambourin , Elle suivit la danse Bans le bosquet voisin.... Abi ! pauvre Georgette , Le bal est un plaisir Éveillant le désir, Et l'amour en cachette Y guette Une fillette.

Robert , du voisinage Était le beau danseur. Il la voit, il l'engage: Pour elle quel honneur'. De son bras il la serre Sur son cœur doucement,. Et la jeune bergère Trouva ce jeu charmant. Ahi ! pauvre Georgette , etc.

Tout en faisant la chaîne , Robert prit un baiser; Et puis sous le grand chèno On s'alla reposer. La nuit vient.... commeir fa Robert offre son bras ; Et depuis la bergère Soupire et dit tout bas:

POPDJLJ 453

Ahi ! pauvre Gecrgetie Le bal est un plaisir Éveillant le désir. El l'amour en ca.l Y guette Une fillette.

Paroles de Planap.d musique de Hérold

Romance du Pré aux Clercs.

Souvenirs du jeune âge Sont gravés dans mon cœur, Et je pense au village Pour rêver le bonheur. Ah ! ma voix vous supplie i)'écouter mon désir : Rendez-moi ma patrie Ou laissez-moi mourir.

De nos bois le silence, Les bords d'un clair ruisseau, La paix et l'innocence Des enfants du hameau , Ah! voilà mon envie, Voilà mon seul désir

454

Rendez-moi ma patrie Ou laissez-moi mourir.

Paroles de Planard, musiqve de Hérouj.

Couplets de Marie.

Une robe légère D'une entière blancheur, Un chapeau de bergère, De nos bois une fleur; Ah ! telle est la parure Dont je suis enchanté; Et toujours la nature Embellit la beauté.

Crois-tu donc que mon Emilie Puisse devenir plus jolie ; Que ces plumes et ces bijoux, Cette ceinture en broderie, Cette belle écharpe d'Asie , Rendent jamais ses traits plus dou: Non , non , c'est une chimère.

Une robe légère

D'une entière blancheur,

POPULAIRES. 455

Un chapeau de bergère , De nos bois une fleur; Ah ! telle est la parure Dont je suis enchanté-, Et toujours la nature Embellit la beauté.

Paroles de Plasard, musique rfOôtOLB

Barcarolle de Tlarle.

« Batelier, dit Lisette,

Je voudrais passer l'eau ,

Mais je suis bien pauvrette

Pour payer le bateau. »

Colin dit à la belle :

« Venez , venez toujours , ô.

Et vogue la nacelle

Qui porte mes amours.

Je m'en vais chez mon père . Dit Lisette à Colin.

Eh bien ! crois-tu , ma chère , Qu'il m'accorde ta main?

Ah : répondit la belle , Ose», osez toujours.

456 CHANSONS

Et vogue la nacelle Qui porte mes amours. »

Après le mariage .

Toujours dans son bateau ,

Colin fut le plus sage

Des maris du hameau.

A sa chanson fidèle,

Il répéta toujours : bis.

« Et vogue la nacelle

Qui porte mes amours. »

Paroles de Planard, musique d'HÉROLD.

Couplets de Marie.

Sur la rivière , Comme mon père Je suis meunier De mon métier. J'travaille et chante , L'âme contente , Car mon moulin Me donn' du pain. De ma boutique J'aim' la musique :

rOPLXAJRES. 45

Tic-tac, tic-tac-tique, Tique , tique-tac et tique.

Quand une fille Fraicbe et gentille Vient au moulin Porter son grain, Pendant l'ouvrage J' li rends hommage, Et j' m\ prends ben Car j's'is malin: Et ma pratique Dit : « C'est unique: Mon cœur fait tac, tique, Tique, tique-tac et tique. »

Paroles de Plaxard, musique d'HÉROïc,

Rondeau des Rendez-vous bourgeois.

Un moment de gêne, Un instant de peine Nous fait mieux sentir Celui du plaisir.

>8 CHANSONS

En amant bien tendre* Sans nous affliger, Il nous faut attendre L'heure du berger. Espérer et craindre, Jouir et se plaindre , Voilà tour à tour Le sort de Famour.

Mais un peu de gêne , Mais un peu de peine, Nous fait mieux sentir L'instant du plaisir.

Paroles de Hoffman, musique de Nicolo.

Romance de Léonce.

L'hymen est un lien charmant Lorsque l'on s'aime avec ivresse , Et ce n'est que dans la jeunesse Qu'on peut s'aimer bien tendrement, bis. C'est un gentil pèlerinage Que l'on entreprend de moitié ; Peines, plaisirs, tout se partage, bit. L'amour, l'estime et l'amitié ) h-s Sont les compagnons du voyage. \

POPULAIRES. 45S

Si , par malheur, chez les époux On Toit naître l'indifférence. Si la triste et froide inconstance Succède à leurs transports si doux, bis. Plus n'est gentil pèlerinage Qu'on faisait gaîment de moitié ;

.'amour devient volage , i is. Qu'au moins l'estime et l'amitié j . . Restent compagnons du voyage, j

Quand j'ai vu naître mes enfants , M'immoler devint nécessaire. Je connais les devoirs d'un père , Il doit tenir tous ses serments : Dans mon triste pèleriuag Privé d'une tendre moitié. Je bénis encor mon partage , l is.

Si leur bonheur, leur amitié "i .

Sont mes compagnons de voyage. )

Paroles de Marsollier, musique de Nicolo.

Romance de Calnare.

R;en. tendre Amour, ne résiste à tes armes, Pour mieux tromper, tu les ornes de fleurs: Mais quand je veux ne chanter que tes [charmes. Amour, pourquoi fais-tu couicr mes pleurs?

460 CUANS0NS

Un jour, voyant mon amant dans la peine, Croyant son cœur irrité contre moi , Ma main , cherchant à rencontrer la sienne, Semblait lui dire : Ami console-toi.

Mais c'est en vain , le cruel la retire ; Par son mépris il accroit ma douleur. Ma voix gémit, mon cœur bat et soupire; Il n'entend plus ni ma voix ni mon coeur.

Bientôt le temps à l'ingrat vint apprendre Combien son doute avait m'outrager ; Il avait tort, je n'en fus que plus tendre, Car c'est ainsi qu'Amour sait se venger.

Paroles Je Marsollier , musique de Dalayrac.

Romance de Joseph.

A peine au sortir de l'enfance, Quatorze ans au plus je comptais, Je suivis avec confiance De méchants frères que j'aimais. Dans Sichem aux gras pâturages Nous paissions de nombreux troupeaux. J'étais simple comme au jeune âge, Timide comme mes agneaux.

TOTTLAIRES.

Près ae trois palmiers solitaires. Tadressais mes vœux au Seigneur, Quand, saisi par ces méchants frères. . J'en frémis encor de frayeur! Dans un humide et froid abîme , Ils me plongent dans leur fureur ! Et je n'opposais à leur crime Que mon innocence et mes pleurs.

Hélas ! près de qui tter la vie , Au jour je fus enfin rendu. A des marchands de l'Arabie Comme un esclave ils m'ont vendu. Tandis que, du prix de leur frère, Ils comptaient l*or qu'ils partageaient, Hélas! moi, je pleurais mon | Et les ingrats qui me vendaient.

Paroles d Alexandre De val, musique de Méhil.

Romance du Jockey.

Il faut quitter ce que j'adore, Adieu plaisir, adieu bonheur! Aujourd'hui je vous goûte encore, Demain vous fuirez de mou coeur.

t62 CHANSONS

Séparons-nous, ma douce amie Reçois mes adieux en ce jour; 5Iais conservons toute la vie Le souvenir de notre amour.

Ne me montre pas tes alarmes N'ajoute pas à mon malheur, Ne m'affaiblis pas par tes larmes; J'ai bien assez de ma douleur. S'il faut que notre cœur oublie La peine qu'il sent en ce jour, Qu'il garde au moins toute la vie Le souvenir de notre amour.

Un jour, sur un lointain rivage. Sans espérance et sans repos Je n'aurai plus que ton image Pour me consoler de mes maux. Alors, loin de ma douce Je répéterai chaque jour .- Je lui garde toute ma vie Le souvenir de notre amour.

Paroles de IIoftman, mu.H.jH;

SOPIL -

La leçon.

ROMANCE DC BOUFFE ET LE TAILLEUR.

Conservez bien la paix au cœur,

Disent les mamans aux fillettes.

Sans la paix, adieu le bonheur;

Craignez mille peines secrètes.

On tremble, on se promet longtemps

De rester dans l'indifférence :

Et puis on arrive à douze

Et le cœur bat sans qu'on y pense.

Fuyez surtout , fuyez l'Amour. Disent les mamans aux fillettes. Le petit traître, chaque jour, Vous tend des embûches secrètes. On tremble , on se promet longtemps De se soustraire à sa pui.-- Et puis on arrive à seize ans, Et l'amour vient sans qu'on y pense.

Mais pourquoi tous ces vains diseouii Que font les mamans aux fillettes ? Puisqu'on doit tribut aux amours, ne acnuitter rioe dettes.

464 CHASSONS

Pour bien aimer, il n'est qu'un temps , S'en défendre est une imprudence : Si l'on n'aime pas au printemps L'hiver viendra sans qu'on y pense.

Paroles cJ'Armand Gouffé et Villieks, musique de Gaveaux.

Couplets du Bouffe et le Tailleur.

On dit que je suis sans malice ,

Et que j'ai l'air simple et novice ;

De ma tournure chacun rit. bis.

De tout cela je ris moi-même ,

Je suis aimé de ce que j'aime ;

Bien des gens n'ont pas mon esprit, bis.

Un beau vers , une belle phrase, Tiennent les savants en extase , On admire et Ton applaudit. bis-,

L'amour veut un autre système , Chez lui , quand on sait dire : J'aime ! On a toujours assez d'esprit. bis.

Paroles d' Armand Gouffé et Villieks, musique de Gaveaux.

POPULAIRES- 465

Cavatine du Bouffe et le Tailleur.

Gaiment je m'accommode

De tout. Je suis , pour toute mode ,

Mon goût. Je sais , en habile homme,

Saisir Tout ce qu'en France on nomme

Plaisir.

Je suis près des fillettes

Léger; On me voit d'amourettes

Changer. Aux soupirs je me livre

Un jour : L'inconstance fait vivre

L'amour.

Quand une belle appelle,

J'y suis. Qu'un faquin me harcèle ,

Je fuis. Aux serments faut-il croire ?

J'y crois.

30

466 CHANSONS

A table faut-il boire? Je bois. Paroles d' Armand Gouffé et Yilliers, musique de Gaveaux.

Romance du Prisonnier ou la Ressemblance.

Il faut des époux assortis Dans le lien du mariage ; Vieilles femmes, jeunes maris Feront toujours mauvais ménage $ On ne voit point le papillon Sur la fleur qui se décolore; Rose qui meurt cède au bouton Les baisers de l'amant de Flore.

Ce lien peut être plus doux Pour un vieillard qu'amour enflamme ; On voit souvent un vieil époux Être aimé d'une jeune femme : L'homme , à sa dernière saison , Par mille dons peut plaire encore: Ne savons-nous pas que Tithon Rajeunit auprès de l'Aurore?

Aux époux unis par le cœur Le temps fait blessure légère;

POPCLAÎRES.

On a toujours de la fraîcheur, Quand ou a le secret de plaire. Rose qui séduit le matin , Le soir peut être belle encore: L'astre du jour à son déclin A souvent l'éclat de l'aurore.

Paroles ^'Alexandre Duval. mutiqi» de Della Maria.

Romance de Gulistau.

Le point du jour A nos bosquets rend toute leur parure ; Flore est plus belle à son retour. L'oiseau redit son chant d'amour; Tout célèbre dans la nature

Le point du jour.

Au point du jour Désir plus vif est toujours près i1 Jeune et sensible troubadour, Quand vient la nuit, chante l'amour; Mais il chante Dien mieux encore

Au point du jour.

Le point du jour Cause parfois : ;-rne ;

i

468 chansons

Que l'espace des nuits est court Pour le berger brûlant d'amour, Forcé de quitter ce qu'il aime, Au point du jour!

Paroles de de La Chabaussièke et Etienne, musique de Dalaykac.

La Fin du «Tour '.

La fin du jour Sauve les fleurs et rafraîchit les belles : Je veux , en galant troubadour, Célébrer au nom de l'amour, Chanter au nom des fleurs nouvelles

La fin du jour.

La fin du jour Rend aux plaisirs l'habitant du village : Voyez les bergers d'alentour Danser en chantant tour à tour; Ah! comme on aime, après l'ouvrage, La fin du jour!

La fin du jour Rend aux amants et l'ombre et le mystère :

' Nous plr.çons ici cette chanson comme faisant suite à la prête

rOPLLAlKXS. 469

Quand Phébus termine son tour, Vénus, au milieu de sa cour, Avec Mars célèbre à Cythère La fin du jour.

La fin du jour Rend le bonheur aui oiseaux du bocage . Bravant dans leur obscur séjour La griffe du cruel vautour. Ils vont guetter sous le feuillage La fin du jour.

La fin du jour Mevoit souvent commenoer un bon somme: Et pour descendre au noir séjour, En fermant les yeux sans retour, Je dirai gaiment : C'est tout comme

La fin du jour.

Armand g-

Couplet du Viable à quatre.

MARGOT.

Je n'aime pas le tabac beaucoup ;

J'en prenais peu , souvent point du tout

i

«70 CHANSONS

Mais mon mari me défend cela. Depuis ce moment-là, Je le trouve piquant

Quand J'en peux prendre à l'écart;

Car Un plaisir vaut son prix,

Pris En dépit des maris.

Paroles de Sedaine, musique de Solié.

Chanson de Richard Cœur de lion.

Que le sultan Saladin Rassemble dans son jardin Un troupeau de jouvencelles, Toutes jeunes , toutes belles , Pour s'amuser le matin ,

C'est bien , très-bien ,

Cela ne nous blesse en rien.

Moi , je pense comme Grégoire :

J'aime mieux boire. bis.

Qu'un seigneur, qu'un haut baron Vende jusqu'à son donjon Pour aller à la croisade ; Qu'il laisse sa camarade

POPCLAIP.LS. 471

Dans la main de gens de bien ,

C'est bien , très-bien ,

Cela ne nous blesse en rien.

Moi, je pense comme Grégoire :

J'aime mieux boire. 615.

Que le vaillant roi Richard Aille courir maint hasard, Pour aller, loin d'Angleterre, Conquérir une autre terre Dans le pays d'un païen ,

C'est bien , très-bien ,

Cela ne nous blesse en rien.

Moi, je pense comme Grégoire :

J'aime mieux boire. bit.

Paroles de Sedàine , musique de Grétrt.

Romance de Richard Cœur de Lion.

Une fièvre brûlante

Un jour me terrassait ,

Et de mon corps chassait

Mon àme languissante; Ma dame approche de mon lit, Et loin de moi la mort s'enfuit.

472 CHANSONS

Un regard de ma belle Fait dans mon tendre cœur., A la peine cruelle Succéder le bonheur.

Dans une tour obscure

Un roi puissant languit;

Son serviteur gémit

De sa triste aventure. Si Marguerite était ici Je m'écrirais : Plus de souci !

Un regard de ma belle

Fait dans mon tendre cœur,

A la peine cruelle

Succéder le bonheur.

Paroles de Sedaine, musique de Grétry.

JLa Veillée.

COUPLETS D'OVINSKA.

Heureux qui , dans sa maisonnette, Dont la neige a blanchi le toit, Nargue le chagrin et le froid Au refrain d'une ubansonneue.

POrCLJ 4T3

Que les soirs d'hiver sont charmants Lorsqu'une famille assemblée Sait , par divers amusem-r

Égayer la veillée!

Assis près de sa bien-aimëe; Voyez le paisible Lapon , Lorsque la neige, à gros flocon Tombe sur sa hutte enfumée : Autour du feu , dans ce réduit , La famille entière assemblée Semble trouver six mois de nuit i courts pour la veillée.

J'aime surtout une spiréfe Ton parle de revenants , Alors qu'on entend tous les vents Siffler autour de la contrée. A ces récits intére?- Toute la troupe émerveillée Tremble, écoute et voudrait longtemps Prolonger la veillée.

Parole* de Villemoxtez, 9 de Ga veaux.

CHANSONS

la Patrouille, ou Garde à voua!

CHANSON DE LA FIANCÉE, OPÉRA-COMIQUK.

Garde à vous ! garde à vous ! Avançons en silence, Sur mes pas marchez tous ; Garde à vous ! garde à vous ! Veillons d'un pas docile Au repos de la ville ; Et vous , adroits filous , Nous voici , garde à yous 1 Garde à vous î

Garde à vous ! garde à vous I Bourgeois , gens de boutique Qui mettez par rubrique A minuit les verroux; Garde à vous ! garde à vous ! Le devoir nous commande De vous mettre à l'amende Si vous ne filez doux : Garde à vous !

Garde à vous ! garde à vous! Séducteurs qui, sans crainte.

POPULAIRES. 475

La nuit portez atteinte Au repos des époux; Garde à vous ! garde à vous ! Et vous , jeune fillette Qui, le soir en cachette, Donnez des rendez-vous , Garde à vous !

Garde à vous ! garde à vous ! Tapageurs en ribote Qui roulez dans la crotte Et faites les cent coups ; Garde à vous ! garde à vous ! Mari digne de blâme Qui battez votre femme Pour des soupçons jaloux , Garde à vous I

Paroles de Scribe, musique de M. Auber.

1 Ce couplet trivial n'est point de M. Scribe nais de quelque chanteur public qui a voulu allon- -r la chau9on , ce qui arrive souvent.

476

Chanson de Itficodème dans la ïiune.

La chanson de Colinette eut une vogue extraordinaire vers la hn de 1790. Elle était chantée dans un opéra-comique mêlé de vaudevilles intitulé Nicodème dans la Lune, ou la Révolution pacifique, qui fit courir tout Paris au petit théâtre de la rue de Bondy. L'auteur de cette pièce était Beffroy de Reigny, si connu sous le pseudonyme du Cousin Jacques. L'acteur Juliet contrihua au succès par son jeu plein d'originalité; mais ce qui l'augmenta beaucoup, ce furent les al- lusions à la Révolution naissante. La pièce était faite dans un très-bon esprit. L'air et les paroles étaient du Cousin Jacques, qui faisait lui-même, pour ses couplets et pour ses chansons, de la musique fort agréable : beaucoup de ses airs sont populaires.

POPULAIRES.

Colinette au bois s'eD alla ,

En sautillant par-ci, par -là; Trala déridera , trala déridera.

Un beau monsieur la rencontra.

Frisé par-ci , poudré par-là , Trala déridera , trala déridera.

« Fillette , ou courez-vous comnr ça?

Monsieur , j'm'en rais dai:- Cueillir la noisette. » [bois-là,

Trala déridera , trala déridera. N" y a pas d'mal à ça,

Colinette, N'y a pas d'mal à ça.

À ses côtés l'monsieur s'en va , Sautant comme ell' par-ci, par-là, Trala déridera , trala déridera. [ça ?

« v'nez-Tous donc, monsieur, comme

J' vais avec vous dans c'p'tit bois-là, Trala déridera , trala déridera.

