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Full text of "Chansons nationales et populaires de France : précédées d'une Histoire de la chanson française et accompagnées de notes historiques et littéraires"

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CHANSONS 

NATIONALES  ET    POPULAIRES 
DE  FRANCE 


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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/chansonsnationalOOdume 


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CHANSONS 

HATIONALES  ET  POPULAIRES 
DE  FRANCE 

PRÉCÉDÉES  D'iXE 

Histoire  de  la  chanson  française 

ET  ACCÛMPAOrtlS 

DE  NOTICES  HISTORIQUES  ET  LITTÉRAIRE» 

PAR  DU  MERSAN 

1~*  Édition,  revue  et  augmentée 

PARIS 

MARTINON,    LIBRAIRE 

BLE   DK  GKESBLLE-SAIM-HO.NOBÉ,  10. 

G.  DE  GONET,  ÉDITEUR. 
1866 


PREFACE. 

Le  succès  qu"a  obtenu  ce  recueil 
de  chansons  nous  a  engagé  a  en 
donner  une  nouvelle  édition,  que 
r:Vons  cherché  à  rendre  encore 
plus  digne  du  public,  en  l'augmen- 
tant de°beaucoup  de  morceaux  qui 
aient  d'y  trouva'  place  et  en 
supprimant  ceux  qui  présentaient 
moins  d'intérêt. 

Los  chansons  tirées  des  opéras, 
des  opéras-comiques  et  des  vau- 
devilles sont  précédées  d'une  his- 
toire abrégée  des  theàl: 
genres  et*de  détails  sur  leur  ori- 
gine. 

Nous  avons  aussi  donné  des 
tices  sur  les  principaux  auteurs,  et 
nous  avons  tâché  qu'elles  parus- 
sent dignes  de  quelque  intérêt;  du 
reste,  elles  rendront  plus  complet 
le  petit  traité  que  nous  avons  of- 
fert sous  le  titre  d'Histoire  .' . 
Chanson  française,  et  feront  de  cet 


VI  PRÉFACE. 

ouvrage  une  véritable  encyclopé- 
die chaulante. 

La  chanson  n'est  pas  chose  aussi 
frivole  qu'elle  peut  le  paraître  au 
premier  aspect;  elle  a  joué  chez 
nous,  àioules  lés  grandes  époques, 
un  rôle  important,  et  son  histoire 
est  en  quelque  sorte  l'histoire  de 
la  France.  C'est  en  chantant  que 
les  serfs  oubliaient  leurs  misères; 
c'est  en  chantant  que  nos  pères  se 
levèrent  contre  la  tyrannie  et  qu'ils 
l'écrasèrent  sous  leurs  pieds  puis- 
sants; ce  sont  nos  chantsdeguerre, 
presque  autant  que  le  courage  de 
nos  soldats,  qui  ont  vaincu  les  rois 
de  l'Europe.  N'est-ce  pas  la  chan- 
son qui  disait  : 

De  quel  éclat  brillaient  dans  la  bataille 
Ces  habits  bleus  par  la  victoire  usés! 

Puis  quand  vinrentde  si  terrible 
et  douloureux  revers,  n'est-ce  pas 
encore  le  prince  de  la  chanson 

Qui  a  chanté  la  gloire  et  l'espérance 
Pour  consoler  nos  soldats  malheureux? 


PRÉFACE.  VII 

La  chanson, on  ne  saurait  lenier 
a  puissamment  contribué  à  l'adou- 
cissement des  mœurs. a  Les  poésies 
de  ce  genre,  dit  BriJlat-Savarin, 
eurent  d'abord  pour  objet  de  célé- 
brer  Bacchus  et  ses  dons,  parce 
ou  alors  boire  du  vin  et  en  boire 
beaucoup,  était  le  seul  haut  uosrè 
d  exaltation   gustuelle  auquel    on 
pût  parvenir;  puis,  pour  rompre  la 
monotomie,  on  v  associa  l'?mour 
association  dont  il  n'est  pas  certain 
que  l'amour  se  trouve  bien.  »  Mais 
bientôt  la  carrière  s'agrandit-  la 
chanson  pénétra  partout,s  empa-a 
de  tous  les  sujets;  elle  donna  du 
prix  aux  choses  les  plus  futiles,  de 
la  grâce  aux  moins  plaisantes,  du 
piquant  aux   moins  sapides;  elle 
éleva  les  humbles,  abaissa  l'orgueil 
des  puissants;  elle  châtia  l'oppres- 
seur etjeta  des  fleurs  à  l'opprimé; 
sa  juridiction  s'éiendit  sur  tout,  et 
ses  arrêts  furent  sans  appel.  Elle  , 
nt  et  défit  les  réputations.  Sous  tous 
le»  régimes,  et  c'est   là  sa   plus 


grande  gloire,  elle-brava  la  persé- 
cution ;  la  prison,  l'échafaud  ne 
purent  lui  imposer  silence: 

A  ces  barreaux  je  suspendrai  ma  lyre  , 

disait  Déranger  sous  les  verroux. 
Et  il  continuait  à  chanter  la  gloire 
et  la  liberté. 

Tout  passe,  dépérit,  s'étiole  et 
meurt;  la  chanson  seule  reste  jeu- 
ne ;  son  front  n'a  point  de  rides, 
et  en  ce  temps  où  s'agitent  tant  de 
terribles  passions  ,  où  le  monde 
semble  ébranle'  sur  ses  bases,  ses 
grelots  n'en  résonnent  pas  moins 
joyeusement.  —  Vous  verrez  ,  di- 
sait d'elle  un  homme  d'esprit,  vous 
verrez  qu'elle  finira  par  avoir  rai- 
son de  la  politique  et  des  mora- 
listes. 

—  C'est  chose  possible,  lui  ré- 
dit  quelqu'un,  mais  vous  ne  serez 
pas  le  premier  qui  aurez  prophé- 
tisé ce  dénoûment;  on  sait,  il  y  a 
longtemps,  qu'en  France  tout  fïuit 
par  des  chansons. 


CHANSONS 

NATIONALES  ET  POPULAIRES 

DE  LA  FRANCE. 


HISTOIRE 


LA   CHANSON    FRANÇAISE. 

L'époque  des  premières  chansons  de 
la  France  est  incertaine.  Il  est  sûr  que 
tous  nos  anciens  poëmes  et  nos  vieux 
romans  en  vers  se  chantaient  ;  mais  ce 
n'étaient  pas  des  chansons. 

Avant  le  règne  de  Philippe  Auguste, 
vers  1200,  on  ne  connut  que  des  chan- 
sons latines  ;  elles  étaient  rimées.  On 
en  connaît  une  que  chantèrent  les  Fran- 
l 


2  HISTOIRE 

çais  pour  célébrer  une  victoire  sur  les 
Saxons,  du  temps  de  Clotaire  II,  en  600. 
Deux  autres  chansons  nous  ont  été"con- 
servées,  l'une  de  saint  Paulin,  patriar- 
che d'Aquilée ,  l'autre  de  Gotescalc , 
qui  est  en  strophes  et  soumise  à  un  re- 
frain. Le  célèbre  Abélard  fit  aussi  des 
chansons  latines;  on  assure  que  saint 
Bernard  fit,  dans  sa  jeunesse,  des  chan- 
sons badines  sur  des  airs  du  temps  : 
enfin  Pierre  de  Blois  fit  aussi  des  chan- 
sons galantes. 

Les  Gaulois ,  dont  nous  sommes  en 
partie  la  postérité,  avaient  connu  la 
poésie  chantante.  Leurs  poètes,  nommés 
bardes  l  ,  composaient  des  hymnes  et 
des  chansons  pour  conserver  la  mémoire 
des  guerriers  qui  s'étaient  signalés  dans 
les  combats.  Ces  chansons  étaient  à  peu 
près  ce  qu'étaient  dans  l'ancienne  che- 
valerie les  chansons  de  %  gestes,  comme 
la  chanson  de  Roland,  célèbre  clans  nos 


1   En  Broia çne  ,  les  joueurs  de  vielle 
nétrins  soat  encore  nommés  inirds. 


BE  LA  CHANSON  FRANÇAISE.  3 

vieilles  chroniques  ,  et  que  les  Français 
du  temps  de  Charlemagne  chantaient 
en  allant  au  combat. 

Dès  l'an  1000,  on  se  servait  à  Rouen 
de  la  langue  romane ,  et  les  auteurs 
normands  écrivaient  plus  purement  que 
ceux  des  autres  provinces  :  mais  soit 
que  nous  devions  nos  premières  chan- 
sons auxNormands  ou  auxProvençaux, 
nous  n'en  avons  pas  en  la  langue  vul- 
gaire avant  l'an  1100.  C'est  alors  que 
parurent  les  trouvères  ou  troubadours  , 
dont  le  nom  signifie  trouveurs,  inven- 
teurs ,  et  qui  fournirent  le  corps  de  la 
jonglerie,  dans  lequel  on  comprend  en- 
core les  chanleours  ou  chantères,  et  les 
ménestrels,  du  nom  desquels  est  venu 
celui  de  me'nesiriers.  L'art  de  ces  chan- 
sonniers était  nommé  gay  saber,  gai  sa- 
voir ou  gaie  science.  Ceux  qui  en  fai- 
saient profession,  sous  les  comtes  de 
Provence ,  s'enrichissaient  et  parve- 
naient même  aux  emplois  et  aux  hon- 
neurs. Il  était  meilleur  alors  qu'aujour- 
d'hui d'être  chanson r.'. . 


4  HISTOIRE 

Les  plus  anciennes  chansons  fran- 
çaises étaient  des  lais,  c'étaient  des  es- 
pèces de  complaintes  que  nos  premiers 
romanciers  faisaient  chanter  à  leurs 
personnages.  On  trouve  une  chanson  à 
boire  dans  les  poésies  d'Eustache  Des- 
champs, qui  vivait  dans  lexive  siècle; 
c'est  peut-être  la  première  qu'on  con- 
naisse dans  notre  poésie.  Parmi  les 
poètes  français  qui  ont  vécu  avant  l'an 
1300,  on  compte  environ  soixante-dix 
chansonniers,  et  parmi  eux  des  noms 
illustres,  tels  que  Thibault,  comte  de 
Champagne,  qui  depuis  fut  roi  de  Na- 
varre ;  le  comte  d'Anjou,  roi  de  Sicile, 
père  de  saint  Louis;  un  duc  de  Bre- 
tagne ,  un  duc  de  Brabant  ;  Lusignan , 
comte  de  la  Marche;  Raoul,  châtelain 
de  Coucy,  et  beaucoup  d'autres. 

Ces  poètes  composaient  ordinaire- 
ment eux-mêmes  les  airs  de  leurs  chan- 
-?Dns,  qui  ressemblaient  beaucoup  au 
chant  grégorien  et  à  nos  hymnes  d'é- 
glise. Les  chansons  de  cette  époque  an- 
cienne étaient  peu  variées  pour  le  fond, 


DE  LA   CHANSON   FRANÇAISE.  5 

c'était  presque  toujours  des  idylles  sur 
le  printemps,  les  fleurs,  les  oiseaux,  l'hi- 
ver et  ses  glaces  ;  elles  sont  adressées 
à  des  Iris  vraies  ou  idéales  et  à  des 
blondes,  jusqu'au  temps  de  Charles  IX 
et  de  Henri  II ,  où  les  brunes  devinrent 
à  la  mode. 

Thibault,  comte  de  Champagne  et 
roi  de  Navarre,  né  en  1201,  et  mort  en 
1250,  est  véritablement  le  père  de  la 
chanscn  française.  La  tradition  a  dit 
que  la  plupart  de  ses  chansons  avaient 
été  faites  pour  la  reine  Blanche ,  mère 
de  saint  Louis,  qu'il  aimait.  On  croit 
qu'il  est  le  premier  qui  ait  mêlé  les  ri- 
mes masculines  aux  féminines  ,  et  qui 
ait  donné  cet  agrément  à  la  poésie 
chantante. 

Christine  de  Pisan  ,  quoique  née  à 
Venise,  a  fait  des  cbansons,  des  ballades 
et  des  lais  en  français.  Sous  le  règne  de 
Charles  VI,  il  se  fit  des  complaintes  sur 
l'assassinat  du  duc  d'Orléans  :  elles  se 
chantaient  dans  l'armée  du  roi.  Charles 
d'Orléans,  uctit-fils  de  Charles  V.  cul- 


6  HISTOIRE 

tiva  la  poésie  avec  succès  et  fit  aussi 
des  chansons,  ainsi  que  Boucicault,  fils 
du  maréchal ,  le  comte  de  Clermont , 
Jehan  de  Lorraine,  Olivier  de  La  Mar- 
che, la  duchesse  d'Orléans,  le  seigneur 
de  Torcy,  Jacques ,  bâtard  de  La  Tré- 
rnouille. 

A  cette  époque,  la  poésie  ne  pouvait 
être  cultivée  que  par  ces  grands  per- 
sonnages ,  l'instruction  n'étant  pas  en- 
core répandue  dans  les  classes  infé- 
rieures, et  les  lettres  n'ayant  pour  asile, 
que  les  cloîtres.  ' 

Cependant,  vers  1400  florissait  Oli- 
vier Basselin,  qui  composa  ses  joyeuses 
chansons  nommées  vaux  de  Vire,  parce 
qu'il  les  chantait  dans  les  vallées  de  la 
Normandie  ,  arrosées  par  la  rivière  de 
Vire,  où  il  avait  ses  fouleries ,  et  qui , 
par  corruption ,  ont  ensuite  été  nom- 
mées vaudevilles  ' . 

Depuis  le  duc  d'Orléans ,   oncle  de 

1  Jean  Lehoux ,  avocat  de  Vive ,  à  qui  nous  de- 
vons le  recueil  des  chansons  d'Olivier  Basselin  ..  le 
fit  imprimer  en  1576. 


DE   LA   CHANSON    m.ANÇAISE.  7 

François  Ier,  qui  fut  poète  lui-même, 
jusqu'aux  jours  brillants  de  la  cour  de 
ce  prince  ,  on  ne  peut  guère  citer  que 
Villon,  dont  nous  avons  conservé  des 
ballades,  genre  qui  appartient  à  la 
cbanson  ;  mais  depuis  la  moitié  du 
xiv*  siècle,  la  chanson  et  le  vaudeville 
firent  en  France  de  rapides  progrès ,  et 
on  en  conserve  à  la  Bibliothèque  royale 
des  recueils  qui  en  contiennent  sur  tous 
les  événements  remarquables. 

Les  guerres  de  François  Ie*  et  de 
Charles-Quint,  le  désastre  de  Pavie,  la 
prison  du  roi  à  Madrid,  le  combat  de 
Jarnac,  la  mort  de  Henri  II ,  le  départ 
de  France  de  Marie  Stuart,  les  guerres 
civiles  ,  la  mort  de  Charles  IX ,  l'inso- 
lence des  mignons  de  Henri  III,  l'assas- 
sinat de  ce  prince  ,  et  quantité  d'autres 
faits  plus  ou  moins  importants  ont 
servi  de  matière  à  des  chansons  qui  se 
chantaient  publiquement. 

On  ferait  une  histoire  intime  de  la 
France  si  l'on  en  puisait  les  matériaux 
dans  ces  chansons,  où  l'on  trouve  sou- 


8  HISTOIRE 

vent  des  circonstances  qui  ont  échappé 
aux  historiens ,  ou  qu'ils  ont  dédai- 
gnées, mais  qui  peignent  les  mœurs,  le 
caractère  des  diverses  époques  ,  l'esprit 
de  la  société  et  même  des  peuples.  Si 
les  chansons  d'alors  roulent  presque 
toujours  sur  la  guerre  et  la  galan- 
terie, on  n'en  manque  pas  non  plus 
sur  les  anecdotes  du  temps ,  on  a  aussi 
des  complaintes  sur  les  malfaiteurs 
exécutés  pour  leurs  crimes ,  et  ce  der- 
nier usage  s'est  perpétué  jusqu'à  nos 
jours. 

Clément  Marot  et  Saint-Gelais  mon- 
trèrent alors ,  dans  la  poésie  badine  et 
galante,  un  génie  qui  s'éleva  à  une  cer- 
taine hauteur. 

Bientôt  parurent  du  Bellay,  Jodelle, 
Ronsard,  Belleau,  Passerat  et  Baïf, 
qui  fut  l'inventeur  des  divertissements 
en  musique ,  auxquels  on  peut  rappor- 
ter l'origine  de  notre  opéra ,  ou  du 
moins  des  ballets  et  des  mascarades  qui 
firent  l'amusement  de  la  cour  jusqu'au 
règne  de  Louis  XIV.  Il  fut  le  premier 


D£  LA  rWITWOn  UAHÇÂlfeE.  9 

qui  sentit  que  les  Français  pouvaient 
avoir  une  musique  nationale. 

Pendant  les  horreurs  des  guerres  ci- 
viles et  les  troubles  de  la  Ligue  sous 
Henri  1T,  le  goût  des  chansons  alla 
plus  loin  qu'il  n'avait  jamais  été,  et  on 
composa  tant  da  chansons  licencieuses 
et  impies,  que,  dans  une  assemblée  te- 
nue à  Fontainebleau  pour  la  réforme  de 
l'Etat,  de  Thou  rapporte,  dans  son  His- 
toire, qu'il  fut  question  de  réprimer  cet 
abus. 

On  chantait  ces  chansons  sur  des  airs 
qui  se  sont  conservés  dans  nos  vieux 
noëls.  On  les  nommait  aussi  motets,  et 
on  en  trouve  plusieurs  purement  ba- 
chiques. Les  meilleurs  chansonniers  de 
cet  âge  furent  Desportes  et  Bertaut. 
Après  eux  vinrent  Régnier  et  Malherbe, 
qui  sembleraient  aujourd'hui  de  bien 
faibles  chansonniers. 

Henri   IV    se    mêla  quelquefois   de 
faire    des    chansons .    c:    on   en 
serve  quelques-unes  qui  lui  sont  attri- 
buées. 


10  HÎSTOIUE 

Sous  Louis  XIII,  le  goût  des  vaude- 
villes et  des  chansons  satiriques  redou- 
bla ;  aucun  événement  n'échappa  auy 
couplets,  non  plus  que  les  personnage 
les  plus  distingués  ,  puisque  Richeiiei 
lui-même  ne  fut  pas  épargné. 

Rotrou  ,   Théophile  Viaud ,  d'Urfé 
Maynard ,   Saint- Amand  ,   l'Estoile  et 
l'épicurien   Desyvp.taux  ,    célèbres  par 
leurs  poésies,   ne  dédaignèrent,  pas  la 
chanson  anacréontique  et  satirique. 

Ce  fut  sous  le  règne  de  Louis  XIV 
que  la  chanson  se  perfectionna  comme 
la  poésie,  et  ce  temps  a  produit  plus  de 
chansonniers  et  de  chansons  que  tous 
les  règnes  précédents. 

Sous  la  minorité  de  ce  prince,  les 
chansonniers  en  réputation  furent  Mal- 
leville,  Voiture,  Sarrasin,  Bois-Robert 
et  Scarron.  Après  eux  viennent  Cha- 
pelle ,  des  Barreaux  ,  Saint-Pavin ,  Pa- 
trix,  Charleval,  et  au  milieu  d'eux  ,  le 
poète  artisan  ,  le  menuisier  de  Nevers . 
maître  Adam ,  dont  la  célébrité  dure 
encore. 


DE   LA   CQANSO*   FRANÇAISE.  Il 

Mais  le  vrai  chansonnier  du  temps 
fat  le  baron  de  Blot ,  surnommé  Blot- 
i'Esprit,  qui  fit  la  plupart  des  couplets 
satiriques  de  la  Fronde ,  et  les  mazari- 
nades  :  madame  de  Sévigné  disait  de  so? 
chansons  qu'elles  avaient  le  diable  au 
corps. 

Il  existe  un  ouvrage  fort  curieux,  in- 
titulé :  Le  Nouveau  Siècle  de  Louis  XIV, 
ou  poésies-anecdotes  du  règne  et  de  la 
cour  de  ce  prince  .  par  Sautereau  de 
Mar-y  |  volumes  in-8°.  17 

où  l'on  a  rappelé  et  caractérisé  les  éyé- 
ne'ments  et  les  personnages  du  temps, 
par  les  chansons  dont  ils  ont  été  le 
sujet. 

Sous  ce  règne,  les  chansons  amou- 
reuses, les  pastorales,  les  madrigaux 
abondèrent ,  et  la  cour  et  la  ville  rou- 
coulaient les  airs  de  Lambert  et  fre- 
donnaient les  chansons  gracieuses  de 
Benserade,  de  l'abbé  Périn .  de  Linière 
et  les  chansons  à  boire  de  Boursault  et 
de  Dufresny.  On  chantait  dans  la  so 
ciété  les  chansons  de  Coulange  de  La 


12  HISTOIRE 

Monnoie  ,  celles  de  madame  et  de  ma- 
demoiselle Deshoulières. 

A  la  même  époque ,  la  chanson  popu- 
laire apparaissait  sur  le  Pont-Neuf ,  où 
Philippe  le  Savoyard  attirait  la  foule 
autour  de  ses  tréteaux.  Le  cocher  de 
M.  de  Vertamont  exerçait  sa  verve  sur 
àes  sujets  de  circonstance.  Ils  succé- 
daient à  Tabarin  et  à  Gautier  Garguille, 
qui  avaient  été  les  chansonniers  popu- 
laires du  règne  précédent. 

Les  chansons  satiriques  ne  furent  pas 
moins  en  vogue ,  et  la  gloire  du  grand 
roi  ne  désarma  pas  la  licence. 

La  Régence,  qui  fut  un  temps  de  plai- 
sirs ,  de  festins  et  de  débauches ,  vit 
éclore  beaucoup  de  chansons  qui  ont  la 
couleur  de  l'époque. 

Le  règne  de  Louis  XV  vit  fleurir  Ver- 
gier,  Haguenier,  Latteignant,  Vadé, 
qui  firent  des  chansons  pour  la  société , 
tandis  qu'une  foule  d'auteurs  anonymes 
en  faisaient  pour  le  public  malin  sur 
les  jésuites,  le  quiétisme,  la  bulle  Urii- 
genitus,  les  convulsions  ,  sur  la  paix  et 


&c2<&*z>é:  ? 


DE  LA  CHANSON  FRANÇAISE.  13 

la  guerre ,  sur  les  victoires  et  les  dé- 
faites ,  sur  la  cour  et  sur  les  favorites. 
Il  ne  faut  pas  oublier  les  noms  de  Piron, 
Gallet,  Collé,  Favart,  Boufflers  et  beau- 
coup d'autres ,  dont  la  nomenclature 
serait  trop  longue. 

L'avènement  de  Louis  XVI  à  la 
couronne  fit  naître  un  déluge  de  chan- 
sons ,  où  l'enthousiasme  de  l'espé- 
rance devenait  la  critique  du  règne 
précédent.  Douze  ans  étaient  à  peine 
écoulés  que  des  chants  de  terreur  et 
de  mort  retentissaient  autour  du  pa- 
lais qu'avaient  salué  de  si  brillants  pro- 
nostics. 

La  chanson  révolutionnaire  fut  hi- 
deuse, sanglante,  grossière  dans  l'ex- 
pression comme  elle  était  cruelle  dans 
la  pensée.  Tandis  que  le  peuple  hurlait 
dans  les  rues  Ça  ira  et  la  Carmagnole , 
quelques  poètes  s'élevaient  au-dessus  de 
cette  tourbe  impure,  et  des  chansons 
admirables  guidèrent  aux  combats  une 
jeunesse  bouillante  et  patriote.  La  Mar- 
seillaise de  Rouget  de  Lisle,  le  Chant 


14  HISTOIRE 

du  dépari  de  Chénier  furent  de  véritables 
hymnes  de  guerre  ! 

Nous  devons  contredire  ici  La  Harpe , 
qui  dit  que  le  Français ,  peuple  chan- 
sonnier par  excellence,  n'a  qu'une  seule 
époque  dans  son  histoire  où  il  n'ait  pas 
chanté,  et  que  cette  époque  est  celte 
de  la  Terreur.  Mais  La  Harpe  se  trompe. 
Au  milieu  des  saturnales  révolution- 
naires ,  il  y  eut  des  hymnes ,  des  ro- 
mances pleines  de  sentiment  et  de  déli- 
catesse, à  côté  des  chansons  furibondes 
et  grotesques.  Le  Chansonnier  patriotique, 
imprimé  en  1792,  et  V Anthologie  pa- 
triotique en  1794,  en  font  foi.  UAlma- 
nach  des  Muses  ne  fut  jamais  interrompu. 
On  voyait  paraître  en  même  temps  le 
Chansonnier  des  Grâces  et  celui  de  la 
Montagne,  ainsi  que  les  Etrennes  d'Apol- 
lon ,  les  Etrennes  lyriques  et  les  Élrennes 
du  Parnasse.  Le  journal  royaliste  inti- 
tulé les  Actes  des  Apôtres  est  rempli 
de  chansons  épigrammatiques  contre 
les  puissances  du  jour.  On  vit  en  1791 
l'Almanach   des  Aristocrates  ;  en   1795, 


DE  LA  CHANSON  FRANÇAISE.  15 

VAlmanach  des  Prisons ,  et  enl7 97 ,  i Al-  K 
manaeh  des   Gens  de  bien,   qui  contient 
des  chansons  où  l'opinion  contre-révo- 
lutionnaire est  exprimée  dans  toute  sa 
force. 

On  sait  que  Marchant  mit  la  consti- 
tution en  vaudeville.  Un  poëte  inconnu 
fit  aussi  un  petit  volume  intitulé  :  la 
Bépublique  en  vaudeville,  plaisanterie 
piquante,  qui  parut  en  1793.  On  plai- 
santait alors  sur  les  choses  les  plus 
effrayantes,  et  il  parut  une  chanson 
erotique  intitulée:  la  Guillotine  d'amour, 
qui  ,  non-seulement  se  chantait  dans 
les  houdoirs,  mais  qui  est  imprimée 
dans  les  recueils  des  chanteurs  publies. 

Le  Directoire  fut  chansonné  sans  pi- 
tié, ainsi  que  le  conseil  des  Cinq-Cents 
et  le  conseil  des  Anciens. 

L'Empire  vint  rétablir  la  France  sur 
une  hase  solide,  et  la  chanson,  d'abord 
enthousiaste,  fut  bientôt  adulatrice. 
Mais  ,  imitant  la  société  qui  se  réorga- 
nisait, elle  se  constitua  aussi  et  établit 
un  petit  empire.  Déjà,  sous  le  Consulat, 


16  HISTOIUE 

les  Dîners  du  Vaudeville  avaient  formé 
une  société  chantante  qui  se  réunissait 
à  des  époques  fixes,  et  où  chaque  mem- 
bre apportait  sa  chanson,  qui  était 
imprimée  dans  un  recueil  dont  le  succès 
fut  très-grand.  Cette  société  ayant  été 
interrompue  en  janvier  1802,  recom- 
mença en  1804.  On  trouvait  parmi  les 
chansonniers  de  cette  spirituelle  réu- 
nion les  auteurs  les  plus  connus  du 
théâtre  du  Vaudeville  :  Piis ,  Barré , 
Radet,  Desfontaines,  Bourgueil,  Léger, 
Ségur,  Desprez,  Deschamps ,  Dupaty, 
Gassicourt  ,  Dieulafoi  ,  du  Mersan  , 
Pain  ,  Chazet ,  Ourry,  Gersin  et  quel- 
ques autres. 

A  cette  société  succéda,  en  1806,  le 
Caveau  moderne,  qui  ressuscita  l'ancien 
Caveau,  fondé  en  1729,  et  où  avaient 
brillé  Piron,  Fuzelier,  Gallet,  Laujon, 
Crébillon  fils ,  Saurin ,  Gentil-Bernard 
et  Moncrif.  Dans  le  Caveau  moderne, 
on  remarqua  Armand  Gouffé ,  Désau- 
gier,  Francis,  Brazier;  Rougemont, 
Philippon   de  La  Madeleine  ,  Prévost 


DE   LA   CHANSON  F&AHÇA1SE.  |7 

ù'Iray,  Antignac,  Toiirnay  et  quelques 
anciens  membres  des  Dîners  du,  Vaude- 
ville. Ce  fut  là  que  Béranger  commença 
sa  réputation.  Cette  académie  chanson- 
nière dura  jusqu'en  1815,  et  publia 
pendant  dix  ans  son  spirituel  recueil. 
Mais  la  diversité  des  opinions  ,  à  cette- 
époque  où  le  gouvernement  changea  , 
mit  la  dissension  parmi  les  chanson- 
nier», et  la  politique,  ennemie  des  Muses 
et  de  la  gaieté,  tua  le  Caveau  moderne. 
Cependant  il  ressuscita  en  1826 ,  et  un 
volume  intitulé  :  le  Réveil  du  Caveau  at- 
testa sa  résurrection  ;  mais  sa  grande 
réputation  était  morte. 

On  avait  vu,  à  l'imitation  du  Caveau 
moderne  ,  s'élever  des  sociétés  chan- 
tantes dans  la  plupart  des  villes  de 
France.  Des  sociétés  rivales  ou  émules 
surgirent  dans  la  capitale  ,  et  comme 
tout  le  monde  ne  pouvait  pas  être  du 
Caveau,  on  fonda  la  Société  de  Momus , 
où  se  firent  remarquer  Éaenne  Jour- 
dan,  Casimir  Ménétrier,  Hyacinthe  Le 
Clerc,  Émue  Bebraux ,  etc.  Los  fau- 


18  HISTOIRE 

bourgs  et  les  banlieues  eurent  aussi 
leurs  sociétés  chantantes  dans  la  classe 
ouvrière.  On  vit  naître  la  société  des 
Lapins  ,  celle  des  Oiseaux,  des  Bergers 
de  Syracuse,  etc.,  etc.  Encore  aujour- 
d'hui, il  y  a  une  société  dite  des  Enfants 
du  Caveau,  mais  elle  fait  peu  de  bruit 
dans  le  monde  ,  et  ce  n'est  guère  qu'in- 
cognito qu'elle  existe.  Cependant  il  y  a 
dans  Paris  et  dans  la  banlieue  quatre 
cent  quatre-vingts  sociétés  chantantes 
autorisées.  En  supposant  au  minimum 
que  ces  quatre  cent  quatre-vingts  so- 
ciétés n'aient  chacune  que  vingt  mem- 
bres, cela  fait  neuf  mille  six  cent» 
chansonniers;  chacun  d'eux  fait  une 
chanson  au  moins  tous  les  mois  ;  on  a 
donc  tous  les  ans.  cent  quinze  mille 
deux  cents  chansons  nouvelles,  sans 
compter  toutes  celles  qui  sont  faites  par 
des  amateurs  pour  les  noces ,  fêtes 
baptêmes  et  circonstances  :  ce  n'est  pa 
trop  que  d'en  supposer  le  même  nom 
bre.  Ainsi,  Paris  seul  fournit  la  matièr 
de  trois  cent  mille  chansons  par  an. 


DE  LA  CHANSON  FRANÇAISE.  1S 

En  en  accordant  un  peu  moins  à  tout  le 
reste  de  la.  France ,  nous  avons  une 
moyenne  de  cinq  cent  mille  chansons , 
qui  produisent  au  bout  d'un  siècle  le 
total  de  dix  millions  de  chansons,  ce 
gai  fait  un  assez  joli  fonds  social  à  ex- 
ploiter. 

Qu'on  dise  maintenant  que  notre 
siècle  positif  et  spéculateur  ne  s'occupe 
pas  beaucoup  de  chansons  !  Il  est  vrai 
que  les  chemins  de  fer  et  les  opérations 
de  la  bourse  lui  paraissent  bien  plus 
importants,  que  le  vaudeville  a  perdu 
sa  marotte  et  sa  férule,  qu'on  ne  chante  u 
plus  au  dessert  comme  du  temps  de  nos 
aïeux  et  même  du  temps  de  l'Empire  ; 
que  le  bon  ton  est  de  sortir  de  table 
pour  fumer  un  cigare ,  et  d'aller  à 
l'Opéra-Buffa.  L'opéra-comique  n'a  plus 
de  ces  petits  airs  chantants  que  tout  le 
monde  retenait.  Mais  la  gaieté  française 
s'est  réfugiée  dans  la  bourgeoisie  et 
dans  la  classe  ouvrière,  où  elle  trouve 
encore  quelques  bonnes  gens  qui  n'ont 
pas  déserté  son  culte.  Il  ne  faut  pour- 


20     HISTOir.E  DE  LA   CHANSON   FRANÇAISE. 

tant  pas  en  désespérer  :  l'esprit  français 
peut  sommeiller ,  mais  il  se  réveillera  ; 
et  la  chanson ,  au  lieu  de  dire  comme 
le  brave  de  la  grande  armée  :  La  garde 
meurt,  mais  ne  se  rend  pas,  doit  dire  : 
La  chanson  se  rend,  mais  elle  ne  meurt 
'■as  ! 