Mais jusqu'à temps qu'nous soyons là, Chantons gaîment par-ci , par-là, La p'tit' chansonnette. » Trala déridera, trala déridera, >_>y a pas d' mal à ça

Colinette, N'y a pas d' mal à ça.

478 CHANSONS

V monsieur lui dit , quand ils fur'nt : «Asseyons-nous sur ç' gazon-là, Trala déridera , trala déridera. » Sans résistance il l'embrassa, Et p'tit à p'tit , et caetera , Trala déridera, trala déridera.

La pauvre fille, en sortant d'ià, Garda Y silence et puis pleura! Personn' ne répète : Trala déridera, trala déridera. N'y a pas d' mal à ça

Colinette, N'y a pas d'mal à ça.

Le Cousin Jacques.

Couplets du Petit Matelot.

LA PIPE DE TABAC.

Contre les chagrins de la vie , On crie et ab hoc, et ab hac ; Moi , je me crois digne d'envie Quand j'ai ma pipe et mon tabac. Aujourd'hui , changeant de folie, Et de boussole et d'almanach ,

POPULAIRES. 479

Je préfère fille jolie Même à la pipe de tabac. bis.

Le soldat bâille sous la tente , Le matelot sur le tillac ; Bientôt ils ont l'âme contente

la pipe de tabac. bis.

Si pourtant survient une belle , A l'instant le cœur fait tic-tac, Et l'amant oublie auprès d'elle Jusqu'à la pipe de tabac. bis.

Je tiens cette maxime utile

De ce fameux monsieur de Crac :

En campagne comme à la ville ,

Fêtons l'amour et le tabac. ois.

Quand ce grand homme allait en guerre,

Il portait dans son petit sac

Le doux portrait de sa bergère

Avec la pipe de tabac. bis.

Paroles de Pigaclt-Lebro» , musique de Gaveaix.

La Dame Blanche.

D'ici voyez ce beau domaine Dont le; ..jcbent le ciel!

ÎSO CHANSONS

Une invisible châtelaine Veille en tout temps sur ce castel. Chevalier félcn et méchant , Qui tramez complot malfaisant.

Prenez garde ! La dame blanche vous regarde , La dame blanche vous entend.

Sous ces voûtes , sous ces tourelles , Pour éviter les feux du jour, Parfois, gentilles pastourelles Redisent doux propos d'amour. Vous qui parlez si tendrement , Jeune fillette , jeune amant ,

Prenez garde! La dame blanche vous regarde, La. dame blanche vous entend.

En tous lieux protégeant les belles Et de son sexe ayant pitié , Quand les maris sont infidèles , Elle en avertit leur moitié. Volage époux, cœur inconstant, Qui trahissez votre serment,

Prenez garde ! La dame blanche vous regarde, La dame blanche vous entend.

}aroleade Scribe, musique de Boyeldiec.

POPULAIRES.

Chant du Barde dans Ariodant.

Femme sensible, entends-tu le ramage De œs oiseaux qui célèbrent leurs feux? Ils font redire à l'écho du rivage : Le printemps fuit , hàtez-vous d* ètr e heureux.

Vois-tu ces fleurs, ces fleurs qu'un doux Z_- [phire Va caressant de son souffle amoureux ?

fanant elles semblent te dire : Le printemps fuit, hàtez-vous d'être heureux.

Moments charmants d'amour et de tendresse Comme un éclair vous fuyez à nos yeux; Et tous les jours perdus dans la tristesse Nous sont comptés comme des jours heureux

Parola de Hoffmas, musique deiiÉMisL,

Couplets du Traité nul.

Souvent la nuit , quand je s jrnmeide , Je crois le voir à mes genoux; 3i

482 CHANSONS

Et le matin , quand je m'éveille, Je regrette un songe si doux. Lorsqu'on parle de mariage, Je fais des vœux pour être à lui... Ah ! dis-moi toi-même aujourd'hui Si l'on peut aimer davantage.

On me voyait, près de ma mère, Rire toujours et folâtrer : Triste, à présent, et solitaire, Je ne fais plus que soupirer. Tout me déplaît dans le village Depuis que je suis loin de lui... Ah! dis-moi toi-même aujourd'hui Si l'on peut aimer davantage.

Je dois pourtant à ta tendresse Un aveu qui va me coûter.... Est-ce une erreur, une faiblesse? A toi je veux m'en rapporter. Quand je pense à mon mariage, A ce moment rempli d'appas , Mon cœur alors me dit tout bas Que l'on peut aimer davantage.

Paroles de Marsollier, musique de Gàveavx.

POPrLAlKF.s. 433

Couplets des deux Ermites.

Jeune fille , jeune garçon , Que le même couvert assemble . Seront bientôt d'accord ensemble: N'en demandez pas la rai- leçon bien sûre Tous deux les instruira;

::e leçon-là, Qui la leur donnera?

La nature. lis.

Vous voudriez TOtfs opposer Aux pièges qu'ils savent yônstcti Pour les empêcher de s'entendre, En vain vous voudriez ruser,

Leur adresse plus sûre

Vous déconcertera ;

Et. cette adresse-là,

Qui la leur donnera?

La nature. bit.

Paroles de Bi^nvMUL, musique de G à veaux.

484

Couplets de l'amour Allai.

Jeunes amants, cueillez des fleurs Pour le sein de votre bergère : L'Amour par de tendres faveurs Vous en promet le doux salaire. Plein d'un espoir encor plus doux , Dès que le soleil nous éclaire, Je cueille des fleurs comme vous, Pour parer le front de mon père.

Votre main , au bord d'un ruisseau Prépare des lits de fougère ; Vous arrondissez des berceaux , Pour servir d'asile au mystère. Comme vous , de ces arbrisseaux Je courbe la tige légère , Et de leurs flexibles rameaux J'ombrage le front de mon père

En accourant à son réveil, Vous tremblez. Que va-t-elle dire? En sortant des bras du sommeil , Mon père , tu vas me sourire. Vous lui ravissez quelquefois VJn baiser qu'ignore sa mère :

POPULAIRES. 485

Moi, chaque matin je reçois Le premier baiser de mon père.

Paroles de Demoustier, musiqut de Gave aux.

Couplets de Marianne.

Suzon sortait de son village; On lui trouvait quelques appas ; EU' n'avait pas d'biens en partage, Mais un bon cœur et de bons bras. Travaillez donc, Mam'seU' Suzon , Travaillez donc , jeune et pauvre fillette. Croyez-moi donc , Songez-y donc ; Travaillez donc, jeune et pauvre Suzon. Écoutez c'te voix qui répète Que l'argent ne donn' pas l'bonheur, Et qu' lorsqu'on a la paix du cœur, Notre fortune est faite.

Bientôt un amant se présente: 11 était jeune et riche encor ; Le fripon, d'un' voix séduisante, Offre son coeur et beaucoup d'or....

CHANSONS

Méfiez-vous donc, D'un pareil don , Menez-vous donc, jeune et pauvre fillette. Croyez-moi donc, Travaillez donc, Travaillez donc, jeune et pauvre Suzon. Écoutez c'te voix qui répète Que l'argent ne donn' pas 1' bonheur, Et qu'lorsqu'on a la paix du cœur, Notre fortune est faite.

il n'parlait point de mariage : Il fallut le laisser partir; S'il est pénible d'être sage , Il l'est bien plus de se r'pentir. Continuez donc, Profitez donc, Continuez donc, jeune et pauvre fillette, Croyez-moi donc, Travaillez donc , Travaillez donc, jeune et pauvre SuSc n Écoutez c'te voix qui répète , Que l'argent ne donn' pas l'bonlieur, Et qu'lorsqu'on a la paix du cœur, Notre fortune est faite.

Paroles de Màksolliep., musiqtu

de DÀLÀVRAC.

POPULAIRES.

Couplets de la Xeige.

Lorsque l'hiver enchaîne les flots, Jeunes beautés, avec audace, Accourez à ces plaisirs nouveaux i L'Amour peut guider vos traîne - Nul danger ne vous menace. I est au printemps, érils Lien plus grands : Près de vous , quand avec . Un danseur vient soudain Vous présenter sa main. Ma Suzon , Ma Lison , Pour danser, Pour valser Ne vas pas te presser. Il est plus dangereux de glisser Sur le gazon que sur la glace. Il est trop dangereux de glisser : Fillettes, craignez de de.:.

Quand, sur la glace, en traineaul>riiiaU Gaimer.it on passe et l'on repar

'ôï parfois arrive un accident, On se relève promptement

488 CHANSONS

Sans danger l'on se ramasse.

Mais sur l'herbe, en dansant,

Ah ! c'est bien différent1 ï)u faux pas qui la menace ,

Une fillette, hélas !

Ne se relève pas. Ma Suzon , etc.

Sans te troubler, laisse, vieux mari, Ta femme courir sur la glace : L'Amour n'est qu'un enfant transi f Ailleurs il est plus dégourdi : C'est au bois qu'il vous menace. Qu'un tendron imprudent Fasse un' chute en dansant, Pour l'époux quelle disgrâce! Car c'est lui tout à coup Qui r'çoit le contre-coup. Ma Suzon , etc.

Paroles de Scribe et Germain Delavign: musique d'AuEER.

Ronde du maçon.

Bon ouvrier, voici l'aurore Qui te rappelle à les travaux.

POPULAIRES. 489

Ce matin, travaillons encore, Le soir sera pour le repos. Tout seul , on s'ennuie à l'ouvrage : Pour l'abréger on le partage, A ton aide chacun viendra, Du courage , Du courage : Les amis sont toujours là.

Bon ouvrier, voici l'dimanche : Ce jour-là tout est ouMié ; Quelle gaité naïve et franche! Trinquons ensemble à l'amitié! Mlaisser boir' seul est un outrage; Mais pour partager mon ouvrage , Et la bouteille que voilà.... Du courage, etc.

Bon ouvrier, quand la tendresse De l'hymen te fait une loi; Lorsqu'à ta gentille maîtresse Tu donnes ton cœur et ta foi, Prends garde , ne sois point volage. Si tu négliges ton ouvrage , Un autre te remplacera :

Du courage ,

En ménage , Les amis sont toujours là.

Paroles de Scribe et G. Delayign'E, musique cTAuber.

Romance de Léonore, ou la moue conjugal.

Fidelio, mon doux ami, Qu'il me larde d'être ta femme : Fille, hélas I ne peut qu'à demi Avouer ce qui s'passe en son àme, Mais sans rougir te caresser. Dans mes bras pouvoir te presser, Te dire à chaque instant : Je t'aime Si le seul espoir du bonheur De plaisir fait battre mou cœur, Qu'est-ce donc que le bonheur mèmei

Accord, fidélité, repos,

Oui tel sera notre partage;

Et bientôt d'jolis p'tits marmots

Viendront embellir not' ménage.

Il me semble déjà les voir

Sur nos genoux grimper, s'asseoir,

Et nous balbutier : Je t'aime!

Si le seul espoir du bonheur

De plaisir fait battre mon cœur,

Qu'est-ce donc que le bonheur même:

Paroles de Bolillt, rousigt de Ga veaux.

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Chanson de table du Calife de Bagdad.

Pour obtenir celle qu'il aime , L'un éblouit par la grandeur : A se voir aimé pour lui-même, Un autre met tout son bonheur. Mes chers amis , dans cette vie Chacun a son goût, sa l'ulie; La meilleure est de bien jouir. Chantons l'amour et le plaisir.

L'un dans les hasards de la guerre Trouve le bonheur de ses jours. L'autre, sous le toit solitaire Du tendre objet de ses amours. Mes chers amis, dans cette vie Chacun a son goût, sa folie; La meilleure est de bien jouir. Chantons l'amour et le plaisir.

Paroles de Saixt-Jcst,

de BOÏELDIEC.

492

Couplets d'Alexis, ou l'Erreur d'un bon Père.

J'airoons que l'on chante gaîment Couplets ou chansonnette, berger à berg'rette Parle d'amour ben gentiment. J'aime , morguenne , Surtout qu'on prenne, Eh! oui, morguenne, J'aime surtout qu'on prenne Quelque joli petit refrain Qui mette tout le monde en train, Qui mette tout le monde en train , Tout en vidant nos verres Comme faisaient nos pères. bit.

J'commençons à m'apercevoir

Qu'il en est d'ia musique

Comme d'ia politique , Dont chacun parle sans savoir. J'aime, morguenne, etc.

Je ne voulons pas me vanter, Mais, si j'puis m'y connaitre, Tel chant' ben haut, peut-être,

Qui bientôt pourra déchanter.

POPULAIRES. 493

Eh! oui, morguenne, Ç'ti-là qu'on traîne, Eh! oui, morguenne, Ç'ti-là, ç'ti-là qu'on traîne Si vite dans son phaéton, Un beau matin , changeant de ton, Ç'ti-là qu'on traîne avec son phaéton , Pourra r'monter derrière* Comme faisait son père.

Paroles de Marsollier . musiqui de Dalayrac.

Romance de Harcellin.

Ce jeune homme, depuis huit jours, Passe souvent sous ma fenêtre. Moi , je fais , usant de détours , Semblant de De pas le connaître. D'éviter son tendre regard C'est en vain que je me propose : J'ai beau fixer l'œil autre part, Je vois toujours la même chose.

Alors je pense à mon devoir; Moi-même tout bas je me blâme, Fermant l'œil pour ne pas le voir ; Son image reste en inon ame.

494 CHANSONS

La nuit je fais nouveaux efforts Pour fuir le mal je m'expose , Mais le sommeil, quand je m'endors. M'offre toujours la même chose.

Fièvre brûlante dans mon sein Soudain m'agite et me dévore ; Je n'aspire qu'au lendemain Pour revoir l'objet que j'adore !... Mon visage, en l'apercevant. Prend la couleur de celte rose. Et je me dis secrètement , Il me manque encor quelque chose.

Paroles de Bernard Yalyille, musique de Lebrun.

Couplets du Traité nu!.

A Paris, et loin de sa mère, Je pouvais la voir chaque jnmr; sous le voile du mystère , Nos yeux seuls se parlaient d'amom Triomphant de sa répugnance, J'obtins un rendez-vous secret... Ah! mon cher oncle, en conscient: . Dites-moi n'ai-je pas bien fait?

N'ai-je pas bien fait? i'

POrrLAIRKS. ' :

Ma Pauline ro<? dit .- Je l'aime Elle me le dit sans parler. Timide aussi je fis de même: Elle sentit ma main trembler. Sans alarmer son innocence. Un baiser' fut pris en secret... Ah ! mon cher oncle , en Dites-moi , n'ai-je pas bie: N'ai -je pas bien fait?

Un rival . dit-on . se présente : La douleur me rend furieux : Mais Pauline, toujours charmante. Promet de rejeter st* vœux. Nous nous sommes juré d'avance Que si l'imprudent épousait.... Ah ! mon cher oncle, en conscience. Dites*moi . n'ai-je pas bien faif

N'ai-je pas bien fait? ^r.

Paroles de Marsoixier, musique de Gâteaux.

Romance de Tfontano et Stéphanie.

Quand nn fut | "îeux .

On aime à voir lever ram A son .- eux,

L'homme juste est piu^ calme $

Plus recueilli dans ce moment, Il jouit d'une ivresse pure, Et rien pour lui n'est si touchant Que le réveil de la nature.

Je vais encor combler les vœux D'une tendre et sensible amante. A la main d'un amant heureux, Je vais unir sa main tremblante. L'attente d'un si beau moment Me remplit d'une ivresse pure, Et me rend encor plus touchant Le doux réveil de la nature.

Paroles de Dejaure, musique de Berton.

Chanson des deux «Tournées.

Un pauvre petit Savoyard Mourait de froid et de souffrance. Un Français passe par hasard, L'entend gémir, vers lui s'avance. L'enfant à la vie est rendu Par son secours , son assistance. Bon Français, Dieu te récompense; Un bienfait n'est jamais perdu.

POPULAIRES. 497

Bientôt sur noire continent

La guerre partout se déclare,

Ce bon Français tombe vivant

Au pouvoir d'un vainqueur harbare.

Un arrêt cruel est rendu

Qui l'condamne à perdre la vie...

Rassurez-vous, parents, patrie,

Cn bienfait n'est jamais perdu.

Le Savoyard s'rend prisonnier, A tous les dangers il s'élance : Trompe gardien , séduit geôlier. Que ne peut la reconnaissance? Par ses soins, l'Français éperdu S'échappe de la tour obscure. Voilà comme dans la nature Un bienfait n'est jamais perdu.

Paroles deBoriLLY. musique deCHÉr.cBiM.

Couplets de Palma.

Petits chagrins de temps en temps Rendent les plaisirs plus piquants. Souvent pour un sujet frivole Notre pauvre cœur se désole.

33

498 CHANSONS

Hélas ! on pleure , on est désespéré . Et puis on rit d'avoir pleuré.

Fille sage qui , par erreur, Trahit le secret de son cœur, Voudrait cacher dans un abîme Cet aveu qui lui semble un crime. Hélas! on pleure, on est désespéré. Et puis on rit d'avoir pleuré.

Léa voit fuir tous ses amants ; Sa sœur reste veuve à seize ans. Toutes deux, lasses de la vie, Veulent mourir de compagnie. Hélas! on pleure, on est désespéré, Et puis on rit d'avoir pleuré.

Paroles de Lemontey , musique de Plantade.

Rondeau des Visitandines.

Enfant chéri des dames,

3e suis en tout pays

Fort bien avec les femmes ,

Mal avec les maris. t

POPULAIRES. 490

Pour charmer l'ennui de l'absence A vingt beautés je fais la cour. Laissant aux sots l'ennuyeuse constance, Je les adore tour à tour. Pourquoi me piquer de constance Quand je vois de nouveaux appas ? Un nouveau goût s'éveille, J'entends à mon oreille Le dieu d'amour me répéter tout bas :

Enfant chéri des dames,

Sois dans tous les pays

Fort bien avec les femmes ,

Mal avec les maris. ttr .

Biais le ciel me seconde, Et veux faire, je crois, L'ami de tout le monde D'un homme tel que moi. Me voici dans la France; Tout ira pour le mieux, Car on aime l'aisance Dans ce climat heureux. Non , il n'est pas de climat plus heureux

Car les amants des dames,

Dans ce charmant pays,

Sont bien avec les femmes,

Bien avec les maris. ter.

Paroles de Picard, musique de Gayeala,

Rondeau d'une Folle.

On De saurait trop embellir Le court espace de la vie ; Pour moi , je veux le parcourir Avec l'Amour et la Folie.

Du Temps rapide qui s'enfuit Rien n'échappe à la faux cruelle; Souvent il la frappe et détriait Jusqu'à la fleur la plus nouvelle.

On ne saurait trop embellir, etc.

Empressons-nous donc de jouir Du charme heureux de la jeunesse Et ménageons un souvenir Qui vienne égayer la vieillesse.

On ne saurait trop embellir Le court espace de la vie ; Pour moi , je veux le parcourir Avec l'Amour et la Folie.

Paroles de Bouilly, musique de Mébut.

Histoire abrégée du Théâtre du Vaudeville.

On a vu dans notre article sur l'opéra ue qne ce genre et celui du

ibord confondus , ont eu une origine commune dans les théâtres de la Foire.