INTRODUCTION. 


Les  Français  ont  toujours  chanté,  ils 
chanteront  toujours.  La  chanson  n'est 
pas  aussi  frivole  que  l'on  pourrait  le 
penser  :  elle  est  l'expression  de  tous  les 
sentiments,  elle  prend  mille  formes  ; 
elle  est  gaie ,  satirique  ,  badine ,  gra- 
cieuse, enthousiaste  ;  elle  peint  l'amour, 
elle  fronde  les  abus,  elle  s'élève  par  les 
accents  de  la  gloire,  elle  attendrit  les 
femmes,  elle  fait  trembler  les  puissants, 
elle  exalte  les  cœurs ,  et  c'est  en  chan- 
tant que  les  soldats  français  ont  mar- 
ché aux  combats,  comme  c'est  en  chan- 
tant que  le  peuple  laborieux  adoucit  sa 
peine  eî  s'encourage  à  ses  travaux. 


22  INTRODUCTION. 

La  chanson  est  éminemment  fran- 
çaise. Les  autres  peuples  ont  des  chants, 
mais  ils  n'ont  pas  de  chansons.  Ce  petit 
poëme  tient  au  caractère  de  la  nation  ; 
il  lui  emprunte  sa  gaieté ,  sa  malice  ; 
il  est  toujours  empreint  de  son  esprit. 

On  peut  dire  que  les  Français  sont 
nés  poètes  et  chansonniers  ;  ils  le  sont 
dans  toutes  les  classes;  car  nos  rois 
ont  fait  des  chansons  et  des  vers,  ainsi 
qu'en  font  nos  artisans  et  quelquefois 
des  gens  du  peuple,  qui  n'ont  d'autre 
inspiration  que  leur  esprit  naturel. 

Nos  troubadours,  nos  trouvères,  n'é- 
taient pas  tous  des  hommes  d'étude.  De 
simples  villageois  ,  inspirés  par  leur 
génie  souvent  inculte,  mais  toujours 
poétique,  ont  composé  des  ballades,  des 
romances,  des  complaintes,  des  chan- 
sonnettes, qui,  transmises  de  siècle  en 
siècle  par  la  simple  tradition ,  sont  en- 
core aujourd'hui  des  modèles  de  bon- 
homie spirituelle  et  de  naïveté  piquante. 

Depuis  quatre  siècles,  nous  trouvons 
la  chanson  naturalisée  dans  notre  pays, 


INTRODUCTION.  23 

et  cultivée  avec  succès.  La  chanson  est 
nationale,  et  ses  anciennes  illustrations 
se  sont  reflétées  jusqu'à  notre  époque, 
où  elle  compte  parmi  ses  gloires  les 
noms  de  Désaugiers,  de  Béranger  et  de 
Casimir  Delavigne. 

Les  recueils  de  chansons  ont  toujours 
eu  du  succès.  La  variétés  des  tons  ,  le 
mélange  des  genres,  le  choix  que  l'on  y 
fait  des  productions  piquantes  des  meil- 
leurs auteurs ,  contribuent  à  les  faire 
rechercher  plutôt  que  les  œuvres  com- 
plètes même  des  bons  chansonniers. 
Chacun  d'eus ,  malgré  son  esprit ,  a 
toujours  une  couleur  un  peu  uniforme , 
et ,  un  poète  l'a  dit  : 

L'ennui  naquit  un  jour  de  l'uniformité. 

On  s'amuse  moins  dans  un  jardin 
régulièrement  dessiné  que  dans  les  cam- 
pagnes dont  les  aspects  variés  offrent  à 
l'œil  des  sites  différents ,  et  présentent 
tour  à  tour  des  châteaux,  des  chau- 
mières, des  bosquets  riants,  des  collines 
eauvages,  des  plaines  cultivées,  d'âpres 


24  INTRODUCTION. 

rocners  et  des  gazons  parsemés  de  fleurs. 
De  même,  dans  un  recueil  de  chansons, 
on  en  rencontre  de  gaies,  de  gracieuses, 
de  bouffonnes,  de  spirituelles,  denaïves; 
on  y  trouve  la  couleur  des  époques 
diverses  où  elles  ont  été  composées  ; 
enfin  il  y  en  a  pour  tous  les  goûts  ; 
toutes  les  classes  de  lecteurs  peuvent  y 
satisfaire  leur  fantaisie  et  même  leurs 
caprices. 

Disons  à  ceux  qui  dédaignent  les 
chansons ,  que  la  poésie  fut  le  premier 
mobile  de  l'adoucissement  des  mœurs  ; 
que  le  chant  prête  aux  vers  une  nou- 
velle grâce,  et,  commeTaditle  spirituel 
Lamotte  : 

Les  vers  sont  enfants  de  la  lyre: 
Il  faut  les  chanter,  non  les  lire. 


CHANSONS 
NATIONALES  ET  POPULAIRES 

DE  IA  FRANCE. 


yzort  et  Convoi 
de  l'invincible  Malnrougb. 

H  y  avait  soixante  ans  que  le  fameux 
duc  de  Marlborough  était  mort ,  après 
avoir  été  oublié  pendant  dix  ans ,  lors  - 
qu'en  1781,  la^  nourrice  du  Dauphin 
fils  de  Louis  XVI  ' ,  chanta  en  berçant 
son  royal  nourrisson,  cette  espèce  de 
iallade  dont  l'air  naïf  et  gracieux  fit 
ensation.  M.  de  Chateaubriand,  qui  a 
entendu  chanter  cet  air  dans  l'Orient, 
croit  qu'il  y  a  été  porté  du  temps  des 

'   Elle  se  nommait  madame  Poitrine. 


26  CHASSONS 

croisades.  Les  paroles  burlesques  avaient 
probablement  été  rapportées  dans  plu- 
sieurs provinces  après  la  bataille  de  Mal- 
plaquet,  en  1709,  par  quelques  soldats 
de  Villars  et  de  Boufflers.  Déjà ,  en 
1706 ,  on  avait  composé  sur  Marlbo- 
rough  des  couplets  qui  se  trouvent  dans 
le  recueil  manuscrit,  en  quarante-quatre 
volumes ,  de  chansons  historiques  ,  fait 
..  pour  M.  de  Maurepas,  et  qui  se  trouve 
au  dépôt  des  Manuscrits  de  la  Biblio- 
thèque royale.  La  chanson  de  la  nour- 
rice fut  bientôt  à  la  mode  au  château 
de  Versailles  ,  parvint  à  Paris  et  se  ré- 
pandit bientôt  dans  toute  la  France. 
Pendant  quatre  ou  cinq  ans ,  on  n'en- 
tendit que  le  refrain  :  i^ironton,  miron- 
taine.  La  chanson  fut  imprimée  sur  les 
éventails  et  les  écrans,  avec  une  gravure 
représentant  le  convoi  de  Malbrough , 
madame  montée  sur  sa  tour,  le  page 
tout  de  noir  habillé,  etc.  Cette  estampe 
fut  imitée  de  toutes  les  grandeurs ,  de 
toutes  les  formes,  courut  les  rues  et 
les  villages,  et  elle  a  donné  à  M.  de  Mari- 


POPULAIRES.  27 

borough  une  célébrité  plus  populaire  que 
toutes  ses  victoires.  Toutes  les  fois  que 
Napoléon  montait  à  cheval  pour  entrer 
en  campagne,  il  fredonnait  l'air  :  Mal- 
brough  s'en  va-t-en  guerre.  A  Sainte- 
Hélène,  près  de  son  lit  de  mort ,  ayant 
parlé  du  duc  de  Marlborough  avec 
M.  de  Las  Cases,  et  en  ayant  fait  l'éloge, 
il  vint  à  penser  à  la  cbanson ,  ne  put 
s'empêcher  de  sourire ,  et  dit  :  «  Yoilà 
pourtant  ce  que  c'est  que  le  ridicule;  il 
stigmatise  tout ,  jusqu'à  la  victoire  I  » 
puis  il  fredonna  le  premier  couplet. 

Peu  de  personnes  connaissent  au- 
jourd'hui un  poëme  en  quatre  chants, 
intitulé:  Malbrough ,  composé  en  1783 
par  Beffroi  de  Reigny  qui  se  faisait  ap- 
peler le  cousin  Jacques  ,  et  qui  constate 
que  ce  fut  la  nourrice  du  Dauphin  qui 
apporta  la  chanson  de  Malbrough  à 
Versailles  ;  on  joua  à  la  même  époque 
sur  le  théâtre  de  Xicolet  la  grande  pan- 
tomime de  Malbrough  ;  et  une  pièce 
comique  sous  le  même  titre,  qui  fut 
jouée  en  1834  aux  Variétés,  vient  d'être 


28  CHANSONS 

reprise  avec  succès  sur  le  théâtre  dea 
Folies-Dramatiques. 

Malbrough  s'en  va-t-en  guerre , 
Mironton  ,  mironton ,  mirontaine  ; 
Malbrough  s'en  va-t-en  guerre , 
Ne  sait  quand  reviendra.  ter. 

Il  reviendra  z'à  Pâques , 
Mironton ,  mironton ,  mirontaine  ; 
Il  reviendra  z'à  Pâques 
Ou  à  la  Trinité.  ter. 

La  Trinité  se  passe , 
Mironton,  mironton,  mirontaine  ; 
La  Trinité  se  passe, 
Malbrough  ne  revient  pas.  ter. 

Madame  à  sa  tour  monte , 
Mironton ,  mironton ,  mirontaine  ; 
Madame  à  sa  tour  monte , 
Si  haut  qu'ell'  peut  monter.       ter. 

Elle  aperçoit  son  page, 
Mironton ,  mironton  ,  mirontaine  ; 
Elle  aperçoit  son  page  , 
Tout  de  noir  habillé.  L  r. 

Beau  page,  ah  !  mon  beau  page , 
Mironton,  mironton,  mirontaine; 


M)HJLAIRES. 

Beau  page,  ab  :  mon  beau  page , 
Quell'  nouvelle  apportez  ?         ter. 

Aux  nouvell's  que  j'apporte , 
Mironton,  mironton,  mirontaine; 
Aux  nouvell's  que  j'apporte, 
Vos  beaux  yeux  vont  pleurer,    ter. 

Quittez  vos  habits  roses  , 
Mironton,  mironton,  mirontaine; 
Quittez  vos  habits  roses 
Et  vos  satins  brochés.  ter. 

Monsieur  d'Malbrough  est  mort, 
Mironton,  mironton,  mirontaine; 
Monsieur  d'Malbrough  est  mort, 
Est  mort  et  enterré!...  ter. 

V  l'ai  vu  porter  en  terre , 
Mironton,  mironton,  mirontaine; 
J'I'ai  vu  porter  en  terre , 
Par  auatre  z'officiers.  ter. 

L'un  portait  sa  cuirasse, 
Mironton,  mironton,  mirontaine; 
L'un  portait  sa  cuirasse  , 
L'autre  son  bouclier.  ter. 

L'un  portait  son  grand  sabre, 
Mironton,  mironton,  mirontaine; 


30  CHANSONS 

L'un  portait  son  grand  sabre , 
L'autre  ne  portait  rien.  ter. 

A  l'enlour  de  sa  tombe , 
Mironton ,  mironton ,  mirontaine  ; 
A  l'entour  de  sa  tombe, 
Romarins  l'on  planta.  ter. 

Sur  la  plus  haute  branche, 
Mironton ,  mironton  ,  mirontaine  ; 
Sur  la  plus  haute  branche, 
Le  rossignol  chanta.  ter. 

On  vit  voler  son  âme, 
Mironton  ,  mironton,  mirontaine  ; 
On  vit  voler  son  âme , 
Au  travers  des  lauriers.  ter. 

Chacun  mit  ventre  à  terre , 
Mironton ,  mironton ,  mirontaine  ; 
Chacun  mit  ventre  à  terre 
Et  puis  se  releva  t et . 

Pour  chanter  les  victoires, 
Mironton  ,  mironton  ,  mirontaine  ; 
Pour  chanter  les  victoires , 
Que  Malbrough  remporta.  ter. 

La  cérémoni'  faite , 
Mironton ,  mironton ,  mirontaine  ; 


POPULAIRES. 

La  cérémoni'  faite, 

Chacun  s'en  fut  coucher.  ter. 

Les  uns  avec  leurs  femmes, 
Mironton,  mironton .  mirontaine. 
Les  uns  avec  leurs  femmes , 
Et  les  autres  tout  seuls.  ter. 

Ce  n'est  pas  qu'il  en  manque, 
Mironton ,  mironton  ,  miron laine  ; 
Ce  n'est  pas  qu'il  en  manque, 
Car  j'en  connais  beaucoup.        ter. 

Des  blondes  et  des  brunes , 
Mironton  ,  mironton  ,  mirontaine  ; 
Des  blondes  et  des  brunes, 
Zt  des  chalaign's  aussi.  ter. 

J'n'en  dis  pas  davantage  , 
Mironton  ,  mironton  ,  mirontaine  ; 
J'n'en  dis  pas  davantage , 
Car  en  voilà  z'assez.  ter. 


L'^ir  de  cette  chanson  est  extrêmement  gracieux, 
Beaumarchais  l'a  employé  avec   succès    dans  le 

M.  e  de  Figaro ,  pour  la  jolie  romance  da  pa gfl 

Gb«       .n. 


33 


91.  de  lia  Palisse. 

Voici  ce  qu'on  lit  dans  le  Menagianu, 
édition  de  1715,  que  l'on  sait  avoir  été 
revue  par  La  Monnoie  :  «  Gabriel  Naudé, 
qui ,  dans  son  dialogue  de  Mascurat  e 
de  Saint-Ange ,  a  discouru  fort  au  lon^; 
de  la  poésie  burlesque  et  de  ses  différent 
styles,  ne  paraît  pas  en  avoir  connu 
un  qu'on  pourrait  fort  bien ,  ce  me 
semble,  appeler  le  style  niais,  tel  qu'est 
celui  de  la  chanson  intitulée  :  le  Fa- 
meux La  Galisse,  homme  imaginaire, 
dont  on  a  pris  plaisir  de  faire  en  cin- 
quante quatrains  la  description  sui- 
vante ,  etc.  » 

Il  est  singulier  que  La  Monnoie  n'ait 
pas  alors  indiqué  qu'il  était  l'auteur  de 
cette  chanson.  Cependant,  dans  ses 
œuvres  publiées  l'année  suivante,  1716., 
et  de  son  vivant,  le  même  passe  se 
retrouve  textuellement  copié ,  c     épté 


POPULAIRES.  33 

qu'on  y  a  ajouté  :  Dont  M.  de  La  Mon- 
naie a  pris,  etc.  A  cette  époque  ,  c'était 
donc  M.  de  La  Galisse  et  non  M.  de  La 
Palisse.  Le  nom  du  maréchal  qui  com- 
battit avec  François  Ier,  àPavie,  s'écri- 
vait La  Police;  mais  la  ressemblance 
des  deux  noms  et  de  l'air  choisi  par 
l'auteur  de  la  chanson,  aura  motivé  la 
confusion.  Cet  air  était  celui  d'un  cou 
plet  fait  sans  doute  lors  de  la  défaite  de 
Pavie,  et  dont  voici  les  paroles  : 

Monsieur  La  Palisse  est  mort , 
Il  est  mort  devant  Pavie. 
Un  quart  d'heure  avant  sa  mon 
Il  était  encore  en  vie!.... 

La  chanson  de  La  Palisse  commence 
ainsi  dans  le  recueil  de  romances  im- 
nrimé  en  1767,  et  le  titre  de  l'air,  ainsi 
^ue  sa  musique  primitive,  est  gravé 
dans  le  Théâtre  de  la  Foire,  1737.  Alors 
le  nom  du  héros  avait  changé ,  et  dans 
l'édition  des  Œuvres  de  La  Monnoie , 
3  vol.  in-8°,  1770,  on  lit  :  Chanson  sur 
le  fameux  La  PaUsse.  L'air  langoureux. 

3 


34  CHANSONS 

qui  était  celui  d'un  ancien  noël  >  con- 
venait aux  paroles  ;  celui  qu'on  y  a  sub- 
stitué depuis  une  cinquantaine  d'années, 
ne  s'y  ajuste  qu'en  doublant  quelques 
notes. 

Revenons  à  Ménage,  qui  ignorait  de 
qui  était  la  chanson;  s'il  avait  cru 
qu'elle  fût  de  LaMonnoie,  il  n'aurait 
pas  été.  étonné  que  Gabriel  Naudé  n'en 
eût  pas  parlé  dans  son  ouvrage,  imprimé 
en  1650,  La  Monnoie  n'ayant  alors  que 
neuf  ans.  Cet  ouvrage,  dont  parle  Mé- 
nage sous  le  titre  de  Mascurat,  était 
aussi  connu  sous  le  titre  de  :  Jugement 
de  tout  ce  qui  a  été  imprimé  contre  le 
cardinal  Mazarin. 

Du  reste ,  la  chanson  commençant 
par  les  mots  :  Messieurs ,  vous  plaît-il 
d'ouïr  l'air  du  fa7iieux  La  Galisse  ou  La 
Palisse,  prouve  que  cet  air  était  connu 
et  qu'il  y  avait  une  chanson  plus  an- 
cienne. 


Messieurs ,  vous  pîait-il  d'ouïr 
L'air  du  fameux.  La  Palisse? 


POPULAIRE  S.  35 

Il  pourra  vous  réjouir, 
Pourvu  qu'il  vous  divertisse. 

La  Palisse  eut  peu  de  bien 
Pour  soutenir  sa  naissance  ; 
Mais  il  ne  manqua  de  rien , 
Dès  qu'il  fut  dans  l'abondance. 

Bien  instruit  dès  le  berceau , 
Jamais,  tant  il  fut  honnête, 
Il  ne  mettait  son  chapeau , 
Qu'il  ne  se  couvrit  la  tête. 

Il  était  affable  et  doux , 
De  l'humeur  de  feu  son  père , 
Et  n'entrait  guère  en  courroux 
Si  ce  n'est  dans  la  colère. 

Il  buvait  tous  les  malins 
Un  doigt  tiré  de  la  tonne , 
Et  mangeant  chez  ses  voisins , 
Il  s'y  trouvait  en  personne. 

Il  voulait  dans  ses  repas 
Des  mets  exquis  et  fort  tendres  . 
Et  faisait  son  mardi  gras 
Toujours  la  veille  des  Cendres. 

Ses  valets  étaient  soigneux 
De  le  servir  d'andouillettes 


36  CHANSONS 

Et  n'oubliaient  pas  1<    iœufs , 
Surtout  dans  les  omettes. 

De  l'inventeur  du  raisin 
Il  révérait  la  mémoire  ; 
Et  pour  bien  goûter  le  vin 
Jugeait  qu'il  en  fallait  boire. 

Il  disait  que  le  nouveau 
Avait  pour  lui  plus  d'amorce; 
Et  moins  il  y  mettait  d'eau 
Plus  il  y  trouvait  de  force. 

Il  consultait  rarement 
Hippocrate  et  sa  doctrine, 
Et  se  purgeait  seulement 
Lorsqu'il  prenait  médecine. 

Il  aimait  à  prendre  l'air 
Quand  la  saison  était  bonne  ; 
Et  n'attendait  pas  l'hiver 
Pour  vendanger  en  automne. 

Il  épousa ,  ce  dit-on , 
Une  vertueuse  dame  ; 
S'il  avait  vécu  garçon  , 
Il  n'aurait  pas  eu  de  femme. 

11  en  fut  toujours  chéri  ; 
Elle  n'était  point  jalouse  ; 


POPULAIRES.  37 

Sitôt  qu'il  fut  son  mari , 
211e  devint  son  épouse. 

D'un  air  galant  et  badin , 
Il  courtisait  sa  Caliste  , 
Sans  jamais  être  chagrin 
Qu'au  moment  qu'il  était  triste. 

Il  passa  près  de  huit  ans 
Avec  elle  fort  à  l'aise  ; 
Il  eut  jusqu'à  huit  enfants  : 
C'était  la  moitié  de  seize. 

On  dit  que  dans  ses  amours 
Il  fut  caressé  des  belles  , 
Qui  le  suivirent  toujours 
Tant  qu'U  marcha  devant  elles. 

Il  brillait  comme  un  soleil  ; 
Sa  chevelure  était  blonde  ; 
Il  n'eût  pas  eu  son  pareil , 
S'il  eût  été  seul  au  monde. 

Il  eut  d«s  talents  divers  ; 
Même  on  assure  une  chose  : 
Quand  il  écrivait  en  vers , 
Qu'il  n'écrivait  pas  en  prose. 

En  matière  de  rébus  , 

Il  n'avait  pas  son  semblable  : 


38  CHANSONS 

S'ii  eût  fait  des  impromptus , 
Il  en  eût  été  capable. 

11  savait  un  triolet 
Bien  mieux  que  sa  patenôtre 
Quand  il  chantait  un  couplet, 
Il  n'en  chantait  pas  un  autre. 

Il  expliqua  doctement 
La  physique  et  la  morale  : 
Il  soutint  qu'une  jument 
Est  toujours  une  cavale. 

Par  un  discours  sérieux , 
Il  prouva  que  la  berlue 
Et  les  autres  maux  des  yeux , 
Sont  contraires  à  la  vue. 

Chacun  alors  applaudit 
A  sa  science  inouïe  ; 
Tout  homme  qui  l'entendit, 
N'avait  pas  perdu  l'ouïe. 

Il  prétendit  en  un  mois 
Lire  toute  l'Écriture , 
Et  l'aurait  lue  une  fois, 
S'il  en  eût  fait  la  lecture. 

Par  son  esprit  ef  son  air, 
Il  s'acquit  le  don  de  plaire, 


POPULAIRES.  39 

Le  roi  l'eût  fait  duc  et  pair. 
S'il  avait  voulu  le  faire. 

Mieux  que  tout  autre  il  savait 
A  la  cour  jouer  son  rôle  : 
Et  jamais ,  lorsqu'il  buvait . 
Ne  disait  une  parole. 

Lorsqu'ea  sa  maison  des  en 
Il  vivait  libre  et  tranquille . 
On  aurait  perdu  son  temps 
De  le  chercher  à  la  ville. 

Un  jour  il  fut  assigné 
Devant  son  juge  ordinaire  . 
S'il  eût  été  condamné , 
Il  eût  perdu  son  affaire. 

Il  voyageait  volontiers , 
Courant  par  tout  le  royau: 
Quand  il  était  à  Poitiers, 
Il  n'était  pas  à  Vendôme. 

Il  se  plaisait  en  bateau  ; 
Et,  soit  en  paix ,  soit  en  gjerrs  ; 
Il  allait  toujours  par  eau, 
Quand  il  n'allait  pas  par  terre. 

Un  beau  jour,  s'élant  fourré 
Dans  un  profond  marécage , 


40  CHANSONS 

Il  y  serait  demeuré , 

S'il  n'eût  pas  trouvé  passage. 

Il  fuyait  assez  l'excès  ; 
Mais  dans  les  cas  d'importance, 
Quand  il  se  mettait  en  frais , 
Il  se  mettait  en  dépense. 

Dans  un  superbe  tournoi , 
Prêt  à  fournir  sa  carrière , 
Il  parut  devant  le  roi  : 
Il  n'était  donc  pas  derrière. 

Monté  sur  un  cheval  noir, 
Les  dames  le  reconnurent, 
Et  c'est  là  qu'il  se  fit  voir 
A  tous  ceux  qui  l'aperçurent. 

Mais  bien  qu'il  fût  vigoureux , 
Bien  qu'il  fit  le  diable  à  quatre, 
Il  ne  renversa  que  ceux 
Qu'il  eut  l'adresse  d'abattre. 

Au  piquet ,  par  tout  pays , 
Il  jouait  suivant  sa  pente, 
Et  comptait  quatre-vingt-dix 
Lorsqu'il  faisait  un  nouante. 

Il  savait  les  autres  jeux 
Qu'on  joue  à  l'académie, 


POPULAIRES.  41 

Et  n'était  pas  malheureux , 
Tant  qu'il  gagnait  la  partie. 

On  s'étonne  sans  raison 
D'une  chose  très-commune  : 
C'est  qu'il  vendit  sa  maison  ; 
Il  fallait  qu'il  en  eût  une. 

II  choisissait  prudemment 
De  deux  choses  la  meilleure, 
Et  répétait  fréquemment 
Ce  qu'il  disait  à  toute  heure. 

Il  fut,  à  la  vérité, 
Un  danseur  assez  vulgaire; 
Mais  il  n'eût  pas  mal  chanté, 
S'il  n'avait  voulu  se  taire. 

Il  eut  la  goutte  à  Paris , 
Longtemps  cloué  sur  sa  couche  ; 
En  y  jetant  les  hauts  cris , 
Il  ouvrait  bien  fort  la  bouche. 

On  raconte  que  jamais 
Il  ne  pouvait  se  résoudre 
A  charger  ses  pistolets 
Quand  il  n'avait  pas  de  poudre. 

On  ne  le  vit  jamais  las, 
Ni  sujet  à  la  paresse  : 


CHANSONS 

Taudis  qu'il  ne  dormait  pas  , 
On  tient  qu'il  veillait  sans  cesse 

C'était  un  homme  de  cœur, 
Insatiable  de  gloire  ; 
Lorsqu'il  était  le  vainqueur, 
Il  remportait  la  victoire. 

Les  places  qu'il  attaquait, 
A  peine  osaient  se  défendre  ; 
Et  jamais  il  ne  manquait 
Celles  qu'on  lui  voyait  prendre. 

Un  devin ,  pour  deux  testons , 
Lui  dit  d'une  voix  hardie , 
Qu'il  mourrait  de  là  les  monts , 
S'il  mourait  en  Lombardie. 

n  y  mourut ,  ce  héros , 
Personne  aujourd'hui  n'en  doute; 
Sitôt  qu'il  eut  les  yeux  clos , 
Aussitôt  il  ne  vit  goutte. 

Il  fut ,  par  un  triste  sort , 
Blessé  d'une  main  cruelle. 
On  croit,  puisqu'il  en  est  mort, 
Que  la  plaie  était  mortelle. 

Regretté  de  ses  soldats , 
Il  mourut  digne  d'envie  ; 


POPULAIRES,  43- 


Et  le  jour  de  son  trépas 
Fut  le  dernier  de  sa  vie. 

Il  mourut  le  vendredi , 
Le  dernier  jour  de  son  âge  ; 
S'il  fût  mort  le  samedi , 
Il  eût  vécu  davantage. 

J'ai  lu  dans  les  vieux  écrits 
Qui  contiennent  son  histoire, 
Qu'il  irait  en  paradis , 
S'il  n'était  en  purgatoire. 


lie  roi  Dagobert. 

Il  est  difficile  d'assigner  une  origine 
à  cette  chanson  burlesque ,  et  d'imagi- 
ner quel  poète  a  eu  la  fantaisie  de  res- 
susciter le  roi  Dagobert  et  saint  Eloi. 
Tout  le  monde  sait  que  ce  dernier,  qui 
avait  dès  sa  jeunesse  excellé  dans  les 
ouvrages  d'orfèvrerie,  avait  été  employé 
par  Dagobert,  qui  le  fit  son  trésorier  e 
son  monétaire.  Nous  avons  encore  des 
monnaies  de  ce  roi,  où  le  nom  à'Eligius 


44  CHANSONS 

wonetarius ,  Eloi  monétaire,  est  con- 
signé. Il  devint  évêque  de  Noyon ,  et 
fut  le  confident  de  Dagobert,  à  qui  il 
inspira  le  goût  des  fondations  pieuses. 
Sa  vie  a  été  écrite  par  saint  Ouen,  et 
nous  ne  pouvons  rapporter  tous  les 
miracles  que  cet  écrivain  lui  attribue  ; 
il  en  est  pourtant  un  assez  singulier 
pour  le  mentionner.  L'église  de  Sainte- 
Colombe  ayant  été  volée,  saint  Eloi 
s'en  plaignit  à  cette  sainte,  et  lui  dit 
d'une  façon  hardie  :  Si  vous  ne  faites 
rapporter  aux  voleurs  les  ornements  et 
l'argent  de  votre  église,  je  la  fermerai  si 
bien  que  personne  n'y  viendra  plus.  La 
nuit  suivante,  le  tout  fut  rapporté. 

Quant  à  Dagobert,  son  règne  eut  de 
bons  commencements ,  mais  l'amour 
des  femmes  le  porta  aux  plus  honteux 
excès  ;  il  accabla  le  peuple  d'impôts , 
fit  des  guerres  injustes  et  commit  de 
grandes  cruautés. 

Il  mourut  de  ses  débauches  à  trente- 
six  ans.  Il  avait  fondé  l'abbaye  de  Saint- 
Denis  et  y  fut  enterré.  On  voit  encore 


POPULAIRES.  45 

dans  cette  église  une  sculpture  bizarre 
représentant  la  vision  d'un  évêque  qui 
avait  aperçu  l'âme  de  Dagobert  emme- 
née en  enfer  par  les  démons,  et  plusieurs 
saints  ,  entre  autres  saint  Denis ,  l'ar- 
rachant de  leurs  griffes  et  la  portant 
au  ciel.  Quelques  chroniques  lui  ont 
donné  le  titre  de  saint,  mais  l'Eglise  ne 
le  lui  a  pas  confirmé.  Tout  le  monde  a 
vu  au  Cabinet  des  Antiques  le  fauteuil 
de  Dagobert,  monument  de  bronze  fait, 
disait-on,  par  saint  Eloi.  Il  a  été  rendu 
à  l'abbaye  de  Saint-Denis  en  1841. 

Dans  tout  ce  que  nous    venons   de 
dire ,  rien  ne  peut  motiver  la  chanson 
du  Bon  Roi  Dagobert.  Le  style  prouve 
qu'elle   n'est   pas  fort   ancienne ,  non 
plus  que  l'air  de  chasse  sur  lequel  o 
la  chante.  Les  anachronismes  sont  tro 
visibles  pour  qu'ils  n'aient  pas  été  fait 
exprès.  Cette  chanson  est  une  espèce  de 
thème  sur  lequel  tout  le  monde  a  brodé; 
vers  1813  ,  elle  redevint  à  la  mode ,  et 
on    y    ajouta    des   couplets    satiriques 
évidemment  dirigés  contre  Napoléon, 


46  CHANSONS 

et  relatifs  à  la  campagne  de  Russie.  La 
chanson,  qui  courait  lesrttes,  fut  défen- 
due par  la  police.  Je  ne  sais  pourquoi 
Dagobert  a  donné  lieu  à  plusieurs  plai- 
santeries, entre  autres  à  celle  si  connue  : 
//  n'est  si  bonne  compagnie  qui  ne  se 
quitte,  disait  le  roi  Dagobert  à  ses  chiens, 
en  les  envoyant  noyer  parce  qu'ils  avaient 
la  gale.  Quant  à  saint  Eloi ,  qui  est  le 
patron  des  orfèvres  et  des  forgerons ,  il 
a  encore  servi  de  texte  à  une  chanson 
un  peu  grossière  dont  nous  donnerons 
un  couplet. 

Air  :  J'ai  rêvé  toute  la  nuit. 

Saint  Éloi  avait  un  fils 

Qui  se  nommait  Oculi  : 

Et  quand  saint  Éloi  forgeait, 

Son  fils  Oculi  ,  bis. 

Et  quand  saint  Éloi  forgeait, 
Son  fils  Oculi  soufflait. 

LE  R.OI  DAGOBERT. 

Le  bon  roi  Dagobert 
Avait  sa  culGtte  à  l'envers  ; 


POPULAIRES. 

Le  grand  saint  Eloi 
Lui  dit  :  «  0  mon  roi  ! 
Votre  Majesté 
tel  mal 

—  C'est  vrai ,  lui  dit  le  roi , 
Je  vais  ia  remettre  à  l'endroit.  » 

Comme  il  la  rem:: 
Et  qu'un  peu  il  se  découvrait , 
Le  grand  saint  Êloi 
Lui  dit  :  «  0  mon  roi  ! 

irez  la  peau 
Plus  noir  qu'un  corbeau. 

—  Bah  !  bah  !  lui  dit  le  roi , 

La  rein'  l'a  plus  noire  que  moi.  > 

Le  bon  roi  Dagobeft 
Fut  mettre  son  bel  habit  vert  ; 
Le  grand  saint  1 
Lui  dit  •  «  0  mon  roi  ! 
Votre  habit  paré 
Au  coude  est  percé. 

—  C'est  vrai ,  lui  dit  le  roi  ; 
Le  tien  est  bon  :  prête-le  moi.  » 

Du  bon  roi  Dagobert 
Les  Das  étaient  longés  des  *ere  ; 
Le  grand  saint  Êloi 
Lui  dit  :  «  O  mon  roi  : 
Vos  deux  cas  cadets 


CHANSONS 

Font  voir  vos  mollets. 