U- théâtre spécial de vaudeville fut à Paris en 1792, époque ou la roclamèe. Plis et Barré, dont les vaudevilles avaient eu à l'Opéra-Comique de grands succès, conçurent le projet de consacrer à ce genre éminemment français une : ils la fondèrent dans la rue de Chartres , sur l'en cerne -..Ue de bal nomu

-Hall d'hiver ou le Panthéon, t l'asile de l'esprit et de la gaieté. Les fondateurs prirent pour Icvhe uu vers

502 CHANSONS

deBoileau dont ils ne changèrent qu'un mot , et ils écrivirent sur leur affiche :

Le Français, malin , créa le vaudeville.

Les premiers auteurs que s'associèrent Piis et Barré, furent Desfontaines, Ra- det, Demautort, Deschamps et Léger, acteur de ce théâtre; mais Piis resta peu de temps dans l'association , et le triumvirat dont le nom fit pendant vingt ans le succès et la fortune du Vaudeville fut composé de Barré, Radet et Desfontaines.

Bientôt ce genre aimahle , dont le succès fut complet , attira beaucoup d'auteurs dont la plume facile embellit le nouveau répertoire; le théâtre du Vaudeville fut surnommé la Boite à l'esprit, et ce surnom fut mérité, grâce aux ouvrages de Desprez , Bourgueil , Prévôt dirai , Philippon-la-Madeleine, le comte et le vicomte de Ségur. Les premiers ouvrages qui furent joués sur ce théâtre étaient légers de fonds ,

POPULAIRES. 503

mais les détails en étaient toujours gra- cieux et les couplets piquants

Les acteurs qui s'étaient formés à ce genre y réussirent complètement et joi- gnirent à un bon ton de comédie l'art de chanter le couplet avec goût et fi- nesse. On distinguait parmi eux Ro- sières, Vertpré, Chapelle, Duchaume, Henri , Julien , Carpentier, mesdames Sara Lescot, Blosseville , Molière, de La Porte , Duchaume. La troupe était remarquable par son ensemble parfait. . Un acteur spécial , Laporte , y rem- plissait le rôle d'Arlequin d'une ma- nière charmante, et avait renouvelé ce genre perdu depuis Carlin et mainte- nant tout à fait oublié.

Les plus jolies arlequinades , qui lui durent en partie leur succès, furent Arlequin afficheur, Colombine mannequin, et quantité de parodies dans lesquelles il imitait d'une façon extraordinaire Talma ; telles que Arlequin taquin et Arlequin Cruello , parodies de Lucrèce et d'Othello. Sa dernière création fut le Né-

50* CHANSONS

zessaire êi le Superflu, pièce dans laquelle il rappela les traditions du meilleur temps de la comédie italienne.

Les premières pièces qui attirèrent la foule au Vaudeville furent la Re- vanche forcée, le Prix, la Matrone d'Êphèse, le Petit Sacristain , Piron avec ses amis', Honorine, ou la Femme difficile à vivre. ' presque avec la Révolution, le Vaudeville fut obligé de faire des con- cessions à l'esprit du jour , mais ce fut toujours avec modération. Cette scène ne fut pas souillée des turpitudes qui déshonorèrent quelques autres théâtres. Ses auteurs furent même accusés de sentiments anti-républicains , lorsqu'en janvier 1793 ils donnèrent la Chaste Suzanne, les patriotes prétendirent voir une allusion au procès de Marie- Antoinette, qui ne devait pas tarder à suivre son époux sur l'échafaud. Au moment Daniel disait aux deux vieillards : «Vous êtes ses accusateurs, vous ne pouvez pas être ses juges ! » des applaudissements et des sifflets rete»-

ES. 505

tirent, et le tumulte devint tel que l'on rit évacuer la salle. Barré , Radet et Desiontaines furent arrêtés. Il n'y avait qu'un pas de la prison à la mort. Ces auteurs se hâtèrent de sacrifier aux cir- constances et de faire des pièces et de» couplets patriotiques qui leur sauvèrent la vie.

Le théâtre du Vaudeville, dont la marotte se changeait quelquefois en férule, vit souvent se renouveler des scènes d'opposition. Léger , dans sa pièce de l'Auteur d'un moment, avait dirigé un couplet contre Chénier , au- teur de Charles IX. Les uns demandè- rent bis , les autres s'y opposèrent. On força l'auteur à brûler sa pièce sur le théâtre.

Plus tard , sous le Directoire , dans une pièce intitulée : Ne pas croire ce qu'on voit, Un couplet dans lequel on crut voir une allusion aux puissants du jour fit fermer le théâtre pendant quelque temps.

Après la période révolutionnaire ,

506 CHANSONS

ie vaudeville reprit toute sa gaieté et 3on esprit de bon aloi ; on y vit un genre de pièces ignoré jusqu'alors, c'est ce qu'on a appelé les pièces de galerie. Le Vaudeville passa successivement en revue maître Adam, Molière, Scarron, Théophile , J. J. Rousseau, Voltaire, Frédéric, Chaulieu , Boursault, ma- dame Deshoulières, Gessner, l'Arioste, Florian , Gentil-Bernard. Un succès aussi brillant qu'estimable couronna Monsieur Guillaume, nom supposé sous lequel on représenta le vénérable et in- fortuné Lamoignon de Malesherbes.

En même temps, le Vaudeville saisis- sait toutes les circonstances , et aucun événement, aucune mode, rien de ce qui prêtait au ridicule ou à la critique n'échappait à ses malins couplets.

A cette époque , le troupeau des au- teurs de vaudevilles s'augmenta d'Ar- mand Gouffé, Georges Duval, Dieulafoi, Ge-rsin, Tournay, Dupaty, du Mersan, Chazet , Vieillard , Sewrin , Joseph Pain et Bouillv: ces deux derniers at-

POPULAIRES. Ô07

tirèrent la foule avec le succès extra- ordinaire qu'obtint leur Fanchon la riel - leuse , sous les traits charmants de maàame Belmcnt.

Noua ne saurions citer les noms de tous les auteurs . ni les titres de toutes les pièces qui enrichirent le piquant toire du Vaudeville pendant vingt ans. Ce répertoire amusant, spirituel et varié, plaisait par son ensemble; cependant quelques pièces eurent la

- B . entre autres la Revue de l'an VI, la Soirée de deux prisonniers, la Leçon de botanique, les quatre Henri, Amour et mystère, Lan tara . le Pauvre Diable, les deux Edmond, la Belle au bois dormant, Gaspard l'Avisé. Jolv était alors le co- mique en réputation du Vaudeville.

Une troisième phase fît connaître de jeunes auteurs qui suivirent les trace3 de leurs prédécesseurs et qui rempla- cèrent ceux que le temps moissonnait ou qui survivaient à leurs succès. Ce furent Désaugiers , Dubois . Rouge- mont, Francis, Moreau , Théaulon ,

508 CHANSONS

Dartois, Mélesville, Bayard, et enfin Scribe, qui commença au Vaudeville sa brillante carrière dramatique par la Visite à Bedlam , une Nuit de la garde nationale, la Somnambule et le comte Ory.

Mais bientôt des tbéâtres rivaux s'élevèrent ; la concurrence s'établit. La plus dangereuse fut celle du Gy- mnase. Barré, devenu vieux, abdiqua, et le Vaudeville passa successivement dans les mains de Désaugiers , Bérard, de Guerchy, Bernard-Léou et Arago. Sous ce dernier directeur, le genre changea ; la Régence et Louis XV devinrent à la mode ; le Vaudeville se jeta en même temps dans le marivaudage et dans le drame. On y vit même des reines et des cardinaux. Puis les courtisanes eurent leur vogue, et arrivèrent Marion de Lorme , Marie Mignot , la Camargo et la Dubarry, avec MM. Ancelot, Lockroi, Paul Duport.

Les flonflons étaient vieux. Les re frains joyeux , les couplets villageois , les épigranmies piquantes cédèrent la

POPULAIRES. 509

place aux grands airs , aux morceau.-: à prétention.

Cependant Arnal , qui remplaçait Joly , avait conservé le privilège de faire rire, et gardait encore quelques traditions de l'ancien vaudeville, grâce aux pièce? amusantes de MM. Dupaty, Duvert et Varin. dans lesquelles il était merveilleusement secondé par Lepeintve jeune.

Un incendie, arrivé en 1836, détrui- sit cette bonbonnière, cette boîte à l'es- prit, dont le petit cadre convenait si bien au genre du Vaudeville. Il fallut chercher un asile ailleurs. On sait que c'est maintenant sur la place de la Bourse, dans la salh> construite pour le théâtre des Nouveautés, que le Vau- deville a fait élection de domicile. il fut dirigé quelque temps par M. Tru- bert, qui n'y réussit pas.

A sa direction peu heureuse succ*éda celle de M. Ancelot , plus homme d'es- prit qu'administrateur. Il est aujoiir- d'hui remplacé par M. Cogniard. Il y a

510 CHANSONS

trop peu de temps que ce directeur s'est mis à la tête de ce théâtre pour que l'on sache s'il sera plus hahile que ses prédécesseurs, et s'il rendra au Vaude- ville sa couleur primitive et ce parfum d'esprit et de hon goût qui en a fait longtemps le théâtre privilégié de la honne compagnie.

Ce qui faisait le charme du Vaude- ville , c'était le mélange des airs sim- ples et joyeux , des naïfs ponts-neufs et des airs les plus jolis des opéras-co- miques qui, hien adaptés aux paroles , leur donnaient de la valeur, et dont les refrains hien choisis leur donnaient de l'esprit. Ces airs connus aidaient le public à retenir les couplets qu'il fre- donnait gaiement en sortant du spec- tacle. Quelques-uns étaient composés exprès et devenaient populaires, comme ceux de Chardini et de Wecht, qui furent les deux premiers chefs d'or- chestre du Vaudeville. Mais celui qui en a composé le plus et dont les gra- cieuses mélodies ont eu le plus de suc-

POPULAIRES. 511

ces et se répètent encore , c'est Doche , qui a composé plus de quatre cents airs, tous jolis et spirituels, qu'il a réunis dans le recueil intitulé : la Musette du Vaudeville. Doche, que l'on ajustement surnommé le Grétry du Vaudeville , est mort en 1825. Son fils , qui lui a suc- cédé , a hérité de son talent.

Théâtres des Variétés,

des Troubadours, du Oyninase,

du Palais-Royal.

Le vaudeville avait eu un théâtre spécial , ce genre avait eu du succès ; tous les autres théâtres s'en emparèrent, et l'un de ceux qui l'exploitèrent des premiers fut le théâtre de la Cité Va- riétés. Une partie de la troupe passa vers 1798 au théâtre de mademoiselle Montansier au Palais-Royal. Le fameux Brunet était du nombre; il fut bientôt rejoint par Tiercelin , Bosquier , Ga- vaudan et quelques autres. Ces acteurs

512 CHANSONS

avaient fait partie de la troupe rivale du Vaudeville , que l' auteur-acteur Lé- ger avait réunie pour fonder le Théâtre des Troubadours. Ces troubadours avaient débuté au théâtre Molière le 4 mai 1799 ; ils passèrent à la salle Louvois le 1er août de la même année, et ces- sèrent d'exister vers le commencement de 1801. C'est de cette époque que date la vogue extraordinaire du théâtre des Variétés qui , après avoir été l'émule de celui du Vaudeville, fut bientôt son égal et le surpassa souvent. Son genre plu» varié, sa gaieté un peu plus hasar- dée , le mélange des pièces gracieuses , bouffonnes, grivoises, poissardes, atti- rèrent la foule, et beaucoup d'auteurs désertèrent la rue de Chartres, quel- quefois le vaudeville pinçait sans rire, pour venir s'enrégimenter dans la nou- velle salle des Variétés, qui venait de s'élever sur le boulevard des Panora- mas. Des vaudevilles aussi amusants que spirituels sortirent de la plume de Désaugiers , Francis . Georges Duval ,

POPULAIRES. 513

Rougemont, du Mersan, Martain ville, Merle, Brazier, Sewrin , Chazet. Plus tard , on vit se joindre à leurs noms ceux de Dartois , Théaulon, Mélesville, Scribe. Mais ces deux derniers allèrent en 1820 fonder une nouvelle rivalité au Vaudeville, en élevant avec M. Poir- son le théâtre du Gymnase.

C'était déjà beaucoup que trois théâ- tres du même genre, ce qui n'empêcha pas, après la révolution de juillet 1830, qu'on ne laissât établir dans l'ancienne ealle desVariétés-Montansier le théâtre du Palais-Royal.

Dieu sait la consommation de cou- plets qui se fait tous les ans dans ces quatre théâtres , sans compter le nom- bre de ceux qui se fabriquent journel- lement pour les théâtres de la Gaîté, des Folies-Dramatiques , des Délasse- ments , du Petit-Lazzari , de Beaumar- chais et même des Funambules , malheureusement on chante aussi. Il faut que la mine soit inépuisable pour fournir à une si prodigieuse exploitation 33

CHANSONS

Vive Henri IV.

Cette chanson fut composée par Collé pour sa comédie de la Partie de chasse de Henri IV. Le premier couplet est plus ancien et date, à ce qu'on croit, du temps de ce prince.

Le second couplet fut ajouté lorsque Louis XVI permit de représenter à Pa- ris cette pièce, que sous Louis XV on n'avait jouée qu'en province.

L'air est celui des Tricotets, que l'on appelait aussi le Pas de Henri IV, parce qu'il se plaisait à le danser.

Cet air fut proscrit pendant la Révo- lution ; la Restauration le remit en fa- veur, et il remplaça la Carmagnole et Ça ira.

En France tontes les époques ont été signalées par des chansons.

Vive Henri Quatre ! Vive ce roi vaillant:

POPULAir>Eï.

Ce diable à quatre A le triple talent De boire et de battre , Et d'être un vert galant.

Chantons l'antienne Qu'on chant'ra dans mille ans :

Que Dieu maintienne En paix ses descendants. Jusqu'à ce qu'on prenne La lune avec les dents.

J'aimons les filles, Et j'aimons le bon vin.

De nos bons drilles Voilà tout le refrain. Oui, j'aimons les filles, Et j'aimons le bon vi:>.

Moins de soudrilles t troublé le sein De nos familles, Si l'iigueux plus humain Eût aimé les fi'.les, Eût aimé le bon vin.

MO CHANSONS

Couplets de Pauline, ou la Fille naturelle.

TOUT POUR DEUX.

Air : Il faut quitter ce que j'adore (du Jockey ).

Si Pauline est dans l'indigence . Moi, grâce au ciel , j'ai de l'argeni Pour une honnête et douce aisance Mon avoir sera suffisant. A la compagne de sa vie On doit offrir un sort heureux. Ah! quand on prend femme jolie, Il faut avoir du bien pour deux.

Loin d'elle je prétends sans cesse Chasser le chagrin , le souci; Et si parfois de la tristesse Elle éprouve le sombre ennui J'égayerai ma douce amie Car moi je suis toujours joyeux. Ah ! quand on prend femme jolio Il faut de la gaîté pour deux.

Pauline , au printemps de son âge , A peine touche à ses quinze ans.

POPLLAÎP.ES. 517

Les travaux, les soins du ménage, Pour elle seront fatigants. Mais j'aiderai ma douce amie : Je me sens fort et courageux. Ah : quand on prend femme jolie , Il faut de la santé pour deux.

Radet.

Couplets de la Petite Manette.

LA RECONNAISSANCE.

Vous qui de prêcher la raison Avez contracté l'habitude , Parmi les vices du bon ton Vous oubliez l'ingratitude. Combien de gens n'a-t-on pas vus. Aux jouks nébuleux de la France , Dénigrer toutes les vertus Et surtout la reconnaissance?

Dans ce beau siècle, l'on a mi& Les mots à la place des choses, d'infaillibles beaux esprits Prennent les effets pour les causes , On parle tant d'humanité, Ou vante tant la bienfaisance...

518 CHANSONS

Eh! messieurs, ayez la bonté D'y joindre la reconnaissance.

L'ami dont le cœur généreux Me fait partager son aisance, Sur mes destins moins malheureux Versa plus d'une jouissance. Il double le bien qu'il me fait En me tirant de l'indigence: Je jouis d'abord du bienfait , Et puis de ma reconnaissance.

Paroles et musique du Cousin Jacques.

Vaudeville de la Soirée des Boulevards.

Je veux , au bout d'une campagne , Me voir déjà joli garçon ; De* héros que l'on accompagne On saisit l'air, on prend le ton : Des ennemis, ainsi qu'des belles On est vainqueur en l's'imitant.

Et r'ii , et r'ian , On prend d'assaut les citadelles, Relan taraplan , tambour battant.

POPCLAIF.ES. 519

Braves garçons que l'honneur mi Prenez parti dans Orléans ; Not' coronel, grand capitaine , Est le patron des bons vivants : Dam' il fallait le voir en plaine Oh le daDger était l'plus grand.

Et r*li , et r'ian , Lui seul en vaut une douzaine , Relan tamplan, tambour battant.

Nos officiers dans la bataille Sont pêle-mêle avec nous tous : Il n'en est point qui ne nous vaille , Et les premiers ils sont aux coups. Un général , fût-il un prince, Des grenadiers se met au rang,

Et r"li, et r'ian, Fond sur Ps'ennemis et vous les rince, Relan tamplan , tambour battant.

Vaillant et fier sans arrogance, Et respecter ses ennemis ; Brutal pour qui fait résistance, Honnête à ceux qui sont soumis; Servir le roi , servir les dames : Voila l'esprit du régiment.

Et r"ii , et r'ian , Nos grenadiers sont bonnes lame», Et vont toujours tambour l.

520 CHANSONS

Viens vite prendre la cocarde ; Du régiment quand tu seras , Avec respect j'veux qu'on te r' garde : Le prince est l' chef, et j' sons les bras. Par le courage on se ressemble : J'ons même cœur et sentiment.

Et r'ii , et r'ian , Droit à l'honneur j'allons ensemble , Relan tamplan , tambour battant.

,.a jeune Agnès devint ma femme;

J'étais le maître à la maison.

Au bout d'un mois, changeant de gamme,

Elle fut pire qu'un dragon.

Pauvres époux, voyez ma peine:

Si je m'échappe un seul instant,

Et r'ii , et r'ian , Relan tamplan elle me mène, Relan tamplan , tambour battant.

Quand un mari fait bon ménage, Que de sa femme il est l'amant, Frauder ses droits est un outrage Que l'on excuse rarement. S'il va courir la prétantaine , Ne peut on pas en faire autant?

Et r'ii , et r'ian , Relan tamplan on vous le mène , Relan tamplan , tambour battant.

Fayakt.

POPULAIRES.

Romance de Fanchon la Vielleuse.

Aux montagnes de la Savoie Je naquis de pauvres parents ; Voilà qu'à Faris l'on m'envoie', Car nous étions beaucoup d'enfants. Je n'apportais, hélas! en France, Que mes chansons, quinze ans, ma vielle et [ l'espérance.

En pleurant, dans chaque village Fanchon allait tendant la main. Pauvre petite , ah! quel dommage! Que n'étais-je sur ton chemin , Lorsque tu n'apportais en France Que tes chansons, quinze ans, ta vielle e [l'espérance:

Quinze ans et sans ressource aucune, Que l'on éveille de soupçons! Cependant j'ai fait ma fortune , Et n"ai donné que mes chansons.

522 CHANSONS

Fillette sage , apporte en France Tes chansons, tes quinze ans, ta vielle et [ l'espérance.