—  C'est  vrai ,  lui  dit  le  roi  ; 

Les  tiens  sont  bons  :  donne-les-moi.  • 

Le  bon  roi  Dagobert 
Faisait  peu  sa  barbe  en  biver  ; 
Le  grand  saint  Éloi 
Lui  dit  :  «  0  mon  roi! 
Il  faut  du  savon 
Pour  votre  menton. 

—  C'est  vrai ,  lui  dit  le  roi  ; 
As-tu  deux  sous?  prête-les  moi.  » 

Du  bon  roi  Dagobert 
La  perruque  était  de  travers  ; 
Le  grand  saint  Éloi 
Lui  dit  :  «  0  mon  roi  ! 
Votre  perruquier 
Vous  a  mal  coiffé. 

—  C'est  vrai ,  lui  dit  le  roi  ; 

Je  prends  ta  tignasse  pour  moi.  >» 

Le  bon  roi  Dagobert 
Portait  manteau  court  en  hiver  ; 
Le  grand  saint  Éloi 
Lui  dit  :  «  0  mon  roi! 
Votre  Majesté 
Est  bien  écourté. 

—  C'est  vrai ,  lui  dit  le  roi  ; 
Fais-le  rallonger  de  deux  doigts.  » 


POPULAIRES.  49 

Du  bon  roi  Dagobert 
Le  cbapeau  coiffait  comme  un  cerf  ; 
Le  grand  saint  Éloi 
Lui  dit  :  •<  0  mon  roi! 
La  corne  au  milieu 
Vous  siérait  bien  mieux. 

—  C'est  vrai ,  lui  dit  le  roi  : 
J'avais  pris  modèle  sur  toi.  » 

Le  roi  faisait  des  vers  ; 
Mais  il  les  faisait  de  travers  ; 
Le  grand  saint  Éloi 
Lui  dit  :  «  0  mon  roi  ! 
Laissez  aux  oisons 
Faire  des  chansons. 

—  C'est  vrai ,  lui  dit  le  roi  ; 
C'est  toi  qui  les  feras  pour  moi.  * 

Le  bon  roi  Dagobert 
Chassait  dans  la  plaine  d'Anvers 
Le  grand  saint  Éloi 
Lui  dit  :  «  0  mon  roi  ! 
Votre  Majesté 
Est  bien  essoufflé. 

—  C'est  vrai ,  lui  dit  le  HA  : 
Un  lapin  courait  après  moi.  » 

Le  bon  roi  Dagobert 
Allait  à  la  chasse  au  piton  ; 
Le  grand  saint  Eloi 
Lui  dit  :  «  0  mon  roi  : 


50  CHÀNSOSS 

La  chasse  aux  coucous 
Vaudrait  mieux  pour  vous. 

—  Eh  bien ,  lui  dit  le  roi , 

Je  vais  tirer:  prends  garde  à  toi. 

Le  bon  roi  Dagobert 
Avait  un  grand  sabre  de  fer  ; 
Le  grand  saint  Éloi 
Lui  dit  :  «  0  mon  roi  ! 
Votre  Majesté 
Pourrait  se  blesser. 

—  C'est  vrai ,  lui  dit  le  roi  ; 
Qu'on  me  donne  un  sabre  de  boi; 

Les  chiens  de  Dagobert 
Étaient  de  gale  tout  couverts  ; 
Le  grand  saint  Éloi 
Lui  dit .-  «  0  mon  roi  ! 
Pour  les  nettoyer 
Faudrait  les  noyer. 

—  Eh  bien ,  lui  dit  le  roi , 
Va-t'en  les  noyer  avec  toi.  » 

Le  bon  roi  Dagobert 
Se  battait  à  tort,  à  travers  ; 
Le  grand  saint  Eloi 
Lui  dit  :  «  0  mon  roi  î 
Votre  Majesté 
Se  fera  tuer. 

—  C'est  vrai ,  lui  dit  le  roi  ; 
Mets-toi  bien  vite  devant  moi.  >• 


POPULAIRES. 

Le  bon  roi  Dagobert 
Voulait  conquérir  l'univers  ; 
Le  grand  saint  Éloi 
Lui  dit .-  «  0  mon  roi! 
Voyager  si  loin 
Donne  du  tintouin. 

—  C'est  vrai ,  lui  dit  le  roi  : 

Il  vaudrait  mieux  rester  chez  soi.  » 

Le  roi  faisait  la  guerre  ; 
Mais  il  la  faisait  en  hiver  ; 
Le  grand  saint  Éloi 
Lui  dit .-  «  0  mon  roi  ! 
Votre  Majesté 
Se  fera  geler. 

—  C'est  vrai ,  lui  dit  le  roi  ; 

Je  m'en  vais  retourner  chez  moi.  » 

Le  bon  roi  Dagobert 
Voulait  s'embarquer  sur  la  mer; 
Le  grand  saint  Éloi 
Lui  dit .-  «  0  mon  roi  • 
Votre  Majesté 
Se  fera  noyer. 

—  C'est  vrai ,  lui  dit  le  roi  : 
On  pourra  crier  :  Le  roi  boit!  » 

Le  bon  roi  Dagobert 
Avait  un  vieux  fauteuil  de  fer: 
um)  saint  Eloi 


52  CHANSONS 

Lui  dit  :  «  0  mon  roi  i 
Votre  vieux  fauteuil 
M'a  donné  dans  l'œil. 

—  Eh  bien  ,  lui  dit  le  roi , 
Fais-le  vite  emporter  chez  toi.  % 

La  reine  Dagobert 
Choyait  un  galant  assez  vert; 
Le  grand  saint  Eloi 
Lui  dit  :  «  0  mon  roi  ! 
Vous  êtes....  cornu, 
J'en  suis  convaincu. 

—  C'est  bon,  lui  dit  le  roi; 
Mon  père  l'était  avant  moi.  » 

Le  bon  roi  Dagobert 
Mangeait  en  glouton  du  dessert  ; 
Le  grand  saint  Eloi 
Lui  dit  :  «  0  mon  roi  I 
Vous  êtes  gourmand  ; 
Ne  mangez  pas  tant. 

—  Bah  !  bah  !  lui  dit  le  roi , 
Je  ne  le  suis  pas  tant  que  toi.  n 

Le  bon  roi  Dagobert 
Ayant  bu ,  allait  de  travers  ; 
Le  grand  saint  Éloi 
Lui  dit .-  «  0  mon  roi  ! 
Votre  Majesté 
Va  tout  de  côté. 


POPULAIRE*.  53 

—  Eh  bien ,  lui  dit  le  roi . 

Quand  t'es  gris  marches-tu  plvs  droit  ?' 

Quand  Dagobert  mourut, 
Le  diable  aussitôt  accourut; 
Le  grand  saint  Èloi 
Lui  dit  :  «  0  mon  roi  ! 
Satan  va  jm 

:  vous  confesser. 

—  Hélas!  dit  le  bon  roi, 

Ne  pourrais-tu  mourir  pour  moi  ?  m 


Cadet  Rousseiïe. 

Ce   fut   vers    1792    que   les  se. 

étendirent  chanter    dans  le 
Brabant  une  chanson  de  Jean  de  Nivelle. 
-nage  qui  leur  était  fort  inc: 
;uel  ils  substituèrent  quelque  lou- 
Ifl  régiment  appelé  Cadet  RousselU. 
Du  reste,  la  chanson  devint  si  popu- 
laire, qu'elle  donna  l'idée  d'une  pièce 
bouffonne  qui  fut  jouée  au  théâtre  de  la 
e£  dans  laquelle  l'acteur,  Brunst. 


54  CHANSONS 

eut  tant  de  succès  que  le  type  de  ce 
personnage  fut  souvent  employé  pour 
lui.  Il  est  certain  que  la  chanson  pri- 
mitive a  été  modifiée  et  augmentée  à 
plusieurs  reprises ,  et  qu'il  serait  diffi- 
cile d'en  retrouver  le  texte  original. 
Elle  a  cependant  été  imprimée  et  gra- 
vée chez  Frère;  l'air,  qui  était  fort  gai, 
a  été  mis  en  contredanse. 


Cadet  Rousselle  a  trois  maisons        bis. 
Qui  n'ont  ni  poutres  ni  chevrons.      bis. 
C'est  pour  loger  les  hirondelles  ; 
Que  direz-vous  d'Cadet  Rousselle  ? 

Ah!  ah  !  ah  !  mais  vraiment, 
Cadet  Rousselle  est  bon  enfant. 


Cadet  Rousselle  a  trois  habits  ;         bis. 
Deux  jaunes,  l'autre  en  papier  gris  ;  bis. 
Il  met  celui-là  quand  il  gèle , 
Ou  quand  il  pleut  et  quand  il  grêle. 

Ah  !  ah  !  ah  !  mais  vraiment , 
Cadet  Rousselle  est  bon  enfant. 

Cadet  Rousselle  a  trois  chapeaux  ;    bis. 
Les  deux  ronds  ne  sont  pas  très-beaux ,  bis. 


POPULAIRES.  55 

Et  le  troisième  est  à  deux  cornes  : 
De  sa  tête  il  a  pris  la  forme. 

Ah  !  ah  !  ah  !  mais  vraiment , 
Cadet  Rousselle  est  bon  enfant. 

Cadet  Rousselle  a  trois  beaux  yeux;  bis. 
L'un  regarde  à  Caen ,  l'autre  à  Bayeux  ;  bis. 
Comme  il  n'a  pas  la  vu'  bien  nette , 
Le  troisième ,  c'est  sa  lorgnette. 

Ah  ï  ah  !  ah  !  mais  vraiment , 
Caaei  Rousselle  est  bon  enfant. 

Cadet  Rousselle  a  une  épée,  bis. 

Très-longue  mais  toute  rouillée  ;      bis. 
On  dit  qu'ell'  ne  cherche  querelle 
Qu'aux  moineaux  et  aux  hirondelles. 

Ah!  ah!  ah!  mais  vraiment, 
Cadet  Rousselle  est  bon  enfant. 

Cadet  Rousselle  a  trois  souliers;      bu». 
Il  en  met  deux  dans  ses  deux  pieds  ;  bis. 
Le  troisièm'  n'a  pas  de  semelle; 
Il  s'en  sert  pour  chausser  sa  belle. 

Ah  !  ah  !  ah  !  mais  vraiment, 
Cadet  Rousselle  est  bon  enfant. 

Cadet  Rousselle  a  trois  cheveux  ;      bis. 
Deux  pour  les  fac's,  un  pour  la  queue  ;  bis. 


CHANSONS 

Et  quand  il  va  voir  sa  maîtresse , 
Il  les  met  tous  les  trois  en  tresse. 

Ah  !  ah  !  ah  !  mais  vraiment , 
Cadet  Pvousselle  est  bon  enfant. 

Cadet  Rousselle  a  trois  garçons  ;      bis. 
L'un  est  voleur,  l'autre  est  fripon  ;   bis. 
Le  troisième  est  un  peu  ficelle  ; 
Il  ressemble  à  Cadet  Rousselle. 

Ah  !  ah  !  ah  !  mais  vraiment, 
Cadet  Rousselle  est  bon  enfant. 

CadetRousselle  a  trois  gros  chiens,  bis. 
L'un  court  au  lièvr',  l'autre  au  lapin,  bis. 
L'troisièm'  s'enfuit  quand  on  l'appelle, 
Comm'  le  chien  de  Jean  de  Nivelle. 

Ah!  ah!  ah!  mais  vraiment, 
CadetRousselle  est  bon  enfant. 

CadetRousselle  a  trois  beaux  chats,  bis. 
Qui  n'attrapent  jamais  les  rats  ;         bit. 
Le  iroisièm'  n'a  pas  de  prunelle; 
Il  monte  au  grenier  sans  chandelle. 

Ah  !  ah  !  ah  !  mais  vraiment , 
Cadet  Rousselle  est  bon  enfant. 

Cadet  Rousselle  a  marié  bis. 

Ses  trois  filles  dans  trois  quartiers  ;  bis. 


rOPCLJURES.  57 

Les  deux  premièr's  ne  sont  pas  belles , 
La  troisièm'  n'a  pas  de  cervelle  : 

Ah  !  ah  !  ah  !  mais  vraiment , 
Cadet  Rousselle  est  bon  enfant. 

Cadet  Rousselle  a  trois  deniers ,       bis. 
C'est  pour  payer  ses  créanciers  ;      bis. 
Quand  il  a  montré  ses  ressources , 
Il  les  resserre  dans  sa  bourse. 

Ah  :  ah  !  ah  !  mais  vraiment , 
Cadet  Rousselle  est  bon  enfant. 

Cadet  Roussell'  s'est  fait  acteur,      bis. 
Comme  Chénier  s'est  fait  auteur  ;    bis. 
Au  café  quand  il  jou'  son  rôle , 
Les  aveugles  le  trouvent  drôle  ' . 

Ah  ï  ah  !  ah  !  mais  vraiment , 
Cadet  Rousselle  est  bon  enfant. 

Cadet  Roussell'  ne  mourra  pas , 
Car,  avant  de  sauter  le  pas ,  bis. 

On  dit  qu'il  apprend  l'orthographe 
Pour  fair' lui-mèm'  son  épitapbe. 

Ah  !  ah  !  ah  ,  mais  vraiment , 
Cadet  Rousselle  est  bon  enfant. 


La  pièce  de  Aude  était  intitulée  Cadet  Rousseitt 
.  mgUi. 


51 


Les  Hossus. 

La  chanson  des  Bossus,  que  l'on  trouve 
dans  plusieurs  recueils ,  y  est  rarement 
complète  ;  elle  est  attribuée  à  un  bossu, 
médecin  et  neveu  du  fameux  Santeuil  ; 
il  l'a  composée  pour  un  repas  auquel  il 
avait  invité  tous  les  bossus  de  sa  con- 
naissance; c'était  vers  1740. 

Depuis  longtemps  je  me  suis  aperçu 
De  l'agrément  qu'on  a  d'être  bossu. 
Polichinelle  en  tous  lieux  si  connu, 
Toujours  chéri,  partout  si  bien  venu  , 
Fait  le  gros  dos  parce  qu'il  est  bossu. 

Loin  qu'une  bosse  soit  un  embarras  , 
De  ce  paquet  on  fait  un  fort  grand  cas  ; 
Quand  un  bossu  l'est  derrière  et  devant, 
Son  estomac  est  à  l'abri  du  vent, 
Et  ses  épaules  sont  plus  chaudement. 

On  trouve  ici  des  gens  assez  mal  nés 
Pour  s'aviser  d'aller  leur  rire  au  nez  : 
Ils  l'ont  toujours  aussi  long  que  le  bec 


POPULAIRES.  o9 

De  cet  oiseau  que  l'on  trouve  à  Québec  ; 
Et  leur  babil  inspire  du  respect. 

Tous  les  bossus  ont  ordinairement 

Le  ton  comique  et  beaucoup  d'agrément. 

Quand  un  bossu  se  montre  de  côté  , 

Il  règne  en  lui  certaine  majesté  , 

Qu'on  ne  peut  voir  sans  en  être  enchante. 

Si  j'avais  eu  les  trésors  de  Crésus , 
J'aurais  rempli  mon  palais  de  bossus. 
On  aurait  vu  près  de  moi ,  nuit  et  jour, 
Tous  les  bossus  s'empresser  tour  à  tour, 
De  montrer  leur  éminence  à  ma  cour. 

Dans  mes  jardins,  sur  un  beau  piédestal , 
J'aurais  fait  mettre  un  Esope  en  métal , 
Et  par  mon  ordre ,  un  de  mes  substituts 
Aurait  gravé  près  de  ses  attributs  : 
Vive  la  bosse  et  vivent  les  bossus  ! 

Concluons  donc,  pour  aller  jusqu'au  bout, 
Qu'avec  la  bosse  on  peut  passer  partout. 
Qu'un  homme  soit  ou  fantasque  ou  bourru, 
Qu'il  soit  chassieux,  malpropre,  mal  vêtu, 
On  le  distingue  alors  qu'il  est  bossu. 


lia  mère  Michel. 

C'est  la  mère  Michel  qui  a  perdu  sou  chat, 
Qui  cri'  par  la  fenêtr',  qui  est-c'  qui  lui  rendra, 
Et  1'  compèr' Lustucru  qui  lui  a  répondu  : 
«  Allez, la  mèr'Michel,vot'  chat  n'est  pas  perdu. 

C'est  la  mère  Michel  qui  lui  a  demandé  : 
«  ilon  chat  n'est  pas  perdu!  vous  l'avez  donc 
[  trouvé  ?  >' 
Et  l' compèr'  Lustucru  qui  lui  a  répondu  : 
«  Donnez  un'  récompense ,  il  vous  sera  rendu. 

Et  la  mère  Michel  lui  dit:  «  C'est  décidé  : 
Si  vous  rendez  mon  chat,  vous  aurez  un  baiser. 
Le  compèr'  Lustucru,  qui  n'en  a  pas  voulu, 
Lui  dit:  «  Tour  un  lapin  votre  chat  est  vendu. 


Au  clair  de  la  lune. 

On  assure  qixe  l'air  :  Au  clair  de  la 
lune  est  de  Lulli.  Boyeldieu  a  fait  sur 
cet  air  de  charmantes  variations  dans 
les  Voitures  versées. 


POPULAIRES. 

Au  clair  de  la  lune, 
Mon  ami  Pierrot , 
Prête-moi  ta  plume 
Pour  écrire  un  mot. 
Ma  chandelle  est  morte, 
Je  n'ai  plus  de  feu. 
Cuvre-moi  ta  porte. 
Pour  l'amour  de  Dieu. 


Au  clair  de  la  lune  , 
Pierrot  répondit  : 
Je  n'ai  pas  de  plume , 
Je  suis  dans  mon  lit. 
Va  chez  la  voisine , 
Je  crois  qu'elle  y  t 
Car  dans  sa  cuisine 
On  bat  le  briquet. 

Au  clair  de  la  lune , 

L'aimable  Lubin  J  <*.  ^ .  ' 

Frappe  chez  la  brune  : 

£11'  répond  soudain  : 

Qui  frapp'  de  la  sorte? 

Il  dit  à  son  tour  : 

Ouvrez  votre  porte , 

Pour  le  dieu  d'amour. 

Au  clair  de  la  lune, 
On  n'y  voit  qu'un  oeu. 


CHANSONS 

On  chercha  la  plume  , 
On  chercha  du  feu. 
En  cherchant  à"  la  sorte , 
Je  n*  sais  c'  qu'on  trouva  ; 
Mais  j' sais  que  la  porte 
Sur  eux  se  ferma. 


J'ai  du  bon  tabac 
dan»  ma  tabatière. 

J'ai  du  bon  tabac  dans  ma  tabatière  s 
J'ai  du  bon  tabac  ;  tu  n'en  auras 

pas. 
J'en  ai  du  fin  et  du  râpé , 
Ce  n'est  pas  pour  ton  fichu  nez. 
J'ai  du  bon  tabac  dans  ma  tabatière , 
J'ai  du  bon  tabac  ;  tu  n'en  auras 
pas. 

Ce  refrain  connu  que  chantait  mon  père, 
A  ce  seul  couplet  il  était  borné. 
Moi ,  je  me  suis  déterminé 
A  le  grossir,  comme  mon  nez. 
J'ai  du  bon  tabac  dans  ma  tabatière , 
J'ai  du  bon  tabac;  tu  n'en  auras 


Un  noble  héritier  de  gentilhommière, 
Recueille  tout  seul  un  fief  blason  né  : 


POPCLA.IPJES.  63 

Il  dit  à  son  frère  puîné  : 
Sois  abbé ,  je  suis  ton  aîné. 
J'ai  du  bon  tabac  dans  ma  tabatière  , 
J'ai  du  bon  tabac  ;  tu  n'en  auras 
pas. 

Un  vieil  usurier,  expert  en  affaire , 
Auquel  par  besoin  on  est  amené , 
A.  l'emprunteur  infortuné, 
Iù: .  après  l'avoir  ruiné  : 
Tai  du  bon  tabac  dans  ma  tabatière , 
J'ai  du  bon  tabac  ;  tu  n'en  auras 
pas. 

Juges,  avocats,  entrouvrant  leur  serre, 
Au  pauvre  plaideur  par  eux  rançonné  , 
Après  avoir  pateline, 
Disent ,  le  procès  terminé  : 
J'ai  du  bon  tabac  dans  ma  tabatière, 
J'ai  du  bon  tabac  ;  tu  n'en  auras 
pas. 

D'un  gros  financier,  la  coquette  flaire 

Le  beau  bijou  d'or  de  diamants  orné. 

Ce  grigou,  d'un  air  renfrogné, 

Lui  dit  :  «  Malgré  ton  joli  nez.... 

J'ai  du  bon  tabac  dans  ma  tabatière, 

J'ai  du  bon  tabac;  tu  n'en  auras 


64  CHANSONS 

Tel  qui  veut  nier  l'esprit  de  Voltaire, 
Est  pour  le  sentir  trop  enchifrené. 
Cet  esprit  est  trop  raffiné , 
Et  lui  passe  devant  le  nez. 
Voltaire  a  l'esprit  dans  sa  tabatière . 
Et  du  bon  tabac;  tu  n'en  auras 
pas. 

Voilà  huit  couplets ,  cela  ne  fait  guère , 
Pour  un  tel  sujet  bien  assaisonné  ; 
Mais  j'ai  peur  qu'un  priseur  mal  né , 
Ne  chante,  en  me  riant  au  nez  : 
Pai  du  bon  tabac  dans  ma  tabatière , 
J'ai  du  bon  tabac  ;  tu  n'en  auras 


Attribuée  à  l'abbé  de  l'Attaic.vust, 


lia  Chaumière. 

Pour  trouver  le  parfait  bonheur , 
Dont  le  séjour  est  un  mystère , 
Consultez  toujours  votre  cœur  : 
Que  ce  guide  seul  vous  éclaire. 
De  ^os  ambitieux  désirs , 
Fuyez  la  trompeuse  lumière  ; 
Et  pour  goûter  de  vrais  plaisirs  ; 
Venez  me  voir  dans  ma  chaumière 


POPLLAIi-.E?.  < 

Là ,  tous  jouirez  des  faveurs 
Que  me  prodigue  la  nature  ; 
Vous  y  verrez  des  fruits,  des  fleurs, 
Et  le  cristal  d'une  onde  pure. 
Si  vous  aimez  un  doux  sommeil, 
Venez  dormir  sur  ma  fougère; 
Si  vous  aimez  un  doux  réveil. 
Réveillez-vous  dans  ma  chaumière. 

Zéphire  y  parfume  les  airs 
Des  odeurs  que  la  rose  exhale  ; 
Vous  entendrez  les  doux  concerts 
De  la  fauvette  matinale. 
Et  si  vous  aimez  la  gaité 
Que  donne  un  travail  salutaire, 
On  la  trouve  avec  la  santé 
Dans  le  jardin  de  ma  chaumière. 

La  fortune,  par  des  remords  . 
Souvent  nous  fait  payer  ses  charmes  : 
Moi ,  je  vous  offre  des  trésors 
Qui  ne  couvent  jamais  de  larmes  : 
La  paix  du  cœur,  de  vrais  amis , 
Mon  chien  ,  ma  lyre  et  ma  bergère, 
Peu  de  livres  ,  mais  bien  choisis  : 
Voilà  les  biens  de  ma  chaumière. 

Loin  de  mon  paisible  séjour, 
Pour  voler  de  belles  en  belles  , 
Le  plaisir,  en  l  :iour, 


CHANSONS 

Lui  prête,  dites-vous,  des  ailes. 
Cet  amour  est  un  imposteur  ; 
Le  mien  n'a  pas  l'humeur  légère  : 
Il  ne  quitte  jamais  mon  cœur, 
Et  ne  sort  pas  de  ma  chaumière. 

Pour  ma  Lise,  mes  feux  constants 
Depuis  vingt  ans  brûlent  mon  àme  ; 
Lise  pour  moi,  depuis  vingt  ans, 
N'a  jamais  vu  pâlir  sa  flamme. 
0  vous ,  dont  le  cœur  veut  former 
Un  doux  nœud  pour  la  vie  entière , 
Amants,  jurez  de  vous  aimer 
Comme  on  aime  dans  ma  chaumière. 

Par  le  comte  ce  SÉcua 


E,es  Amourettes. 


Vivent  les  fillettes, 
Mais  pour  un  seul  jour  ; 
J'ai  des  amourettes 
Et  n'ai  point  d'amour. 

Hier,  pour  Céphise 
Je  quittai  Dons  ; 
Aujourd'hui  c'est  Lise, 
A  demain  Cloris. 
Vivent  les  fillettes,  etc. 


POPULAIRES.  67 

J'aime  fort  ma  belle 
Lorsqu'il  m'en  souv 
Je  lui  suis  fidèle 
Quand  son  tour  revient. 

Vivent  les  tille:tes ,  etc. 

On  entre  au  bocage , 
Le  plaisir  vous  suit. 
On  rentre  au  village, 
Eh  bien  !  toui  est  dit. 

Vivent  les  fil! 
Mais  pour  un  seul  jour; 
J"ai  des  amourettes 
Et  n'ai  point  d'amour. 

Paroles  it  Berquin,  musique  cTAlbanlzi;. 


L'amour  au  Village. 

A  l'âge  heureux  de  quatorze  ans, 
Colette ,  belle  sans  parure , 
Tenait ,  comme  la  fleur  des  champs , 
Tous  ses  attraits  de  la  nature. 
Ce  n'était  point  Flore  ou  Cypris  , 
Mais  Colette....  pas  davantage. 
On  l'eût  adorée  à  Paris , 
Elle  fut  aimée  au  village. 


68  CHANSONS 

Parmi  les  bergers  d'alentour, 
Lucas ,  pour  l'aimable  fillette , 
Sentait  augmenter  chaque  jour, 
Au  fond  du  cœur,  flamme  discrète. 
Il  dit  enfin ,  d'amour  épris  : 
«  Je  t'aime  bien...  »  pas  davantage. 
On  l'eût  trouvé  bête  à  Paris , 
Il  n'était  que  simple  au  village. 

Bientôt  Lucas  eut  le  bonheur 
D'être  aimé  de  la  bergerette  ; 
Et ,  pour  gage  de  son  ardeur, 
De  fleurs  orna  sa  colerette. 
Un  seul  baiser  en  fut  le  prix , 
Un  seul  baiser....  pas  davantage. 
C'eût  été  bien  peu  dans  Paris, 
Mais  c'était  beaucoup  au  village. 

De  la  ville  un  riche  seigneur 
Dit  à  Colette  :  «  Aimable  brune, 
Aujourd'hui  donne-moi  ton  cœur, 
Et  demain  je  fais  ta  fortune.  » 
Elle  répond  :  «  Mon  cœur  est  pris. 
J'aime  Lucas....  »  pas  davantage. 
Elle  eût  été  riche  à  Paris , 
Elle  fut  heureuse  au  village. 

Paroles  de  M.  Delahaye,  musique  de 
Romagnesi. 


POPULAIRES.  69 


Taisez-vous. 

Si  l'on  séduit  votre  femme  volage, 
Si  les  galants  font  sauter  les  verroux, 
Pour  conserver  la  paix  dans  le  ménage  , 
Taisez-vous,  maris,  taisez-vous. 

Si  vous  avez  les  faveurs  d'une  belle , 
Gardez-vous  bien  d'exciter  les  jaloux  ; 
Soyez  discret  encor  plus  que  fidèle  : 
Taisez-vous ,  amants ,  taisez-vous. 

Si  vous  hantez  les  grands  et  l'opulence , 
Ne  les  heurtez  de  propos  aigres-doux; 
Ils  ont  pour  eux  le  crédit,  la  puissance  : 
Taisez-vous,  petits,  taisez-vous. 

D'un  ton  léger,  lorsqu'ainsi  je  devise, 
Donnant  pour  loi  mon  avis  et  mes  goûts, 
J'ai  peur,  vraiment,  que  chacun  ne  médise  : 
Taisez-vous ,  bavard ,  tais€z-vous. 


Roland. 

Roland,  fameux  paladin  qui  passe 
pour  le  neveu  de  Charlemagne,  et  qui  est 
plus  célèbre  par  les  traditions  poétiques 
que  dans  l'histoire,  est  le  héros  de  beau- 
coup de  romans  ,  et  connu  surtout  par  le 
poè'me  de  l'Arioste ,  le  Roland  furieux. 
On  sait  qu'il  périt  à  Roneevaux  vers 
778.  Il  y  a  dans  les  Hautes-Pyrénées 
un  passage  nommé  la  Brèche  de  Roland. 
Dans  le  Roussillon,  près  du  village  d'It- 
saxoit,  se  trouve  le  Pas  de  Roland,  où 
l'on  prétend  que  sont  encore  les  em- 
preintes des  pas  de  son  cheval.  Des 
ballades,  conservées  jusqu'à  nos  jours, 
font  encore  retentir  les  montagnes  des 
frontières  d'Espagne  du  nom  de  Ro- 
land. 

Quant  à  la  chanson  de  Roland,  on 
entendait  par  le  mot  chanson,  vers  le  xp 


POPULAIRES.  71 

et  le  XIIe  siècles  ,  un  récit  en  vers ,  qui 
se  chantait  sans  doute,  comme  on  chante 
encore  en  Italie  les  stances  de  la  Jéru- 
salem délivrée,  du  Tasse. 

La  chanson  de  Roland  est  une  imi- 
tation de  l'ancienne  chanson  de  Geste , 
qui  avait  passé  traditionnellement  de- 
puis le  temps  de  Charlemagne  dans  la 
Douche  des  soldats  français  ;  ils  la  chan- 
taient dans  le  moyen  âge  et  du  temps 
du  roi  Jean  ,  qui  se  plaignait  qu'il 
n'avait  plus  de  Roland  dans  son  ar- 
mée. 

Cette  chanson  fut  composée  par 
Alexandre  Duval  pour  sa  pièce  de  Gut7- 
laume  le  Conquérant ,  représentée  sur  le 
Théâtre-Français  le  16  décembre  1803, 
et  qui  fut  défendue  à  la  seconde  repré- 
sentation, parce  qu'on  avait  cru  y  voir 
des  allusions  peu  favorables  au  premier 
consul ,  qui  méditait  alors  la  descente 
en  Angleterre.  Des  délateurs  avaient 
signalé  le  couplet  où  il  est  question  de 
la  mort  de  Roland  à  Roncevaux,  comme 
un  moyen  d'annoncer  aux  Français  que 


72  CHANSONS 

Bonaparte  succomberait  dans  son  ex- 
pédition. Ce  mauvais  présage  rappelle 
involontairement  celui  de  don  Quichotte 
à  sa  troisième  sortie,  lorsqu'il  entend 
un  laboureur  chanter  : 


Vous  y  faites  mal  vos  orges, 
Français ,  à  Roncevaux. 


On  empoisonna  tellement  les  inten- 
tions de  l'auteur,  qu'il  fut  un  moment 
question  de  le  punir  sévèrement;  mais 
Joséphine  calma  l'orage. 

C'est  la  meilleure  imitation  que  Ton 
ait  faite  de  l'ancienne  chanson ,  et  la 
musique  de  Méhul  est  admirable. 


Où  vont  tous  ces  preux  chevaliers, 
L'orgueil  et  l'espoir  de  la  France?... 
C'est  pour  défendre  nos  foyers 
Que  leur  main  a  repris  la  lance  ; 
Mais  le  plus  brave,  le  plus  fort, 
C'est  Roland ,  ce  foudre  de  guerre  ; 
S'il  combat ,  la  faux  de  la  mort 
Suit  les  coups  de  son  cimeterre. 


POPULAIRES.  73 

Soldats  français,  chantons  Roland, 
L'honneur  de  la  chevalerie , 
Et  répétons ,  en  combattant , 
Ces  mots  sacrés  :  Gloire  et  patrie  ! 

Déjà  mille  escadrons  épars 
Couvrent  le  pied  de  ces  montagnes  ; 
Je  vois  leurs  nombreux  étendards 
Briller  sur  les  vertes  campagnes. 
Français  ,  là  sont  vos  ennemis  : 
Que  pour  eux  seuls  soient  les  alarmes; 
Qu'ils  tremblent;  tous  seront  punis!... 
Roland  a  demandé  ses  armes  ! 

Soldats  français,  etc. 

L'honnenr  est  d'imiter  Roland, 
L'honneur  est  près  de  sa  bannière  ; 
Suivez  son  panache  éclatant , 
Qui  vous  guide  dans  la  carrière. 
Marchez ,  partagez  son  destin  ; 
Des  ennemis,  que  fait  le  nombre  ! 
Roland  combat  :  ce  mur  d'airain 
Va  disparaître  comme  une  ombre. 

Soldats  français ,  etc. 

Combien  sont-ils?  combien  sont-ils? 
C'est  le  cri  du  soldat  sans  gloire  ; 
Le  héros  cherche  les  périls  ; 
Sans  les  périls  qu'est  la  victoire? 