Paroles de Bocilly et J. Pain, musique de Doche.

Couplets de Fanchon la fielleuse.

Lise épouse l'beau Gernance. L' jeune époux a d'ia naissance , La bell' Lise n'en a pas ; Mais elle a beaucoup d'appas. En vain l'orgueil en murmure , L' mari se moque d'tout ça. L'amour, ainsi qu'la nature , N' connaît pas ces distanc's-là.

Jupin, grand épouseux d'belles, S'mariait à des mortelles ; Pour contracter c'bel hymen , EU's n'avaient pas d' parchemin. A sa gentille future L' dieu n' demandait pas tout ça, L'amour, ainsi qu' îa nature, N' connaît pas ces distants* la.

POPti. 5i3

Quand Vénus sortit de l'onde , Elle vint tout' nue au monde ; Elle n'était pas d'qualité ; Mais elle avait d'ia beauté. Chacun , voyant sa figure , S' dit : Noblesse n' vaut pas ça. L'amour, ainsi qu' la nature, N' connaît pas ces distanc's-là.

Paroles de Pain et Bouilly, musique de Doche.

Couplets du Petit Courrier.

Le premier pas se fait sans qu'on y pense : Craint-on jamais ce qu'on ne prévoit pas? Heureux celui dont la douce éloquence , En badinant, fait faire à l'innocence

Le premier pas ! bis.

Au premier pas un bonheur qu'on ignore Sait à nos cœurs présenter tant d'appas, Qu'à son déclin , regrettant son aurore, Femme souventveut qu'on la croie encore Au premier pas. bis.

Le premier pas rarement inquiète Jeune beauté qu'amour prend dans ses lacs;

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Mais sur la route oh le fripon la guette, Plus elle avance et plus elle regrette

Le premier pas. bis.

Paroles de Bouilly et Moreau, musique de Doche.

notice sur Désaugiers.

Marie-Antoine Désaugiers naquit à Fréjus en 1772. Son père, musicien distingué, a composé plusieurs opéras qui dans le temps obtinrent du succès , et entre autres airs qui sont restés vau- devilles, ceux des Jumeaux de Bergamt de Florian. Le jeune Désaugiers reçut une bonne éducation , et dès sa grande jeunesse , il cultiva la poésie. Les Àl- manachs des Muses de 1791 et de 1793 contiennent de lui des pièces se ré~ vêle déjà le sentiment poétique qui s'est fait sentir dans toutes ses cbansons. Il avait vingt ans lorsqu'il donna sa pre- mière pièce au théâtre des Jeunes Ar-

POPULAIRES. 625

tistes. Peu après il s'embarqua pour Saint-Domingue , et se trouva dans cette île au moment l'insurrection des noirs venait d'éclater. Il combattit contre eux, tomba entre leurs mains, et il allait être fusillé lorsqu'un accès de générosité de la part de ces barbares lui sauva la vie. Il raconte lui-même dans la préface du premier recueil de ses chansons comment la gaieté le sou- tint dans les circonstances les plus pé- nibles , et même au moment , les yeux couverts d'un bandeau, il allait recevoir le coup fatal. Cette gaieté, dont Désaugiers eut toujours l'apparence , était plutôt dans son tempérament que dans son caractère, dont le fond était mélancolique. Epanouie dans la société, son âme était rêveuse dans la solitude. S'il a fait des chansons bouffonnes et bachiques , il a fait aussi des romances qui respirent la sensibilité et une grâce touchante.

De retour en France vers 1797, il se livra tout entier au goût du théâtre et

526 CHANSONS

travailla pour les petits spectacles, l'on retirait de ses pièces un gain bien léger , à cette époque les théâtres supérieurs offraient eux-mêmes aux au- teurs d'assez faibles ressources. Il voya- gea avec quelques amis , et leur bourse légère ayant été bientôt épuisée , ils se firent acteurs de circonstance ; mais leur talent ne répondant pas à leur bonne volonté, ils furent obligés de fuir la scène ingrate qui ne les nour- rissait pas , et laissèrent jusqu'à leurs vêtements pour gage.

Ce ne fut que vers 1805 , à l'âge de trente-trois ans , que la réputation de Désaugiers commença par quelques jo- lies pièces aux théâtres du Vaudeville et des Variétés, et bientôt après par sa chanson de Monsieur et madame Denis et son pot pourri de la Vestale.

En 1806, la société du Caveau mo- derne, qui venait d'être fondée, lui donna lieu d'exercer sa verve chan- sonnière; il ne tarda pas à en être nommé président , et en effet, personne

52? ne pouvait lui disputer le sceptre de 1? chanson. On a quelquefois pu l'égaler, mais jamais le surpasser.

Pendant vingt ans, Désaugiers mar- cha de succès en succès, non-seulement au théâtre , mais dans le monde. Il était partout reçu , accueilli , fêté ses jours s'écoulaient dans la joie ; on l*ap plaudissait dans les salons, dans les banquets , ses chansons , chantées par lui , avaient un double attrait , car il les chantait aussi bien qu'il les faisait.

En 1815 , les événements politiques amenèrent la dissolution de la société chantante du Caveau moderne, et le pré- sident changea de trône : il devint di- recteur du théâtre du Vaudeville; il quitta cette direction au bout d'un dizaine d"années, la reprit encore, mai Désaugiers n'économisait ni ses forces ni son esprit ; il abrégea sa carrière en la remplissant trop. Il n'avait que cin- quante-cinq ans lorsque sa santé ro buste chancela sous les rudes assauts qu'il lui faisait soutenir* Yn lit de don-

528 CHANSONS

leurs fut le dernier asile de sa gaieté. L'esprit lutta en vain contre le corps épuisé ; il fit en riant son épitaphe , et ses amis la lurent en pleurant :

Ci-gît, hélas, sous cette pierre, Un bon vivant mort de la pierre. Passant, que tu sois Paul ou Pierre, Ne va pas lui jeter la pierre.

Le 9 août 1827, Désaugiers ne chan- tait plus.

Chanson du Départ pour gasni- ftlalo.

Air breton.

Rien n'était si joli qu'Adèle, Qui , grâce à Lucas , Arrivait à grands pas A l'âge l'amour dit tout bas : Amusez-vous , Belle aux yeux doux , Amusez-vous , Trémoussez-vous,

P0PCL.MF1ES. 529

Amusez-vous, belle;

Amusez-vous ,

Ne craignez rien , Trémousser.-vous bien.

Un jour Lucas surprit Adèle Au fond d'un p'tit bois , l'drôle en tapinois Lui chanta pour la premier' fois : Amusez-vous , etc.

Ce r'frain amusa tant Adèle Qu'avant de s'quitter, Sans pouvoir s'arrêter, Elle et Lucas n'fir'nt que chante;' .- Amusez-vous , etc.

Mais un jour que sur l'herb' nouvelle Adèl' chantait ça, Un gros loup la croqua... Fillettes, d'après c'te l'çon-li. Méfiez-vous D'ce r'frain si doux : Amusez-vous , Trémoussez-vous , Amusez-vous , belle ; Amusez-vous, Ne craignez rien, Trémoussez-vous bien.

ihSALGIKRS-

34

r.o

Vaudeville de H. Dumollet.

LE DÉPART POUR SÀINT-MÀLO.

Bon voyage,

Cher Dumollet,

A Saint-Malo débarquez sans naufrage.

Bon voyage,

Cher Dumollet,

Et revenez si le pays vous plaît.

Peut-être un jour une femme charmante Vous rendra père aussi vite qu'époux; Tâchez c'te fois qu'personn' ne vous dé- [ mente Quand vous direz que l'enfant est à vous.

Bon voyage , etc.

Si vous venez revoir la capitale, Méfiez-vous des voleurs, des amis, Des billets doux , des coups , de la cabale, Des pistolets et des torticolis.

Bon voyage , etc.

POPULAIRES. Ô3J

Dumollet.

Allez au diable: et vous et votre ville, j'ai souffert mille et mille tourments.

Au public.

Il vous serait cependant bien facile

De m'y fixer, messieurs , encor longtemps.

Pour vous plaire je suis tout prêt A rétablir ici mon domicile.

Faites connaître à Dumollet S'il doit rester ou faire son paquet.

DÉSACGIEUS.

Couplet dTne IVuit de la Garde nationale.

Je pars; Déjà de toutes parts La nuit sur nos remparts Étend son ombre Sombre ; Chez vous, Dormez , époux jaloux , Donne: , tuteurs , pour vous

1

532 CHANSONS

La patrouille

Se mouille.

Au bal Court un original, Qui , d'un faux pas fatal Redoutant l'infortune, Marche d'un air contraint. S'éclabousse... et se plaint D'un réverbère éteint Qui comptait sur la lune.

Un luron Que l'instinct gouverne A défaut de sa raison , Va frapper à chaque taverne , Les prenant pour sa maison J'examine Cette mine , Qu'enlumine Ui. rouge bord, Quand au poste Qui l'accoste, Il riposte : Verse encor.

Je vois Revenir un bourgeois Qui , charmé de sa voix , Sort gaîment du parterre;

POPULAIRES. 53'

îl chante et, plus content qu'un dieu, Il écorche avec feu Un air de Boyeldieu.

Plus loin , Près du discret cousin, En modeste sapin Rentre la financière , Quand sa couturiènc Sort de Tivoli Dans le galant vriski Que prêta son mari, A mes yeux s'ouvre une fenêtre Que lorgnait un amateur; Mais je crois le reconnaître , Et ce n'est point un voleur.

Je m'efface Pour qu'on fasse Volte-face A l'instant; Car la belle, Peu cruelle, Était celle Du sergent.

Jugeant, En chef intelligent, Que rien n'était tu

Quand la ville

Est tranquille,

534 CHANSONS

Je rentre, et voici, général, Le récit littéral Que fait le caporal.

Scribe.

Notice sur Brazter.

Nicolas Brazier, en 1783, se res- sentit, comme tous les jeunes gens de son époque, de l'interruption des bonnes études , et ce ne fut que plus tard qu'il chercha à réparer ce qui avait manqué à son éducation première. Une vocation irrésistible fit de lui un chansonnier. Il n'avait pas vingt ans lorsqu'il cher- cha à marcher sur les traces des Collé, des Panard, des Laujon. Il fut encou- ragé dans ses premiers essais par Ar- mand Gouffé, et il alla bientôt s'asseoir au Caveau moderne, dont il a été un des membres les plus remarquables. Il était impossible que le goût de la chanson ne lui inspirât pas le désir de faire

POPULAIRES. 535

chanter ses couplets sur le théâtre ; aussi s'essaya-t-il dans les petits spec- tacles des boulevards , en s'associant à des auteurs qui avaient peut-être plus que lui le sentiment dramatique , mais qui n'avaient pas cette verve chanson- nière , cette facilité du couplet , qui ont toujours été son caractère distinctif. Son goût se forma, et bientôt il prit sa place parmi les auteurs qui se faisaient remarquer au théâtre du Vaudeville et à celui des Variétés , à cette époque les couplets étaient pour beaucoup dans les succès qu'on y obtenait. Brazier a fait sa part dans plus de deux cents pièces, avec Désaugiers, Rougemont, Carmouche , Mélesville, Merle. Le col- laborateur auquel il a été le plus fidèle est du Mersan , avec qui il a fait soixante vaudevilles dont la plupart ont eu de grands succès , et parmi les- quels on compte les Cuisinières, les Bonnet d'Enfants, les Ourrter*. le Soldat labou- reur, les Brioches à la mode, Monsieur Ca- gnard, etc.

536 CHANSONS

Il faut défendre Brazier d'un re proche d'ignorance dont on s'est plu à le stigmatiser. Il n'était pas savant , il l'avouait lui-même et le disait peut- être trop; mais quelque peu d'études qu'il eût fait, il savait un peu plus de latin que n'en savent quelques vau- devillistes d'aujourd'hui. Cela n'ôtait rien à son esprit, à sa gaieté. Boursault, qui ne savait pas le latin , n'en a pas moins fait de très-jolies comédies; et Béranger, qui dit lui-même qu'il ne l'a jamais su , est un de nos premiers poètes. Brazier, si gai dans ses poésies, si entraînant dans ses couplets, qu'il chantait comme Désaugiers , était dans ses relations sociales d'une simplicité, d'une bonhomie remarquables , et sou- vent distrait au point d'oublier le monde dont il était entouré pour converser avec sa muse chantante.

Ce n'est pas tout que d'être homme d'esprit et aimable chansonnier; Bra- zier fut plus que cela : il fut homme de bien par excellence. Beaucoup de

POPULAIRES. 537

personnes pensent qu'un vaudevilliste est un homme essentiellement frivole; on ignore communément que la vie privée ne ressemble pas toujours à celle des coulisses et des banquets joyeux, et que l'âme qui s'épanche en refrains spirituels et gais renferme des pensées profondes. C'est à l'amitié sincère, c'est aux relations de famille qu'il faut de- mander le secret de la vie intime, et celui qui a connu Brazier depuis sa plus grande jeunesse jusqu'à son der- nier jour peut dire qu'il s'oublia tou- jours lui-même pour sa femme , ses enfants, ses frères, et qu'il remplit avec la plus stricte sévérité les devoirs qu'im- pose le sentiment d'une probité intacte.

Brazier a laissé quelques écrits lancés dans des recueils périodiques et une histoire légère et amusante des petits théâtres : mais sod bagage le plus glo- rieux est le recueil de ses chansons , qui peut marcher immédiatement après ceux de Désaugiers et de Bérangex.

Au. commencement de 1838 , Braziei

538 CHANSONS

avait ressenti quelques atteintes du ma. qui devait l'emporter; il prévoyait le terme de sa vie, et dans ses entretiens familiers avec celui qui écrit ces lignes il en parlait avec une résignation phi losophique. S'il craignait de mourir, ce n'est pas qu'il estimât beaucoup la vie, c'est qu'il savait que la sienne pou- vait être utile à ceux qu'il aimait. Il succomba à une maladie de foie le 22 août , âgé seulement de cinquante- cinq ans, au même âge que Désaugiers.

lie Départ du Grenadier.

CHANSON DE LA PIÈCE DES CUISINIÈRES.

Guernadier, que tu m'affliges En m'apprenant ton départ. Va dire, à ton capitaine Qu'il te laisse en nos cantons, Que je serai bien aise,

Contente, ravie, De t'y voir en garnison.

TOPULAIRES. 53"

Ma Fanchon , sois-en ben sûre , Je ne t'oublierai jamais ; C'est ton amant qui te l'jure , Et crois bien qu'il n'aura pas Le cœur assez coupable,

Perfide , barbare , D'oublier tous tes attraits.

Guernadier, puisque tu quittes Ta Fanchon , ta bonne amie; Tiens, voilà quatre chemises, Cinq mouchoirs , un'pair' de bas : Sois-moi toujours fidèle,

Constant, sincère, Je ne t'oublierai jamais.

Du Mersan et Brazier.

lie Retour du Conscrit.

CHASSON DE LA. PIECE DU SOLDAT LABOUREUR.

« Ah ! que je suis donc chagrinée Que mon amant s'est engagé !

Je pleure tous les soirs,

Que je peux pas savoir

Quand je vas le revoir.

543 CHANSONS

Y a deux ans qu'il est parti Avec son beau fusil, Pour tuer les ennemis.

Ah ! bah ! la bell' ne pleurez pu , Que votre amant est revenu.

J'vous r'connais; en partant,

Vous étiez paysan ,

A présent, changement5.

Comni' tu es-t-habillé!

Te voilà retapé

Comme un vrai grenadier.

François', ma mignon', mon tendron Je reviens pour fair' la moisson.

Je suis un beau guerrier Qui n'a pas déserté ; Je viens pour fépouser. François', ma mi', mon cœur, Donne-moi tes faveurs , Je suis ton serviteur. »

Du Mersan et Brazieu.

POPULAIRES.

Couplets du Soldat laboureur.

Air : Ce magistrat irréprochable.

Au beau pays qui m'a vu naître Utile jusqu'au dernier jour, Apprenez que Francœur veut être Soldat, laboureur tour à tour. Les champs qui nourrissent ma mère, Je dois savoir, en bon Français, Les défendre pendant la guerre, Les labourer pendant la paix.

Air de ma Tante Aurore.

Je vais , par l'ordre de ma mère , Me mêler à nos travailleurs, Mais , hélas ! je ne serai guère Qu'un conscrit près des moissonneurs. Combien de fois, dans une affaire, J'ai vu, mon cœur en gémissait, Le blé que l'on foulait à terre, Et la moisson qu'on écrasait!... Heureux qui peut, après la guerre, Réparer le mal qu'elle a fait !

Du Mersan et Brazier.

542

Couplets des Bonnes d'Enfants.

Air du Comte d'Erfort.

MARGUERITE.

En attendant Que j'rencontre un' personne Qui soit honnête et qu'ait du sentiment, Qu'pour le mariage à lui mon cœur se [donne, Monsieur Jean-Jean , il faut que je sois En attendant. [bonne,

JEAN-JEAN.

En attendant Qu'un autre se présente, D'vous fair'Pamourje serais bien content. Faut que j'écrive au pays , à ma tante ; Mais permettez, mamscll' que j'vous fré- ta attendant. [quente,

Dd Mersan et bi;.\/.[i;;;.

POPULAIRES 54?

Chanson du Rempailleur

DANS LE COIN DE RCE.

En revenant de Versaille, Un rempailleur rencontra Un' fille de belle taille ; Lui dit : Mettez vot' ch^ On vous la rempaille , paille , paille , On vous la rempaillera. >

La chaise étant rempaillée, Lui dit : « Asseyez-vous la. » Mais la fill', qu'était rusée , Repond : « Monsieur, ça niTus'ra. (—En vérité? petite mère. Eh bien...) On vous la rempaille, paille, paille, On vous la rempaillera. »

Jeunes fill's , prenez vos aises Quand l'occasion s'irouvera.

. jnez pas d'user vos chaises ; Y aura toujours quéqu'un la... (Et ce quelqu'un là, mes petites chattes ni, )

■a les rempaille, paille, paille, Qui vous .es rempaillera.

Du Mef.sas ti BRAZIEr..

Vaudeville du Coin de rue.

LES AFFICHES.

Air : La petite Javotte.

BRINDAVOINE.

L'moindre effet qui nous manque.' Un s'rin qui s'fait chercher, Un chien , un billet (Tbanque, Vlà c'qu'on fait afficher, Eh! oui, v'ià c'qu'on fait afficher. Mais, au coin d' chaque rue Oh l'on porte ses pas , La probité perdue, Vlà c'qu'on n'affiche pas.

Pour se venger d'un' femme Dont il n'peut s'approcher, En enrageant d'ans l'âme , Un fat va l'afficher, Eh ! oui , le fat va l'afficher Parlez-moi d'un compère Qui vous dirait tout bas :

POPULAIRES. 54i

« À dimanch', ma p'tit' mère, Et je n' t'affich'rai pas. »

JÉRÔME.

Des malins , à la ronde, S'amusent à chercher Des paquets sur tout l'monde Vlà c'qu'ils vont afficher, Eh ! oui , v'ià c'qu'ils vont afficher. Mais comme un jour ils doivent Étr' payés d'ieux éclats , Les danses qu'ils reçoivent, Vlà c'qu'ils n'affichent pas.

Lorsqu'un' fill' se marie, Son âV, qu'ell' n'peut cacher, Aux portes d'ia mairie , Vlà c'qu'on fait afficher, Eh ! oui , v'ià c'qu'on fait afficher. Mais c'que souvent la belle Perd , en fsant un faux pas , Pour marier la d'moiselle , Vlà c' qu'on n'affiche pas.

UARIOLLE.

Une pièce nouvelle

Que Ton vient d'ébaucher.

5îS CHANSONS

Dès l'matin, avec ?7!e, Vlà c'qu'on fait afficher, Eh! oui, v'ià c'qu'on fait afficher. Mais quand l'auteur succombe , Honteux, il dit tout bas : « Une pièce qui tombe , Vlà c'qu'on n'raffiche pas. »

Du Mersan et Braziei;.

Gentil Bernard.

0 Fontenay, qu'embellissent les i Avec transport toujours je te revois. Ici l'amour, de fleurs fraîches écloses , Me couronna pour la première fois.

Dans ma Claudine, attraits, douceur, sirn- [ plesse , Tout m'enivrait : j'étais fier de mon choix. Avec quel feu je peignais ma tendresse ! Qu'on aime bien pour la première fois :

Depuis dix ans, ignorant sa retraite, De vin^: beautés j'ai cru suivre les lois.

POPULAIRES.

Toujours on cherche, on désire, on re- Ce qu on aima pour la première :

Paroles de Le Prévost i/Iray et Philippon la Madeleine. musique de Doche.

Vaudeville des Trois Cousine*.

la bonne aventure.

Jeunes filles qui portez

Blonde cherelure, L'amour vient de tous côtes Rendre hommage à vos beautés. La bonne aventure, ô gué:

La bonne aventure!

Longue souffrance , en aimant,

Est chose bien dure, Mais lorsqu'un heureux amant Plait au premier compl:. La bonne aventure, ù gué!

La bonne aventure:

Voir sans obstacle un ami Bagatelle pure î

5*8 CHANSONS

Mais pour un amant chéri Tromper tuteur ou mari , La bonne aventure, ô gué ! La bonne aventure!

Si l'Amour d'un trait malin

Vous a fait blessure, Prenez-moi pour médecin Quelque joyeux boute-en-train. La bonne aventure, ô gué !

La bonne aventure !

Suivons un penchant flatteur,

Sans peur du murmure. Est-ii plus grande douceur Que celle que donne au cœur La bonne aventure, ô gué ! La bonne aventure ?

Dan-court.

Bonde de la Marchande de Goujons.

C'est l'amour, l'amour, l'amour, Qui fait le monde A la ronde ,

POPULAIRE? . 549

Et chaque jour, à son tour Le monde fait l'amour.

Qui rend la femme plus docile , Et qui sait doubler ses attraits? Qui rend le plaisir plus facile? Qui fait excuser ses excès?

Qui sait rendre sensibles

Les grands dans leurs palais?

Qui sait rendre accessibles

jQsques aux sous-préfets?

C'est i'amour, l'amour, l'amour, etc.

Qui donne de l'âme aux poètes . Et de la joie à nos lurons ? Qui donne de l'esprit aux bêtes Et du courage aux plus poltrons?

Qui donne des carrosses

Aux tendrons de Paris?

Et qui donne des bosses

A beaucoup de maris ?

C'est l'amour, l'amour, l'amc ur, etc.

Que fait une nouvelle artiste

Qui veut s'assurer des amis ?

Que fait une jeune modiste

Pour se mettre en vogue à Paris ? Que font dans les coulisses Les banquiers , les docteurs ?

550 CHANSONS

Et que font les actrices Avec certains auteurs?

C'est l'amour l'amour, l'amour, etc.

Sur les rochers les plus sauvages , Dans les palais , dans les vallons , Dans l'eau, dans l'air, dans le* bocage: Sous le chaume , dans les salons ,

Que font toutes les belles,

Les amants , les époux?

Que font les tourterelles

Et même les coucous ?

C'est l'amour, l'amour, l'amour, Qui fait le monde A la ronde, Et chaque jour, à son tour, Le monde fait l'amour.

Dartois et Francis d'ALLARDE.

Lantara.

Ah ! que de chagrins dans ma vie ! Combien de tribulations ! Dans mon art en butte à l'envie ! Trompé dans mes affections ! bis.

POPULAIRES. 551

Viens rn'arracher à la misanthropie,

Jus précieux , baume divin : Oui , c'est par toi , par toi seul que j'oublie

Les torts affrenx du genre humain, bis.

A jeun je suis trop philosophe,

Le monde me fait peine à voir,

Je ne rêve que catastrophe,

A mes yeux tout se peint en noir. bis. Mais quand j'ai bu, tout change de figure :

La riante couleur du vin Prête son charme à toute la nature,

Et j'aime tout le genre humain. bis.

B.-vr.r.Ê. Radet, Desfo.^taînes et Picard.

Vaudeville du Pauvre Diable.

UN BIENFAIT N'EST JAMAIS PERDU.

Air du vaudeville de Haine aux femmes.'

J'étais sans asile et sans pain, Dans la plus affreuse indigence, Femme sensible, à ma souffrance k 6U mettre un terme soudain.

552 CHANSONS

Mon cœur lui paye avec «6ure Tout ce qu'au sien il était dû. Voilà comme dans la nature Un bienfait n'est jamais perdu.

FLO RUELLE.

Depuis dix ans, le vieil Alain Était époux sans être père, Il accueille dans sa chaumière Le jeune Lucas , son voisin. Il le fête, il le considère; A sa femme Lucas a plu : Avant un an Alain est père... Un bienfait n'est jamais perdu.

De l'enfant qui nous doit le jour Nos soins protègent l'existence, Et notre sage surveillance Sait lui garantir notre amour. Lorsqu'il grandit, tout nous assure Qu'il rendra ce qu'il a reçu. Voilà comme dans la nature Un bienfait n'est jamais perdu.

Avant d'en avoir une à lui , Pau\ courtisait la femme à Pierre.

POPULAIRES.

11 vient de prendre un' ménagère. Et PierrMa courtise aujourd'hui. Ainsi , dans cette conjoncture , Chacun rend ce qu'il a reçu. Voilà comme dans la nature Un bienfait n'est jamais perdu.

HENRIETTE.

Si la critique , avec aigreur, Vient décourager le poète , Sa lyre alors devient muette , Il voit s'éteindre son ardeur. Mais si le public l'encourage, Bientôt son travail assidu Va produire un meilleur ouvrage. Un bienfait n'est jamais perdu.

Parole de Du Mehsan et Roucemont musique de Doche.

Couplets de la Jeune Jlère.

En deux moitiés . dit-on , le sort A partagé notre existence ; De ces deux moitiés, sans effort, L'autre a toujours la préférence.

CHANSONS

I.a femme est tout pour notre cœur, Et du ciel la bonté suprême, D'un époux mit tout le bonheur Dans l'autre moitié de lui-même.

Le ciel, chez l'homme, dans son jjur, Fit briller l'esprit, la science, La valeur, quelquefois l'amour, Et de temps en temps la constance Par un don qui charme encor plus . Pour embellir des nœuds suprêmes, 11 plaça toutes les vertus Dans l'autre moitié de nous-mêmes.

Paroles de Dupaty, musique de Doche

Couplet* des amours d'été. Àir de Saint-Onge.

Avec les jeux dans le village, Quand le printemps fut de retour, Je méprisai le tendre hommage De tous les bergers d'alentour.

POPCLAIP.ES. 555

Mais l'été me rend moins sauvage, Et je me demande à mon tour Ce qui m'enflamme davantage, De la saison ou de l'amour.

Tandis que je me mets en En travaillant dans ce séjour, Mon cœur voleàTt Chez Guillot, qui me fait la cour. Mais ce qui m'ôte le courage , C'est que , sur le déclin du jour, Je vois la fin de mon ouvrage, Sans voir la fin de mon an.

A porter dans un seul voyage, Que mon panier me semble lourd !... Du moins, s'il passait un nuage, Le trajet semblerait plus court. Sous ces arbres du voisinage Évitons la chaleur du jour :

I élas! il n'est pas d'ombrage Qui mette à l'abri de l'amour.

Pus et BAr.r.è.

556

lia Dot «1* Auvergne.

Pour dot ma femme a cinq sous, Moi quatre , pas davantage ! Pour monter notre ménage, Hélas ! comment ferons-nous? Cinq sous!... cinq sous!... Pour monter notre ménage , Femme , comment ferons-nous ?

Eh bien , nous achèterons Un petit pot pour soupière; Avec la même cuillère ) .

Tous les deux nous mangerons, i

Pour dot, etc.

Eh bien, nous vendrons de l'eau, Que l'on trouve à la rivière, Toi devant, et moi derrière, ) . Nous pousserons le tonneau. »

Pour dot, etc.

Si Dieu nous donn' des enfants , Quand nous n'aurions que des filles

FOPCLAIF.ES. 5^7

Pourvu qu'elles soient gentilles, ] . Nous leur dirons à vingt ans : j ,s*

Mes enfants, voilà cinq sous Pour monter votre ménage; Avec ça, quand on est sage , Toujours on trouve un époux.

Cinq sous! cinq sous 1 Allez chercher un époux.

Musiaue de I.oïsa Plget.

Bonde de \ewgate, ou les Voleurs de Londres.

Y a pus d'plaisir que d'peine , La briguedondaine ,

A s' voir mis sous l'scellé, La briguedondé.

Accourez à Newgate , Pour donner à vos maux

Du r'pos ; On n'y port' pas d'mancheite, Mais on y faii jabots.

Y a pus d'plaisir, etc*

CHANSONS

On vous donn' d'ia bomi' soupe Et des bons zharicots

Tout chauds ; Vot' viande on vous la coupe, D'peur d'user vos couteaux.

Y a pus d'plaisir, etc.

V'nez voir leux bell's ouvrages De paille et de cocos,

Badauds ; C'qu'y a d'raieux, dans l's'étalages, C'est qu'ils n'payent pas d'impôts.

I a pus d'plaisir, etc.

Ainsi qu'ces vins qu'on vante Et qu'on lient rassemblés

Sous clés , Pour qu'aucun d'vous n's'évente On vous a tous fic'lés.

y a pus d'plaisir que d'peine,

La briguedondaine, k s'voir mis sous Psccllé,

La briguedondé.

Paroles de Sauvage.

POPULAIRES.

Sous-Lieutenant.

CHAXSON DE TABLE.

Un sous-lieut'nant accablé de besogne, Laissa sa femme un p:ur emboîter Eli* parut seul' pour le bois de Bou. En emportant un dragon sous son bras... Drinn, drinn, drinn, drinn. drinn, drinn, Drinn, drinn, drinn, drinn, drinn, drinn

D'un' tell' connanc* le dragon était à i Pendant trois jours il fut tri - Y en a qui dis'nt qu'ils péchaient à 1 . Moi je soutiens qu'ils ont herborisé... Drinn, drinn, drini.

I e sous-lieut'nant, le désespoir dan? I Au bois d' Boulogne accourut tout inquiet:. Mais l' malheureux quand y i^ trouva sa fem- Futparfait'ment convaincu qu'ilétar.. Drinn, drinn, drinn, etc.

Paroles de M. LÉOH Gozlan, musique de M. J. Nap.geot.

1 tnufiçnf te tr uie chex M. BfULli. e

; Le Lion j 1 acte, de M- Ltos Goila*, •n \ent« o-ei M rj . frexei, 1, rua V<-

tfcoae. Prix : 1 tr.

560 CHANSONS

Mon Ut solitaire de célibataire.

Mon lit, mon lit, mon pauvre lit,

Mon lit solitaire

De célibataire , Par qui je suis heureux la nuit (bis).

Sait-on pourquoi , pauvre poëtc, J'aime tant ce lit de noyer, C'est qu'à lui seul , dans ma chambrette , Il me tient lieu de mobilier. Ma table et ma dernière chaise, On a pu les prendre à loisir; Mais, cher huissier, ne t'en déplaise, Défense à toi de le saisir. Mon lit , etc.

Le vent , à Tentour de ma chambre , A beau faire sa grosse vois , Sous mes rideaux , même en décembre Je me ris du marchand de bois. Oh! quand il neige ou quand il gèle. Quand sur mon lit, mon seul plafond, J'entends la pluie ou bien la grêle, Comme alors tu me semblés bon l Mon lit, etc.

POPULAIRES. 561

Si l'amitié plaint mes alarmes, Toi tu me consoles bien mieux; Le soir, pour arrêter mes larmes, Doucement tu fermes mes yeux. Pour la douleur le meilleur hôte, Le seul abri , c'est le sommeil. Et si je médite une faute , La nuit tu me portes conseil. Mon lit, etc.

Vers un but, vers une espérance, Lorsque j'ai couru vainement, Je m'endors arec confiance : Le bien vient, dit-on , en dormant. La fortune, je l'imagine, Viendra me prendre entre deux draps ; En attendant mieux , qui dort dîne, Et je lui dois plus d'un repas. Mon lit, etc.

I/bymen parfois fait ma chimère; Oui , mais dans ce troisième ciel, La lune rousse d'ordinaire Succède à la lune de miel. Après quelques mois de ménage, Le mari , fronçant le sourcil , Doit compter bien des jours d'orage, Et dit tout bas donc est-il? Mon lit, etc.

562 CHANSONS

Les Girondins. .

On a donné le nom de Girondins aux membres du parti modéré de l'ancienne Constituante, parce que les chefs de ce parti appartenaient au département de la Gironde.

Les Girondins étaient incontestable- ment l'élite de la représentation natio- nale, à raison de leur talent, de leur courage et de leur patriotisme éclairé. Hommes énergiques, ils voulaient la révolution et toutes ses conséquences ; mais ils différaient des Montagnards sur les moyens d'obtenir ce résultat ; ils avaient horreur du sang, et Marat répé- tant chaque jour dans son journal Y Ami du Peuple qu'il fallait abattre trois cent mille têtes pour consolider la liberté, n'était pour eux qu'une bête féroce, un fou furieux qu'il fallait à tout prix em- pêcher de nuire.

POPCLAIHES. 553

Entre les Girondins, qui voulaient éclairer et convaincre, et les Monta- gnards ou Jacobins, qui voulaient pro- scrire et égorger, l'issue de la lutte ne pouvait être douteuse: que peut la raison contre le sabre ou plutôt contre la guil- lotine, qui était alors l'ultima ratio de la Montagne?

Dans la séance du 2 juin 1793, la Convention décréta l'arrestation de tren- te-deux de ses membres, au nombre desquels sont tous les Girondins les plus influents. Plusieurs parvinrent à se soustraire à l'exécution de ce décret et tentèrent d'insurger quelques départe- ments ; mais la petite armée à la tête de laquelle ils s'étaient mis pour mar- cher contre la Convention fut battue près d'Évreux, et ses chefs furent dis- persés ou pris.

Le 3 octobre, sur la proposition d'A- mar, la Convention décrète la mise en accusation des chefs de la Gironde, qui, le 24 du même mois, comparaissent de- vant le tribunal révolutionnaire au nom-

564 ÇHAW8ÛIWS

bre de vingt-un. C'étaient Antiboul, Gesterpt-Beauvais, Boileau, Brissot, Carrât, Ducos, Duchâtel, Laure-Du- perret, Duprat, Sanchet, Boyer-Fon- frède, Gardien, Gensonné, Lacaze, La- source, Lehardy, Mainvielle , Brulard- Sillery, Valazé, Vergniaud, Vigée.

Leur attitude est calme et noble, et ils entendent sans faiblir prononcer l'arrêt qui les envoie à l'échafaud. Sil- lery, qui marchait avec des béquilles, les jette en s'écriant : « Je n'en ai plus « besoin : ce jour est le plus beau de « ma vie ! » Lasource se lève et dit en s'adressant aux juges : « Je meurs le «jour le peuple a perdu la raison; « vous mourrez le jour il l'aura re- « couvrée. » Valazé tombe aux pieds de ses amis, qui le relèvent t « Est-ce que « tu as peur? lui demande l'un d'eux. « —Moi, répondit-il, je meurs ! » Il ve- nait de s'enfoncer un poignard dans le cœur.

Dans la nuit qui suivit leur condam- nation, ils firent un dernier repas pen-

POPULAIRES 565

dant lequel tous montrèrent la plus grande liberté d'esprit ; Vergniaud, qui portait du poison, le jeta, afin de mourir avec ses amis. A la suite de ce banquet funèbre, ils cbantèrent jusqu'au jour des hymnes à la liberté, et ce fut en chan- tant qu'ils arrivèrent au pied de l'écha- faud. Là, tous se donnèrent le baiser de paix et d'adieu. Sillery monta le pre- * mier, salua le peuple, et sans pâlir, il se coucha sur la planche. Le couteau remonta vingt fois vers le ciel et re- tomba vingt fois! Jamais l'échafaud n'avait dévore à la fois tant d'illustres victimes.

Eu 1847, inspirés par l'admirable his- toire de ces grands citoyens, que venait de publier M. de Lamartine, MM. Alexan- dre Dumas et Maquet composèrent des strophes qui furent chantées sur le théâtre Historique, elles obtinrent un immense succès. Ces strophes et surtout la musique sur laquelle elles étaient chantées, devinrent promptement popu- laires ; elles furent le chant de guerre

566 CHANSONS

des combattants de Février, et peut-être est-ce à l'enthousiasme excité par elles que le peuple dut sa victoire.

Par la voix du canon d'alarme La France appelle ses enfants : Allons, dit le soldat : Aux armes î C'est ma mère, je la défends. Mourir pour la patrie ! (bis) C'est le sort le plus beau, le plus digne d'en- [vie. [bis)

Nous, amis, qui loin des batailles, Succombons dans l'obscurité, Vouons, du moins, nos funérailles A la France! à sa liberté ! Mourir pour la patrie! (bis) C'est le sort le plus beau, le plus digne d'en- [vie. (bis)

Frères, pour une cause sainte, Quand chacun de nous est martyr, Ne proférons pas une plainte, La France un jour doit nous bénir. Mourir pour la patrie ! (bis) C'est le sort le plus beau, le plus digne d'en- (vie. (bis)

' Du créateur de la nature Bénissons encor la bonté,

POPULAIRES. 567

Nous plaindre serait une injure, Nous mourons pour la liberté. Mourir pour la patrie ! {bis} C'estle son le plus beau, le plus di^ne d'en- [vie. (bis) Paroles de MM. Alexandre Dumas et Maqcet, musique de M. A. Vap.ney.

1 Les deux premiers couplet» feulement sont de

MM Alexandre Dumas et Maquet, et extraits de

la pièce : Le Chevalitr de Maison-Rouge, en Tente

H. MicaiL Ltvr frères, me Vivienne , 1.

Prix : 1 fr.

Le Chant des Ouvriers.

Il est difficile de juger ses contem- porains et de choisir parmi ceux qui prétendent à la lyre ceux qui peuvent se survivre à eux-même. Eu ce temps de suffrage universel, il n'est plus per- mis de s'en rapporter à un autre juge- ment qu'à celui du plus grand nombre, et l'auteur des Bœufs et du Chant des Ouvriers nous est naturellement venu à l'esprit.