74  CHANSONS 

Ayons  tous,  ô  braves  amis  ! 
De  Roland  l'âme  noble  et  fière  : 
Il  ne  comptait  ses  ennemis 
Qu'étendus  morts  sur  la  poussière. 

Soldats  français ,  etc. 

Mais  j'entends  le  bruit  de  son  cor 
Qui  résonne  au  loin  dans  la  plains.... 
Eb  quoi  !  Roland  combat  encor  ! 
Il  combat!...  O  terreur  soudaine! 
J'ai  vu  tomber  ce  fier  vainqueur; 
Le  sang  a  baigné  son  armure  ; 
Mais ,  toujours  fidèle  à  l'honneur. 
Il  dit,  en  montrant  sa  blessure  : 

«  Soldats  français!...  chantez  Roland: 
Son  destin  est  digne  d'envie. 
Heureux  qui  peut  en  combattant 
Vaincre  et  mourir  pour  sa  patrie  !  » 


Bayard. 

Emporté  par  trop  de  vaillance 
Au  milieu  des  rangs  ennemis  , 
Le  héros ,  l'espoir  de  la  France 


POPCLAIRES. 

Vient  de  mourir  pour  son  pays. 
Preux  chevaliers  ,  timides  pastourelles 

Que  je  gémis  sur  votre  sort  ! 
L'appui  des  rois ,  le  défenseur  des  belles , 

Bayard  est  mort  !  Bayard  est  mort  ï 

Honneur  de  la  chevalerie  , 
Tendre  amant ,  courageux  soldat, 
Il  cédait  tout  à  son  amie, 
Et  tout  lui  cédait  au  combat- 
Preux  chevaliers ,  etc. 

Bon  chevalier,  ami  sincère, 
Toujours  sans  reproche  et  sans  peur, 
Au  milieu  des  cris  de  la  guerre, 
La  pitié  parlait  à  son  cœur. 

Preux  chevaliers ,  timides  pastourelles, 
Que  je  gémis  sur  votre  sort! 

L'appui  des  rois ,  le  défenseur  des  belles , 
Bayard  est  mort  !  Bayard  est  mort 


te  Chevalier  errant. 

Dans  un  vieux  château  de  l'Andalousie, 
Au  temps  où  l'amour  se  montrait  c 
Où  beauté  ,  valeur  et  galanterie 


75  CHANSONS 

Guidaient  au  combat  un  fidèle  amant; 
Un  beau  chevalier  un  jour  se  présente , 
Visière  levée  et  la  lance  en  main , 
Il  vient  demander  si  sa  douce  amante 
N'est  pas ,  par  hasard ,  chez  le  châtelain. 

«Noble  chevalier,  quelle  est  votre  amie  ?» 
Demande  à  son  tour  le  vieux  châtelain. 
«Ah!  des  fleurs  d'amour  c'est  la  plus  jolie: 
Elle  a  teint  de  rose  et  peau  de  satin  ; 
Elle  a  de  beaux  yeux  dont  le  doux  langage 
Porte  en  notre  cœur  doux  enchantement- 
Elle  a  tout  enfin  :  elle  est  belle  et  sage.    ' 

-  Pauvre  chevalier,  chercherez  longtemps. 

-  Depuis  qu'ai  perdu  cette  noble  dame, 
N'ai  plus  de  repos ,  n'ai  plus  de  plaisir, 
En  chaque  pays  guidé  par  ma  flamme 
Vais  cherchant  l'objet  de  tous  mes  désirs 
Des  Gaules  j'ai  vu  les  plaines  fleuries 
Du  Nord  parcouru  les  climats  lointains- 
J'ai  trouvé  partout  des  femmes  jolies     ' 
Mais  fidèle  amie ,  ah  !  je  cherche  en  vain. 

Guidez  de  mes  pas  la  marche  incertaine 
Ou  puis-je  trouver  ce  que  j'ai  perdu? 
-  Mon  fils,  votre  sort,  hélas  !  me  fait  peine 
Ce  que  vous  cherchez  ne  se  trouve  plus 
Poursuivez  pourtant  votre  long  voyage  ' 
Et  si  rencontrez  un  pareil  trésor, 


porrLAiREs.  :: 

Ne  le  perdez  plus.  Adieu  !  bon  courage.  » 
L'amant  repartit,  mais  il  cherche  encor. 

Savez-vous  pourquoi  cet  amant  fidèle 
N'a  pas  retrouvé  ce  qu'il  a  perdu  ? 
C'est  que,  pour  chercher  les  pas  de  sa  belle, 
Dans  notre  pays  il  n'est  pas  venu; 
Si ,  pour  abréger  sa  peine  cruelle , 
Le  rieux  châtelain  l'eût  conduit  ici , 
Il  aurait  trouvé  des  femmes  fidèles , 
Et  son  long  voyage  eût  été  fini. 


I^e  Départ  pour  la  Syrie. 

Cette  romance  ,  qui  eut  un  grand 
succès  sous  l'empire,  est,  dit-on,  de 
M.  de  Laborde;  elle  n'a  rien  d'extra- 
ordinaire ;  mais  ce  qui  contribua  beau- 
coup à  sa  vogue  ,  c'est  que  la  musique 
avait  été  composée  par  la  reine  Hor- 
tense,  fille  de  l'impératrice  Joséphine 
et  du  vicomte  de  Beaubarnais.  Cette 
princesse ,  née  en  1783  ,  fut  confiée , 
à  l'âge  de  quinze  ans,  aux  soins  de  ma- 
dame Campan,  qui  cultiva  son  heureux 


78  CHANSONS 

naturel  et  orna  son  esprit  de  toutes  les 
connaissances  propres  à  son  sexe.  Parmi 
les  arts  qu'elle  cultiva ,  la  musique  fut 
celui  auquel  elle  donnait  une  préférence 
qu'elle  justifia  par  de  gracieuses  com- 
positions. Sa  haute  position,  puisqu'elle 
était  belle-fille  de  l'empereur,  ne  lui 
donna  pas  tout  le  bonheur  qu'elle  pou- 
vait attendre.  Elle  épousa ,  sans  incli- 
nation, le  prince  Louis,  qui  fut  ensuite 
roi  de  Hollande  ;  fut  frappée  dans  ses 
affections  par  la  mort  de  son  fils  aîné  , 
et  par  celle  d'une  amie  qui  périt  sous 
ses  yeux  dans  un  torrent.  D'autres 
malheurs  l'attendaient:  la  chute  de  Na- 
poléon mit  le  comble  au  chagrin  que 
lui  avait  causé  le  divorce  de  sa  mère. 
Son  mari  avait  abdiqué  le  trône  de  la 
Hollande.  Elle  fut,  depuis  cette  époque, 
errante  ,  fugitive ,  presque  sans  asile , 
puisque  la  politique  lui  en  refusait  par- 
tout ;  elle  n'en  dut  un  qu'à  la  générosité 
du  roi  de  Bavière ,  qui  lui  permit  de 
résider  àÀugsbourg,  où  elle  termina  sa 
carrière,  en  se  faisant  admirer  par  de 


POPOLAIUS. 

douces  vertus  et  par  une  bienfaisance 
qui  lui  fit,  comme  partout,  des  amis 
dévoués.  En  songeant  à  l'éclat  passager 
dont  elle  avait  brillé ,  elle  dut  regretter 
plus  d'une  fois  le  bonheur  paisible  dont 
elle  aurait  joui  dans  une  condition  ob- 
scure dont  les  arts  qu'elle  aimait  tant 
auraient  fait  le  charme.  Princesse  mal- 
heureuse, elle  aurait  peut-être  été  heu- 
reuse si  elle  n'eût  été  qu'une  simple 
musicienne. 


Partant  pour  L  S] 

Le  jeune  et  beau  Danois 
Venait  prier  Marie 
De  bénir  ses  exploits  : 
«  Faites,  reine  immortelle 
Lui  dit-il  en  partant , 
«  Que  j'aime  la  plus  belle, 
Et  sois  le  plus  vaillant.  » 

Il  trace  sur  la  pierre 
Le  serment  de  l'honneur, 
Et  va  suivre  à  la  guerre 
Le  comte,  son  seig.. 
Au  nuble  vœu  fidèle, 
combattant  : 


&0 


«  Amour  à  la  phis  belle , 
Honneur  au  plus  vaillant.  » 

«  On  lui  doit  la  victoire, 
Vraiment,  »  dit  le  seigneur. 
«  Puisque  tu  fais  ma  gloir«v 
Je  ferai  ton  bonheur. 
De  ma  fille  Isabelle 
Sois  l'époux  à  l'instant, 
Car  elle  est  la  plus  belle 
Et  toi  le  plus  vaillant.  » 

A  l'autel  de  Marie , 
Ils  contractent  tous  deux 
Cette  union  chérie, 
Qui  seule  rend  heureux. 
Chacun  dans  la  chapelle 
Disait  en  les  voyant  : 
«  Amour  à  la  plus  belle 
Honneur  au  plus  vaillant.  » 


Richard  Cœur  de  lion. 

0  Richard  !  ô  mon  roi  ! 

L'univers  t'abandonne  ; 
Sur  la  terre  il  n'est  donc  que  moi 
Qui  s'intéresse  à  ta  personne  ! 


POPULAIRES.  81 

Moi  seul ,  dans  l'univws , 

Voudrais  briser  tes  fers , 
Et  tout  le  monde  t'abandonne. 

0  Richard  !  ô  mon  roi  ! 

L'univers  t'abandonne  ; 
Et  sur  la  terre  il  n'est  que  moi  bis. 

Qui  s'intéresse  à  ta  personne. 

Et  sa  noble  amie...  hélas  !  son  cœur 
Doit  être  navré  de  douleur  ; 
Oui ,  son  coeur  est  navré  de  douleur. 
Monarques,  cherchez  des  amis, 
Non  sous  les  lauriers  de  la  gloire, 
Mais  sous  les  myrtes  favoris 
Qu'offrent  les  filles  de  mémoire. 
Un  troubadour 
Est  tout  amour, 
Fidélité,  constance, 
Et  sans  espofrde  récompense. 

O  Richard!  ô  mon  roi! 

L'univers  t'abandonne  ; 
Sur  la  terre  il  n'est  donc  que  moi 
Qui  s'intéresse  à  ta  personne! 

O  Richard  !  ô  mon  roi  ! 

L'univers  t'abandonne  ; 
Et  sur  la  terre  il  n'est  que  moi , 
Oui ,  c'est  Blondel  !  il  n'est  que  moi 
Qui  s'intéresse  à  ta  pers  ..nue  ! 

6 


82 


N'est-il  que  moi  bis 

Qui  s'intéresse  à  ta  personne  ? 

Sedaine.  Musique  de  Grétry. 


I^e  Retour  du  Troubadour. 

Un  gentil  troubadour 
Qui  chante  et  fait  la  guerre , 
Revenait  chez  son  père , 
Rêvant  à  son  amour  ; 
Gages  de  sa  valeur, 
Suspendus  en  écharpe , 
Son  épée  et  sa  harpe 
Se  croisaient  sur  son  cœur. 

Il  rencontre  en  chemin 
Pèlerine  jolie 
Qui  voyage  et  qui  prie , 
Un  rosaire  à  la  main  ; 
Colerette  à  longs  plis 
Ornait  sa  fine  taille, 
Un  grand  chapeau  de  paille 
Couvrait  son  teint  de  lis. 

«  0  gentil  troubadour! 
Si  tu  reviens  fidèle, 
Chante  un  couplet  pour  celle 


POPULAIRES.  83 

Oui  bénit  ton  retour. 

—  Pardonne  à  mon  refus , 
Pèlerine  jolie 

Sans  avoir  vu  ma  mie, 
Je  ne  chanterai  plus. 

—  Ne  la  revois-tu  pas, 
0  troubadour  fidèle  ! 
Regarde  bien  :  c'est  elle; 
Ouvre-lui  donc  tes  bras. 
Priant  pour  notre  amour, 
J'allais  en  pèlerine 

A  la  Vierge  divine 
Demander  ton  retour.  » 

Près  de  ces  deux  amants 
S'élève  une  chapelle. 
L'hermite,  qu'on  appelle, 
Bénit  leurs  doux  serments. 
Allez  en  ce  saint  lieu, 
Amants  du  voisinage, 
Faire  un  pèlerinage 
A  la  mère  de  Dieu. 

Musique  de  Dalvimàrê, 


84 


lia  Sentinelle. 

ROMANCE. 

L'aBtre  des  nuits ,  de  son  paisible  éclat 
Lançait  les  feux  sur  les  tentes  de  France. 
Non  loin  du  camp,  un  jeune  et  beau  soldat 
Ainsi  chantait,  appuyé  sur  sa  lance  : 
Allez ,  volez ,  zéphyr  joyeux , 
Portez  mes  chants  vers  ma  patrie , 
Dites  que  je  veille  en  ces  lieux         bis. 
Pour  la  gloire  et  pour  mon  amie. 

A  la  lueur  des  feux  des  ennemis, 
La  sentinelle  est  placée  en  silence  : 
Mais  le  Français,  pour  abréger  les  nuits, 
Chante ,  appuyé  sur  le  fer  de  sa  lance  : 
Allez  ,  volez ,  etc. 

L'astre  du  jour  ramène  les  combats , 
Demain  il  faut  signaler  sa  vaillance. 
Dans  la  victoire  on  trouve  le  trépas  ; 
Mais  si  je  meurs  à  côté  de  ma  lance, 

Allez  encor,  joyeux  zéphyr, 

Allez ,  volez  vers  ma  patrie, 

Dire  que  mon  dernier  soupir  bis. 

Fut  pour  la  gloire  et  mon  amie. 

Paroles  de  Bràult,  musique  de  Choron. 


POPULAIRES. 


te  Retour  de  la  Sentinelle. 

L'aube  riante  annonçait  le  matin. 
Sous  un  vieil  orme ,  auprès  de  sa  chaumière 
Le  casque  en  tête  et  la  lyre  à  la  main , 
Jeune  guerrier  chantait  à  sa  bergère  : 

Ici  me  voilà  de  retour 

Des  nobles  champs  de  la  victoire  : 

J'offre  mes  loisirs  à  l'amour,  61*5. 

Quand  j'ai  combattu  pour  la  gloire. 

Dans  les  périls  oh  l'honneur  m'a  conduit , 
Guidé  par  lui ,  soutenu  par  ma  flamme , 
Aux  feux  du  jour,  aux  ombres  de  la  nuit, 
Je  confiais  le  secret  de  mon  âme. 

Mais  dans  ces  lieux,  à  mon  retour 

Des  nobles  champs  de  la  victoire. 

J'offre  mes  lauriers  à  l'amour,  bis. 

Quand  j'ai  combattu  pour  la  gloire. 

Avant  que  j'eusse  affronté  le  trépas, 
A  mes  transports  tu  trouvais  mille  char:: 
Pour  son  amie,  aura-t-il  moins  d'appas, 
L'amant  chargé  du  noble  poids  des  arme?  ? 

Non ,  non ,  tu  dois  à  mon  retour 

Mêler,  pour  prix  de  la  victoire, 


B6  CBANSONS 

tes  myrtes  heureux  de  l'amour      bis. 
Aux  lauriers  brillants  de  la  gloire. 

Brault,  musique  de  Choron. 

Chant  guerrier. 

La  France  a  l'horreur  du  servage, 
Et,  si  grand  que  soit  le  danger, 
Plus  grand  encore  est  son  courage 
Quand  il  faut  chasser  l'étranger. 
Vienne  le  jour  de  délivrance , 
Des  coeurs  ce  vieux  cri  sortira  : 
Guerre  aux  lyrans!  jamais  en  France, 
Jamais  l'Anglais  ne  régnera. 

Réveille-toi ,  France  opprimée, 
On  te  crut  morte ,  et  tu  dormais. 
Un  jour  voit  mourir  une  armée; 
Mais  un  peuple  ne  meurt  jamais. 
Pousse  le  cri  de  délivrance, 
Et  la  victoire  y  répondra  :  [etc. 

Guerre  aux  tyrans:  jamais  en  France, 

En  France  jamais  l'Angleterre 
N'aura  vaincu  pour  conquérir; 
Ses  soldats  y  couvrent  la  terre, 
La  terre  doit  les  y  couvrir. 
Jetons  le  cri  de  délivrance 
Et  la  victoire  y  répondra  :  [etc. 

Guerre  aux  tyrans  !  jamais  en  France , 
Casimir  et  G.  Delavigne,  mus.  (ZHalévï. 


fOPULAIRES.  8T 


La  Slusette. 


Cette  romance  de  La  Harpe  parut 
pour  la  première  fois  dans  VAlmanach 
des  Muses  de  1773,  avec  l'air  noté.  Mon- 
signy,  qui  en  avait  composé  la  musique, 
n'y  avait  pas  mis  son  nom ,  attachant 
peu  d'importance  à  cette  mélodie ,  qui 
eut  pourtant  le  plus  grand  succès.  Cette 
romance  fut  chantée  partout,  et  partout 
on  chantait  :  Musette,  mes  amours,  au 
lieu  de  :  Musette  des  amours.  Cette  faute 
est  également  faite  dans  presque  tous 
les  recueils  ;  elle  désolait  La  Harpe , 
qui ,  entendant  un  jour  une  demoiselle 
la  chanter  ainsi ,  lui  dit  :  «  Mademoi- 
selle, ma  musette  n'est  pas  et  ne  peut 
pas  être  mes  amour  s,  mais  elle  les  chante  : 
c'est  la  musette  des  amours.  » 

0  ma  tendre  musette , 
Musette  des  amours , 
Toi  qui  chantais  Lisette , 


CHANSONS 

Lisette  et  ses  beaux  jours , 
D'une  vaine  espérance 
Tu  m'avais  trop  flatté  : 
Chante  son  inconstance 
Et  ma  fidélité. 

C'est  l'amour,  c'est  sa  flamme 
Qui  brille  dans  ses  yeux  : 
Je  croyais  que  son  âme 
Brûlait  des  mêmes  feux. 
Lisette  à  son  aurore 
Respirait  le  plaisir. 
Hélas  !  si  jeune  encore 
Sait-on  déjà  trahir? 

Sa  voix,  pour  me  séduire. 
Avait  plus  de  douceur. 
Jusques  à  son  sourire, 
Tout  en  elle  est  trompeur  ; 
Tout  en  elle  intéresse , 
Et  je  voudrais ,  hélas* 
Qu'elle  eût  plus  de  tendresse. 
Ou  qu'elle  eût  moins  d'appas. 

0  ma  tendre  musette, 
Console  ma  douleur; 
Parle-moi  de  Lisette  : 
Ce  nom  fait  mon  bonheur. 
Jo  la  revois  plus  belle, 
Plus  bello  tous  les  jours  .- 


POPULAIRES.  19 

Je  me  plains  toujours  d'elle, 
Et  je  l'aime  toujours. 

La  Harpe.  Musique  de  Monsigny. 


Les  Souhaits. 

Que  ne  suis-je  la  fougère 
Où ,  sur  le  soir  d'un  beau  jour, 
Se  repose  ma  bergère 
Sous  la  garde  de  l'amour  ! 
Que  ne  suis-je  le  Zéphire 
Qui  rafraîchit  ses  appas , 
L'air  que  sa  bouche  respire , 
La  fleur  qui  nait  sous  ses  pas  ; 

Que  ne  suis-je  l'onde  pure 
Qui  la  reçoit  dans  son  sein  ! 
Que  ne  suis-je  la  parure 
Qui  la  couvre  après  le  bain 
Que  ne  suis-je  cette  glace 
Oh  son  portrait  répété 
Offre  à  nos  yeux  une  grâce 
Qui  sourit  à  la  beauté  ! 

Que  ne  pms-je  par  un  songe 
Tenir  son  cœur  enchanté  ! 
Que  ne  puis-je  du  mensonge 


90  CHANSONS 

Passer  à  la  vérité  ! 
Les  dieux  qui  m'ont  donné  l'être 
M'ont  fait  trop  ambitieux, 
Car  enfin  je  voudrais  être 
Tout  ce  qui  plaît  à  ses  yeux. 

Riboutté.  Musique  de  Pergolèse. 


Vivre  loin  de  ses  aniours. 

S'il  est  vrai  que  d'être  deux 
Fut  toujours  le  bien  suprême , 
Hélas  !  c'est  un  mal  affreux 
De  ne  plus  voir  ce  qu'on  aime. 
Vivre  loin  de  ses  amours , 
Vest-ce  pas  mourir  tous  les  jours . 

Chaque  instant  vient  attiser 
La  flamme  qui  vous  dévore , 
On  se  rappelle  un  baiser 
Et  mille  baisers  encore. 
Vivre  loin  de  ses  amours , 
N'est-ce  pas  mourir  tous  les  jours? 

La  nuit  endormant,  hélas! 
Victime  d'un  doux  mensonge , 
Vous  vous  sentez  dans  ses  bras  ; 
Le  jour  vient c'était  un  songe. 


POPCLA.IRES.  9 

Vivre  loin  de  ses  amours , 
N'est-ce  pas  mourir  tous  les  jours  ? 

Un  tissu  de  ses  cheveux 
Est  le  seul  bien  qui  me  reste  ; 
Il  devait  me  rendre  heureux  ; 
C'est  un  trésor  bien  funeste. 
Vivre  loin  de  ses  amours, 
N'est-ce  pas  mourir  tous  les  jours? 

Jfimgue  de  Boïeldiec. 


Je  ne  t'aime  plus. 

Hier,  je  t'adorais  encore  : 
J'avais  un  bandeau  sur  les  yeux  ; 
Mais  ,  trop  peride  Eléonore , 
Aujourd'hui  je  te  connais  mieux. 
Contre  un  désir  que  tu  fis  naitre , 
Les  efforts  seraient  superflus  ; 
Et  je  te  regrette  peut-être  ; 
Mais  pourtant  je  ne  t'aime  plus  ! 

Dans  ton  sourire,  que  de  charmes: 
Dans  ton  maintien  ,  rien  d'apprêté. 
Le  plus  sage  te  rend  les  armes , 
Et  soupire  de  volupté. 


CHANSOïlS 

Je  voudrais  que  mon  autre  amante , 
Unît  ta  grâce  à  ses  vertus!... 
Car  je  te  trouve  encor  charmante, 
Et  pourtant  je  ne  t'aime  plus  ! 

Sans  doute  qu'un  autre ,  à  ma  place , 
Bientôt  sera  choisi  par  toi  : 
Séduit  par  ta  beauté ,  ta  grâce , 
Il  sera  trompé  comme  moi. 
Malgré  cela,  j'envie  encore 
Ses  liens  par  l'erreur  tissus. 
Je  suis  jaloux  d'Éléonore  , 
Et  pourtant  je  ne  l'aime  plus  ! 

Au  fond  de  quelque  solitude , 
Si  je  te  retrouvais  un  jour, 
Je  pourrais  bien ,  par  habitude , 
Te  parler  de  mon  vieil  amour. 
Tu  pourrais,  ranimant  encore 
Le  désir  dans  mes  sens  émus, 
Me  rendre  mon  Éléonore.... 
Et  pourtant  je  ne  t'aime  plus . 

Du  Mersak.  Musique  de  Jadj? 


le  Papillon. 

Enfant  de  l'air,  amant  des  fleurs , 
Aussi  léger  que  le  caprice, 


POPULAIRES. 

nui  semble  avoir  de  tes  couleurs 
Nuancé  l'heureux  artifice , 
Beau  papillon  que  des  zéphyrs 
Emporte  l'haleine  légère . 
Tu  me  retraces  les  plaisirs 
Qui  nous  séduisent  sur  la  terre. 

Souvent  je  vois  un  jeune  enfant 
Poursuivre  ta  course  inégale. 
Bientôt  il  se  croit  triomphant, 
Et  met  sur  toi  sa  main  fa. 
Mais  tu  fuis  :  il  na  dans  les  doigts 
Qu'un  peu  de  brillante  poussière. 
Ah  !  c'est  ainsi  que  bien  des  foi6 
On  tient  le  plaisir  sur  la  terre. 

Le  premier  souffle  du  printemps 
A  dû  te  donner  la  naissance; 
Et  tu  n'as  que  bien  peu  d'i:, 
A  jouir  de  ton  existence. 
Comme  toi ,  quand  nous  folâtrons , 
Je  dis  à  la  sagesse  austère  : 
Les  plaisirs  et  les  papillons 
Ne  font  que  passer  sur  la  terre. 

Dy  MER6JUi.  Musique  de  I 


94 


I^s  Hirondelles. 

Que  j'aime  à  voir  les  hirondelles 
A  ma  fenêtre  tous  les  ans 
Venir  m'apporter  des  nouvelles 
De  l'approche  du  doux  printemps  ! 
Le  même  nid ,  me  disent-elles, 
Va  revoir  les  mêmes  amours  : 
Ce  n'est  qu'à  des  amants  fidèles 
A  vous  annoncer  les  beaux  jours. 

Lorsque  les  premières  gelées 
Font  tomber  les  feuilles  des  bois , 
Les  hirondelles  rassemblées 
S'appellent  toutes  sur  les  toits  : 
Partons ,  partons ,  se  disent-elles , 
Fuyons  la  neige  et  les  autans  ; 
Point  d'hiver  pour  les  cœurs  fidèles 
Ils  sont  toujours  dans  le  printemps 

Si  par  malheur,  dans  le  voyage , 
Victime  d'un  cruel  enfant , 
Une  hirondelle  mise  en  cage 
Ne  peut  rejoindre  son  amant , 
Vous  voyez  mourir  l'hirondelle 
D'ennui ,  de  douleur  et  d'amour, 


POPULAIRES. 


Tandis  que  son  amant  fidèle 
Près  de  là  meurt  le  même  jour. 


Flop.ian. 


Le  Rosier. 

Je  l'ai  planté,  je  l'ai  vu  naître, 
Ce  beau  rosier  où  les  oiseaux 
Au  matin  ,  près  de  ma  fenêtre , 
Viennent  chanter  sous  ses  rameaux. 

Joyeux  oiseaux ,  troupe  amoureuse , 
àh  :  par  pitié ,  ne  chantez  pas  : 
L'amant  qui  me  rendait  heureuse 
Est  parti  pour  d'autres  climats. 

Tour  les  trésors  du  nouveau  monde 
Il  fuit  l'amour,  brave  la  mort. 
Hélas:  pourquoi  chercher  sur  l'onde 
Le  bonheur  qu'il  trouvait  au  port  ? 

Vous ,  passagères  hirondelles, 
Qui  revenez  chaque  printemps , 
Oiseaux  voyageurs ,  mais  fidèles , 
Ramenez-le  moi  tous  les  ans. 

De  Lèvre.  Musique  de  I.  J.  Rousseau. 


lie  Bouton  de  rose. 

Bouton  de  rose, 
Tu  seras  plus  heureux  que  moi 
Car  je  te  destine  à  ma  Rose , 
Et  ma  Rose  est  ainsi  que  toi 

Bouton  de  rose. 

Au  sein  de  Rose 
Heureux  bouton,  tu  vas  mourir! 
Moi ,  si  j'étais  bouton  de  rose, 
Je  ne  mourrais  que  de  plaisir 

Au  sein  de  Rose. 

Au  sein  de  Rose 
Tu  pourras  trouver  un  rival  ; 
Ne  joute  pas ,  bouton  de  rose, 
Car,  en  beauté ,  rien  n'est  égal 

Au  sein  de  Rose. 

Bouton  de  rose, 
Adieu ,  Rose  vient,  je  la  voi  : 
S'il  est  une  métempsycose , 
Grands  dieux,  par  pitié,  rendez-moi 

Bouton  de  rose  ! 

La  princesse  Constance  de  Salm  , 
Musique  de  Pradiier. 


POPULAIRES,.  97 


L'Orage. 

On  aurait  de  la  peine  à  croire  que 
cette  romance,  plus  que  naïve,  soit  due 
à  la  plume  qui  a  tracé  le  Philinte  de 
Molière,  que  cette  idylle  de  moutons 
ait  été  faite  par  le  loup  révolutionnaire , 
Fabre  d'Eglantine.  Il  y  a  dans  le  cœur 
de  l'homme  des  cordes  sensibles  qui 
résonnent  malgré  lui.  Le  terroriste  Jo- 
seph Lebon  élevait  des  oiseaux.  Le  fou- 
gueux Camille  Desmoulins  adorait  6a 
femme  et  ses  enfants.  Les  tigres  aussi 
aiment  leurs  femelles  et  leurs  petits,  et 
se  roulent  avec  plaisir  sur  les  fleurs. 
Le  fanatisme  politique,  comme  le  fana- 
tisme religieux  ,  étoufre.  les  sentiments, 
qui  se  révèlent  par  un  instinct  auquel 
i'homme  ne  peut  résister.  Fabre  d'E- 
glantine fut ,  à  trente-neuf  ans ,  la  vic- 
time de  ses  anciens  complices.  L'auteur 
de  V Orage  fut  enveloppé  dans  l'orage 

7 


98  CHANSONS 

révolutionnaire.  L'air  délicieux  d'un  mu- 
sicien inconnu,  nommé  Simon ,  prouve 
ce  que  disait  Grétry,  qu'il  n'y  a  pas  un 
mauvais  musicien  qui  ne  fasse  un  air 
agréable  une  fois  en  sa  vie. 

Il  pleut,  il  pleut,  bergère  .- 
Presse  tes  blancs  moutons  ; 
Allons  sous  ma  chaumière , 
Bergère,  vite,  allons; 
J'entends  sur  le  feuillage 
L'eau  qui  tombe  à  grand  bruit; 
Voici ,  voici  l'orage  ; 
Voilà  l'éclair  qui  luit. 

Entends-tu  le  tonnerre? 
Il  roule  en  approchant; 
Prends  un  abri ,  bergère , 
A  ma  droite ,  en  marchant. 

Je  vois  notre  cabane 

Et ,  tiens ,  voici  venir 

Ma  mère  et  ma  sœur  Anne , 

Qui  vont  l'étable  ouvrir. 

Bonsoir,  bonsoir,  ma  mère  ; 
Ma  sœur  Anne  ,  bon  soir; 
J'amène  ma  bergère 
Près  de  vous  pour  ce  soir. 
Va  te  sécher,  ma  mie , 
Auprès  de  nos  tisons  ; 


POPULAIRES.  99 

Sœur,  fais-lui  compagnie. 
Entrez,  petits  moutons. 

Soignons  bien ,  ô  ma  mère , 
Son  tant  joli  troupeau; 
Donnez  plus  de  litière 
A  son  petit  agneau. 
C'est  fait.  Allons  près  d'elle. 
Eh  Lien  I  donc,  te  voilà? 
En  corset  qu'elle  est  belle! 
Ma  mère ,  voyez-la. 

Soupons  ;  prends  ceue  chaise , 
Tu  seras  près  de  moi  ; 
Ce  flambeau  de  mélèse 
Brûlera  devant  toi  ; 
Goûte  de  ce  laitage. 
Mais  tu  ne  manges  pas  ? 
Tu  te  sens  de  Forage ,  , 

Il  a  lassé  tes  pas. 

Eh  bien  :  voilà  ta  couche , 
Dors-y  jusques  au  jour  ; 
Laisse-moi  sur  ta  bouche 
Prendre  un  baiser  d'amour. 
Ne  rougis  pas ,  bergère , 
Ma  mère  et  moi ,  demain , 
Nous  irons  chez  ton  père 
Lui  demander  ta  main. 

Pabf.e  d'Églantinf..  Musique  dt 


100 


Plaisir  dainour. 

Plaisir  d'amour  ne  dure  qu'un  moment  : 
Chagrin  d'amour  dure  toute  la  vie. 
J'ai  tout  quitté  pour  l'ingrate  Sylvie  : 
Elle  me  fuit  et  prend  un  autre  amant. 
Plaisir  d'amour  ne  dure  qu'un  moment  : 
Chagrin  d'amour  dure  toute  la  vie. 

Tant  que  cette  eau  coulera  lentement 
Vers  le  ruisseau  qui  borde  la  prairie, 
Je  t'aimerai,  me  répétait  Sylvie. 
L'eau  coule  encor  :  elle  a  changé  pourtant. 
Plaisir  d'amour  ne  dure  qu'un  moment  : 
Chagrin  d'amour  dure  toute  la  vie. 


Charmante  Gabriellt, 

On  a  attribué  cette  romance ,  ainsi 
que  la  suivante ,  à  Henri  IV,  mais  il 
est  probable  que  le  bon  roi  ne  faisait 
pas  lui-même  ses  vers,  et  on  assure 
oue  Jean  Bertaut  lui  prêtait  sa  plume. 


POPULAIRES.  101 

U  aima  la  poésie ,  et  plusieurs  poètes 
se  ressentirent  de  ses  bienfaits  ;  toute- 
fois il  fut  trop  occupé  de  ses  guerres , 
de  sa  politique  et  de  ses  amours ,  pour 
avoir  été  un  grand  protecteur  des  lettres. 
Grétry,  dans  ses  Essais  sur  la  Mu 
sique ,  avait  répété ,  d'après  de  fausse 
traditions,  que  l'air  de  cette  chan soi 
était  de  Henri  IV  :  il  est  du  père  Du- 
caurroy,  maître  de  chapelle  de  Char 
les  IX ,  qui  l'avait  composé  pour  un 
noè'l ,  et  les  paroles  profanes  nous  l'ont 


Charmante  Gabrielle , 
Percé  de  mille  dards, 
Quand  la  gloire  m'appelle 
A  la  suite  de  Mars  , 
Cruelle  départie  ! 

Malheureux  jour! 
Que  ne  suis-je  sans  vie 

Ou  sans  amour  ! 

L'amour,  sans  nulle  peine, 
M'a ,  par  vos  doux  regards , 
Comme  un  grand  capitaine 
Mis  sous  ses  étendards. 


102  CHANS03S 

Cruelle  départie  I 
Malheureux  jour  ! 

Que  ne  suis-je  sans  vie 
Ou  sans  amour! 

Si  votre  nom  célèbre 
Sur  mes  drapeaux  brillait, 
Jusqu'au  delà  de  l'Êbre 
L'Espagne  me  craindrait. 
Cruelle  départie  ! 

Malheureux  jour! 
Que  ne  suis-je  sans  vie 

Ou  sans  amour! 

Je  n'ai  pu ,  dans  la  guerre 
Qu'un  royaume  gagner  ; 
Mais  sur  toute  la  terre 
Vos  yeux  doivent  régner. 
Cruelle  départies 

Malheureux  jour! 
Que  ne  suis-je  sans  vie 

Ou  sans  amour  ! 

Partagez  ma  couronne , 
Le  prix  de  ma  valeur  ; 
Je  la  tiens  de  Bellone  : 
Tenez-la  de  mon  cœur. 
Cruelle  départie! 

Malheureux  jour  ! 
C'est  trop  peu  d'une  vie 

Pour  tant  d'amour. 


POPULAIRES.  103 

Bel  astre  que  je  quilte, 
Ah!  cruel  souvenir! 
Ma  douleur  s'en  irrite  : 
Vous  revoir  ou  mourir. 
Cruelle  départie  ! 

Malheureux  jour! 
C'est  trop  peu  d'une  vie 

Pour  tant  d'amour. 

Je  veux  que  mes  trompettes , 
Mes  fifres  ,  les  échos, 
A  tous  moments  répèteut 
Ces  doux  et  tristes  mots  : 
Cruelle  départie  ! 

Malheureux  jour! 
C'est  trop  peu  d'une  vie 

Pour  tant  d'amour. 


Invocation  à  l'Amour. 

Viens ,  aurore , 
Je  t'implore , 
Je  suis  gai  quand  je  te  voi. 
La  bergère 
Qui  m'est  chère , 
Est  vermeille  comme  toi.  * 


104  CHANSONS 

D'ambroisie 

Bien  choisie , 
Hébé  la  nourrit  à  part  ; 

Et  sa  bouche , 

Quand  j'y  touche, 
Me  parfume  de  nectar. 

Elle  est  blonde, 

Sans  seconde , 
Elle  a  la  taille  à  la  main. 

Sa  prunelle 

Étincelle 
Comme  l'astre  du  matin. 

Pour  entendre 
Sa  voix  tendre, 
On  déserte  le  hameau-, 
Et  Tityre , 
Qui  soupire , 
Fait  taire  son  chalumeau. 

Les  trois  grâces , 

Sur  ses  traces 
Font  naître  un  essaim  d'amours. 

La  sagesse. 

La  justesse 
Accompagnent  ses  discours. 

Attribuée  à  Henri  IV. 


POTULAIRES.  105 


Les  Souvenirs. 

Nous  sommes  heureux  de  pouvoir 
placer  un  des  noms  les  plus  illustres 
de  notre  littérature  et  de  notre  histoire 
contemporaine  parmi  ceux  qui  figurent 
dans  ce  recueil.  Si  le  génie  a  dicté  de3 
pages  brillantes  à  l'auteur  des  Martyrs 
et  au  chantre  du  christianisme,  c'est 
son  cœur  qui  a  laissé  tomber  cette  tou- 
chante élégie  des  Souvenirs  comme  une 
jolie  fleur  qui  s'échappe  d'une  couronne 
d'immortelles.  Grâce,  pureté,  sentiment, 
tout  se  trouve  dans  ce  petit  poè'me. 
C'est  te  voix  émue  de  l'exilé  qui  soupire 
et  se  confond  avec  le  souffle  des  vents, 
auxquels  il  demande  un  peu  de  l'air  de 
son  pays  natal.  Une  mélodie  des  mon- 
tagnes,  simple  et  douce,  ajoute  du 
charme  aux  paroles ,  qui  pourraient  se 


106  CHANSONS 

dire  sans  être  chantées ,  tant  leur  ex- 
pression est  poétique  et  harmonieuse. 

Combien  j'ai  douce  souvenance 

Du  joli  lieu  de  ma  naissance  ! 

Ma  sœur,  qu'ils  étaient  beaux  les  jours 

De  France! 
0  mon  pays ,  sois  mes  amours 

Toujours  ! 

Te  souvient-il  que  notre  mère 
Au  foyer  de  notre  chaumière , 
Nous  pressait  sur  son  cœur  joyeux , 

Ma  chère  ? 
Et  nous  baisions  ses  blancs  cheveux 

Tous  deux  ! 

Ma  sœur,  te  souvient-il  encore 
Du  château  que  baignait  la  Dore , 
Et  de  cette  tant  vieille  tour 

Du  Maure , 
Où  l'airain  sonnait  le  retour 

Du  jour? 

Te  souvient-il  du  lac  tranquille 
Qu'effleurait  l'hirondelle  agile  ; 
Du  vent  qui  courbait  le  roseau 

Mobile , 
Et  du  soleil  couchant  sur  l'eau , 

Si  beau  ? 


POPULAIRES.  10 

Te  souvient-il  de  cette  amie 
Tendre  compagne  de  ma  vie  ? 
Dans  les  bois ,  en  cueillant  la  fleur 

Jolie, 
Hélène  appuyait  sur  mon  coeur 

Son  cœur. 

Oh  !  qui  me  rendra  mon  Hélène , 
Et  ma  montagne  et  le  grand  chêne 
Leur  souvenir  fait  tous  les  jours 

Ma  peine  : 
Mon  pays  sera  mes  amours 

Toujours  ! 

de  Chateaubriand 


Dormez,  chères  amours. 

Reposons-nous  ici  tous  deux  ; 
Goûtons  le  charme  de  ces  lieux  ; 
Qu'un  doux  sommeil  ferme  vos  yeux 
Que  le  bruit  de  l'onde  se  mêle 
Aux  doux  accents  de  Philomèle. 
Dormez,  dormez,  chères  amours 
Pour  vous  je  veillerai  toujours. 


bis. 


Au  sein  de  ces  vastes  forêts , 
Si  l'ombre  de  ces  bois  épais 


Us. 


108  CHANSONS 

De  votre  cœur  trouble  la  paix, 
Chassez  une  crainte  funeste  : 
Auprès  de  vous  votre  ami  reste. 
Dormez,  dormez,  chères  amours, 
Pour  vous  je  veillerai  toujours. 

Vos  yeux  se  ferment  doucement; 
Je  vais  chanter  plus  lentement  •. 
Heureuse  d'un  songe  charmant , 
Puissiez-vous  être  ramenée 
Aux  doux  instants  de  la  journée! 
Dormez,  dormez,  chères  amours,  1 .  • , 
Pour  vous  je  veillerai  toujours.     ) 

Paroles  et  musique  d'AuÊvÊx 
de  Beacplan. 


L'Hospitalière. 

Sœur  Luce ,  jeune  hospitalière , 
Aux  bienfaits  consacrant  ses  jours, 
Près  du  théâtre  de  la  guerre 
Aux  blessés  portait  des  secours. 
Un  soir,  près  de  l'hospice  arrive 
Jeune  soldat  ensanglanté 
Qui  disait ,  d'une  voix  plaintive  : 
«  Donnez-moi  l'hospitalité  !  » 


POPULAIRES.  109 

L'hospitalière ,  douce  et  bonne , 
Etanche  le  sang  du  soldat. 
Le  secours  qu'une  femme  donne 
Est  toujours  tendre  et  délicat. 
Elle  se  charge  de  la  cure  ; 
Mais  tandis  que  la  jeune  sœur 
Cherche  à  guérir  une  blessure, 
11  s'en  fait  une  dans  son  cœur. 

Le  beau  soldat  qu'amour  enflamme 
Se  trouve  bien  dans  la  maison  ; 
Il  voudrait  de  toute  son  âme 
Voir  retarder  sa  guérison. 
Mais  il  part ,  regarde  en  arrière , 
Et  dit  en  pleurant  a  demi  : 
«  Adieu,  charmante  hospitalière, 
M'as  fait  plus  mal  que  l'ennemi.  » 

Après  la  guerre ,  il  s'achemine 
Pour  retourner  dans  ses  foyers  ; 
Il  rencontre  Luce  chagrine, 
Qu'entrainaient  de  méchants  guerrier;. 
Il  fait  briller  son  cimeterre . 
La  sauve,  et  lui  dit ,  traniporté  : 
«  A  ton  tour,  belle  hospitalière , 
Accepte  l'hospitalité.  » 

Paroles  et  musique  de  dc  Mersa.x. 


110 


Ii©  Retour  de  Pierre. 

Pour  aller  venger  la  patrie, 
Jeune  encor  j'ai  quitté  ies  champs  ; 
Au  silence  de  la  prairie 
A  succédé  le  bruit  des  camps. 
Plus  d'une  fois,  pendant  la  guerre , 
Songeant  au  bonheur  du  hameau , 
Je  regrettais  mon  vieux  père, 
Ma  chaumière  et  mon  troupeau. 

Du  serment  de  servir  la  France 
Vingt  blessures  m'ont  dégagé  ; 
Mais  j'emporte  pour  récompense 
La  croix  du  brave  et  mon  congé. 
Loin  du  tumulte  de  la  guerre, 
Je  vivrai  paisible  au  hameau; 
Je  reverrai  mon  vieux  père , 
Ma  chaumière  et  mon  troupeau. 

Braves  soldats ,  mes  frères  d'armes , 
Dont  j'ai  toujours  suivi  les  pas , 
Dans  vos  succès ,  dans  vos  alarmes, 
Compagnons,  ne  m'oubliez  pas. 
Recevez  les  adieux  de  Pierre  : 
Demain  il  retourne  au  hameau , 


POPULAIRES.  111 

Revoir  encor  son  vieux  père , 
Sa  chaumière  et  son  troupeau. 

Si  vers  les  rives  de  la  France 
L'étranger  marchait  en  vainqueur, 
Le  noble  élan  de  la  vaillance 
Soudain  ferait  battre  mon  cœur. 
Avec  ardeur  on  verrait  Pierre, 
Pour  chercher  au  loin  son  drapeau , 
Quitter  encor  6on  vieux  père, 
Sa  chaumière  et  son  troupeau 


Souvenirs  du  bon  vieux  temps. 

Giroflée,  au  printemps, 
Viens  orner  la  tourelle , 
Et  que  ta  fleur  nouvelle 
Rappelle  le  vieux  temps. 

Que  j'aime  à  voir  la  giroflée 

Sur  de  vieux  murs  croître  et  fleurir  ; 

L'aspect  de  sa  tige  isolée 

Du  passé  me  fait  souvenir. 

Vieux  palais,  dont  les  voûtes  sombre 

S'embellissaient  de  marbre  et  d'or. 

Vous  n'êtes  plus  que  des  décombres 

Oh  la  nature  règne  encor. 

Giroflée ,  au  printemps ,  etc. 


:i2  CHANSONS 

Ici  d'un  lit  était  la  place  : 
La  châtelaine  y  reposait; 
Là  du  mot  j'aime  on  voit  la  trace  : 
Sans  doute  un  page  le  disait. 
Aujourd'hui  ton  épais  feuillage 
De  la  fauvette  est  le  séjour, 
Et  je  devine  à  son  ramage 
Qu'on  y  fait  encore  l'amour. 

Giroflée }  au  printemps ,  etc. 

L'amour  se  changeait  donc  en  haine 
Lorsqu'il  n'était  point  écouté? 
Oui  :  cet  anneau  vient  de  la  chaîne 
Où  dut  gémir  mainte  heauté. 
La  jeune  Isaure  y  vit  ses  charmes 
De  baisers  flétris  et  couverts  ; 
Étais-tu  là  quand  de  ses  larmes 
La  pauvre  enfant  mouillait  ses  fers  ? 

Giroflée ,  au  printemps ,  etc. 

Là  bas  s'élève  encor  l'enceinte 
Où  le  baron  tenait  sa  cour. 
De  ce  lieu  pour  la  Terre-Sainte , 
En  armes  il  partit  un  jour. 
Mais  aux  fureurs  de  l'infidèle 
Le  Dieu  vengeur  l'abandonna  : 
Oh  !  qu'il  maudit ,  loin  de  sa  belle , 
Le  nom  de  preux  qu'on  lui  donna  ! 


POPULAIRES.  113 

Giroflée .  au  printemps 
Viens  orner  la  tourelle, 
Et  que  ta  fleur  nouvelle 
Rappelle  le  vieux  temps. 

Salgat.  Musique  de  Foucy. 


Voyage  «le  1" Amour  et  du  Temps. 

A  voyager  passant  sa  vie , 

Certain  vieillard  nommé  le  Temps . 

Près  d'un  fleuve  arrive  et  s'écrie  .- 

«  Ayez  pitié  de  mes  vieux  ans. 

Eh  quoi  !  sur  ces  bords  on  m'oublie , 

Moi  qui  compte  tous  les  instants  ! 

Mes  bons  amis,  je  vous  supplie, 

Venez ,  venez  passer  le  Temps.  »     bis 

De  l'autre  côté,  sur  la  plage, 
Plus  d'une  fille  regardait , 
Voulant  aidera  son  passage, 
Sur  un  bateau  qu'Amour  guidait. 
Mais  une  d'elles ,  bien  plus  sage , 
Leur  répétait  ces  mots  prudents  : 
«  Bien  souvent  on  a  fait  naufrage , 
En  cherchant  à  passer  le  Temps.  »  bis 

L'Amour  gaîment  pousse  au  rivage , 
Il  aborde  tout  près  du  Temps  : 


114  CHANSONS 

Il  lui  propose  le  voyage , 

L'embarque  et  s'abandonne  aux  vent». 

Agitant  ses  rames  légères , 

Il  dit  et  redit  dans  ses  chants  ; 

v  Vous  voyez  bien,  jeunes  bergères, 

Que  l'Amour  fait  passer  le  Temps.  »  bis, 

Mais  tout  à  coup  l'Amour  se  lasse  : 

Ce  fut  toujours  là  son  défaut. 

Le  Temps  prend  la  rame  à  sa  place, 

Et  lui  dit  :  «  Quoi!  céder  sitôt! 

Pauvre  enfant,  quelle  est  ta  faiblesse? 

Tu  dors ,  et  je  chante  à  mon  tour 

Ce  vieux  refrain  de  la  sagesse  : 

Ah  !  le  Temps  fait  passer  l'Amour.  »  bis. 

DE  SÉGUR. 


1/Aveugle  et  son  Chien. 

Non  loin  d'une  antique  chapelle , 
Un  pauvre  aveugle  était  assis; 
Près  de  lui  faisait  sentinelle 
Un  chien ,  le  meilleur  des  amis. 
Damon  passe  :  son  char  rapide 
Écrase  l'appui  du  malheur. 
Le  vieillard,  au  cri  de  son  guide  , 
Exhale  en  ces  mots  sa  douleur  :      bis. 


POPULAIRES.  115 

«  Si  de  mon  front  sexagénaire 

Les  rides  causaient  tes  dédains  , 

Si  les  lambeaux  de  la  misère 

Blessaient  tes  regards  inhumains , 

De  mon  existence  pénible 

Tu  pouvais  trancher  le  lien  ; 

Mais  dis-moi,  jeune  homme  insensible, 

Dis-moi  que  t'avait  fait  mon  chien  ?  bis. 

«  11  veillait  sur  moi  dès  l'aurore, 

Présentant  sa  coupe  aux  bienfaits; 

La  nuit  Médor  veillait  encore 

Le  réduit  où  je  reposais. 

Mon  chien  était,  dans  ma  détresse, 

Mon  seul  ami ,  mon  seul  soutien  : 

Ou  puis-je  traîner  ma  vieillesse, 

Jeune  homme?.,  regarde  mon  chien,  bis. 

«  Comme  toi  je  fus  jeune  et  riche , 
Je  montais  un  coursier  fougueux; 
Mais  dans  ie  rang  que  l'or  affiche, 
Je  respectais  le  malheureux. 
Quand  un  vieillard  sur  la  poussière , 
De  moi  réclamait  quelque  bien  , 
Mon  cœur  soulageait  sa  misère, 
Et  ma  main  caressait  son  chien,    bis. 


«  Si  quelque  jour  le  sort  contraire 
Te  réduisait  a  mendier, 


116  CHANSONS 

Si  le  passant  à  ta  prière 

Refusait  un  simple  denier, 

Ah!  puisse-tu,  dans  tes  alarmes. 

Avoir  un  Médor  pour  soutien . 

Et,  repentant,  verser  des  larmes 

De  m'avoir  privé  de  mon  chien.  »      Ht 

JiÉvY  Alvarez 


«Joralie. 

A  dix-sept  ans,  la  pauvre  Coralie 
Disait  tout  bas  à  chaque  instant  du  jour 
«  Oui,  c'en  est  fait,  oui  je  fuirai  l'amour,  j 
Fuit-on  l'amour  quand  on  est  si  jolie? 

Hylas  parut ,  la  bergère  attendrie , 
En  le  voyant  éprouva  du  plaisir  ; 
Elle  rougit,  mais  sans  y  réfléchir. 
Réfléchit-on  quand  on  est  si  jolie? 

Hylas  lui  dit  :  «  Oh  !  ma  tant  douce  amie 
Daigneras-tu  m'accorder  un  baiser  ?  » 
Elle  n'eut  pas  le  cœur  de  refuser. 
Refuse-t-on  quand  on  est  si  jolie? 

Un  certain  soir,  sur  la  verte  prairie, 
Elle  combla  tous  les  désirs  d'Hylas  ; 


POPULAIRES.  HT 

À  l'inconstance  elle  ne  pensait  pas. 
Y  pense-t-on  quand  on  est  si  jolie  ? 

Bientôt  Hylas  la  quitte  pour  Sylvie; 
Lors,  mes  amis ,  j'ai  vu  la  pauvre  enfant 
Donner  des  pleurs  à  son  volage  amant, 
pleurer  quand  on  est  si  jolie  ? 

Depuis  ce  jour,  sa  figure  flétrie 
Perdit,  hélas!  moitié  de  ses  attraits  ; 
Elle  souffrit  sans  se  plaindre  jamais. 
Doit-on  souffrir  quand  on  est  si  jolie  ? 

A  dix-huit  ans  elle  perdit  la  vie. 
Sur  son  tombeau  les  villageois  en  pleurs 
Répétaient  tous ,  en  le  couvrant  de  fleurs  : 
«  Doit-on  mourir  quand  on  est  si  jolie?  » 


I/Espérance. 

Quand  de  la  nuit  l'épais  nuage 
Couvrait  mes  yeux  de  son  bandeau  , 
Tu  me  montrais  après  l'orage 
L'éclat  prochain  d'un  jour  nouveau; 
Tu  me  disais  :  «  A  la  souffrance 
Le  dernier  bien  qu'on  doit  ravir. 


118  CHANSONS 

C'est  l'espérance 
En  l'avenir. 
Sans  espérance, 
Mieux  vaut  mourir. 


Grâce  à  tes  soins,  quand  ma  paupière 
En  se  rouvrant  a  pu  te  voir, 
J'ai  condamné  ta  vie  entière 
A  la  douleur,  au  désespoir; 
Et  cependant  à  la  souffrance 
Le  dernier  bien  qu'on  doit  ravir, 
C'est  l'espérance ,  etc. 

Va,  ne  crains  pas  :  l'ingratitude 
Ne  saurait  désunir  nos  cœurs , 
Et  calme  cette  inquiétude 
Qui  te  fait  verser  tant  de  pleurs; 
Car,  tu  le  sais ,  à  la  souffrance 
Le  dernier  bien  qu'on  doit  ravir, 

C'est  l'espérance 

En  l'avenir. 

Sans  espérance, 

Mieux  vaut  mourir. 

St  Georges.  Musique  de  Hàlévy 


La  Tyrolienne. 

Montagnard  ou  berger, 
Votre  sort  peut  changer  : 
Comme  moi ,  dans  la  garde 
Il  faut  vous  engager. 
Quel  état  fortuné 
Vous  sera  destiné  ! 
Vous  aurez  la  cocarde 
Et  l'habit  galonné. 

—  Non ,  vraiment  ;  m'engager  ? 
Je  crains  trop  le  danger  ; 

Mieux  vaut  encor  vivre  et  rester  berger. 

Dans  mon  hameau  restons  sans  cesse 
Son  aspect  fait  battre  mon  cœur  .- 

C'est  là  qu'est  ma  maîtresse . 

C'est  là  qu'est  le  bonheur. 

—  Dans  les  champs  de  l'honneur 
Brillera  ta  valeur  ; 

Là  pour  que  l'on  parvienne, 
Il  ne  faut  que  du  cœur , 
On  obtient  le  chevron , 
Et  de  simple  dragon 
On  devient  capitaine 
Au  doux  son  du  canon. 


120  CHANSONS 

—  J'aime  peu  le  fracas. 
Le  canon  peut ,  hélas  ! 
Me  prendre  en  traître  :  adieu  jambes  et  bras. 

Dans  mon  hameau  restons  sans  cesse,  etc. 


—  Un  soldat  franc  luron, 
Sans  regrets ,  sans  façon , 
Est  toujours  sûr  de  plaire 
Dans  chaque  garnison. 
De  séjour  en  séjour 

Et  d'amour  en  amour, 
Toujours  un  militaire 
Est  payé  de  retour. 

—  Dès  qu'il  part  dans  les  camps  , 
Gare  les  accidents! 

On  prend  la  plaç'  des  malheureux  absens. 

Dans  mon  hameau  restons  sans  cesse  ; 
C'est  bien  plus  sûr  et  moins  trompeur. 

C'est  là  qu'est  ma  maîtresse, 

C'est  là  qu'est  le  bonheur. 

Musique  (I'Auber 


POPULAIRES  121 


JLa  Fiancée  d'AppenzeZ. 

Venez  ,  ô  mes  compagnes , 
Venez  :  voici  mon  plus  beau  jour  : 
Venez  sur  nos  montagnes, 
Venez  chanter  l'amour. 
La  ou  ,  la  ou ,  la  la. 

Enfin  mon  coeur  d'ivresse 
Va  palpiter  sans  cesse  : 
L'objet  de  ma  tendresse 
M'assure  de  sa  foi. 
C'est  bien  le  moins  volage 
Des  bergers  du  village. 
H  m'aime  sans  partage  ; 
Il  n'aimera  que  moi. 

Venez,  ô  mes  compagn- 

Demain  ma  tendre  mère, 
En  quittant  sa  chaumière, 
M'offrira  la  première 
Mille  cadeaux  charmants. 
Demain  dans  la  prairie , 
Sur  l'herbette  fleurie 
Bachelette  jolie 
Envira  mes  rubans. 

Venez ,  0  mes  compagnes ,  etc. 


S 22  CHANSONS 

Adieu,  riant  bocage, 
Discret  et  frais  ombrage , 
Où  sous  le  vert  feuillage 
J'allais  rêver  le  soir. 
Adieu ,  belle  nature , 
Ruisseaux  au  doux  murmure  ; 
Adieu  bois  et  verdure , 
Je  reviendrai  vous  voir. 

Venez ,  ô  mes  compagnes , 
Venez  :  voici  mon  plus  beau  jcur 
Venez  sur  nos  montagnes , 
Venez  chanter  l'amour. 
La  ou,  la  ou,  la,  la. 


(lieux  d'un  Troubadour  sur 
les  bords  du  Tage. 

Fleuve  du  Tage , 
Je  fuis  tes  bords  heureux  ; 

A  ton  rivage 
J'adresse  mes  adieux. 
Rochers ,  bois  de  la  rive  , 
Écho,  nymphe  plaintive, 

Adieu,  je  vais 
Vous  quitter  pour  jamais. 


POPULAIRES.  123 

Grotte  jolie 
Où  le  temps  fortuné , 

Près  de  Marie , 
A  si  vite  passé  , 
Ton  réduit  solitaire , 
Asile  du  mystère, 

Fut  pour  mon  cœur 
Le  séjour  du  bonheur. 

Jour  de  tendresse 
Comme  un  beau  songe  a  fui  ; 

Jours  de  tristesse , 
De  chagrin  et  d'ennui , 
Loin  de  ma  douce  amie, 
Désormais  de  ma  vie 

Vont  pour  toujours , 
Hélas  !  flétrir  le  cours. 

Terre  chérie 
Oh  j'ai  reçu  le  jour, 

Comme  Marie, 
Objet  de  mon  amour  ; 
Rochers ,  bois  de  la  rive, 
Écho,  nymphe  plaintive. 

Adieu,  je  vais 
Vous  quitter  pour  jamais. 

Joseph  de  Meus. 


124 


^e  Tambourin  du  vallon. 

Adieu ,  vieux  amis  de  la  gloire , 
Courageux  et  nobles  guerriers  ; 
Adieu,  trop  flatteuse  Victoire, 
Je  ne  veux  plus  de  tes  lauriers.        bis. 

Au  son  bruyant  de  la  trompette , 

Au  bruit  terrible  du  canon  , 

Je  préfère  tendre  musette 

Et  le  tambourin  du  vallon.  bis. 

Je  vais  habiter  la  chaumière 
Où  je  passai  de  si  beaux  jours , 
Je  vais  consoler  mon  vieux  père , 
Revoir  l'objet  de  mes  amours.  l,is. 

Au  son  bruyant  de  la  trompette , 

Au  bruit  terrible  du  canon  , 

Je  préfère  tendre  musette, 

Et  le  tambourin  du  vallon.  bis. 

Salut  !  beau  pays  de  la  France , 
Salut!  séjour  délicieux  ; 
Témoins  de  ma  plus  tendre  enfance  , 
Je  vous  revois  :  je  suis  heureux,      bis. 


POPULAIRES.  12a 

Au  son  bruyant  de  la  trompette , 

Au  bruit  terrible  du  canon , 

Je  préfère  tendre  musette 

Et  le  tambourin  du  vallon.  bis. 


Il  est  minait. 

Dest  minuit: 

zéphyr  parcourant  le  bocage. 
Cherche  les  roses  qu'il  chérit  ; 
L'amant  discret  qu'amour  conduit 
A  la  beauté  va  rendre  homma§ 

II  est  minuit. 

I!  est  n.inuit  : 
Ta  dors  en  paii ,  mon  adorable  amie  ; 
Mais  pour  moi  le  repos  s'enfuit  ; 
L'amour  constant  qui  m'asservit 
Cause  ma  douce  rêverie  : 

Il  est  minuit.  quater. 

Il  est  minuit  : 
Songe  enchanteur,  viens  fermer  la  paupière 
Du  tendre  amant,  qu'amour  poursuit. 
Quand  le  jour  vient ,  il  le  détruit  : 
Adieu  bonheur  et  sa  chimère. 

Il  est  minuit.  quater. 


12G 


Pauvre  «Jacques, 

ROMANCE. 

Peu  de  romances  ont  eu  une  plus 
grande  vogue  que  celle  de  Pauvre  Jac- 
ques ,  qui  prit  naissance  à  la  cour  et  ne 
tarda  pas  à  courir  la  ville. 

Ce  fut  vers  1776  que  l'on  replanta 
les  jardins  du  Petit-Trianon,  qui  devint 
le  séjour  favori  de  la  reine  Marie- An- 
toinette ;  cette  époque  était  celle  de  la 
mode  des  jardins  anglais.  Au  milieu  de 
celui  de  Trianon,  on  avait  construit  un 
hameau  et  réservé  un  endroit  pitto- 
resque que  l'on  appelait  la  Petite  Suisse. 
On  y  mit  un  chalet,  une  laiterie,  et 
pour  animer  le  paysage,  on  fit  venir  de 
la  Suisse  des  vaches  et  une  jolie  laitière. 
Bientôt  la  jeune  Suissesse  fut  atteinte 
d'une  mélancolie  qui  menaça  ses  jours; 
on  découvrit  qu'elle  regrettait  son  pays 
et  son  fiancé.  Le  nom  de  son  amant 


POPULAIRES.  127 

s'échappait  de  sa  bouche  avec  des  sou- 
pirs ;  elle  se  persuadait  qu'il  était  mal- 
heureux loin  d'elle ,  comme  elle  était 
malheureuse  loin  de  lui,  et  on  la  voyait 
pleurer  en  disant  :  Pauvre  Jacques  I  La 
marquise  de  Travanet  composa  alors  la 
romance  naïve  qu'elle  embellit  d'un  air 
délicieux ,  inspiration  digne  de  Grétry. 
La  reine  fit  venir  Jacques ,  maria  et 
dota  les  deux  amants. 

L'air  touchant  de  Pauvre  Jacques  a 
servi ,  lors  de  la  révolution  ,  à  déplorer 
des  infortunes  royales ,  et  Marie- Antoi- 
nette a  pu  entendre  au  Temple  s'exhaler 
pour  elle  les  mélodies  plaintives  qu'elle 
avait  chantées  pour  la  gentille  laitière 
dans  les  bosquets  du  Petit-Trianon. 

Pauvre  Jacques,  quand  j'étais  près  de  toi, 

Je  ne  sentais  pas  ma  misère  ; 
Mais  à  présent  que  tu  vis  loin  de  moi, 

Je  manque  de  tout  sur  la  terre.         bis. 

Quand  tu  venais  partager  mes  travaux, 

Je  trouvais  ma  tache  légère. 
T'en  souvient-il  ?  tous  les  jours  étaient  beaux. 

Qui  me  rendra  ce  temps  prospère  ?    bis. 


128 


Quand  le  soleil  brille  sur  nos  guérets, 
Je  ne  puis  souffrir  sa  lumière  : 

Et  quand  je  suis  à  l'ombre  des  forêts, 
J'accuse  la  nature  entière.  bis. 

i 
Pauvre  Jacques,  quand  j'étais  près  de  toi . 

Je  ne  sentais  pas  ma  misère  ; 
Mais  à  présent  que  tu  vis  loin  de  moi , 

Je  manque  de  tout  sur  la  terre.        bit, 

Paroles  et  musique  de  la 
marquise  de  Travanet. 


Il  est  trop  tard. 

KOMAN-CE. 

'.e  tendre  Coupigny  soupire  une  romance, 

a  dit  le  satirique  Despazes ,  en  parlant 
de  ce  poëte  dont  la  modestie  s'offensait 
qu'on  lui  accordât  le  sceptre  de  la  ro- 
mance. Il  faut  convenir  cependant  que 
Coupigny  a  été  très-supérieur  dans  ce 


POPULAIRES.  12d 

genre ,  qui  demande  la  réunion  de  la 
simplicité,  de  la  grâce  et  de  l'esprit,  et 
c'est  ce  que  l'on  trouve  dans  son  recueil 
imprimé  en  1813.  Un  second  volume 
été  publié  après  sa  mort,  en  1835.  avc- 
une   notice  intéressante  sur  l'auteur 
qui  fait  connaître  son  caractère  original 
dont  nous  citerons  un  trait.  Coupigny, 
invité  par  un  duc  de  la  cour  impériale, 
s'aperçut  qu'à  table   on  le   mystifiait 
ouvertement;  il  en  témoigna  son  hu- 
meur, et  le  duc  eut  le  mauvais  goût  d<j 
lui  dire,  en  citant  Figaro  :  «  Souffre  la 
vérité ,  faquin  ,  puisque  tu  n'a  pas  le 
moyen  de  payer  un  flatteur.  »  Coupi- 
gny  répondit  sans  se  troubler  :  «  J'avais 
pensé  à  vous ,  monsieur  le  duc ,  mais 
vous  êtes  trop  cher.  » 

Coupigny  a  fait  sa  part  de  quelques 
vaudevilles;  mais  il  disait,  comme  La 
Fontaine  : 

Les  loDgs  ouvrages  me  font  peur. 

11  n'en  a  fait  que  peu  et  trèa-eoorts , 
aussi  Le  Ifontey  disait  de  sa  romance 


i30  CHANSONS 

Il  est  trop  tard  pour  qu'amour  nous  en- 
gage  :  «  C'est  Y  Iliade  de  Coupigny  !  » 

Il  est  trop  tard  pour  qu'amour  nous  engage, 
Quand  des  beaux  ans  pâlit  déjà  la  fleur. 
Écoute ,  Églé ,  cet  avis  doux  et  sage , 
Et  n'attends  pas,  pour  songer  au  bonheur, 
Qu'il  soit  trop  tard. 