Pierre Dupont a fait des chansons et de la musique sans le savoir ; ses chants

SG8 CHANSONS

deviennent populaires, son tour vien- dra d'être jugé, classé, étiqueté, en at- tendant on le chante. Nous nous fai- sons un plaisir de communiquer à nos lecteurs celle de ses œuvres qui, dans ce temps de commotion , a une signi- fication plus expressive; nous pouvons affirmer que le Chant des Ouvriers était fait longtemps avant février 1848, et qu'il a même séjourné dans nos cartons d'éditeur avant d'arriver à la popula- rité ; quand on devaDce la circonstance, on peut espérer de lui survivre.

Nous dont la lampe, le matin, Au clairon du coq se rallume, Nous tous qu'un salaire incertain Ramène avant l'aube à l'enclume, Nous qui des bras, des pieds, des mai ns, De tout le corps luttons sans ce.^e, Sans abriter nos lendemains Contre le froid de la vieillesse.

Aimons-nous, et quand nous pouvons Nous unir pour boire à la ronde, Que le canon se taise ou gronde,

liuvons (ter) h l'indép2ndance du monde !

?OPl"L 569

Nos bras, sans relâche tendus Aux flots jaloux, au sol avare, Ravissent leurs trésors perdus, Ce qui nourrit et ce qui pare : Perles, diamants et métaux, Fruit du coteau, grain de la plaine ; Pauvre- >elsbonsmanteau3

Il se tisse avec notre laine!

Aimons-nous, etc.

Quel fruit tirons-nous des labeurs Qui courbent nos maigres échines! vont les flots de nos sueurs ? Nous ne sommes que des machines. Nos Babel» montent jusqu'au ciel, fa terre nous doit ses merveilles : Dès qu'elles ont fini le miel, Le maître chasse les abeilles.

Aimons-nous, etc.

Au fils chétif d'un étranger Nos femmes tendent leurs mamelles, Et lui, plus tard, croit déroger En daignant s'asseoir auprès d'elles; De n . s jours, le droit du seigneur Pèse sur nous plus despotique : Nos filles vendent leur honneur Aux derniers cour.auds de boutique.

Aimons-nous, etc.

570 CHANSONS

Mal vêtus, logés dans des trou?, Sous les combles, dans les décombres, Nous vivons avec les hiboux, Et les larrons, amis des ombres ; Cependant noire sang vermeil Coule impétueux dans nos veines ; Nous nous plairions au grand soleil, Et sous les rameaux verts des chênes.

Aimone-nous, etc.

A cbaque fois que par torrents Notre sang coule sur le monde, C'est toujours pour quelques tyrans Que cette rosée est féconde ; Ménageons-le dorénavant, L'amour est plus fort que la guerre; En attendant qu'un meilleur vent Souffle du ciel ou de la terre.

Aimons-nous, et quand nous pouvons Nous unir pour boire à la ronde, Que le canon se taise ou gronde,

Buvons, (ter.) A l'indépendance du monde !

Paroles et musique de Pierre Dupont;

POPULACES. 571

Les Bœufs.

CHANT HCSTIQCE.

J'ai deux grand? bœufs dans mon é table, Deux grands bœufs blancs marqués de La charrue est en bois d'érable, [roux. L'aiguillon en branche de houx. C'est par leurs soins qu'on voit la plaine Verte l'hiver, jaune l'été ; Ils gagnent dans une semaine Plus d'argent qu'ils n'en ont coûté.

S'il me fallait les vendre,

J'aimerais mieux me pendre ;

J'aime Jeanne ma femme,

Eh ! bien, j'aimerais mieux Lavoir mourir que voir mourir mes bœufs.

Les voyez-vous, les belles bêtes, Creuser profond et tracer droit, Bravant la pluie et les tempêtes, Qu'il fasse chaud, qu'il fasse froid? Lorsque je fais balte pour boire, Un brouillard sort de leurs naseaux, Et je vois sur leur corne noire Se poser les petits oiseaux. S'il me fallait, etc.

r;72 CHANSONS

Ils sont forts commeun pressoir d'huile. Ils sont plus doux que des moutons ; Tous les ans on vient de la ville Les marchander dans nos cantons Pou^ les mener aux Tuileries, Au mardi-gras devant le roi, Et puis les vendre aux boucheries ; Je* ne veux pas, ils sont à moi.

S'il me fallait, etc.

Quand notre fille sera grande, Si le fils de notre régent En mariage la demande, Je lui promets tout mon argent: Mais si pour dot il veut qu'on donne Les grands boeufs blancs marqués do Ma fille, laissons la couronne (roux, Et ramenons les boeufs chez nous.

S'il me fallait les vendre, J'aimerais mieux me pendre ; J'aime Jeanne ma femme, Eh! bien, j'aimerais mieux Lavoir mourir que voir mourir mes boeufs.

Paroles et musique de Pierre Dupont.

1 La musique se trouve à Paris, ches M. Pierre 3aulls, éditeur, 16, passage de» Panoramas.

POPULAIRES. 5T3

Le Petit nari.

Mon père m'a donné un mari ;

Mon Dieu ! quel homme ,

Quel petit homme.

Mon père m'a donné un mari ,■

Mon Dieu ! quel homme ,

Qu'il est petit !

D'une feuille on fit son habit;

Mon Dieu: quel homme,

Quel petit homme.

D'une feuille on fit son habit,

Mon Dieu ! quel homme,

Qu'il est petit!

Le chat l'a pris pour un' souris. Mon Dieu! quel homme, Quel petit homme. Le chat l'a pris pour une souris, Mon Dieu ! quel homme , Qu'il est petit !

Au chat! au chat! c'est mon mari: Mon Dieu! quel homme,

574 CHANSONS

Quel petit homme. Au chat! au chat! c'est mon ma?: Mon Dieu ! quel homme, Qu'il est petit!

Je le couchai dedans mon lit ;

Mon Dieu! quel homme,

Quel petit homme.

Je le couchai dedans mon lit ;

Mon Dieu ! quel homme,

Qu'il est petit !

De mon lacet je le couvris ; Mon Dieu! quel homme, * Quel petit homme. De mon lacet je le couvris , Mon Dieu ! quel homme, Qu'il est petit!

Le feu à la paillasse a pris ;

Mon Dieu! quel homme,

Quel petit homme.

Le feu à la paillasse a pris,

Mon Dieu! quel homme,

Qu'il est petit l

Mon petit mari fut rôti ; Mon Dieu ! quel homme Quel petit homme. Mon petit mari fut rôti;

POPULAIRES. 575

Mon Dieu ! quel homme , Qu'il est petit !

Pour me consoler, je me dis :

Mon Dieu! quel homme,

Quel petit homme.

Pour me consoler, je me dis :

Mon Dieu! quel homme,

Qu'il est petit!

Il était un' Bergère.

Il était un' bergère, Eh ! ron , ron , ron , petit patapon ; Il était un' bergère, Qui gardait ses moutons ,

Ron , ron , Qui gardait ses moutons.

Elle fit un fromage, Et ron , ron , ron , petit patapon ; Elle fit un fromage Du lait de ses moutons,

Ron, ron. Du lait de ses moutons.

Le chat qui la regarde, Et ron , ron , ron , petit pa'.apon :

576 CHANSONS

Le chat qui la regarde, D'un petit air fripon,

Ron, ron, D'un petit air fripon.

Si tu y mets la patte, Et ron , ron , ron , petit patapon ; Si tu y mets la patte , Tu auras du bâton ,

Ron , ron , Tu auras du bâton.

il n'y mit pas la patte , Et ron , ron , ron , petit patapon ; Il n'y mit pas la patte , Il y mit le menton,

Ron , ron , Il y mit le menton.

La bergère en colère, Et ron , ron , ron , petit patapon ; La bergère en colère, Tua son p'lit chaton ,

Ron , ron , Tua son p'tit chaton;

Elle fut à confesse , Et ron , ron , ron , petit patapon ; Elle fut à son confesse, Pour demander pardon ,

populaires. &::

Rod , ron , Pour demander pardoD.

Mon nère , je m'accuse £t rnn , ron , ron . ueiii uatapon; Mon pèie . je m'accuse D'aM'ir tué mon chaton ,

Ron. ron, D'avoir lue mon chaton.

Bla fill', pt'Ur pénitpnce , Et n»n . n»o , ron , peut paiapon; Ma HP, pour pénitence, Nous nous embrasserons,

Boa, ron, Nous nous embrasserons.

La pénitence est douce , Et ron , ron , ron , petit paiapon ; La péuiieni e est douce, Nous recommencerons,

Bon, ron , Nous recommencerons.

573 CHANSONS

Compère Guilleri.

Il était un p'tit homme Qui s'app'lail Guilleri ,

Carabi ; Il s'en fut à la chasse, A la chasse aux perdrix,

Carabi , Toto Carabo. Marchand d'caraba9, Conipèie Guilleri , Te laiias-tu (ter) mouri ?

Il s'en fut à la chasse , A la chasse aux perdrix,

Carabi ; Il monta sur un arbre Pourvoir ses chiens cou ri.

Carabi , Toto carabo. Marchand d' carabas , Compère Guilleri, Te lairas-tu (ter) mouri ?

Il monta sur un arbre Pour voir ses chium court,

pofi; 579

Carabi ; La branche vint à rompre , Et Guiileii ton.bi, Car^m , Tolo carabo. Marchand d' carabas, re Gaillerî, Te laii as-tu (Jer, mouri?

La branche vint à rompre Et Guiileii tombi ,

Carabi , Il se cassa la jambe, Et le bras se démit,

Carabi; Toto carabo. Marchand d' carabas, Cou-père Guilleri , Te lairas-tu {ter) mouri?

H se cassa la jambe, Et le bras se démit,

Carabi ; Les dam's de l'Hôpital Sont arrivées au bruit, Carabi, Toto carabo, Marchand d' carabas, Compère Guiileii, Te laii as-tu ijer) moarif

CHANSONS

Les damvs de l'Hôpital Sont arrivées au bruit,

Carabi ; L'une apporte un emplàtrej L'autre, de la eharpi,

Carabi , Toto carabo , Marchand d' carabas, Compère Guilleri, Te lairas-tu (ter) mouri ?

L'une apporte un emplâtre. L'autre de la eharpi ,

Carabi ; On lui banda la jambe, Et le bras lui remit, Carabi , Toto carabo. Marchand d' carabas, Compère Guilleri, Te lairas-tu (ter) mouri?

On lui banda la jambe, Et le bras lui remit,

Carabi ; Pour remercier ces dames , Guilleri les embrassit,

Carabi , Toto carabo, Marchand d' carabai,

POPULAIRES. 58i

Compère Guilleri, Te lairas-tu (ter) mouri ?

Pour remercier ces dames, Guilleri les embrassait,

Carabi ; Ça p ouv* que par les femmes L'homme est toujours guéri, Carabi,

Tot.t Carabo. Marchand d' carabas, Com ère Gaillcri, Te lairas-tu (ter) mouri?

Le Kcveil-ÏSaiiu.

Ma vieille tante Gribiche,

En fermant les yeux, Ne laissa, n'étaut pas riche,

Rien de précieux. Hier, on fit le partage

Du pauvre butin, Et j'eus, pour tout héritage,

Son réveil-matin, Tin tin tin tin tin tin,

S82 GHANSONS

Et j'eus pour tout héritage, Tin tin tin, "an réveil-matin.

Or, cette Samaritaine

Vient mal à propos, Il faut à ma soixantaine

Beaucoup de repos. Pour que le sommeil m'abrège

Un triste chemin, Voyons, à qui donnerai-je

Mon réveil-matin? Tin tin tin tin tin tin, Voyons à qni donnerai-je, Tin tin tin,— Mon réveil-matin?

Ce petit clerc de notaire

Que je vois là-haut, A, dit-»n, beaucoup a faire,

C'est ce qui lui faut ; Maris il lorgne la voisine,

Brune à l'œil mutin, Qui lui tient lieu, j'imagine,

•e réveil-matin, Tfn tin tin tin tin tin, Qui lui tient lieu, j'imagine, Tin tin tin,— De réveil-matin.

Ce monsieur qui n'a ni rentes Ni profession,

POPULAIRES.

Suit les moies délirantes

De la fashion; Dans son logis que tapisse

Velours ou satin, Les créanciers font l'office

De réveil-matin, Tin tin t n tin tin tin, Les créanciers font l'office, Tin tin tin.— De réveil-matin.

Cet autre à l'œil de vipère

Qui loge au grenier, N'est bon époux ni bon père;

Il est usurier. Au jour, l'écho me rejette

Un son argentin; Cet homme a dans sa cassette

Son réveil-matin, Tin tin tin tin tin tin, Cet homme a dans sa c. Tin tin tin,— Son réveil-matin.

Voici la douce Marie Dont le père est mort;

La pauvre enfant pleure, prie, Soupire et s'endort.

Orpheline, elle est sans armes

Ne Aobpqoi pfi s m lart

Un réveii-mitin,

S84 CHANSONS

Tin tin tin tin tin tin,

Ne donnons pas à ses larmes,

Tin tin tin,— Un réveil-matin.

Plus bas quelle joie éclate?

Bon, j'ai deviné, L'heureux ménage d'Agathe

Compte un premier-né. D eu, quand il met sur la terre

L'ange ou W lutin, Attache au cœur de la mère

Un réveil-matin, Tin tin tin tin tin lin, Attache au rœur de la mère, Ttn tin tin,— Un réveil-matin.

Triste ou gai, dms celte vie,

Chacun a le sien, Et nul ici, je paiie,

Ne voudrait du mien, Si l'on me fait celte niche.

J'irai, c'est certain, Rendre à ma tante «iribictae

Son réveil-malin, Tin tin tin tin lin tin, Rendre à ma tinte Gribiche, Tin tin tin.— Son réveil-matin.

Éi.isa Fleury. La musique chez M. Colombier, éditeur, rue Vivienne. '

POPULAIRE?

Les Fraises.

RONDE.

Ab! qu'il fait donc bon, qu'il fait donc bon Cueillir la fraise. Au bois de Bagnenx, Quand on est deux, quand on est deux' Mais quand on est trois quand on est trois Mam'zeH' Thérèse, C'est bien ennuyeux, Il vaut bien mieux N'eue que deux! Ah! qu'il fait donc bon, quil fait donc bon Cueillir la fraise, Au bois de Ba^ueux, Quand on est deux, quand on est deux!

Ah! mara'zeir, manïzeU', si vous vouliez

Sans vous offenser (m'entei.dre

>ousm laisseriez prendre un baiser!...'

Pas d' ça, monsieur Biaise, Ou vrai romm" je m'ap|,el!e Thérèse,

J' vous dévisagerais Et ça nuirait à vos attraits. (ter)

Ah! Ab! qu'il fait donc bon, etc.

586 CKANsO.NS

Ah! main'zell', mani'zell', comment vous ren- (dre moins sévère, J'ai des procédés; Que faut-il faire? répondez! Parlez à ma mère, Et menez-moi chez le notaire!

Un bon conjungo, Puis nous chanterons en duo. (ter) Ah! Ah! qu'il fait donc bon, etc.

Plus d'ambition! mais si... je m' tromp', il Dans ce p'tit logis, (m'en reste une : J' voudrais r'cevoir beaucoup d'amis! Pour moi quel plaisir! pour moi quelle bonne Si je leur plaisais (fortune,

Par mon zèle et par mes couplets! Oui, chaque soir j' leur offrirais Mes fruits, mes fleurs et mes couplets, Ah! Ah! qu'il fait donc bon, qu'il fait donc bon Cueillir la fraise, Au bois de Bagneui, Quand on est deux, quand on est deux! Mais quand on est trois, quand on est trois, Mam'zeir Thérèse, C'est bien ennuyeux, Il vaut bien mieux N'être que deux ! Ah! qu'il fait donc bon, qu'il fait donc bon

POPILAÎFES. 5S7

Cueillir la fraise, Au bois de Bagneux, Quand on est deux, quand on est deux!

Extrait de la pièce intitulée le Bijou perdu, opéra-comique en trois actes de MM. r<t Lecven et de Forges, en vente, à Paris, chez MM. Micbel Levt frères, éditeurs, 2 bis, rue Yivienne. Prix : 1 fr.

Le Vigneron.

Et vinum lœtificat cor hominis. Et que le vin réjouisse le cœur de l'homme.

P. S. C. III, V. 15.

Je suis le plus gros vigneron De la haute et bisse Bourgogne; Comme un gros fût mon ventre est rond, Ma femme est la mère Gigogne, Nous sommes à nos douze enfants Tou^ gras, joufflus, tous bien portants. Aussi lions chantons tous à l'unisson : Bonum vinum Lrztifical cor hominwn.,, C'est la chanson du vigneron;

588 CHANSONS

Au glou glou, glou glou du flacon, C'est la chanson du vigneron. (ter)

Je ne sais ni grec ni latin, A quoi bon nous sert la science? Je sais le goût de chaque vin, De l'Allemagne et de la France. J'aime mieux, rotuste et rougeaud, Dire, en l'honneur du Clos-Vougeot,

Ce bon vieux refrain

Que l'on dit latin : Bonum vinum, etc.

Je n'aime pas votre Paris; Un jour, dans cette Fourmilière, J'envoyai l'aîné de mes tils, Avec cent fûts Beaune première; Vos Parisiens m'ont, dans Paris, Gâté mon vin, perdu mon ûls;

Mais j'espeie, un jour,

Dire à son retour : Bonum vinum, etc.

Vers le patriarche Noé, Dont la gloire me fait envie, J'irai, certain de sa bonté, Rendre compte à Dieu de ma vie. Puis des amis buvant mon vin, Se souvenant de mon refrain,

Tous en mon honneur, Chanteront en chœur : Bohum tntum Lœtificat cor hominum... C'est 'a cha son du vigneron; Au glou pou, glou glou du flacon, C'est la chanson du vigneron. {ter)

E. Bolrget. La musique, de P. Henkion, se trouve chez M. Colombier, éditeur, 6, rue Vi- vienne.

Les Filles de Marbre.

RONDE DES FIÈCES D'OR.

AimeMu, Marco la belle,

Dans 1rs salons tout en (leurs,

La joyeuse ritournelle

Qui fait bondir les danseur? ?

Aimes-tu, dans'la nuit -ombre,

Le murmure frémissant

Des peuplie s qui. dans Tombre,

Chuchotent avec le vent?

Des peupliers qui. dans t'ombre,

Chuchottent avec le vent?

Non, non, non, non.

Marco, qu'aimes-tu donc?

Ni le chant de la fauvette, Ni le murmure de l'eau?

Ni le cri de l'alouette, Ni la voix de Roméo? (Bruit de pièces d'or.)

Non, voilà ce qu'aime Marco.

Oui, voilà ce qu'aime Marco.

- Oh! /

Aimes-tu les chants de joie, De l'orgie, ardent signal, Lorsque la raison se noie Dans les coupes de cristal? Aimes -tu les orgues saintes Jetant leurs divins accents, Qui îessemblent à dos plaintes Et montent jvcc l'encens ? (bis.)

Non, non, non, non.

Marco, qu'aimes-tu donc?

Ni le chaut, etc.

Aimes-tu, quand tu t'égares Dans les piofondeius des bois, Les éclatantes fanfares Suivant le ceif aux abois? Aimes-tu (quand la nuit gagne), Aux troupeaux, clans la campagne, Disant de se dépêcher? (bis.)