De  mille  attraits  brillante  à  ton  aurore, 
Au  tendre  amour  ouvre  ton  jeune  cœur. 
Tu  le  voudrais,  et  tu  n'oses  encore; 
Crains  son  courroux  s'il  devient  ton  vainqueui 
Un  peu  plus  tard. 

Retiens  ceci .-  Pour  gentille  fillette , 
Il  n'est ,  Églé ,  qu'une  heureuse  saison  ; 
Quand  est  passé  joli  temps  d'amourette, 
A  ses  soupirs  l'enfant  malin  répond  : 
11  est  trop  tard. 

Las  des  rigueurs  d'une  beauté  rebelle , 
Lorsque  l'amour  commence  à  s'envoler, 
C'est  pour  jamais  qu'il  fuit  à  tire  d'aile  ; 
On  le  regrette,  on  veut  le  rappeler  s 
11  est  trop  tard  ! 

Paroles  de  Coupigny,  ?v.usique  de 

FlANTADE. 


POPULAIRES.  131 


L'Ermite  de  Sainte  Areïle. 

ROMANCE. 

Aux  rochers  de  Sainte-Aveile, 
La  reine  Berthe,  autrefois, 
Fit  bâtir  une  chapelle 

e-Dame  des  Bois. 
Ce  fut  dans  ce  lieu  sauvage 
Qu'un  jour,  lisant  son  missel, 
L'ermite  du  voisinage 
Reçut  un  beau  damuisel. 

Bien  que  le  vieillard ,  d'avance, 
Cherchât  aie  rassurer, 
L'étranger,  en  sa  présence, 
Soudain  se  prit  à  pleurer. 
«  Mon  fils,  dit  le  solitaire, 
Pariez,  d'où  naissent  vos  pleurs? 
—  Hélas  !  je  n'ose ,  mon  père , 
Vous  avouer  mes  douleurs. 

Pour  avoir  de  noble  dame 
Obtenu  simple  baiser, 
Je  vais  brûlant  d'une  flamme 
Que  rien  ne  peut  apaiser. 


132  CHANSONS 

Oh  !  dites-moi ,  je  vous  prie, 
Par  quel  charme  si  fatal , 
Le  doux  baiser  d'une  amie 
Est  cause  de  tant  de  mal. 

Si  je  dors,  un  trouble  extrême 
Précipite  mon  réveil  ; 
Et  je  ne  peux ,  la  nuit  même, 
Reposer  dans  mon  sommeil. 
Tout  vient  irriter  ma  peine, 
Tout  m'offre  le  souvenir 
De  la  belle  châtelaine 
Dont  les  baisers  font  mourir. 

Mais  le  sire  de  Contade 
La  tient  sous  sa  dure  loi , 
Et  j'apprends  qu'à  la  croisade 
Il  me  faut  suivre  le  roi. 
Je  viens  donc  ici ,  mon  père, 
Vous  demander  instamment 
Ou  croix  bénite  ou  rosaire 
Pour  apaiser  mon  tourment. 

—  Mon  fils ,  répondit  l'ermite . 
De  Notre-Dame  des  Bois 
Le  pouvoir  est  sans  limite , 
Et  le  ciel  s'ouvre  à  sa  voix  ; 
Mais,  hélas!  sur  cette  terre, 
Oh  l'homme  ne  vit  qu'un  jour, 


FOPtLAlF.ES.  133 

Il  n'est  ni  croix  ni  rosaire 
Qui  guérisse  de  l'amour.  ■ 

Paroles  de  M.  S.  E.  Gép.us 


Le  Juif  errant. 

Il  est  probable  que  la  légende  fabu- 
leuse du  Juif  errant  est  une  allégorie  de 
la  dispersion  des  Juifs,  inventée  dans 
les  temps  d'ignorance  et  de  superstition 
où  ce  peuple  était  proscrit  par  toute  la 
terre. 

La  tradition  du  Juif  errant  a  com- 
mencé à  s'accréditer  vers  le  commence- 
ment du  XIIIe  siècle.  Matthieu  Paris, 
chroniqueur  anglais  qui  vivait  en  1228, 
en  a  parlé  comme  d'un  personnage  qui 
avait  été  vu  par  un  archevêque  de  la 
Grande  Arménie.  Cet  homme,  nommé, 
selon  lui,  Carthophilus,  était  portier  du 
prétoire  :  il  frappa  Jésus  dans  le  dos  , 
et  lui  dit  :  Marche,  Jésus;  pourquoi  t'ar- 


134  CHANSONS 

rêtes-ta  ?  Jésus ,  se  retournant ,  lui  dit  : 
Je  vais,  et  toi,  tu  attendras  ma  seconde 
venue.  Depuis,  cet  homme  fut  baptisé 
et  appelé  Joseph,  par  Ananias,  qui  avait 
baptisé  l'apôtre  saint  Paul.  Cependant 
il  marche  continuellement ,  et  tous  les 
cent  ans  il  renaît  et  revient  à  l'âge 
qu'il  avait  à  l'époque  de  la  Passion. 
D'autres  traditions  le  nomment  Michab- 
Âder,  et  la  Rapsodie  lyrique  du  poëte 
allemand  Schubark  le  nomme  Âhasver. 

On  prétendit  l'avoir  vu  à  Hambourg 
en  1542,  en  France  en  1604,  à  Bruxelles 
en  1774.  C'est  à  cette  date  qu'on  rap- 
porte la  complainte  et  le  portrait  pré- 
tendu véritable  qui  l'accompagne. 

Dans  cette  complainte  aussi  naïve 
que  pauvrement  rimée  ,  comme  dans 
une  autre  de  1609 ,  le  Juif  errant  dit 
qu'il  était  cordonnier  et  qu'il  s'appelle 
haac  Laquedem.  Une  lettre  de  l'Espion 
turc,  de  1644,  raconte  le  passage  du 
Juif  errant  à  Paris.  Ce  personnage  a 
été  employé  dans  le  roman  du  Moine, 
par  Lewis.  M.  Ed.  Quinet  a  composé  sur 


POPULAIRES.  135 

lui  un  livre  intitulé  Ahasvérus.  Enfin  , 
tout  le  monde  connaît  le  roman  de 
M.  Eugène  Sue,  dont  le  Juif  errant 
n'est  que  le  prétexte. 

Air  de  chasse. 

Est-il  rien  sur  la  terre 
Qui  soit  plus  surprenant 
Que  la  grande  misère 
Du  pauvre  Juif  errant  ? 

Que  son  sort  malheureux 
Parait  triste  et  fâcheux  ! 

Des  bourgeois  de  la  ville 
De  Bruxelle  en  Brabant, 
D'une  façon  civile 
L'accostent  en  passant. 
Jamais  ils  n'avaient  vu 
l'n  homme  si  barbu. 

Son  habit,  tout  difforme 
Et  très-mal  arrangé , 
Fit  croire  que  cet  homme 
Était  fort  étranger, 
Portant,  comme  ouvrier, 
D .  vantlui  un  tablier. 

On  lui  dit  :  «  Bonjour,  maître 
De  grâce  accordez-nous 


136  CHANSONS 

La  satisfaction  d'être 
Un  moment  avec  vous. 
Ne  nous  refusez  pas, 
Tardez  un  peu  vos  pas. 

—  Messieurs,  je  vous  proteste 
Que  j*ai  bien  du  malheur; 
Jamais  je  ne  m'arrête, 

Ni  ici ,  ni  ailleurs  ; 

Par  beau  ou  mauvais  temps, 

Je  marche  incessamment. 

—  Entrez  dans  cette  auberge» 
Vénérable  vieillard  ; 

D'un  pot  de  bière  fraîche 
Vous  prendrez  votre  part. 
Nous  vous  régalerons 
Le  mieux  que  nous  pourrons. 

—  J'accepterai  de  boire 
Deux  coups  avecque  vous , 
Mais  je  ne  puis  m'asseoir; 
Je  dois  rester  debout. 

Je  suis,  en  vérité, 
Confus  de  vos  bontés. 

—  De  connaître  votre  âge 
Nous  serions  curieux  : 

A  voir  votre  visage 

Vous  paraissez  fort  vieux  ; 


POPlLAir.ES.  137 

Vous  avez  bien  cent  ans: 
Vous  montrez  bien  aatast. 

—  La  vieillesse  me  gêne; 
J'ai  bien  dix-huit  cents  ans. 
Chose  sûre  et  certaine, 

Je  passe  encor  douze  ans  ; 
J'avais  douze  ans  passés 
Quand  Jésus-Christ  est  né. 

—  N'ètes-vous  point  cet  homme 
De  qui  l'on  parle  tant, 

Que  l'Écriture  nomme 
Isaac ,  Juif  errant  ? 
De  grâce ,  dites-nous 
Si  c'est  sûrement  vous. 

—  Isaac  Laquedem 
Pour  nom  me  fut  donné  ; 
Né  à  Jérusalem , 

Ville  bien  renommée: 

Oui  c'est  moi ,  mes  enfants, 

Qui  suis  le  Juif  errant. 

Juste  ciel  !  que  ma  ronde 
Est  pénible  pour  moi! 
Je  fais  le  tour  du  monde 
Pour  la  cinquième  fois. 
Chacun  meurt  à  son  tour, 
Et  moi  je  vis  toujours  : 


138  CHANSONS 

Je  traverse  les  mers, 
Les  rivières ,  les  ruisseaux , 
Les  forêts ,  les  déserts , 
Les  montagnes,  les  coteaux; 
Les  plaines,  les  vallons, 
Tous  chemins  me  sont  bons. 

J'ai  vu  dedans  l'Europe, 
Ainsi  que  dans  l'Asie, 
Des  batailles  et  des  chocs 
Qui  coûtaient  bien  des  vies  .• 
Je  les  ai  traversés 
Sans  y  être  blessé. 

J'ai  vu  dans  l'Amérique , 

C'est  une  vérité, 

Ainsi  que  dans  l'Afrique, 

Grande  mortalité  : 

La  mort  ne  me  peut  rien  , 

Je  m'en  aperçois  bien. 

Je  n'ai  point  de  ressource 

En  maison  ni  en  bien  ; 

J'ai  cinq  sous  dans  ma  bourse  : 

Voilà  tout  mon  moyen. 

En  tous  lieux ,  en  tout  temps , 

J'en  ai  toujours  autant. 

—  Nous  pensions  comme  un  songe 
Le  récit  de  vos  maux  ; 


POPULAIRES.  133 

Nous  traitions  de  mensonge 
Tous  vos  plus  grands  travaux  ; 
Aujourd'hui  nous  voyons 
Que  nous  nous  méprenions. 

Vous  étiez  donc  coupable 
De  quelque  grand  péché , 
Pour  que  Dieu  tout  aimable 
Vous  eût  tant  affligé  ? 
Dites-nous  l'occasion 
De  cette  punition. 

—  C'est  ma  cruelle  audace 
Qui  causa  ne  mcmalheur; 
Si  mon  crime  s'efface , 
J'aurai  bien  du  bonheur. 
J'ai  traité  mon  Sauveur 
Avec  trop  de  rigueur. 

Sur  le  mont  du  Calvaire, 
Jésus  portait  sa  croix  ; 
Il  me  dit  débonnaire , 
Passant  devant  chez  moi  : 
«  Veux-tu  bien  ,  mon  ami , 
«  Que  je  repose  ici  ?  » 

Moi ,  brutal  et  rebelle , 
Je  lui  dis  sans  raison  : 
«  Ote-toi,  criminel, 
«  De  devant  ma  maison  : 


140 


«  Avance  et  marche  donc, 
«  Car  tu  me  fais  affront.  » 


Jésus ,  la  bonté  : 

Me  dit  en  soupirant  : 

«  Tu  marcheras  toi-même 

«  Pendant  plus  de  mille  ans; 

«  Le  dernier  jugement 

«  Finira  ton  tourment.  » 

De  chez  moi ,  à  l'heure  même, 
Je  sortis  bien  chagrin  ; 
Avec  douleur  ext~      e, 
Je  me  mis  en  chemin. 
Dès  ce  jour-là  je  suis 
En  marche  jour  et  nuit. 

Messieurs ,  le  temps  me  presse , 
Adieu  la  compagnie; 
Grâce  à  vos  politesses , 
Je  vous  en  remercie  ; 
Je  suis  trop  tourmenté 
Quand  je  suis  arrêté.  » 


POPULAIRES.  141 


Histoire   de   Dauion 
et  d'Henriette. 

Henriette  était  fille 
D'un  baron  de  renom; 
Dune  ancienne  famille 
Était  le  beau  Damon  ; 
Il  était  fait  au  tour, 
Elle  était  jeune  et  belle , 
Et  du  parfait  amour 
Ils  étaient  le  modèle. 

Damon,  plein  de  tendresse, 
Un  dimanche  matin, 
Ayant  ouï  la  messe 
D'un  père  capucin , 
S'en  fut  chez  le  baron , 
D'un  air  civil  et  tendre  : 
«  Je  m'appelle  Damon  ; 
Acceptez-moi  pour  gendre. 

—  Mon  beau  galant,  ma  fille 
N'est  nullement  pour  vous  ; 
Car,  derrière  une  grille, 
Dieu  sera  son  époux. 
J'ai  des  meubles  de  prix , 
De  l'or  en  abondance, 


142  CHASSONS 

Ce  sera  pour  mon  fils, 
J'en  donne  l'assurance. 

—  Ah  î  gardez  vos  richesses. 
Monsieur,  et  votre  bien  ; 
Je  vous  fais  la  promesse 
De  n'y  prétendre  rien. 
Comme  vous  j'ai  de  l'or , 
Tout  ce  que  je  souhaite , 
Et  de  tous  vos  trésors , 
Je  ne  veux  qu'Henriette.  » 

Ce  vieillard  malhonnête 
I         S'en  fut,  sur  ce  propos , 
En  secouant  la  tète 
Et  lui  tournant  le  dos  ; 
Comme  un  père  inhumain , 
Traîna  la  nuit  suivante 
Dans  un  couvent,  bien  loin 
La  victime  innocente. 

Hélas  !  quel  triste  orage 
Pour  ces  tendres  amants  ; 
Que  ce  cruel  partage 
Leur  cause  de  tourments» 
Damon  a  beau  chercher 
Sa  charmante  Henriette, 
Mais  il  ne  peut  trouver 
Le  lieu  de  sa  retraite. 


P0PCLAIRE5.  S  43 

L'abbesse  prend  à  tâche 

De  lui  tourner  l'esprit; 

Lui  parlant  sans  relâche 

Et  de  règle  et  d'habit  : 

«  Prends  le  voile  au  plus  I  ' 

Orne-s-en  do^c  ta  tête , 

Et  les  anges  d'en  haut 

En  chanteront  la  fête.  % 


—  Ah  !  madame  l'abbesse , 
Ramassez  tos  bandeaux  ; 
Je  ne  puis  par  fait. 
Tomber  dans  tos  panneaux. 
Pour  un  sort  plus  heureux 
Le  dieu  d'amour  m'appelle  ; 
Damon  a  tous  mes  vœux , 
Je  lui  serai  fidèle.  « 


On  envoie  d'Allemagne 
Une  lettre  au  baron , 
Lui  mandant  que  Guillaume 
Vient  de  perdre  son  nom 
Dans  un  sanglant  combat , 
Montrant  son  grand  courage  • 
Mais  un  seul  coup  dompta 
Ce  guerrier  redoutable. 

En  lisant  cette  lettre, 
Poussait  mille  soupir?, 


1*4  CHANSONS 

Pleurant  avec  tendresse 
La  mort  de  son  cher  fils. 
«  J'avais ,  dit-il ,  gardé 
Pour  toi  bien  des  richesses , 
Mai3  le  ciel  a  vengé 
Le  malheur  d'Henriette.  » 

Le  lendemain  à  la  grille 
Henriecte  il  fut  voir, 
Lui  dit  :  «  Ma  pauvre  fille , 
Je  meurs  de  désespoir. 
Le  ciel  me  punit  bien 
De  mon  trop  de  rudesse; 
Mais  tu  n'y  perdras  rien , 
Je  te  rends  ma  tendresse. 

—  Qu'avez- vous  donc,  cher  père. 
Qui  vous  chagrine  tant? 

—  Ma  fille ,  ton  pauvre  frère 
Est  mort  en  combattant, 

En  défendant  le  roi , 
Au  pays  d'Allemagne , 
Et  je  n'ai  plus  que  toi 
Pour  être  ma  compagne. 

—  Or,  en  ce  moment  même , 
Ah  !  mon  père,  arrêtez  ! 
Celui  que  mon  cœur  aime, 
Vous  me  le  donnerez  ? 


POPULAIRES.  14$ 

=-  Depuis  longtemps ,  M 
Ma  fille ,  en  Italie  , 
Oa  dit  qu'à  Castella 
Il  a  perdu  la  vie. 

—  Cruelle  destinée  ! 
Quoi  !  mon  amant  est  mort! 
Sa  vie  est  terminée, 
Et  moi  je  vis  encorl 
Destin  trop  rigoureux , 
Et  vous ,  père  barbare , 
Votre  insensible  cœur 
A  jamais  nous  sépare. 

Adieu  donc,  mon  aimable 
Je  ne  te  verrai  plus  ! 
Ton  souvenir  m'accable. 
Tes  soins  sont  superflus. 
Adieu ,  cher  tourtereau, 
Ta  chère  tourterelle 
Au  delà  du  tombeau , 
Oui ,  te  sera  fidèle. 

Ah  !  madame  ï'abbesse . 
Donnez-moi  un  habit; 
Un  saint  désir  me  presse 
D'être  de  vos  brebis. 
Coupez  mes  blonds  cheveux , 
Dont  j'eus  un  soin  extrême: 


146  CHANSONS 

Arrachez-en  les  nœuds  : 
J'ai  perdu  ce  que  j'aime. 

Adieu  donc,  mon  cher  père. 
Et  toutes  mes  amies  ! 
Dedans  ce  monastère 
3e  veux  finir  ma  vie, 
Passer  mes  tristes  ans 
Sous  un  habit  de  nonne, 
Prier  pour  mes  parents. 
Que  le  ciel  leur  pardonne.  » 

La  voilà  donc  novice. 
Le  grand  dommage,  hélas î 
Que  sous  un  noir  cilice 
Soient  cachés  tant  d'appas  ! 
Son  père  veut  encor 
L'arracher  de  la  grille; 
Mais  son  amant  est  mort  : 
Elle  veut  rester  fille. 

Or,  justement  la  veille 
De  sa  profession 
(Écoutez  la  merveille 
Digne  d'attention  ), 
En  tous  lieux  on  publie 
Qu'un  captif  racheté 
Revient  de  la  Turquie, 
Jeune  et  de  qualité. 


POPULAIRES.  147 

On  parle  dans  la  ville 
De  ce  captif  si  beau; 
D'une  façon  civile 
Chacun  lui  fait  cadeau. 
Les  dames ,  dont  les  coeurs 
SoDt  tendres  de  nature, 
Versent  toutes  des  pleurs 
Sur  sa  triste  aventure. 

L'abbesse,  curieuse, 
A  son  tour  veut  le  voir; 
Chaque  religieuse 
Se  transporte  au  parloir; 
Un  secret  mouvement 
Y  conduit  Henriette, 
Qui  ordinairement 
Restait  en  sa  chambrette. 

«  Beau  captif,  dit  l'abbesse, 
Quel  est  votre  malheur? 
A  vous  je  m'intéresse. 
—  Madame ,  trop  d'honneur; 
Je  ne  puis  maintenant 
Dire  comme  on  me  nomme; 
Apprenez  seulement 
Que  je  suis  gentilhomme. 

J'aimais  d'amour  fidèle 
Une  jeune  beauté; 


148  CHANSONS 

La  jeune  demoiselle 
M'aimait  de  son  côté  ; 
Mais  son  père  inhumain 
Autrement  en  ordonne, 
Et  m'enlève  un  matin 
Cette  aimable  personne. 

Ou  l'a-t-il  donc  cachée, 
Ce  père  rigoureux? 
Sept  ans  je  l'ai  cherchée 
En  cent  différents  lieux. 
Par  tout  pays  je  cours , 
Cherchant,  sans  espérance 
Celle  qui  doit  un  jour 
Terminer  ma  souffrance. 

Pris  par  un  vieux  corsaire , 
Me  vendit  sans  pitié , 
Et  d'un  cœur  débonnaire 
J'ai  gardé  l'amitié  ; 
Mais  sa  fille  enchantée, 
Quoique  charmante  et  belle. 
Me  voulait  épouser. 
Pour  moi  quelle  nouvelle  ! 

Enfin  ,  de  mes  refus 
Cette  fille  se  rebute-, 
Pendant  un  an  et  plus 
Elle  me  persécute, 


rOFl-L.\IRES.  itf 

Et  sou  ordre  m'oblige 
A  de  rudes  travaux. 
Leur  souvenir  m'afflige 
En  vous  disant  ces  mots. 


C'était  fait  de  ma  vie, 
J'en  désirais  la  fin , 
Quand  le  ciel  en  Turquie 
Conduit  les  Mathurins  ; 
Ils  brisent  mes  liens, 
Au  patron  ils  m'achètent. 
Pour  moi  le  jour  n'est  rien 
Sans  ma  chère  Henriette.  » 

La  novice,  éperdue , 
Succombe  à  ce  discours  ; 
Chaque  sœur  se  remue 
Pour  lui  donner  secours. 
Elle  ouvre  un  œil  mourant, 
Disant,  toute  tremblante  : 
«  Damon ,  mon  cher  Damon, 
Tu  revois  ton  amante.  » 

A  la  voix  de  la  fille, 
Damon  perd  la  raison. 
Il  veut  forcer  la  grille 
Ou  brûler  la  maison , 
Et ,  pour  le  retenir, 
Il  faut  qu'on  lui  promette 


150  CHANSONS 

De  lui  faire  obtenir 
Sa  constante  Henriette. 

Le  vieux  baron  arrive 
Pour  la  profession  ;         * 
Une  amitié  si  -vive 
Lui  fait  compassion. 
Le  voilà  consentant 
Designer  l'alliance; 
Il  veut ,  dès  ce  moment , 
Combler  leur  espérance. 

L'on  fit  ce  mariage 
Tout  en  solennité; 
Leurs  parents  de  tout  âge  ; 
Chacun  s'y  est  trouvé. 
Après  tant  de  douleurs , 
De  traverse  et  de  gênes, 
L'on  unit  ces  deux  cœurs , 
Récompensant  leurs  peines. 


Cantique  de  Geneviève 
de  Hraliant. 

Approchez-vous,  honorable  assistance . 
Pour  entendre  réciter  en  ce  lieu 
L'innocence  reconnue  et  patience 


POPULAIRES.  151 

De  Geneviève  très-aimée  de  Dieu; 

Étant  comtesse, 

De  grande  noblesse , 
Née  du  Brabant  était  assurément. 

Geneviève  fut  nommée  au  baptême  : 
Ses  père  et  mère  l'aimaient  tendrement; 
La  solitude  prenait  d'elle-même , 
Donnant  son  cœur  au  Sauveur  tout-puissan 

Son  grand  mérite 

Fit  qu'à  la  suite , 
Dès  dix-huit  ans  fut  mariée  richement. 

En  peu  de  temps  s'éleva  grande  guerre , 
Son  mari,  seigneur  du  Palatinat , 
Fut  obligé,  pour  son  honneur  et  gloire , 
De  quitter  la  comtesse  en  cet  état , 

Étant  enceinte 

D'un  mois  sans  feinte , 
Fait  ses  adieux,  ayantles  larmes  aux  yeux. 

Il  a  laissé  son  aimable  comtesse 
Entre  les  mains  d'un  méchant  intendant. 
Qui  la  voulut  séduire  par  finesse , 
Et  l'honneur  lui  ravir  subitement. 

Mais  cette  dame 

Pleine  de  charme 
N'y  voulut  consentir  aucunement. 

Ce  malheureux  accusa  sa  maitresse 
D'avoir  péché  avec  son  cuisinier  : 


152  CHANSONS 

Le  serviteur  fit  mourir  par  adresse , 
Et  la  comtesse  fit  emprisonner  • 

Chose  assurée , 

Est  accouchée , 
Dans  la  prison  ,  d'un  beau  petit  garçon. 

'Le  temps  finit  toute  cette  grand'  guerre , 
Et  le  seigneur  revint  en  son  pays. 
Golo  s'en  fut  au-devant  de  son  maître , 
Jusqu'à  Strasbourg ,  accomplir  son  envie. 

Ce  téméraire 

Lui  fit  accroire 
Que  sa  femme  adultère  avait  commis. 

Étant  troublé  de  chagrin  dans  son  âme, 
Il  ordonna  à  Golo ,  ce  tyran , 
D'aller  au  plutôt  faire  tuer  sa  dame 
Et  massacrer  son  petit  innocent. 

Ce  méchant  traître , 

Quittant  son  maître , 
Va ,  d'un  grand  cœur,  exercer  sa  fureur. 

Ce  bourreau  de  Geneviève  si  tendre, 
La  dépouilla  de  ses  habillements  ; 
De  vieux  haillons  la  fit  vêtir,  et  prendre 
Par  deux  valets  fort  rudes  et  très-puissants. 

L'ont  emmenée , 

Bien  désolée , 
Dans  la  forêt  avec  son  cher  enfant. 


POPULAIRES.  153 

Geneviève,  approchant  du  supplice . 
Dit  à  ses  deux  valets,  tout  en  pleurant  : 
«  Si  voos  voulez  me  rendreun  grand  se: 
Faites-moi  mourir  avec  mon  cher  enfant; 

Et  sans  remise 

Je  suis  soumise 
à  votre  volonté  présentement.  » 

La  regardant,  l'un  dit  :  «  Qu'allcns-nous  faire  ? 
Quoi  !  un  massacre  !  je  n'en  ferai  rien  ; 

Faire  mourir  notre  aimable  maîtresse 

Peut-être  un  jour  nous  fera-t-elle  du  bien. 

Sauvez-vous,  dame 

Pleine  de  charme; 
Dans  ces  forêts  qu'on  ne  vous  voie  jamais.  » 

Celui  qui  a  fait  grâce  à  sa  maîtresse, 
Dit  :  «  Je  sais  bien  comment  tromper  Golo , 
Lalangued'un  chien,  nous  faut,  par  finesse  - 
Prendre  et  porter  à  ce  cruel  bourreau. 

Ce  traître  infâme, 

Dedans  son  âme 
Dira  :  C'est  celle  de  Geneviève  au  tombeau,  m 

Au  fond  d'un  bois,  dedans  une  carrière 
Geneviève  demeura  pauvrement, 
Etant  sans  pain ,  sans  feu  et  sans  lumière 
Ni  compagnie  que  de  son  cher  enfant. 

Mais  l'assistance 

Qui  la  substante 
C'est  le  bon  Dieu,  qui  la  garde  en  tout  lieu. 


,54  CBASSOSS 

Elle  fut  visitée  par  une  pauvre  biche 
Qui  tous  les  jours  allaitait  son  enfant. 
Tous  les  oiseaux  chantent  et  la  réjouissent, 
^'accoutumant  à  leur  aimable  chant.- 

Les  bêtes  farouches 

Près  d'elle  se  couchent, 
Divertissant  elle  et  son  cher  enfant. 

Voilà  son  mari  qui  est  en  grande  peine 
Dans  son  château,  consolé  par  Golo; 
Ce  n'est  que  jeux,  que  festins  qu'on  lui  mène; 
Biais  ces  plaisirs  sont  très-mal  à  propos; 

Car,  dans  son  âme, 

Sa  chère  dame, 
Ce  châtelain  pleure  avec  grand  chagrin. 

Jésus-Christ  a  découvert  l'innocence 
De  Geneviève,  par  sa  grande  bonté  : 
Chassant  dans  la  forêt  en  diligence , 
Le  comte  des  chasseurs  s'est  écarté , 

Après  la  biche , 

Qui  est  nourrice 
De  son  enfant,  qu'elle  allaitait  souvent. 

T,a  pauvre  biche  se  sauve  au  plus  vite 
Dedans  la  grotte ,  auprès  de  l'innocent  ; 
Le  comte  aussitôt,  faisant  la  poursuite 
Pour  la  tirer  de  ces  lieux  promptement , 

Vit  la  figure 

D'une  créature 
Qui  était  auprès  de  son  cher  enfant. 


POPULAIRES.  155 

Apercevant  dans  cette  grotte  obscure 
Cette  femme  couverte  de  cheveux , 
Lui  demanda  :  «  Qui  êtes-vous,  créature  ? 
Que  faites-vous  dans  ces  lieux  ténébreux? 

Ma  chère  amie , 

Je  vous  en  prie , 
Dites-moi  donc,  s'il  vous  plaît,  votre  nom. 

—  Geneviève,  c'est  mon  nom  d'assurance, 
Née  du  Brabant,  où  sont  tous  mes  parents. 
Un  grand  seigneur  m'épousa  sans  doutance , 
Dans  son  pays  m'emmena  promptement. 

Je  suis  comtesse 

De  grande  noblesse, 
Mais  mon  mari  fait  de  moi  grand  mépris. 

Il  m'a  laissée ,  étant  d'un  mois  enceinte 
Entre  les  mains  d'un  méchant  intendant, 
Qui  a  voulu  me  séduire  par  contrainte, 
Et  puis  me  faire  mourir  vilainement  ; 

De  rage  félonne 

Dit  à  deux  hommes 
De  me  tuer  moi  et  mon  cher  enfant.  » 

Le  comte  ému,  reconnaissant  sa  femme 
Dedans  ce  lieu,  la  regarde  en  pleurant. 
«  Quoi!  est-ce  vous,  Geneviève,  chère  dame, 
Pour  qui  je  pleure  il  y  a  si  longtemps? 

Mon  Dieu!  quelle  grâce, 

Dans  cette  place 
De  retrouver  ma  très-chère  moitié.  » 


156  CHANSONS 

Ah  !  quelle  joie  !  Au  son  de  la  trompette, 
Voici  venir  la  chasse  et  les  chasseurs , 
Qui  reconnurent  le  comte,  je  proteste, 
A  ses  côtés  et  sa  femme  et  son  cœur. 

L'enfant,  la  biche, 

Les  chiens  chérissent  ; 
Les  serviteurs  rendent  grâce  au  Seigneur. 

Tous  les  oiseaux  et  les  bêtes  sauvages 
Regrettent  Geneviève  par  leur  chant, 
Pleurent  et  gémissent  par  leurs  doux  ramages 
En  chantant  tous  d'un  ton  fort  languissant, 

Pleurant  la  perte 

Et  la  retraite 
De  Geneviève  et  de  son  cher  enfant. 

Ce  grand  seigneur,  pour  punir  l'insolence 
Et  la  perfidie  du  traitre  Golo , 
Le  fit  juger  par  très-juste  sentence , 
D'être  écorché  tout  vif  par  un  bourreau. 

A  la  voirie 

L'on  certifie 
Que  son  corps  y  fut  jeté  par  morceaux. 

Fort  peu  de  temps  notre  illustre  princesse 
Resta  vivante  avec  son  cher  mari. 
Malgré  ses  chères  et  tendres  caresses, 
Elle  ne  pensait  qu'au  Sauveur  Jésus-Christ. 

Dans  sa  chère  âme, 

Remplie  de  flamme, 
Elle  priait  Dieu  tant  le  jour  que  la  nuit. 


POPULAIRES.  157 

Elle  ne  pouvait  manger  que  des  racines 
Dont  elle  s'était  nourrie  dans  les  bois  ; 
Ce  qui  fait  que  son  mari  se  chagrine  , 
Offrant  toujours  des  vœux  au  roi  de? 

Qu'il  s'intéresse 

De  sa  princesse, 
Qui  suivait  si  austèrement  ses  lois. 

«Puissant  seigneur,  par  amour,  je  vous  prie 
Et  puisqu'aujuurd'hui  il  faut  nous  quitter, 
Que  mon  cher  fils,  ma  douce  compagnie , 
Tienne  toujours  place  à  votre  côté  ; 

Que  la  souffrance 

De  son  enfance 
Fasse  preuve  de  ma  fidélité.  » 

Geneviève  à  ce  moment  rendit  l'âme 
Au  roi  des  rois ,  le  Sauveur  tout-puissant. 
Bénoni  de  tout  son  cœur  et  son  âme 
Poussait  des  cris  terribles  et  languissants 

Se  jetant  par  terre 

Lui  et  son  père , 
Se  lamentant,  pleurant  amèrement. 

Du  ciel  alors  sortit  une  lumière, 
Comme  un  rayon  d'un  soleil  tout  nouveau, 
Dont  la  clarté  dura  la  nuit  entière; 
Rien  n'a  paru  au  monde  de  plus  beau. 