Non, uon, non, non. M il •. ■■!, <:u'aimes-iu donc? Ni le chaut, etc. Extrait de la pièce intitulée : les Filles de. Marbre, comédie vaudeville en 3 actes par .MM. Th. Barrière et L. Thibolst, en vente chez MM. Michel Levy frères, 2 bis, me Vivienne. Prix : 1 fr,

La Chanson de Jean Raisin,

Dans une vieille écorce grise, Jean Raisin a passé l'hiver; Il est en fleur, le voilà vert : Jean Raisin ne craint plus la bise. Il est joutflu, blanc et vermeil; Le voilà vin! toute sa force, Ruisselant de sa fine écorce, S'échappe en rayons de soleil.

Au nom de la machine roude, De l'eau coulant pour toat le monde, Place, place pour Jean Rinnn, Le Jean Raisin devenu vin;

$92

Laissez donc passer Jean Raisin, Avec son vieil ami le Pain. Laissez donc passer Jean Raisin, Avec son viel ami le Pain.

Enfant chéri des haute* cîmes, Sous 'œil de Dieu, libre j;idis, Il s'en allait par tims pays Bravant la galie le et les d'unes. En ce tenvis-la, soir et mat<n, Parmi les brors et les Loutei'les, Le peuple chantait les merveilles Et les vertus de Jean Raisin. Au nom de la machine ronde, etc.

Couronné de pampre et de roses, Joyeux, 1 yal, jamais menteur, A bon marché, ce franc parleur Éclairait tous les fronts moroses. Les rois un j<»ur l'ont arrêté Et l'ont chargé de mille entraves, De gabelous, de iats de caves, Puis des voleurs l'ont fre.até. Au nom de la machine ronde, etc.

Inspiré par Dieu, notre père, De février le parlement, Un jour décréta sagemeut Qu'on lâcherait le gai comnère;

POPULAIRES. 593

Ce jour-là, sur des airs nouveaux. Le peuple chanta les bouteilles, Le via v;eux, la vigne et les treilles, La République et les tonneaux. Au nom de la machine ronde, etc'.

Mais, voici bien une autre affaire : Survient un second parlement, Qui, raisonnant difléiemment, Vient d'empo;gner le pauvre hère; On garrottera le reclus, On le liera pour qu'il ne bouge, On l'accusera d'être rcuge!... Le peuple ne chantera plus. Au nom de la machine ronde, etc.

Toute la nature enchaînée, Pleure et gémit sur tous les tons ; L'air n'a son droit dans nos maisons, Qu'en passant par la cheminée... On ferait mieux, j'y pense enliu, D'arrêter les bois de teinture, El le p.iison qui dénature L'âme et le sang de Jean Raisin. Au nom de la machine rou.de, etc.

Allons, frelateurs escogriffes, Apportez les clous et le bois; Mettez Jean Raisin sur la croix, 38

KM CHANSONS

Le diable, s'en lave les griffes. Mais, par l'amour et l'union, Comme le Bis de Dieu le père, Jean Raisin retiendra, j'espère, Pour la grande communion. Au nom de la machine rondo, etc.

Gustave Mathieu. Musique de Darcier.

Une dixième Muse.

Pour bien distiller !a vie, Enfants cueillez tour a tour; A ma guirlande fleurie Des jours de folie Et des nuits d'amour.

Quoi, votre porte m'est fermée, Accueillez-moi, joyeux garçons. J'ai plen ma jupe pai fumée De vins, de fleurs et de chansons, Aux accents de ma voix aimée Vos accents répondront, je crois, Pan, pan, pan, pan, ouvrez moi,' {bit*) Pour bien distiller la vie, etc.

POPULAIRES.

Ouvrez, c'est moi la Gaudriole, La fée au regard effronté ; Pour vous j'ai rais, joyeuse et folle, Sagesse et bonnet de côté. Des pampres de mon auréole, J'ai paré plus d'un front de Roi! Pan pan, pan, pin, ouvrez moi! (bis.) Pour bien distiller: etc.

Je naquis cynique et profane, Priape encensa mon début, Et la barbe d'Aristophane Fournit des cordes à mon luth. Nymphe, Bacchante ou Courtisane. J'ai rais l'univers sous ma loi ! Pan. pan, pan, pan, ouvrez moi! {bis.) Pour bien distiller, etc.

Je suis la chanteuse fantasque, Qui de la taverne au palais Port it sur son tambour de basque Le bréviaire de Rabelais. De ses grelot et de mon masque, Par lui j'ai fait un rude emploi! Pan, pan, pan. pan, ouvrez moi! (bis.) Pour bien distiller, etc.

Je suis la muse dissolue,

Que chiffonnait le vieux Scarron;

Chez Grécourt j'étais presque nue,

896 CHANSONS

Et sans chemise avec Piroii. Si je suis un peu mieux vêtue, Béranger vous dira pourquoi ! Pan, pan, pan, pan, ouvrez moi! (bis,) Pour bien distiller, etc.

Dans les champs glanés de la veille, Courant de sillons en sillons; J'ai trouvé le miel de l'abeille En poursuivant des papillons. Ouvrez, j'ai comblé ma corbeille D'un bien gentil butin ma foi ! Pan, pan, pan, pan, ouvrez moi! (bis. Pour bien distiller, etc.

Paroles et musique de Cn. Colmance.— La musique se vend chez Vieillot, éditeur, 32, rue Notre-Dame-de-Nazjreth.

L'n Enfant terrible.

PORTRAT.

Air : Ah! f suis t'y pochard.

Voisine, j' suis désolée

D' mon coquin & garçon; Chaqu' jour, j' lui donne un' volée, C'est un vrai démon.

Tant que j' p^nx -

J' îapp' sans fair' semblant; Derrière i* m' fait la grimace :

Quel cochon d'entant!

Mon Dieu, quel esprit fantasque !

C*est nn franc lutin : Il appell* sa tant' vieux masque. . ni pantin ;

I dit que j' suis un' harpie,

Et puis, l'insolent, Trait' sa sœur de toupie : Quel cochon d'enfant!

Tous les matins, quand je m' lève, J'ai P cœur sens sus d'ssous ;

J' l'envoie chercher contr' la Grève Un poisson d' quat' sous;

II rest' trois-quarts d'heure en rouie,

Et puis, en r'montant, I' m' lich' la moitié d' ma goutte : Quel cochon d'enfant!

Depuis trois mois j'ai l'estime

D'un sapeur-pompier, Qui m' donn' quéqu' leçons d'escrime

En particulier. Tiens, Via pour ach'ter un' pomme,

Dis-je en Y renvoyant; 1' cora' ça V soir a mon homme :

Que! cochon d'enfant!

508 CHA.NSU.N^

Vous connaissez la p'tit' tilie

A la mère Chibout, Tout chacun la trouv' gentille,

Moi, j' l'estim' coinm' tout; Il a beau r'cevoir des danses,

Quand i' la surprend, Il lui dit des indécences :

Quel cochon d'enfant !

L' dimanche, la P'tit*- Villette,

Apres la chaleur, J'allons chez mon oncP Tinette,

Qu'est maitr' vidangeur; Pour avoir un noyau d' cerise,

En nous en r'tournant, 1' s* roui' dans la marchandise :

Quel cochon d'enfant!

Enfin dans tout's ses manières,

Je n' vois qu' des delauts : 1* suc' les rinçur's des verres,

1' rong' tous les* os, Il est tapageur, colère,

Ivrogne et feignant, C'est ben tout l' portrait d' son père.

Quel cochon d'enfant !

Charles Colmanci;

Le Sire de Franc-Boisy,

LËGE>DE DC HiYEN-AGE

Au brrruit rrretentissant de ma grande (trompette, Du bugle et du saxhorrrn, venez! petits et (grands, Peuple, bourg ois, manants, Venez préier l'oreille à mon historiette, Elle contient pour tous de haut*, enscigne- (meuls! Or donc... oyez! oyez! oyez! Ce qui veut dire : écoutez ! écoutez ! (// se mouche sur le dernier accord ) ivec emphase et d'un ton héroïque.

Ava* pris femme le Sir* de Franc- Bois;, (bis) Avec regret. (Voix cassée de vieillard.)

La prit trop j«une... bientôt s'en repen-

D'un air belliqueux. tit. {Ht}

Partit en guerre, pour tuer les ennemis.

G 0 CHANSONS

D'un air piteux et boitant,

Revint de guerre après sept ans et d'mi. D'un air ébahi.

De son domaine, tout F monde était parti. Avec anxiété.

Que va donc faire le Sir' de Franc-Boisy D'un air effaré.

Chercha sa femme, trois jours et quatre Avec indignation. (nuits.

Trouva Madame dans un bal de Paris.

Le Sire de Franc-Boisy. (Voix sourde et cuivrée d'un tyran basse-taille.)

Cordieu! Madame, que faites-vous ici?

La Dame de Frt.nc-Boisy. (Voix de fausset.) Avec coquetterie.

J' dans' la polka avec tous mes amis. le Sire avec une fureur croissante.

-Cordieu! Madame, avez-vous un mari La Dame, d'un air folichon et satisfait.

—Je suis, Monsieur, veuve de cinq ou six. le Sire avec exaspération.

Corrdieu ! MacUme, eett' vie va fini

POPULAIRE;.

I i ne suffoquée et effrayée.

—Qui êtes-vons doncque pour me parler Le Sire d'une voix foudroyante. ainsi0

Je suis lui-même... le Sir' de Fraue- Arec une précipitation effarée. ;

La prend, l'emmène au château d' Franc- Explosion criarde. (Boisv.

Lui tranch' la tête... d'un' bail' de son , (fusil.

(Parlé pendant ., Hélas!

MORALITE.

D'un air piteux.

De cett' histoire, la morale la voici. Gaîment. A jeune femme, il faut jeune mari ! (bis) E. Boirget et Laurent de Rrt.LÉ. JSique se trouve rh»z M. Ion mer nls, éditeur, 18, rue Daaphine.a I'

fj02 CHANSONS

Le Cabaret de Rampoisnenu,

Air du Vaudeville du Dîner de Modela*,

Nous allons à la Courtille, Vi'ii soyez p;is éionnés : Femme laisse ta maniille, Moi, mes habits galonnés. Le ia>aquin des bourgeoises Pour cet endroit est trop beau; Vivent les chansons grivoises Et le vin de Ramponneau!

C'est là, regardez ces bandes De buvturs autour des pots, On jugi-rait des guirlandes De rouges coquelicots. Point de ligures sournoises, De caffards, surtout pas d'eau. Vivent, etc.

On y voit aussi des femmes Venir avec leurs maris; Haut, tout haut, trop haut ces dames Les appeU'nt leurs chéris,

POPULAIRES. 603

Car de l'hymen ces matoises Savent élargir l'anneau. Vivent, etc.

A la table ou l'on regarde Deux vieux soldais s'étaient mis, Le vin. Upanl la cocarde, En a fait deux ennemis. Baisse le 1er que m croises Ou pleere sur un tombeau. Viveur, etc.

Très-simples dans leurs toilettes, Mais avec de bien beaux yeux, Voici de gentes grisettes Que suivent des amoureux. Sans diamants, sans turquoises, La jeunesse est leur joyau. Vivent, etc.

Pas de prêtre qui dédaigne De visiter led t lieu, Car on voit >ur son enseigne Le faniôme &*gn vieux Dieu. Il est là, bravant les noises, A cheval sur un tonneau. Vivent, etc.

Pav\ons... vêtus en livrée;

De grands seigneurs vont venir.

6'U CHANSONS

Et bientôt l'âme enivrée, Ils oublieront l'avenir. Grand, ce vilain que tu toises Sape en riant ton tréteau. Vivent les chansons grivoises Et le vin de Raniponneau;

Ch. Gilles.

ÏLa Jeune Fiïle aux yeux Moirs.

Jeune fille auxyeuxnoirs, tu règnes sur mon

me;

Tiens, voilà des croix d'or, des anneaux,

(des colliers;

Des chevaliers ainsi m'ont exprimé leut

(flamme,

Eh! bien, j'ai méprisé l'offre des chevaliers,

La fortune,

Importune,

Me paraît

Sans attrait; J fc-ç

Sur la terre,

Il n'est ijuèrè

De beau jour

Sans l'amour !

Puis des prélats m'ont dit, sur des bord (plus tranquilles

POPL'L

Si tu veux, jeune fille, habiter nos palais, Nous t'oîïrons des villas, des prés, des

champs fertiles ; Et moi, j'ai répondu : Tous ces biens gar- dez-les. La fortune, etc.

A son tour, un proscrit m'a parlé de ten (dresse L'inforluné fuyait nos rivages ingrats. . . Toi seule, disait-il, peux charmer ma tris- liesse... Et j'ai dit au proscrit : Moi, je suivrai tes

(pas! La fortune, etc.

Le Postillon de Lonjunieau.

Mes amis, écoutez l'histoire D'un jeooe et galant postillon ; C'est véridique, on peut m'en croire, Et connu de tout le cjiiton. Quand il' passait dans un village, Tout le beau sexe était ravi, Et le cœur de la plus sauvage Galopait en croupe avec lui.

(J06 CHANSOXS.

Oh! oh! oh! oh! Qu'il était beau, Le postillon de Lonjumeau. Oh! oh ! oh ! oh! Qu'il était beau, (bis.)

Le postillon de Lonjumeau. (bis.){eat beau; Ah! uu'ilest beau, qu il est beau, qu'il i , . Le poslil'on de Lonjumeau. I ls'

Mante dame de haut parage, En l'absence de son mari, Exprès se mettait en voyage, Pour être conduite par lui. Aux procédés toujours fidèle, On savait qu'adroit postillon, S'il versait parfois une belle, Ce n'était que sur le gazun.

Oh ! o!i ! oh ! oh !

Qu'il était beau, Le postillon, etc.

Mais pour conduire un équipage, Voila qu un soir il est parti ! Depuis ce temps, dans le village, On n'entend plus parler de lui. Mais ne dépl >rei pas sa perte, Car de l'hymen suivant la loi, La reine d'une île déserte, De ses sujets Ta nommé roi.

Ou ! ou ! oh ! oh !

Qu'il était beau, Le po-tii on «le Lonjumeau!

Oh ! oh! o ! oh!

0 i'il riait beau, ibis.)

on de Lonjumeau! (bis.) (est beau,

il e>t beau, qu'il est beau, qu'il . Le postillon de Lonjumeau. ' "s~

Extrait dp la pièce intitulée le Poetillon .'•• I. jumeau, opéra-< omiqiir/en 3 actes, ;. df. Lh/ven ri Rp.cns.wick, musique d'A AM, en vente chez M. Marchant, édi- teur, boulevard Saint-Martiu, 12. Prix : >t centimes.

Paris la nuit.

Les caf-'S se garnissent, De sourmets, de fumeurs, Le- I Itrrs i em lissent De joyeux spertatpurs; Les . - fourmillent

De badauds, d'amateurs, Et les liloux frétillent Derrière les flâneurs bal, voilà mesamis, voila Paris la nuit, j Oni, du piaisir et du bruit, \bis.

Voiia Paris la nuit. \

008 OHAKSONS

Oh ! eh ! oh ! eh ! Voilà Paris la nuit! (bis.)

Oui, du plaisir et du bruit, Voilà Paris la nuit.

Les maris sont de garde... Les amants au logis ; Maïs, chut! ça ne regarde Que les gens établis. On se bat, on se grise, Ivrognes et viveurs, Et la patrouille grise Ramasse les buveurs.

Oui, voilà mes amis, etc.

Bientôt donnant l'exemple, Les rich's rentrent chez eux : Jusqu'au boul'vard du Temple, Tout r'devieut silencieux. On n' voit plus qu' la silhouette, Derrière les rideaux bleus, D'une noce, en gogu.'t e, Qui danse chez Dellieux...

Oui, voilà mes amis, etc.

Mris j'entends, à la ville, Sonner l'heure... ah! mâtin, Pour l'ouvrier agile, C'est déjà le matin. Le marteau, la tenaille, Commencent à marcher,

POPULAIIIES.

On se lève, on travaille... Vite, allons nous coucher! Oui, voilà nés amis, voilà Pa is la uait,j

Oui, ilu plaisir ei du bruit, Ht.

Voilà Paris la nuit ! )

Oh! .-h! oh! e ! Voila ppris la nuit! (bis.)

Oui, du plaisir et du bruit, Voilà Paris la nuit.

Extrait Je la pièce intitulée Paris la nuit, drame en 5 actes, par MM. Dcpeity et Couoa, en vente chez M. Tresse, éditeur, galerie de Chartres, S et 3, Palais-Roval. Prix : 50 .eut.

La musique, de M. Aroédée Artus, se trouve a Paris, chez M. Prilipp, éditeur, 19, boulevart des Italiens.

Les Bohémiens de Paris.

Fouler le bitume Des boulevards, charmant séjour.

Avoir pour coutume De n'exister qu'au jour le jour;

Mais lorsqu'on voyage, Sur son dos, comm' le limaçon,

39

bis.

610 CHANSONS

Porter son bagage, Son mobilier et sa maison.

Vivre d'industrie, Avoir sa gatié pour tout bien,

Et voilà la vie Du vrai bohémien parisien. )

Et voilà la vie,

Oui, voilà la vie Du vrai bohémien parisien.

Voilà la vie (bis.

Du vrai bohémien parisien.

Oiseau de passage, Il fréquente tous les quartiers;

Sans apprentissage, Il fait plus de vingt p'iits métiers,

Mais 1' pain qu'il soutire Aux bons jobards, aux gens bien mis,

Le soir, sans rien dire, Il partage avec les omis.

Vivre d'industrie, etc.

Auprès de nos belles Comme un volcan, il est cité :

Pourtant avec elles, Il a très-peu de fixité.

Qu'un' brune en ce monde Lui fass' des traits ou des noirceurs,

Il en prend un' blonde,

POPULAIRE?. Gii

Afin de varier le? couleurs. Vivre d'industrie, etc.

Extrait de la pièce intitulée L?s Bohé- miens, drame en cinq actes, par A. Des- nerï et Granger, musione de M. Amédée Artcs, en vente chez M. Marchant, édi- teur, 12, boulevart Saint-Martin, et chez M. Meissonnier fils, éditeur, 18, rue Dau- phine. Prix : 50 centimes.

La Traite des ^oirs.

Que notre destin s'accomplisse l Respect à notre pavillon ; Mais à ce brick, il faut un nirn, Nous l'appellerons: La J Dieu des marins, toi, notre espoir, De là-haut entends ma prière : Viens t'asseoir à bord du corsaire. Protège son pavillon noir î

choeur.

Viens t'asseoir à bord du corsaire, Protège son pavillon noir!

Le négrier, dans sa déniencç, A dit : ces hommes sont mon bien

612

Leur travail, leur sang m'appartient, On me les acheté d'avance. Mais dans un jour de désespoir, Nous répondons au téméraire : Malheur à toi, crains le corsaire, Respect à son pavillon noir !

CHOEUR.

Malheur à toi, crains le corsaire, Respect à son pavillon noir'

Vous avez brisé vos entraves, Et pour vos droits, vous combattrez; Votre serment, vous le tiendrez : Périr plutôt que ilè're esclaves! Si le ciel, notre espoir, Oans le combat nous est contraire, Mourons tous à bord du corsaire, Pressés sous le pavillon noir!