Les  pauvres  et  riches , 

Jusqu'à  la  biche , 
>Tout  a  suivi  Geneviève  au  tombeau. 


158  CHANSONS 

Pour  conserver  à  jamais  l'innocence 
De  Geneviève  accusée  par  Golo, 
La  pauvre  biche  veut  par  sa  souffrance 
La  prouver  par  un  miracle  nouveau , 

Puisqu'elle  est  morte, 

Quoi  qu'on  lui  porte , 
Sans  boire  ni  manger  sur  le  tombeau. 


Fuuldès. 

Cette  complainte  a  été  publiée  en 
quarante-huit  couplets.  Nous  ne  don- 
nons que  ceux  qui  nous  ont  paru  néces- 
saires à  la  description  de  cet  horrible 
crime.  C'est  une  plaisanterie  de  mau- 
vais goût  sur  une  chose  atroce  ,  corn 


Ecoutez  ,  peuples  de  France , 
Du  royaume  de  Chili , 
Peuples  de  Russie,  aussi 
Du  cap  de  Bonne-Espérance , 
Le  mémorable  accident 
D'un  crime  très-conséquent. 


?0 PILAIRES. 

Capitale  du  Rouergue, 
Vieille  ville  de  Rhodez , 
Tu  vis  de  sanglants  forfaiu 
A  quatre  pas  de  l'Ambergue , 
Faits  par  des  coeurs  aussi  durs 
Comme  tes  antiques  murs. 

De  très-honnête  lignée 
Vinrent  Bastide  et  Jausion  , 
Pour  la  malédiction 
De  cette  ville  indignée; 
Card'Rhodez  les  habitants 
Ont  presqu'tous  des  sentiments. 

Bastide  le  gigantesque. 

Moins  deux  pouce;  ayant  six  pieds, 

Fut  un  scélérat  fieffé 

Et  même  saDs  politesse . 

Et  Jausion  l'insidieux 

Sanguinaire,  avaricieux. 

Us  méditent  la  ruine 

D?un  magistrat  très-prudent . 

Leur  ami ,  leur  confident  ; 

Mais  ne  pensant  pas  le  crime, 

il  ne  se  méfiait  pas 

Qu'on  complotait  son  trépas. 

Hélas  !  par  un  sort  étrange , 
Pouvant  vivre  honnêtement, 


CHANSONS 

Ayant  femme  et  des  enfants, 
Jausion  ,  l'agent  de  change, 
Pour  acquitter  ses  effets 
Résolut  ce  grand  forfait. 

Bastide  le  formidable , 

Le  dix-neuf  mars,  à  Rhodez, 

Chez  le  vieillard  Fualdès 

Entre  avec  un  air  aimable , 

Dit  :  «  Je  dois  à  mon  ami  ; 

Je  fais  son  compte  aujourd'hui.  » 

Ces  deux  beaux  frères  perfides 
Prennent  des  associés  : 
Bach  et  le  porteur  Bousquier, 
Et  Missonnier  l'imbécile, 
Et  Colard  est  pour  certain 
Un  ancien  soldat  du  train. 

Dedans  la  maison  Bancale , 
Lieu  de  prostitution , 
Les  bandits  de  l'Aveyron  , 
Vont  faire  leur  bacchanale, 
Car  pour  un  crime  odieux  , 
Hien  n'est  tel  qu'un  mauvais  ttea 

Alors  le  couple  farouche 
Saisit  Fualdès  au  Terrai , 
Avec  un  mouchoir  fatal 
On  lui  tamponne  la  bouche, 


POPULAIRES.  1G1 

On  remplit  son  nez  de  son 
Pour  intercepter  le  son. 

Dans  cet  infâme  repaire 
Ils  le  poussent  malgré  lui , 
Lui  déchirant  son  habit , 
Jetant  son  chapeau  par  terre, 
Et  des  vielleurs  insolents 
Assourdissent  les  passants. 

Sur  la  table  de  cuisine 

Ils  retendent  aussitôt; 

Jausion  prend  son  couteau 

Pour  égorger  la  victime  ; 

Mais  Fualdès ,  d'un  coup  de  temps , 

S'y  soustrait  adroitement. 

Sitôt  l'Hercule  Bastide 
Le  relève  à  bras  tendu  ; 
De  Jausion  éperdu 
Prenant  le  fer  homicide  : 
«Est-ce  là  comme  on  s'y  prend  ? 
Va,  tu  n'es  qu'un  innocent.  » 

«Puisque  sans  raison  plausible, 
Vous  me  tuez  ,  mes  amis , 
De  mourir  en  étourdi, 
Cela  ne  m'est  pas  possible  : 
Ah!  laissez-moi  dans  ce  lieu 
Faire  ma  paix  avec  Dieu,  » 

II 


162  CHANSONS 

Ce  géant  épouvantable 
Lui  répond  grossièrement  : 
«  Tu  pourras  dans  un  instant 
Faire  paix  avec  le  Diable.» 
Ensuite  d'un  large  coup 
Il  lui  traverse  le  cou. 

Voilà  le  sang  qui  s'épanche  , 
Mais  la  Bancale  aux  aguets 
Le  reçoit  dans  un  baquet, 
Disant  :  «  En  place  d'eau  blanche , 
Y  mettant  un  peu  de  son , 
Ça  sera  pour  mon  cochon.» 

Fualdès  meurt ,  et  Jausion  fouille 
Prenant  le  passe-partout, 
«  Ramass'  tout,  »  dit  Bastide. 
Il  empoigne  la  grenouille , 
Bague,  clef,  argent  comptant , 
Montant  bien  à  dix-sept  francs. 

Alors  chacun  à  la  hâte, 
Colard,  Benoît ,  Missonnier, 
Et  Bach  ,  le  contrebandier. 
Mettant  la  main  à  la  pâte, 
Le  malheureux  maltraité 
Se  trouve  être  empaqueté. 

Certain  bruit  frappe  l'ouïe 
De  Bastide  furieux .- 


POPULAIRES.  163 

Un  homme  s'offre  à  ses  yeux , 
Qui  dit  :  «Sauvez-moi  la  vie  ; 
Car,  sous  ce  déguisement , 
Je  suis  Clarisse  Enjalran.  » 

Lors  d'une  main  téméraire 
Ce  monstre  licencieux 
Veut  s'assurer  de  son  mieux 
A  quel  homme  il  a  affaire , 
Et ,  trouvant  le  fait  constant, 
Teint  son  pantalon  de  sang. 

Sans  égard  et  sans  scrupule 
Il  a  levé  le  couteau. 
Jausion  lui  dit .-  «  Nigaud  , 
Quelle  action  ridicule 
Un  cadavre  est  onéreux , 
Que  feras-tu  donc  de  deux  ?  » 

On  traîne  l'infortunée 
Sur  le  corps  tout  palpitant; 
On  lui  fait  prêter  serment. 
Sitôt  qu'elle  est  engagée , 
Jausion  officieux 
là  fait  sortir  de  ces  lieux. 

Quand  ils  sont  dedans  la  rue . 
Jausion  lui  dit  d'un  air  fier  : 
«  Par  le  poison  ou  le  fer, 
Si  tu  causes  t'es  perdue,  n 


164  CHÀNS0N8 

Manson  rend  du  fond  du  cœur 
Grâce  à  son  tendre  sauveur. 

Bousquier  dit  avec  franchise , 
En  contemplant  cette  horreur  .- 
«  Je  ne  serai  pas  porteur 
De  pareille  marchandise. 
Comment ,  mon  cher  ami  Bach , 
Est-ce  donc  là  ton  tabac?» 

Mais,  Bousquier  faisant  la  mine 
De  sortir  de  ce  logis, 
Bastide  prend  son  fusil , 
L'applique  sur  la  poitrine 
De  Bousquier,  disant  :  «  Butor, 
Si  tu  bouges  tu  es  mort.» 

Bastide,  ivre  de  carnage , 
Donne  l'ordre  du  départ: 
En  avant  voilà  qu'il  part  ; 
Jausion  doit  fermer  la  marche  ; 
Et  les  autres  du  brancard 
Saisissent  chacun  un  quart. 

Alors  de  l'affreux  repaire 
Sort  le  cortège  sanglant  : 
Colard  et  Bancal  devant, 
Bousquier,  Bach ,  portaient  derrière  : 
Missonnier,  ne  portant  rien  , 
S'en  va  la  canne  à  la  main. 


POPCLAIPvES.  155 

En  allant  à  la  rivière , 

Jausion  tombe  d*erf: 

Bastide  lui  dit  :  «  Eh  quoi  ! 

Que  crains-tu?  »  Le  cher  beau-frère 

Lui  répond  :  «  Je  n'ai  pas  peur,  » 

Mais  tremblait  comme  un  voleur. 

Enfin  l'on  arrive  au  terme  : 
Le  corps,  désempaqueté , 
Dans  l'Aveyron  est  jeté; 
Bastide  alors ,  d'un  air  ferme, 
S'éloigne  avec  Jausion  ; 
Chacun  tourne  les  talons. 


te  comte  Orry. 

La  romance  picarde  du  comte  Orry 
n'était  qu'une  tradition  de  province  qui 
datait  du  xive  ou  du  xve  siècle,  et  dont 
il  ne  restait  que  quelques  fragments , 
lorsque  La  Place  en  remplit  les  lacunes, 
en  rajeunit  le  langage  .  et  l'inséra  dans 
son  recueil  de  pièces  intéressantes  et 
peu  connues .  en  1785.  MM.  Scribe  et 
Poirson  en  ont  fait  le  sujet  d'un  fort 


tC6  CHASSONS 

joli  vaudeville  joué  en  1816.  C'est  de 
cette  époque  que  date  la  réputation  du 
comte  Orry,  qui  jusque-là  avait  étf 
circonscrite  dans  les  villages  de  la  Pi  . 
cardie,  et  qui  s'est  encore  agrandi, 
lorsque  les  mêmes  auteurs  ont  fait ,  en 
1828 ,  de  leur  vaudeville  un  opéra ,  et 
qu'il  a  été  embelli  de  la  musique  du 
célèbre  Rossini. 

Le  comte  Orry  disait  pour  s'égayer 
Qu'il  voulais  prendre  le  couvent  de  Farmoutier. 
Pour  plaire  aux  nonnes  et  pour  les  désen  nuy er. 

Ce  comte  Orry,  châtelain  redouté. 
Après  la  chasse  n'aimait  rien  que  la  gai  té, 
Que  la  bombance ,  les  combats  et  la  beauté. 

«  Holà  !  mon  page,  venez  me  conseiller. 
L'amour  me  berce ,  et  je  ne  puis  sommeiller 
Comment  m'y  prendre  pour  dans  ce  couvent 
[entrer? 

—Sire ,  il  faut  prendre  quatorze  chevaliers, 
Et  tous  en  nonnes  il  vous  les  faut  babiller, 
Puis,  à  nuit  close,  à  la  porte  aller  heurter.» 

Orry  va  prendre  quatorze  chevaliers  ; 
Et  tous,  en  nonnes,  Orry  les  fait  habiller  : 
Puis,  à  nuit  close,  à  la  porte  ils  vont  heurter. 


POPULAIRES.  167 

à  Hclà!  qui  frappe?  qui  mène  un  si  grand 
[bruit? 
—Ce  sont  des  nonnes,  et  qui  ne  vont  que  de  nuir 
Qui  sont  en  crainte  de  ce  maudit  comte  Orry.» 

Survientl'abbesse,  les  yeux  tout  endormis... 
«Soyez,  mesdames,  bienvenues  en  ce  logis... 
Mais  comment  faire?  où  trouver  quatorze  lits?  » 

Chaque   nonnette ,  d'un  cœur  vraiment 

[chrétien, 

Aux  étrangères,  offre  la  moitié  du  sien... 

«Soit,  ditl'abbesse,  sœur  Colette  aura  le 

[mien.  » 

La  sœur  Colette,  c'était  le  comte  Orry, 
Qui,  pour  Tabbesse,  d'amour  ayant  appétit, 
Dans  sa  peau  grille  de  trouver  la  pie  au  nid. 

Fraîche,  dodue,  œil  noir  et  blanches  dents, 
Gentil  corsage,  peau  d'hermine  et  pieds  d'en- 
[  fants , 
tadameabbesse  ne  comptait  pas  vingt-cinqan 

Au  lit  en  semble  îous  les  deux  bien  pressés ... . 
«Ah!  ditl'abbesse,  ciel!  comme  vous  m'embrassa 
—Vrai  Dieu!  madame,  peut-on  vous  aimer  assez  ? 

—  Ah  !  sœur  Colette,  qu'avez  bien  le  cœur 
[bon!... 


168  CHANSONS 

Mais,  sœur  Colette,  qu'avez  bien  rude  menton  ! 

—  Parbleu!  madame,  ainsi  mes  compagnes  l'on 

—  Toutes  mes  nonnes,  venez  me  secourir  ! 
Croix  et  bannière,  l'eau  bénite  allez  quérir  ; 
Car  je  suis  prise  par  ce  maudit  comte  Orry. 

—  Ah  !  dame  abbesse,  vous  avez  beau  crier; 
laissez  en  place  croix ,  bannière  et  bénitier, 
Car  chaque  nonne  est  avec  son  chevalier.  #» 

La  pauvre  abbesse,  après  un  plus  grand  cri, 
Sans  voir  de  nonnes,  n'espérant  plus  de  merci , 
Prit  patience  avec  sœur  Colette  aussi. 

Neuf  mois  ensuite,  vers  la  fin  de  janvier, 
L'histoire  ajoute,  comme  un  fait  singulier, 
Que  chaque  nonne  fit  un  petit  chevalier. 


lia  Tentation  de  saint  Antoine. 

Air  :  Plus  inconstant  que  l'onde. 

Ciel  î  l'univers  va-t-il  donc  se  dissoudre  ? 
Quel  bruit!  quels  cris!  quel  horrible  fracas! 

Devant  moi  je  vois  la  foudre  ; 

Elle  tombe  par  éclats  : 
Tout  est  en  poudre 


POPULAIRES.  Il  . 

Sur  mon  grabat. 
Grand  Dieu  ;  du  haut  des  cieu> 
Vois  ma  disgrâce, 
Et  par  ta  grâce 
Fais  que  je  chasse 
L'enfer  de  ces  lieux. 

Air  :  Du  haut  en  bas. 

C'était  ainsi 
Qu'Antoine  exprimait  ses  alarmes  ; 

C'était  ainsi 
Qu'Antoine  exprimait  son  souci , 
Lorsque  le  diable ,  par  ses  charmes , 
Venait  chez  lui  faire  vacarmes. 

C'était  ainsi. 

Air  :  Des  folies  d'Espagne. 

On  vit  sortir  d'une  grotte  profonde 
Mille  démons  ,  mille  spectres  divers  ; 
Des  noirs  esprits  toute  la  troupe  immonde 
Pour  le  tenter,  déserta  les  enfers. 

Air  :  Turelure,  lure,  et  (Ion,  flon,  flon. 

On  vit  des  démons 

De  tous  les  cantons, 
De  la  ville  et  de  la  campagne  , 
De  la  Cochinchine  et  d'Espagne  ; 
On  vit  des  diables  blondins  . 


Des  bruns  ,  des  gris  et  des  châtains  ; 
Les  bruns,  surtout,  méchants  lutins 
Faisaient  remuer  des  pantins. 
Tureiure ,  lure , 
Et  flon,  flon,  flon, 
Tous  avaient  leur  ton , 
Leur  allure. 


Air  :  La  faridondaine. 

Quelques-uns  prirent  le  cochon 

De  ce  bon  saint  Antoine , 
Et ,  lui  mettant  un  capuchon  , 

Ils  en  firent  un  moine. 
Il  n'en  coûtait  que  la  Façon 
La  faridondaine , 
La  faridondon  : 
Peut-être  en  avait-il  l'esprit 

Biribi , 
A  la  façon  de  Barbaj i 
Mon  ami. 

Air  :  Dans  un  détour. 

Sur  un  sofa 
Une  diablesse  en  falbala , 
Aux  regards  fripons , 
Découvrait  deux  jolis  monu 
Ronds. 


vu 


Air  :  Au  fond  de  cateau. 

Ronflant  comme  un  cochon, 

On  voyait  sur  un  trône 
Un  des  envoyés  de  Pluton. 

Il  portait  pour  couronne 

Un  vieux,  réchaud  san*  fond  , 

Et  pour  sceptre  un  tison. 

Sous  ses  pieds  un  démon 

Vomissait  du  canon. 
Le  diable  s'éveille,  s'étonne, 
Et  dit  :  «  Garçon , 

Air  :  La  Pierre-Fiioise. 

Courez  vite ,  prenez  le  patron , 
Et  faites-le  moi  danser  en  rond! 
Courez  vite,  prenez  le  patron, 
Tirez-le  par  son  cordon. 
Bon  !  » 
m  Messieurs  les  démons ,  laissez-moi  donc. 

—  Non ,  tu  chanteras, 
Tu  sauteras, 

Tu  danseras. 
-Messieurs  les  démons ,  laissez-moi  donc, 

—  Non  ,  tu  chanteras, 
Tu  sauteras. 

Tu  danseras. 
Courez  vite ,  prenez  le  patron  , 


Tirez-le  par  son  cordon. 
Bon! 

Air  :  Quand  la  mer  Rouge  apparut. 

Le  saint ,  craignant  de  pécher, 
Dans  cette  aventure , 
S'en  fut  vite  se  cacher 

Sous  sa  couverture. 
Mais  montant  sur  son  châlit, 
Il  rencontra  dans  son  lit 
Un  minois  fripon, 
Un  joli  tendron; 
Sous  des  traits , 
Pleins  d'attraits, 
Une  concubine  : 
C'était  Proserpme. 

Air  :  Nous  autres,  bons  villageois. 

Piqué  dans  ce  bacchanal , 
D'avoir  vu  qu'on  lui  brisait  sa  cruche  , 

Et  qu'un  derrière  infernal 
Avait  fait  caca  dans  sa  huche  ; 
Crainte  aussi  de  tentation  , 
Notre  saint  prend  un  goupillon 
Et  flanque  aux  démons  étonnés 
De  l'eau  bénite  par  le  nez. 

Air:  Des  folies  d'Espagne. 

Tel  qu'un  voleur,  sitôt  qu'il  voit  main  forte  ; 


FOPLLAÎKES.  173 

Tel  qu'un  soldat,  à  l'aspect  des  prévôts , 
On  vit  s'enfuir  l'infernale  cohorte, 
Et  s'abîmer  dans  ses  affreux  cachots. 

Air:  Ah!  maman,  que  je  l'échappe  belle  I 

«Ah:  mon  Dieu  !  que  je  l'échappe  belle: 
Dit  le  saint  tremblant, 
Tout  en  sortant 
De  sa  ruelle. 
Ah:  mon  Dieu!  que  je  l'échappe  belle! 
Un  moment  plus  tard  , 
Je  faisais  le  diable  cornard.  » 

Air  :  Le  démon  malicieux  et  fin. 
* 
Le  démon,  quoiqu'il  passe  pour  fin  ; 
Ne  fut  pas  lors  assez  malin. 
Ah:  s'il  eût  pris  la  forme  de  Toioette, 
Son  air  charmant,  sa  taille  et  ses  appas, 
C'en  était  fait,  la  grâce  était  muette , 
Et  saint  Antoine  eût  volé  dans  ses  bras. 

Sedaine. 


174  CHANSONS 

La  Vestale. 

A.'r  :  Vlà  c'que  c'est  qu' d'aller  au  bois. 

L'aut'  matin,  je  m'  disais  comm'  ça  : 
Mais  qu'est  qu'c'est  donc  qu'un  opéra? 
V'Jà  qu'dans  un'rue,  au  coin  d' la  Halle , 

J'iisons  :  la  Vestale! 

Faut  que  j'm'en  régale. 
C'est  trois  liv's  douz'sous  qu'ça  m'coût'ra. 

Un'  vestale  vaut  ben  ça.  * 

Air  :  Décacheter  sur  ma  Poste. 

On  dit  qu'la  pièce  est  si  triste 
Qu'il  faut  pour  qu'on  y  résiste 
Avoir  un  cœur  d'rocher. 
Moi  qui  n'ai  de  mouchoir 
Qu'pour  me  moucher, 
Je  m'en  fus  chez  l'cousin  Baptiste, 
Qui  m'prête  un  mouchoir  d'batisle. 

Air  :  Tous  les  bourgeois  de  Chartres. 

L'heur'  du  spectacle  approche , 
J'me  r'quinqu'  pus  vite  qu'  ça , 
Et  les  sonnett's  en  poche , 
J'  courons  à  l'opéra  ; 


popclaip^es.  i:: 

Mais  Toyant  qu'pour  entrer  l'on  s'bat  danr 

[l'antichambre, 

fme  dis  .-  Voyez  queu  chien  d'honneur, 

Quand  pour  c'te  Vestale  d"  malheur 

J'me  s'rai  foulé  z'un  membre  : 

Air  :  du  Lendemain. 

>"  croyez  pas,  ma  cocc . 

ut  exprès  pour  vos  beaux  ; 
J'allions,  à  propos  d't 

tire  casser  z'un' jambe  ou  deux  : 
Je  reviendrons,  n'vous  en  déplaise.... 
ff  sait-ion  pas  qu'il  est  d's  endroits 
Ou  c?  qu'on  entre  plus  à  Taise 
La  s'conde  fois? 

'  Air  :  Tarare  Pompon. 

y  nons  pas  pus  tôt  aeh'vé , 
Qu'  la  parole  étouffée . 
Par  un'  chienne  d*bouffée 
Je  m'  sentons  soulevé  ; 
Le  déloge  m'entraine , 
Et  me  r-'ik  z'en  deux  temps, 
Sans  billet  z'et  sans  peine  . 
Dedans. 

Air:  A  boire!  à  boire!  à  boire.' 

Silence  !  silence  !  silence  : 

Vlà  que  la  première  act'  commence 


176  CHANSONS 

Chacun  m' dit  :  «  Mettez  chapeau  bas.  » 
Je  1'  mets  par  terre  :  il  n'  tomb'ra  pas. 

Air  :  II  était  une  fille. 

y  voyons  un  monastère 
OU  c'  qu'un'  fille  d'honneur 
Était  r'ligieuse  à  contre-cœur. 
C'était  monsieur  son  père 
Qui ,  l' jour  qu'il  trépassa, 
D' sa  fille  exigea  ça... 
Ha! 

Air:  Quoi!  ma  voisine,  es-tu  fâchée? 

Quand  aux  règles  du  monastère 

Un'fill'  manquait 
On  vous  la  j'tait  tout'  vive  en  terre 

Comme  un  paquet. 
Si  la  terre  aujourd'hui  d'  nos  belles 

Couvrait  l's  abus , 
J' crois  ben  qu'j'aurions  pus  de  d'moi- 
fselles 

Dessous  que  d'sus. 

Air  :  Dans  les  gardes  françaises. 

Vlà  z'enfin  un  bel  homme , 
Qu'aile  avait  pour  amant , 
Qui  r'vient  vainqueur  à  Rome 
Avec  son  régiment. 


POPULAIRES.  177 

Il  apprend  que  1'  cher  père 
A  cloîtré  son  objet... 
Il  pleure ,  il  s'  désespère, 
Mais  c'est  comme  s'il  chantait. 

Air  :  Traitant  l'Amour  sans  pitié. 

Dans  c'pays-là ,  par  bonheur, 

La  loi  voulait  qu'on  choisisse 

La  Vestal'  la  plus  novice 

Pour  couronner  le  vainqueur. 

«  Tu  r'viens  comme  Mars  en  carême 

Lui  dit  tout  bas  cell'  qu'il  aime, 

Pour  rec'voir  le  diadème 

Du  cœur  dont  t'  as  triomphé.  » 

Il  veut  répondre  ;  il  s'arrête , 

Il  la  r'garde  d'un  air  bête , 

Et  le  v'ià  qui  perd  la  tête 

Au  moment  d'être  coiffé.  bis, 

Air  :  Bonsoir,  la  compagnie. 

Enfin, 

Un  serr'ment  d'  main 

Lui  dit  :  «  Prends  garde  , 

On  nous  regarde.  » 

LVlà  qui  s'remet  ; 

Vlà  qu'ell'  lui  met 

Un  beau  plumet. 
«  A  c'te  nuit,  j'  te  l'promets. 
—  A  c'te  nuit,  j' te l'permets.  » 


173  CHANSONS 

h  Puisqu'  la  çarimonie , 
Dit  l'abbesse,  est  finie, 
Rentrez  dans  vot'  dortoir  ; 
Jusqu'au  revoir, 
Bon  soir.  » 

Air:  À  boire!  à  boire!  à  boire! 

Silence!  silence!  silence! 

Vlà  qu'la  seconde  act'  commence 
Et  j'  vois  l'enceinte  du  saint  heu 
Avec  un  réchaud  z'au  milieu. 

Air  :  J'arrive  à  pied  de  province. 

On  ordonne  à  la  r'ligieuse 

D'entret'nir  le  feu  ; 
S'il  s'éteint,  la  malheureuse 

N'aura  pas  beau  jeu. 
A  son  devoir  ell'  s'apprête , 

N'osant  dir'  tout  haut 
Qu'ell'  a  bien  d'aut's  feux  en  tète 

Que  l'feu  du  réchaud. 

Air  :  Des  fraises. 

La  v'ià  seule,  et  dans  son  cœur, 
Oh  qu'  la  passion  s'  concentre, 
Elle  appelle  son  vainqueur; 
Mais  que  d'viendra  son  honneur 
fc'il  entre  !  s'il  entre  !  s'il  entre  ! 


POPULAIRES.  179 

Air  :  Du  haut  en  bas. 

«Il  entrera, 
S' di  t-elle  au  bout  d'un  bon  quart  d'heure  ; 

Il  entrera , 
Et  puis  après  il  sortira. 
Gn'y  a  bien  assez  longtemps  que  j' pleure  ; 

Du  moins  j'dirai 

S'il  faut  que  j'meure  : 

Il  est  entré.  » 

Air  :  Uns  fille  est  un  oiseau. 

Sitôt  pris,  sitôt  pendu; 
Elle  court  ouvrir  la  porte. 
L'amant,  que  l'plaisir  transporte, 
Accourt,  d'amour  éperdu. 
«  Faut  qu'  ce  soir  je  t'appartienne; 
J'ai  ta  parole ,  t'as  la  mienne , 
Pus  d'feu,  pus  d'réchaud  qui  tienne. 
—  Ciel  !  m'arracher  de  dieu  saint  :  » 
Bref,  mêm' rage  les  consume; 
Et  tandis  quleur  feu  s'allume, 
Vlà-Vi'  pas  qu'î'autre  s'éteint!       bis. 

Air.-  Au  coin  du  feu. 

«  0  ciel  !  je  suis  perdue  ! 
Dit  la  Vestale  émue  ; 
Gn'y  a  pas  dT)on  Dieu  :  » 
Et  via  qu'la  pauvre  amante 


180  CHANSONS 

Tomb'  glacée  et  tremblante 
Au  coin  du  feu.  ter. 

Air  des  Trembleurs. 

Les  cris  d'ia  belle  évanouie 
Donn'nt  l'alerte  à  l'abbaye , 
Qui  s'éveill'  tout  ébahie  ; 
Et  l'amant,  qui  s'sent  morveux, 
Voyant  qu'on  crie  à  la  garde , 
S'esbigne  en  disant  :  «  Si  f  tarde , 
Si  j'm'amuse  à  la  moutarde , 
Nous  la  gobons  tous  les  deux.  » 

Air  :  Dépêchons,  dépêchons,  dépêchons- 
nous. 

«  Ah  !  mamsell',  qu'avez-vous  fait  là! 

Dit  d'un'  voix  d'tonnerre 
L'révérend  du  monastère; 
Ah!  mam'sell',  qu'avez-vous  fait  là! 
Vot'  feu  s'est  éteint,  mais  il  vous  en  cuira. 
D'shabillez,  d'shabillez,  d'shabillez-la. 
Son  affaire 
Est  claire  : 
Qu'à  l'instant  même  on  l'enterre , 
Et  qu'ça  mor..  et  qu'ça  mor...  et  qu'ça  mor- 

[bleu! 
L'i  apprenne  une  aut'fols  à  bien  souffler  son 

[feu.» 


popiL.vir.ES.  l8i 


Air  :  des  Pendus. 

Là-d'sus  on  lui  couv'  l'estomac 

D'un  ling'  tout  noir  qu'a  l'air  d'un  sac, 

L'orchest'  li  pince  à  sa  manière 

Un'  marche  à  porter  1'  diable  en  terre; 

Et  la  patiente ,  d' son  côté , 

S' dit  tout  bas  :  «  J'  m'en  avais  douté.  » 

Air  :  A  boire  !  à  boire  !  à  boire! 

Silence!  Silence!  silence! 
Via  qu'  la  troisième  act'  commence. 
J'vois  six  tombeaux,  sept,  huit,  neuf,  dix. 
Qu'c'est  gai  comme  un  De  profundis. 

Air  :  Au  clair  de  la  lune. 

Au  clair  de  la  lune, 
L'amant,  tout  en  l'air, 
Sur  son  infortune 
Vient  chanter  z'un  air, 
Où  c'qu'il  dit  :  «  Qu'ail'  meure , 
Et  j'  varrons  beau  train  ! 
S'il  fait  nuit  à  c*t'  heure , 
Il  f  ra  jour  demain.  » 

Air  des  Fleurettes. 

Mais  drès  que  d'ia  Yestale 
Il  entend  v'nir  l'convoi. 


182  CHANSONS 

Crac ,  le  v'ià  quf  détale , 
On  n'  sait  pas  trop  pourquoi. 
Devant  la  fosse  il  s'arrête  ; 
On  croit  que  Ppauvre  officier 
D'chagrin  va  s'y  j'ter  l'premier, 
Mais  pas  si  bête  ! 

Air  :  Le  port  Mahon  est  pris. 

Du  plus  haut  d'ia  montagne 
L'enfant 
Descend; 
Tout  l'monde  l'accompagne, 
Et  tout  bas  chaq'  compagne 
S'dit,  en  allongeant  l'cou  : 

«Via  son  trou,v'là  son  trou,v'là  son  trou.i 
Pendant  VMiserere 
Qu'entonne  m'sieu  1'  curé, 
Blême  et  plus  morte  qu'  vive, 

Au  bord  du  trou  la  Vestale  arrive  ; 
Tout  1'  monde  d'mand'  qu'ail'  vive. 
L'  curé  répond  :  «  Nenni , 
N,  i,  ni,  c'est  fini.  » 

Air  :  Bonjour,  mon  ami  Vincent. 

«  Ctapendant,  qu'il  dit,  j'  veux  bien 
Faire  encor  queuq'  chose  pour  elle  : 
Sur  c'réchaud  oh  gn'y  a  plus  rien 
Mettez  l'fichu  d'ia  d'moiselle; 
Si  Pling'  brûle,  on  nTenter'ra  pas; 


POPULAIRES.  t&3 

S'il  n'brùie  pas,  ell'nTéchapp':.. 
Vous  l'voyez ,  aucune  étincelle 
N'vient  contremander  son  trépas  ; 

Or,  pius  d'débats  ; 

Du  haut  en  bas , 
Gn'y  a  point  za  dir*,  faut  qu'ell'  saute  le  pas.'. 

Air  :  Nous  nous  marierons  dimanche. 

.c  Douc'ment , 
Dit  l'amant, 
Qui  guettait  Tmoment; 
Faut  qu'enfin  l'cbap'let  s'débrouille; 
C'est  moi  qu'a  tout  fait  ; 
Gràc'  pour  mon  objet , 
Sinon,  j'ai  là  ma  patrouille. 
Par  son  trépas 
D'un  crim'  vot'bras 

Se  souille. 
Si  ça  n'est  pas , 
J'veux  qu'mon  damas 

Se  rouille  ! 
—  Mon  Dieu,  comme  il  ment". 
Dit  la  pauvre  enfant  ; 
Ni  ru,  ni  connu ,  j't'embrouille.  » 

Air  :  Rîantanplan  tirelire. 

««Vite,  à  moi,  mon  régiment! 
En  plein ,  plan  , 
Rîantanplan , 


181  CHANSONS 

V'ià  z'un  enterrement 
Qu'à  l'instant, 
Et  d'but  en  blanc 
Il  faut  mettre  en  déroute. 
Battons-nous ,  coût'  que  coûte, 
Quoique  j'  n'y  voyons  goutte.  » 
Mais  l' régiment 
Du  couvent, 
En  plein ,  plan , 
Rlantanplan , 
Qu'est  pour  l'enterr'ment, 
Répond  qu'il  vers'ra  son  sang 
Jusqu'à  la  dernier'  goutte. 
Pendant  queuqu'  temps  on  doute 
Qu'est-c'  qu'emport'ra  la  r'doute. 
Au  bout  d'un  combat  sanglant, 
En  plein,  plan, 
Rlantanplan, 
Au  lieu  d'1'enterr'ment , 
C'est  l'régiment 
De  l'amant 
Qui  s'trouve  être  en  déroute. 