Mourons tous à bord du corsaire. Pressés sous le pavillon noir ! Mais bieu loin ces tristes présages! Non, frères, nous triompherons, Et puis, un jour, nous reviendrons. Mais en vainqueurs sur ces parages. Tremblants, alors, de vous revoir, Vos maîtres diront, je l'espère :

Il est vainqueur ! gloire au corsaire ! Honneur à son pavillon noir !

Il est vainqueur! gloire au corsaire! Honneur a son pavillon noir !

Extrait de la pièce intitulée La Traitt \es Soirs, drame en 5 actes, de MM. Ch. )essoyers et Alroize, en vente, à Paris, à a .ibrmrie Huit raie, 12, boulevard Saint- Jlailin. Prix : 50 cent.

La musique, est de M. Henry Potie?..

Enfants n'y touchez pas.

Du nid rharmant caché sous la fouillée, Cruels petits lutins à la mine éveillée, Du nid charmant caché sous la touillée, Hélas! pourquoi laire ;iinsi le tourment? Ce nid, ce doux mystère, Que vous guettez d'en bas, C'est l'espoir du printemps, C'est l'amour d'une mère!.. Enfants, n'y touchez pas: [bis.)

Qui chantera Dieu, la brise el les roses, Méchants, si vous tuez ces jeunes voix écloscs

SU CHANSONS

iii chantera Dieu , la brise et les roses ? Autour de vous tout s'en attristera. Ce nid, etc.

Dieu seul a droit sur tout ce qui respire: Se pouvant rien créer, il ne faut rien dé- truire ; Dieu seul a droit sur tout ce qui respire, Beaux maraudeurs, prenez garde, il vous (voit.

Ce nid, etc.

Laissons, laissonsles bouquets à leur tige, A l'air qu'il réjouit l'insecte qui voltige, Laissons, laissons Us bouquets à leur (tige, Aux bois leur ombre et les nids aux buis- (sous. Ce nid, ce doux mystère, Que vous guettez d'eu bas, C'est l'espoir du printemps, C'est l'amour d'une mère!... Enfants, n'y touchez pas. {bis.} Paroles de M. tttppolyté Guufun, musique de M. L. Clapisson. La musique se trouve à Paris, chez Madame CtNDRiKK, éditeur, 7, rue du Faubourg-Poissonnière.

615

La Folle.

Tra la la la, tra la la la, quel est donc cet

(air? Ah! oui, je me souviens, l'orchestre bar m .-

I Prébdait vivement par ses accords joyeux; Il s'avança vers moi : &a voix timide t

lire Murmura quelques mots que je ne pui en- tendre. Je voulais refuser et je ne pus parler; Et lui saisit ma main, je le sentis tr.-mble:. Moi je trembla s aussi ; ion long regard de (flamme En des pensers d'amour avait jeté mon âme, Et penddut tout le bal je ne pensais qa'à| (lui. [bis.)

Tra la la la, tra la la la, d'où me viennent

ces sons, (bis.)

Ah ! oui, je me souviens, quinze jours éeou-

(lés! Le soir au balbrillantparla valse entraînés, 0 comble de bonheur! félicité suprême!

Gif» CHANSONS

Sa bouche à moa oreille a prononcé : j* (t'aime! Et faible que j'étais je ne pus résister. Pais sur mon front brûlant je sentis un bai-

(ser.

Oh! seulement alors je connus l'existence,

L'amour et son bonheur, sa force e! sa

(puissance

Et je ne vivais plus, car j'étais tout en

(lui. [bis.)

Tra la la la, tra la la la, que ces sons me font mal. [bis.) Ah! oui, je me souviens, je fus heureuse un mois, Et depuis ce moment je soupire toujours. Celte valse, écoutez : c'est pendant sa durée Qu'il était à ses pieds , que sa bouche in-

(firiele Lui jurait qu'il l'aimait , et ne l'aima ja-

(mais. Je sr-ntis à ces mots ma tête se briser ; Un horrible tourment tortura toutmon être. Qui4 j'aime les plaisirs, la parure ei la danse! Que je soutire, ô mon Dieu! rien qu'en (pensant à lui. {bis.} Arthur, Arthur, Arthur, Arthur!

t:'

La croix d'or.

Je la donne pour gage,

Pour ca;:e de ma foi,

A l'amanl dont 1' courage

Sera digne de moi.

Mais je veux une épreuve...

Cetl* croix est à relui

Qui me donnera la preuve

Qu'il m'aime plus que lui.

CVsl une loterie

Qui doit combler mes vœux ;

Ma main, mon cœur, ma vie

Sont au plus amoureux... Allons, allons, il faut tenter le sort: Allons, allons, qui veut de ma croix d'or?

Pour être militaire Guillaume doit partir; Qu un d' vous rempiac' mon frère, A lui ce souvenir ! Puis qu'il vienn' me le rendre, Avant Jeux ans d'ici, Je projet.* de l'attendra Pour eue mou mari. C'est une loterie, etc.

618 CHANSONS POPU AIRES.

Cette croix m'est bien chère :

Par son charme si dpux,

Elle a sauvé mon frère

Et me donne un époux;

Et cependant j'ignore

Si, contre tout danger,

Son influence encore

Pourra me protéger.

Par un' laveur nouvelle

Près de vous en c' moment,

Aii! nie servira -t-elle

Ce soir de talisman ! Allons, allons, décidez de mon sort ; Allons, allons, qui »eut de ma croix d'or?

La muswuè se trouve chez M. Msissoh- NiEfi, 16, rue Dauphine.

G19

POSTFACE.

fteîcî noire livre ; nous ne le prétendons pis cse/iipt de critique: mais un bon choix, lorsqu'on fait un recueil, n'est pas une chose se l'imaginer.

Trop de séveii'.e serait peut-être un tort, Ton recherche plptôt l'originalité , le lu poésie

exacte et le purisme de l'expression.

Parmi les Chansons nationales et popu- laire . il y en a c . es tia-

- . dont la réputation est do'.TCjt être reproduit pitdelacri-

tic:^. m ii utieuse.

fil : et a'',; de Chanson- I utes

lts clauses : chacun y choisit ce qui iui 0\c:.'. Ce qui ne convient pas aux uns, peut è„r. d'". U"ùt de.» aunes. noc premières éditions qu'il pourrait en être de 3t -^j;c-:1 comme au Daniel- ae cei ci. 'on . .:: en -■ pai prei ire les plus - et les meilleures, et on ion finit quel- quefois par ne rie: sions ont t- - tonte prétention ce côté.

M que notre Chansonnier latusr. et c.cupe quelques I

Q a i or .''air.e, si l'on n'est pas heu reux , on cruit l"etre , et c'est beaucoup.

Certes , les matériaux ne manquaient pa3 pour la co^poenioa de ce recueil; l'auteur

620 POSTPACC.

n'avait que l'embarras do choix; mais cet embarras était grand. Il fallait d'abord faire abnégation de toute opinion politique, lit- térale, philosophique, ce qui S0UPfi<M une grande hb'-i te d'esprit, et une imp- .ali'é presque impossible.

Ce n'est uas tant le méiite des pia.1.' qui devait servir de guide, mais leur rfegc.'C' je popularité, l'importance des éven^meiiis auxquels elles se rattachent, et l'iuîjue'ice qu'elles eut pu avoir sur les oassioiii, les goûts, les mœuis du peuple; l'aut. -»n , ici, n'avait pas à juger, niais à respectai I°f jc- geinents portés par un juge sou\f raiji , qui a toujours raison, même qu:>r<d il se trompe; attendu que lorsque lotit le monde a tort, tout le monde a raison.

Cela explique comment il se trouve flans ce reeueil tant de choses étonnées de se trotlter ensemble. F.t puis la veger est une Capricieuse fille, qui se jette dans les bras du premier venu, et qui ne souffre pas qu'on lui demande pourquoi.

Il ne tant pas oublier, en outre, qu'un reiueii de ce genre s'adresse aosai Mon à la mansarde et à l'atelier, qu'au ronptoir et au salon ; car. en Fr*nu8,0D iioul chanté, et l'on chante partout.

Sans doute, s'il est parmi ces ebano de gais refrains qui rasséxèn«ut la pensée,

POSTFACE.

d'admirables strophes qui excitent l'en- thonsiasme et plaisent* l'orgueil national U M est au.si qui pourront rappeler de terribles événements et ravi er de Br». tonde* et justes .louî.-urs; na» io V1(. t.st ainsi bile: p,r0ut le Lien ,'y trouve a cote du mal.

.

PLACEMENT DES PORTRAITS.

Du Mersan en fronlispire.

Collé

De Lattagnant 2 1

Dufresny 232

E. Debreau 2fi2

Panard

R<-rangor 297

Ad. Gouffé.... 332

Rouget de l'isle 3:>4

A. Chcnier 361

Casimir Delavigne 367

Piron .423

Vase 4-25

Eavart

Désaugiers 581

Brazier 531

TABLE DES MATIÈRES.

Affiches (le?)

Ah : ie bel oisear, maman jLg

/î. : que de -• 55c

Ah .' que l'amour en a^aMe 345

Ah! vous dirai-ie,mp.man

Airr.ons-nous. et quand nous r-

A la fleur du bel àze 451

Alors, dan- h Provence 438

Am:s, la mi- Amour au village 1' CT

Amour I Q1 jes

compaeoons de voyage .:-$

T la nuit ei le jour 147

I Amours d'é'.é les^ 554

z-vous. oui. jetons le conseille. 432 I Amu>ez-\c ^ belles. 523

I A peine au s..rtir de l'enfance 460

Arrivée deNiçauoin à Paris 197

Attelons au char de la vie, etc 2S5

Au clair de la lune 6<f

: que la lumière 31 2

Autant en emporte le vent 075

Aux montagne! de la Savoie .'. 521

624 TABLE DES GÎATitRES.

Aveugle (P;eiscn chien iu

Batelier, dit Lisette 455

Bavard est mort 74

Beau le fourniment du grenadier.... 260

Boeuf- (l^s) 571

Bonn*!' la> aventure .ïi7

Bon voy ge, cher DumpUet 530

Bosku* îles; sa

Boui.mgère (la; 232

Bon iooo aaise (te belle) 206

Bouiim do- t»se 96

Biaz'u'f (Notice sur 534

Binez, chantez, mes joyeux enfunis... 3-6

Cadet Uou.seelle 53

Ça na 37 J

Culpigi .. 4i5

Caressons-nous, caressons-nous, Lisette 288

Carmagnole (la) 375

Cendnllon 448

C'est bien le plus joli corsage 450

C'est dans la ville de Bordeaux 27

C'est l'amour, l'amour, l'amour 54i

C'est l'eau qui nous fait boire du vin. .. 33J

C'est le roi d- s plaisirs 29'

C't-st maLison, ma Lisette 241

Chacun a sa philo>ophie 278

Chacun de nous a sa folie 225

Chant du départ 359

Chantons 1 amour et le plaisir 491

Charmante Gabiïelle 10Q

TABLE DES MATIÈRES.

Chaumière (la) 64

Cinq sous, cinq sous pour monter notre

ménage 556

Colinette au bois s'en alla 476

Combien j'ai douce souvenance ... 105

Comme faisaient nos pères 492

C"mpère Guilleri 57S

Comte Orry (le) 165

Connaissez ma philosophie ? 4i0

Crois-m"i, plante de la vigne 330

Dagobert fie roi) 43

Dame fia) blanche vous regarde 4:0

Dans les gardes françaises 2:3

Dans un grenier, qu'on est bien à vingt

ans 399

Dans un vieux château de l'Andalousie.. 75

Désaugiers | Notice suri 524

De tous les g'ous clous 345

Donnez-moi l'hospitalité 108

Dormez, chères amours 107

Drinn. drinn, drinn 559

Du courage à l'ouvrage 48?

Elle aime à rire, elle aime à b'ire 317

En attendant qu'un autie se présente.. 542

En avant, Fanfan la Tulipe 266

Encore aujourd'hui la folie 253

En cieux moitiés, dit-o'u le son 553

Enfant chéri des dames 498

Entendez-vous le tambounn 218

Ermite (V) de Sain ta-Aveli*».. . 131

G26 TABLE DES MATIÈRES.

Et le cœur bat sans qu'on y pense 463

Et l'on revient toujours à ses premiers

amours. 445

Et puis on rit d'avoir pleuré 497

Fille du savetier (la) 25i

Femme sensible 4SI

Femmes, voulez- vous éprouver 43 1

Fête ( la) d^s bonnes gens 403

Fin (lai du jour 463

Fleuve ( le ) de la vie 2S2

Fleuve du Tage

Fond (le) de la besace 194

Fualdès complainte * ir,S

Fuit-on l'amour quand on est si jolie? 116

Gaiment je m'accommode de tout 465

Garde à vous 474

Gasconne (la* 240

Geneviève de Brabant 1 50

Gentille Annetie 21 1

Gueux (les*, les gueux sont des gens

heureux 295

Giroflée, au printemps m

Grandes vérités les) iss

Guernadier que tu m'affliges. 5o8

Guerre aux tyrans tss

Henriette ei Damon 141

Histoire de la chanson l

Il était un' bergère 575

Il faut avoir de tout pour deux 5 16

Il faut des époux assortis -166

TABLE DES MATIÈUES. 627

il faul quitter ce que j'adore -461

Il faut souffrir pour le plaisir 2S3

Il est enoTe des femmes qui savent

garder un seci et 440

Il est minuit, bonsoir 348

I: est minuit, léger zëpliyr i25

Il est plus dangereux de glisser sur le

gazon, etc 487

Il est trop tard 123

Il n'est point ae bonheur, de plaUir sans

l'amour 449

Il pleut, il pleut, bergère 97

Introduction 21

J'ai du bon tabac dans ma taba.ière ... 62

J'ai longtemps parcouru le monde 44G

Je lai plante, je l'ni vu naitre 93

Je k«ge au quatrième étage 279

Je n'aime pas le labac. beaucoup 469

Je ne t'aime plus 91

Je suis l'un pauvre conscrit 253

Jeunes amants, cueillez des fleurs 484

Jeune fille, jeune garçon 483

Je vois toujours la même chose 493

. Juif errant 1 le) i33

Loin de son amie vivre sans plaisir 408

Malborou^h 25

Malgré la bataille 2G4

Ma mie, ma douce arme 216

Marmotte ,la^ 2i2

Marseillaise ija) 355

02b TABLE DES MATIÈRES.

Ma vieille tante Marguerite 256

Mère Bontemps(la) 254

Mère Michel (la) 60

Meunière du moulin à vent (la) 235

Moi je flâne, moi je flâne bOi

Moi je pense comme Grégoire, j'aime

mieux boire 471

Moines (les} 191

Mon Dieu ! quel homme, qu'il est petit, 57 J

Mon lit solitaire de célibataire f.CO

Montagnard ou berger 119

Mourir pour la patrie ••• 566

N'ai-je pas bien fait Adi

N'connait pas ces cistane's-ià 528

Ne rend pas amour pour amour . } i

Notre fortune est faite 485

Nous n'avons qu'au temps à vivre 3i4

Nuit (la) me trouve au cabaret 318

0 Fontenay, qu'embellissent les roses ! 546

0 ma cavale au sabot noir! 219

0 ma tendre musette! 87

On dit que je suis sans malice . 464

On ne saurait trop embellir 5f0

Opéra-Comique (Histoire de 1') 4i7

Opéra | Histoire du grand) 383

0 Richard! ô mon roi! 10

Oui, je suis grisette 237

Paille (la) 186

Palisse (M. de la) 32

Papillon (le) M

TABLE DES MATIÈRES. 629

Parisienne (la) 366

Parmi les filles du canton 443

Pariant pour la Syrie "7

es.. ISÉ

Pauvres moutons ! toujours on vous

tondra.. 310

Pipe de tabac (la) 4TS

Plaisirs d'amour ne durent qu'un mo- ment

Plus on est de fous plus on rit

Point du jour (le) 4G7

Posiface

Pot de bière, pipe et mai tresse 291

Pour aller venger la patrie 1 10

Pour ia gloire et pour mon amie

Préface 1

Premier pas (le)

Proverbe laûn le 193

Quand de la nuit l'épais nuage 1 1 7

Quand j'ai combattu pour la gloire- .

Quand on fut tnijours vertueux

Que j'aime à voir les hirondelles 94

Que ne su^s-je la fougère 89

Qu'e-t-ce donc que le bonheur même \ 490

Rachel, quand du Seigneur 4u

Ran Un plan, ran patàpTan 270

Reconnaissance ; .-,17

Régalez- vous, mesdames, voilà le plaisir. 2 1 3

Relan tamplan, tambour battant

Rempailleur Je, 543

630 TABLE DES MATIERES.

Bemplis ton verre vide 350

Rendez-moi ma patrie 453

Rendez -moi mon léger bateau 209

Retour de Nigaudin 202

Retour du conscrit (le* 539

Rien, tendre Amour, ne résiste à tes

imes

459

Rose, l'intention de la présente 272

Si des tristes cyprès 4'2

Si l'on peut aimer davantage 48l

Soldats français, chantons Rolland 70

Soloai laboureur (lej 511

Sousvnt'bon plaisir, monseigneur 433

Taisez-vous 69

Tambourin du vallon (le) 124

Tant qu'il reste une goutte encore 340

Tentation de saint Antoine (la) 168

Te souviens-tu. disait un capitaine 261

Tic -tac, tic tac-tique 456

Tonton tontaine tonton 222

Tout cela tourne autour de moi 309

Un bienfait n'est jamais perdu (J'étais

sans asile) 551

Un bienfait n'est jamais perdu (Petit Sa- voyard) 496

Une lièvre brûlante 471

Une nuit de la garde nationale 531

Une robe légère 454

Un gentil in.ubadour 82

Un moment de gène 457

TABLE DES KATIÉRES. t>31

L'n petit blanc que j'aime -210

Varsovienue (la) 370

Va-t'en voir s'ils viennent, Jean 305

Vaudeville (Histoire du) 501

Vaut bien mieux moins d'argent 319

Veillée (la) 473

Veillons au salut de l'empire 373

Vendanges (les) -23!

Venez, ô mes compagnes ! 1-21

Verr-e, verse encore au courage, à la

beauté 3SG

Versez, amis, verrez a lasse pleine... 342

Versez-donc, mes amis, versez 352

v suie (la) 174

Vie (la j est un voyage 407

Viens, Aurore 103

Vive Henri IV 514

Vive le vin, vice ce jus divin 323

Vivent les fillettes 66

Vivre loin de ses imours 90

Voilà ce que c'est que la vie 287

Votez le verre à la naain 23i

Voyage de l'Amour et du Temps 113

Vrai momusien, j'épariille ma vie 337

Y a pus d'plaisir que d'peine 557

TABLE DES AUGMENTATIONS.

Le Réveil-Matin 581

Les Fraises

632 TABLE DES MATIÈRES.

Le Vigneron 5S7

Les Filles de marbre 589,

La chanson de Jean Raisin 591

Une dixième muse 594

Un Enfant terrible 5 0

Le sire de Franc-Boisy 599

Le Cabaret de Ramponnoaii 002

La jeune Fi le aux \vux noirs 604

Le Postillon de Lonjumeau 60>

Paris la nuit 607

Les Bohémiens de Paris 609

La Traite des Noirs » 1 1

Enfants n'y touchez pas 613

La Folle 615

La Croix d'or 617

FIN DE LA TABLE.

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