Air  :  Il  a  voulu,  il  n'a  pas  pu. 

Gn'y  a  pas  d'milieu, 

Faut  s'dire  adieu  ; 
C'est-i-ça  qui  vous  l'coupe? 

Rien  que  d'ies  voir, 

Vlà  mon  mouchoir 
Qu'  est  trempé  comme  un'  soupe. 


Air  :  N'est-il,  amour,  sous  tan  empire. 

L'  pauvre  agneau  descend  dans  la  tombe , 

Qu'  c'est  pain  béni  ! 
Sur  sa  tête  l'couvercle  rHombe  ; 

Vlà  qu'est  fini. 
Pour  si  peu  s'voir  si  maltraitée! 

L'beau  chien  d'plaisir: 
Et  n'ia  v'là-t-i'  pas  ben  plantée 

Pour  reverdir! 

Air  :  Ciel!  l'univers  va-t-il  donc  se  dis- 
soudre? 

Mais,  patatras  !  vlà  z'un  éclair  qui  brille  ; 
Et  l' Tout-Puissant,  qui,  j'dis  n'est  pas 
[manchot, 
Pour  sauver  la  pauvre  fille, 
Vous  lâche  un  pétard  qui  grille 
L'diable  d'chiffon  qui  pendait  sur  l'ré 
Vive  l' Père  Eternel ,  [  chaud. 

Qui,d'son  tonnerre, 
ArraDg'  l'affaire  ! 
F  n'y  comptions  guère  : 
C'est  z'un  coup  du  ciel. 

Air  :  Ah!  mon  Dieu  !  que  je  V  échappai  belle . 

«  Ah  :  mon  Dieu  !  que  3e  l'échappe  belle: 
Dit  en  haussant  l'cou 


$6  CHANSONS 

Au-d'sus  du  trou 
La  demoiselle  ; 
Au  bon  Dieu  je  d'vons  un'  fier'  chandelle 
Car  je  n'pouvous  pas 
M'dissirauler  qu'j'étions  ben  bas.  » 

Air  :  0  filii  et  filiœ. 

Tant  y  a  que  l'couple  s'épousa , 
Et  qu'chaqu'  Vestal'  dit,  voyant  ça  : 
«  Quand  est-c'  qu'autant  m'en  arriéra? 
Alléluia  !  » 

DÉSALGIERS. 


la  Paille. 

Sur  tout  on  a  fait  des  chansons  : 
On  a  chanté  le  vin  ,  les  belles , 
L'eau,  le  feu ,  les  fleurs  ,  les  moissons, 
Les  brebis  et  les  tourterelles  ; 
Un  auteur  dont  je  suis  bien  loin 
Fit  des  vers  sur  l'huitre  à  l'écaillé , 
Un  autre  en  a  fait  sur  le  foin  : 
Je  vais  m'étendre  sur  la  paille. 

La  paille  couvre  l'humble  toit, 
Du  laboureur  modeste  asile  ; 
Un  lit  de  paille  aussi  reçoit 
Son  corps  fatigué,  mais  tranquille; 


POPULAIRES.  187 

Le  riche,  au  sein  de  ses  palais, 
Sur  le  duvet  s'ennuie  et  baille. 
Peines,  tourments  sont  sous  le  dais, 
Quand  le  bonheur  est  sur  ]a  paille. 

La  paille ,  tressée  en  réseaux , 
Du  soleil  garantit  nos  belles  ; 
Grâce  à  ces  immenses  chapeaux, 
Elles  n'ont  plus  besoin  d'ombrelles; 
Mais  ils  voilent  trop  leurs  appas, 
Et  Zéphir  leur  livre  bataille. 
Il  a  raison  :  on  ne  doit  pas 
Cacher  les  roses  sous  la  paille. 

Jadis  ,  respectant  ses  serments, 
L'amant,  tidèle  à  sa  maitresse, 
Pour  elle  encor,  après  trente  ans  , 
Brûlait  d'une  égaie  tendresse  ; 
Hélas i  on  n'aime  plus  qu'un  jour! 
De  la  constance  l'on  se  raille  ; 
Et  maintenant  les  feux  d'amour 
Ne  sont  plus  que  des  feux  de  paille. 

Mais  je  n'aurais  jamais  fini 

Si,  dans  l'ardeur  qui  me  travaille, 

J'entreprenais  de  dire  ici 

Toui  ce  qui  se  fait  sur  !a  paille. 

Ami  lecteur  je  meurs  d'effroi 

Que  ta  rigueur  ne  me  chamaille  ; 


(88  CHANSONS 

Sois  indulgent ,  car  avec  toi 
Je  ne  veux  pas  rompre  la  paille. 

SERVIÈr.ES. 


lies  grandes  Vérités. 

Air  :  Aussitôt  que  la  lumière. 

Oh  !  le  bon  siècle ,  mes  frères , 
Que  le  siècle  où  nous  vivons  ï 
On  ne  craint  plus  les  carrières 
Pour  quelques  opinions. 
Plus  libre  que  Philoiène , 
Je  déchire  le  rideau  ; 
Coulez ,  mes  vers ,  de  ma  veine. 
Peuple,  voici  du  nouveau. 

La  chandelle  nous  éclaire, 
Le  grand  froid  nous  engourdit, 
L'eau  fraiche  nous  désaltère , 
On  dort  bien  dans  un  bon  lit  ; 
On  fait  vendange  en  septembre, 
En  juin  viennent  les  chaleurs; 
Et  quand  je  suis  dans  ma  chambre 
Je  ne  suis  jamais  ailleurs. 

Rien  n'est  plus  froid  que  la  glace 
Pour  saler  il  faut  du  sel. 


POPCLAIRES.  Il 

Tout  fuit ,  tout  s'use  et  tout  passe  , 
Dieu  lui  seul  est  éternel. 
Le  Danube  n'est  pas  l'Oise 
Le  soir  n'est  pas  le  matin , 
Et  le  chemin  de  Pontoise 
N'est  pas  celui  de  Pantin.' 

Le  plus  sot  n'est  qu'une  bête, 
Le  plus  sage  est  le  moins  fou  : 
Les  pieds  sont  loin  de  la  tête , 
La  tête  est  bien  près  du  cou. 
Quand  on  boit  trop  on  s'enivre  ; 
La  sauce  fait  le  poisson  ; 
Un  pain  d'une  demi-livre 
Pèse  plus  d'un  quarteron. 

Romulus  a  fondé  Rome. 
On  se  mouille  quand  il  pleut. 
Caton  fut  un  honnête  homme. 
Ne  s'enrichit  pas  qui  veut. 
On  n'aime  pas  la  moutarde 
Que  l'on  sert  après  diné. 
Parlez-moi  d'une  camarde 
Pour  avoir  un  petit  nez. 

Quand  un  malade  a  la  fièvre 
11  ne  se  porte  pas  bien. 
Qui  veut  courir  plus  d'un  lièvre, 
A  coup  sûr,  n'attrape  rien. 


190  CHANSONS 

Soufflez  sur  rotre  potage, 
Bientôt  il  refroidira; 
Enfermez  votre  fromage , 
Ou  le  chat  le  mangera. 

Les  chemises  ont  des  manches. 
Tout  coquin  n'est  pas  pendu. 
Tout  le  monde  court  aux  branches 
Lorsque  l'arbre  est  abattu. 
Qui  croit  tout  est  trop  crédule. 
En  mesure  il  faut  danser. 
Une  écrevisse  recule 
Toujours  au  lieu  d'avancer. 

Point  démets  que  '.'on  ne  mange, 
Mais  il  faut  du  pain  avec , 
Et  des  perdrix  sans  orange 
Valent  mieux  qu'un  hareng  sec. 
Une  tonne  de  vinaigre 
Ne  prend  pas  un  moucheron  ; 
A  vouloir  blanchir  un  nègre 
Un  barbier  perd  son  savon. 

On  ne  se  fait  pas  la  barbe 
Avec  un  manche  à  balai  ; 
Plantez-moi  de  la  rhubarbe. 
Vous  n'aurez  pas  de  navet. 
C'était  le  cheval  de  Troie 
Qui  ne  buvait  pas  de  vin  ; 


POPULAIRES.  1 

Et  les  ânes  qu'on  emploie 
Ne  sont  pas  tous  au  moulin. 

J'ai  vu  des  cailloux  de  pierre, 
Des  arbres  dans  les  forêts , 
Des  poissons  dans  la  rivière, 
Des  grenouilles  aux  marais. 
J'ai  vu  le  lièvre  imbécile 
Craignant  le  vent  qui  soufflait, 
Et  la  girouette  mobile 
Tournant  au  vent  qui  tournait. 

Le  bon  sens  vaut  tous  les  livres  ; 
La  sagesse  est  un  trésor; 
Trente  francs  font  trente  livres  ; 
Du  papier  n'est  pas  de  l'or  ; 
Par  maint  babillard  qui  beugle 
Le  sourd  n'est  pas  étourdi  ; 
Il  n'est  rien  tel  qu'un  aveugle 
Pour  n'y  voir  goutte  à  midi. 

Attribuée  au  Cousin  Jacques. 


L,es  Holnes. 


Nous  sommes  des  moine» 
De  aiint  Bernardin  - 


192  CHANSONS 

Qui  se  couchent  tard 
Et  se  lèvent  matin , 
Pour  aller  à  matines 
Vider  leur  flacon. 

Et  bon ,  bon ,  bon , 

Et  v'ià  qu'est  bon , 

Et  bon,  bon,  boq. 
Ah  !  voilà  la  vie , 

La  vie  suivie, 
Ah  !  voilà  la  vie  que  les  {peines  font. 

A  notre  déjeûner 

Du  bon  chocobit 

Et  du  bon  café 
Que  l'on  nomme  moka  , 
La  fine  andouillette, 
La  tranche  de  jambon , 
Et  bon  ,  bon,  bon,  etc. 

A  notre  diner, 
Un  bon  chapon  gras 
Qui  trempe  la  soupe 
Comme  au  mardi  gras , 
Lapins  de  garenne 
Sentant  la  venaison. 
Et  bon ,  bon ,  bon ,  etc. 

A  notre  goûter, 
Des  petits  oiseaux 
Que  l'on  nomme  cailles  , 
Bécasses  et  perdreaux , 


POPULAIRE?  I&3 

La  tarte  sucrée . 

Les  marrons  de  Lyon. 

Et  bon,  bon,  bon, 

Et  v'ià  qu'est  bon , 

Et  bon,  bon,  bon. 

Ah!  voilà  la  vie, 

La  vie  suivie, 
At  :  voilà  la  vie  que  les  moines  font. 


Le  Proverbe  latin. 

ROMANCE  BACHIQCÏ. 

Air  ;  0  Fontenay  qu'embellissent  les  roses. 

■  Dieu  !  quels  débris  '  dit,  d'un  ton  lamen- 
[  table, 

Roch,  arrivant  après  un  grand  repas. 

Frères  gourmands,  quoi!  vous  sortez  d? 
[table 

Ne  me  laissant  que  les  os  dans  les  plats:  i 

Plein  de  courroux ,  le  vénérable  Père , 
Soumis  au  jeûne  et  regardant  les  os  , 
Brisa  les  plats  et  cassa  plus  d'un  verre  , 
En  s'écriant,  morbleu,  •<  libéra  nos.  » 
13 


1&4  CHANSONS 

Mais,  tout  à  coup,  du  fond  de  la  dépense , 
Vint  une  voix  qui  tout  haut  prononça  : 
«  Viens  donc  plus  tôt,  pour  mieux  faicir 
[ta  panse. 
«  Pater,  tarde  venientibus  ossa.  » 


le  fond  de  la  Besace. 

Air  des  Trembleurs. 

Un  jour  le  bon  frère  Etienne, 
Avec  le  joyeux  Eugène, 
Tous  deux  la  besace  pleine , 
Suivis  du  frère  François , 
Entrant  tous  à  la  Galère  , 
Y  firent  si  bonne  chère 
Aux  dépens  du  monastère , 
Qu'ils  s'enivrèrent  tous  trois. 

Ces  trois  grands  coquins  do  frères , 
Perfides  dépositaires 
Du  dîner 'de  leurs  confrères , 
S'en  donnent  jusqu'au  menton  ; 
Puis  ronds  comme  des  futailles , 
Escortés  de  cent  canailles, 
Du  corps  battant  les  murailles, 
Regagnèrent  la  maison. 


195 


Le  portier,  qui  les  voit  ivres  , 
Leur  demande  où  sont  les  vivres. 
m  Bon  :  dit  l'autre .  avee  ses  livres , 
Nous  prend-il  pour  des  savants? 
Je  me  passe  bien  de  lire , 
Mais  pour  chanter,  boire  et  rire, 
Et  tricher  la  tirelire , 
Bon  !  à  cela  je  m'entends.  » 

An  réfectoire  on  s'assemble, 
Vieux  dont  le  râtelier  tremble 
Et  les  jeunes ,  tous  ensemble 
Ont  un  égal  appétit. 
Mais,  ô  fortune  ennemie! 
Est  bien  fou  qui  s'y  confie  , 
ainsi  que  dans  la  vie, 
Ce  qu'on  croit  tenir  nous  fuit. 

Arrive  frère  Pancrace, 
Faisant  piteuse  grimace 
De  ne  rien  voir  à  sa  place, 
Pour  boire  ni  pour  manger, 
A  son  voisin  il  s'informe, 
S'il  serait  venu  de  Borne 
Quelque  bref  portant  réforme 
Sur  l'usage  du  diner. 

«  Bon  !  répond  son  camarade , 
N'ayez  peur  qu'on  s'y  hasarde, 
Sinon .  je  prends  la  cocarde 
Et  je  me  ferai  Prussien. 


196  CHANSONS 

Qu'on  me  parle  d'abstinence 
Quand  j'ai  bien  rempli  ma  panse , 
J'y  consens  ;  mais  sans  pitance, 
Je  suis  fort  mauvais  chrétien. 

—Resterons-nous  donc  tranquilles 
Comme  de  vieux  imbéciles  ? 
Répliqua  père  Pamphile. 
Oh  !  pour  le  moins  vengeons-nous; 
Prenons  tous  une  sandale, 
Et,  sans  crainte  de  scandale  , 
Allons  battre  la  cymbale 
Sur  les  fesses  de  ces  loups.  » 

Chacun  ayant  pris  son  arme , 
Fut  partout  porter  l'alarme  ; 
Mais  au  milieu  du  vacarme, 
Frère  Etienne  fit  un  p... 
Mais  un  p...  de  telle  taille, 
Que  jamais  jour  de  bataille, 
Canon  chargé  de  mitraille 
Ne  fit  un  pareil  effet. 

Ainsi  finit  la  mêlée; 
Car  la  troupe  épouvantée, 
S'enfuyant  sur  la  montée , 
Pensa  se  rompre  le  cou  ; 
Tandis  que  le  frère  Etienne, 
Riant  à  perte  d'haleine 


POPCIAIRES.  191 


Et  frappant  sur  sa  bedaine . 
Amorçait  un  second  coup. 


L'arrivée  de  Mgaudln  à  Paris. 

Les  deux  chansons  suivantes  ne  sont 
pas  richement  rimées  ;  mais  elles  don- 
neront une  idée  de  celles  qu'on  chante 
dans  les  carrefours  et  qui  sont  compo- 
sées par  les  chanteurs  eux-mêmes.  Ces 
poésies  faciles  ne  laissent  pas  que  d'avoir 
leur  intérêt  dans  l'histoire  de  notre  lit- 
térature et  de  nos  moeurs.  Elles  sont  à 
la  portée  du  peuple,  qui  les  retient  et  les 
chante  plus  volontiers  que  des  ouvrages 
de  meilleur  goût. 

Air  de  la  valsé  de  :  Une  nuit  de  la  Garde 

Nationale. 

Soudain , 
Me  l'vant  de  grand  matin , 
J'fais  mon  paquet  fort  bien  , 
Et  je  m'mets  en  voyage  : 
J'avions  souliers ,  babits  et  bas . 
Mon  bâton  sous  le  bras  , 


198  CHANSONS 

Vers  Paris  j'guide  mes  pas. 
J'enrage, 

Il  vient  un  grand  orage  , 

Le  tonnerre  fait  tapage  ; 

Mais,  grand  Dieu  !  quelle  averse'. 

J'suis  mouillé  jusqu'aux  os. 

Fveux  passer  un  ruisseau , 

Via  t'y  pas  qu'un  lourdeau 

Me  pousse  et  me  renverse  ? 
A  peine  à  Paris,  v'ià  qu'une  belle 
Me  dit ,  en  me  prenant  la  main  : 
«  Mon  ami.  comment  qu'tu  t'appelles? 
—Moi,  mamselle?j'm'appello  Nigaudin. 

Vlà  qu'ail'  m'presse , 
Qu'ail'  m'caresse , 
Et  me  serre  sur  son  sein. 
Quelle  tendresse  ! 
Quelle  ivresse 
De  te  voir,  mon  cher  cousin 

Enfin , 
La  journé'  s'pass'  très-bien  , 
Je  dors  jusqu'au  lend'main 
La  grasse  matinée. 
A  onze  heur's ,  ma  cousine  me  dit  : 
Lève-toi,  mon  petit, 
Le  déjeuner  est  cuit. 

Après  m'être  fait  bien  du  corps 
J'fais  ma  toilette  et  j'sors 


POPULAIRES.  199 

Pour  visiter  la  ville  : 
Fm'en  fus  voir  l'ours  Martin , 
L'éléphant,  le  requin; 
J'étais  dans  ce  jardin 
Comme  au  sein  d'ma  famille. 

J'vois  une  affiche  qu'on  contemple , 
Les  mains  dans  mes  poches,  j'iisons: 
«  Ambigu  ,  boulevard  du  Temple  , 
Aujourd'hui  les  Ch'valiers  du  Lion.  » 

Au  spectacle , 

Sans  obstacle, 
Dans  un  fiacre,  j'guide  mes  pas 

Cette  vie 

Est  jolie, 
Quand  l'argent  ne  manque  pas. 

Tentre,  j'voyons  l'ver  un  rideau,' 
On  crie  :  En  bas  l'chapeau  ! 
Je  l' jette 
Sous  ma  banquette. 
Arrivent  des  horam's  et  des  soldats, 
Qui  font  de  grands  ébats  ; 
Tout  ça  n'me  regarde  pas. 

Queu  bonheur  ! 
Au  bout  d'trois  quarts  d'heure 
J'n'en  pouvions  plus  de  chaleur, 
Voilà  qu'on  baisse  la  toile. 


200  CHANSONS 

J'sors  pour  me  délasser  : 
J'vois  du  monde  d'amassé , 
On  m'dit  qu'c'était  Bobèche , 
Et  puis  Galimafré. 

De  leurs  farces ,  de  leurs  parades 
J'm'tenais  l'ventre,  tant  que  j'riais , 
Ne  v'ià-t'y  pas  qu'un  camarade 
M'emprunt'  ma  montr?dans  mon  gousset? 

Dans  la  foule, 

Vlà  qu'on  s'boule; 
J'cours  après,  mais  queu  malheur! 
Ne  v'ià-t'y  pas  qu'la  patrouille 
M'arrête  pour  le  voleur? 

J'ons  beau  m'expliquer, 

Beau  crier 
Et  ben  gesticuler, 
On  m'mène  au  corps-de-garde. 
J'vous  en  prie,  monsieur  l'général, 
Ou  bien  le  caporal , 
Ne  me  faites  pas  de  mal. 

Après  avoir  fait  un'faction , 

Je  sors  du  violon 

Sans  demander  mon  reste. 
A  Paris  ,  j'dis  adieu  d'bon  cœur 

On  n'y  voit  qu'des  malheurs , 

Du  monde  et  des  voleurs. 


POPULAIRES.  201 

Là,  c'est  un  serin  qu'est  envolé , 
Un  chien  quest  écrasé , 
Plus  loin  une  batt'rie; 
Là,  c'est  des  charlatans  , 
Des  bonn's  et  des  enfants  , 
Des  voitures,  des  marchands  ; 
De  tous  côtés  l'on  crie. 

C'est  un  train  à  fendre  la  tête  ; 
On  n'fait  que  d'être  poussé,  r'poussé; 
Et  si  quelque  part  l'on  s'arrête, 
Vot'voisin  vous  marche  sus  l'pied. 

Ttire  ma  crampe, 
Etj'décampe, 
Car  si  j'restions  plus  longtemps, 
Au  village , 
Je  le  gage , 
jVtourn'rais  comme  un  p'iit  saint  Jean. 

Adieu  Paris,  adieu  beaux  jours , 

L'objet  de  mes  amours  , 

Tout  d'bon  j'vous  abandonne; 
Tout  droit  j'm'en  retourne  à  mon  pays; 

Car  pour  rester  ici , 

>* ,  i ,  ni ,  c'est  fini. 

LETELLmr. 


202 


K<e  retour  de  Xigaudin 
dans  sa  famille. 

Air  de  la  Bonde  de  Nuit. 

De  Paris  quittant  le  canton , 
A.  ch'val  sur  mon  ànon  , 
J'pars  pour  lMllag5  d'Anière  ; 
Plus  j'voulais  qu'il  aille  en  avant, 
Il  allait  en  reculant 
Et  se  couchait  par  terre. 

De  rage ,  à  grands  coups  d'éehalas , 
Frappant  à  tour  de  bras , 
J'iui  caressais  les  côtes. 
Via  qu'un  mauvais  plaisant 
Disait,  en  me  voyant  : 
Oui,  c'est  bien  là  vraiment 
Deux  bêt's  l'un'  portant  l'autre. 

D'un  nouveau  malheur  3e  me  damne  : 
Au  cabaret  étant  entré , 
J'avais  mal  attaché  mon  âne  : 
Vlà  qu'il  prend  la  fuit'  dans  les  prés. 

Vlà  que  j'cours  , 
Que  j'parcourB , 


TOPLL  AIRES.  203 

En  d'mandant  mon  bourriquet. 

J'  vous  en  prie , 

V  tous  supplie, 
Si  vous  l'avez  ,  rendez-le. 

De  loin  ,  voyant  mon  petit  ânon , 

J'crie  :  «Arrête,  Manon.  » 

A  grands  pas  v"là  qu'j'arpente  ; 
Mais,  jarni ,  ben  mal  à  propos  , 

J'choppe  auprès  d'un  hameau. 

V'ià  que  j'tombe  à  plat  ventre. 


Queu  train  ! 

Via  le  marchand  de  vin , 

Armé  d'un  gros  gourdin , 

Et  d'une  manièri  frappante 
M'disant  :  «P'tit  tondu, 

Tu  me  dois  un  écn  ; 

Tu  vas  m'payer  mon  dû.» 

La  scène  était  touchante; 
Dans  mon  désespoir  je  m'écrie  : 
«C'est  Tmaudit  âne  qu'est  cause  de  ça. 
Oui,  c'est  en  courant  après  lui 
Qu'j'ai  oublié  d'vous  payer  ça.» 

Plus  d^onne  mine, 
Pius  d'cuisine , 
Plus  d'montre  ,  plus  d'ànon. 
Je  suis  bien 


204  CHANSONS 

Petit  Enfant  prodigue 
Retournant  à  la  maison. 


Pourtant 
Vlà  qu'j'aperçois  l'clocher. 
Ben  las  ,  ben  efflanqué , 
Au  villag'  v'ià  qu'j'arrive  ; 
C'était  ben  l'cas  de  dire,  vraiment , 
J'étais  en  arrivant 
Comme  le  Juif  errant. 
Vlà  Martin  ,  Blaisot ,  Nicolas , 
Et  puis  le  grand  Colas , 
Qui  volent  sur  mes  traces. 
«  C'ment ,  c'est  toi ,  Nigaudin  ! 
—  Oui,  c'est  ben  moi ,  Catin  ; 
Embrasse-moi  donc  un  brin.» 
Vlà  qu'ail'  m'saute  sur  la  face  ; 


Vlà  qu'ma  tante ,  mon  père , 

Et  ma  mère , 

S'écriant  : 
L'v'là  donc ,  c'  pauvre  enfant! 
Dis'nt  avec  des  larmes  amères  : 
Nigaudin  ,  viens  donc  sur  mon  flanc. 

L'un  m'embrasse , 

L'autre  m'arrache, 
Et  dans  un  jour  aussi  beau  , 

Père  et  mère , 


POPULAIRES.  205 

Oncles  et  frères, 
Tout  l'monde  pleurait  comme  des  veau. 

Entré  dans  not'maison , 

Vlà-t'y  pas  qu'tout  l'canton 

Cheu  nous  arrive  en  foule , 
D'mandant  à  cor  et  à  cris 
Que  j'ieux  fasse  un  récit 
Sur  la  ville  de  Paris. 

«  Vraiment 
C'est  un  pays  charmant; 
Mais  faut  beaucoup  d'argent 
Dans  ce  riant  asile. 
Mais  c'qui  déplaît  tout  d'bon  , 
J'vais  vous  Fdire  sans  façon  : 
La  hauteur  des  maisons 
Empêche  de  voir  la  ville  ; 

Champs-Elysées,  quais  et  Tuileries ., 
Palais-Royal  et  boulevards , 
Où  des  demoiselles  jolies 
S'y  promènent  de  toutes  parts. 

Grande  roulade , 
Grande  parade  , 
Escamoteurs ,  aboyeurs  ; 
Grand  spectacle, 
Charrettes  ,  fiacres, 


206  CT1ANSOSS 

Et  demoiselles 
Qui  vendent  leur  honneur.  * 
Après  un  aussi  beau  récit, 
Vlà  tout  Pmonde  ébaubi 
De  joie  et  de  surprise  .- 
Monsieur  l'euré,  l'maire  et  l'baiLi 
Restent  tout  interdits 
Sus  l'grand  tableau  de  Paris. 

Letellier. 


fca  belle  Bourbonnaise. 

La  chanson  de  la  Bourbonnaise  était 
une  grosse  bouffonnerie,  dont  l'héroïne 
était  sans  doute  quelque  courtisane  de 
l'époque ,  qui ,  comme  beaucoup  de  ses 
semblables,  était  tombée  dans  la  misère 
après  avoir  brillé  dans  Paris.  En  1768, 
lorsque  la  du  Barri  commença  d'être  en 
faveur,  on  chercha  tous  les  moyens  d'en 
dégoûter  le  roi,  et  on  fit  plusieurs  chan 
sons  sur  sa  basse  extraction ,  entre  au- 
tres la  Nouvelle  Bourbonnaise.  Mais  la 
première  chanson  était  antérieure   au 


I  MRES. 

règne  de  la  favorite,  et  ce  qui  lui  donna 
une  vogue  qui  s'est  prolongée  pendant 
plus  d'un  demi-siècle,  c'était  la  manière 
dont  elle  était  chantée  par  un  homme 
connu  sous  le  nom  de  Grimacier,  dont 
la  physionomie  mobile  et  expressive 
était  tres-originale.  Cet  homme ,  qui 
avait  disparu  pendant  la  Révolution, 
reparut  sous  l'Empire,  et  chanta  encore 
dans  les  rues  la  Bourbonnaise,  dont  le 
succès  n'a  pas  dû  survivre  au  talent 
Bernique  de  son  interp. 

Dans  Paris  la  grand'ville, 
Garçons  ,  femmes  et  filles  , 
Ont  tous  le  cœur  débile, 
Et  poussent  des  hélas  :  ah  :  ah  !  ai  !  ah  î 
La  belle  Bourbonnaise, 
La  maîtresse  de  Biaise, 
Est  très-mal  à  son  aise 
Elle  est  sur  le  grabat,  ah!  ah!        fut  ii  foi 

N'est-ce  pas  grand  dommage 
Qu'une  fille 

Au  printemps  de  Sun  âge, 
Soit  réduite  au  trépas?  ah  :  oh  !  ah  !  ah.' 
La  veille  d'un  dimanche. 


)8  CHANSONS 

En  tombant  d'une  branche, 
Se  fit  mal  à  la  hanche 
Et  se  démit  le  bras,  ah!  ah  !        huit  fois. 

On  chercha  dans  la  ville 
Un  médecin  habile 
Pour  guérir  cette  fille  : 
Il  ne  s'en  trouva  pas,  ah:  ah!  ah!  ah: 
On  mit  tout  en  usage , 
Médecine  et  herbage, 
Bon  bouillon  et  laitage  : 
Rien  ne  la  soulagea,  ah  !  ah  !       huit  fois. 

Voilà  qu'elle  succombe  ; 
Elle  est  dans  l'autre  monde. 
Puisqu'elle  est  dans  la  tombe, 
Chantons  son  Libéra,  ah!  ah!  ah  !  ah! 
Soyons  dans  la  tristesse, 
Et  que  chacun  s'empresse, 
En  regrettant  sans  cesse, 
Ses  charmes,  ses  appas,  ah!  ah!  huit  fois. 

Pour  qu'on  sonnât  les  cloches, 
On  donna  ses  galoches  , 
Son  mouchoir  et  ses  poches , 
Ses  souliers  et  ses  bas,  ah!  ah!  ah!  ah! 
Quant  à  sa  sœur  Javotte, 
On  lui  donna  sa  cotte , 
Son  manteau  plein  de  crotte, 
Séjour  qu'elle  expira,  ah!  ah!  huit  fait. 


POPULAIRES.  209 

En  fermant  la  paupière 
Eli'  finit  sa  carrière , 
Et  sans  drap  et  sans  bière 
En  terre  on  l'emporta ,  ah  !  ah!  ah!  ah! 
La  pauTre  Bourbonnaise 
Va  dormir  à  son  aise  , 
Sans  fauteuil  et  sans  chaise, 
Sans  lit  et  sans  sofa,  ah  !  ah  !     huit  fois. 


J^e  léger  Bateau. 

On  m'avait  dit  sur  un  autre  rivage  : 
Dans  les  cités  va  chercher  le  bonheur; 
Dans  les  cités  rien  n'a  séduit  mon  cœur, 
Et  je  reviens  dans  mon  pauvre  village. 
Rendez-moi  mon  léger  bateau, 
L'azur  du  lac  paisible 
Et  ma  rame  flexible  ; 
Rendez-moi  mon  léger  bateau 
Et  ma  chaumine  au  bord  de  l'eau,     ter. 

Sous  ces  lambris  oh  la  pourpre  étincelle , 
Je  n'avais  plus  ma  douce  liberté  ; 
De  noirs  soucis  ombrageaient  ma  gaité, 
J'avais  perdu  tout  bonbeur  avec  elle. 
Rendez-moi  mon  léger  batea-j 


:10  CHANSONS 

Je  Yeux  revoir  ces  jeux  sur  la  fougère , 
Qu'un  triste  ennui  ne  refroidit  jamais; 
Je  veux  revoir  ce  ciel  pur  que  j'aimais  ; 
Je  veux  m'asscoir  au  foyer  de  mon  père. 

Rendez-moi  mon  léger  bateau, 

L'azur  du  lac  paisible 

Et  ma  rame  flexible  ; 

Rendez-moi  mon  léger  bateau 

Et  ma  chaumine  au  bord  de  l'eau.    1er 


Petit  blanc. 

CHANSON  CRÉOLE. 

Un  petit  blanc  que  j'aime 
En  ces  lieux  est  venu  ; 
Oui,  oui,  c'était  lui-même 
C'était  lui ,  je  l'ai  vu. 
A  la  pauvre  né^.'esse 
Il  porte  le  bonheur  ; 
jlle  voudrait  sans  cesse 
Le  presser  sur  son  cœur. 
Petit  blanc,  mon  bon  frère, 
Ah  !  petit  blanc  si  doux , 
Il  n'est  rien  sur  la  terre 
D'aussi  joli  que  vous. 


POPLLAir.ES.  2ii 

Sitôt  que  l'ombre  cesse , 
Que  le  ciel  est  en  feu , 
Vous  me  dites  :  «  Négresse 
Reposez-vous  un  peu.  » 
Vous,  bon,  toujours  le  même, 
Jamais  ne  me  battez  , 
Et  quand  je  vous  dis  j'aime , 
Vous,  blanc, tous  m'écoutez. 
Petit  blanc,  mon  bon  frère,  etc. 

Si  belle  est  votre  bouche , 
Vos  cheveux  sont  si  doux! 
Lorsque  ma  main  les  touche 
Mon  cœur  en  est  jaloux  ; 
Votre  regard  m'enchante 
Comme  le  plus  beau  jour, 
Et  votre  voix  touchante 
Me  fait  mourir  d'amour. 
Petit  blanc,  mon  bon  frère, 
Ah!  petit  blanc  si  doux, 
11  n'est  rien  sur  la  terre 
D'aussi  joli  que  vous. 


Gentille  .innette. 

Air  de  Robin  des  Bois. 

Gentille  Annette, 
Tu  vas  seulette 


2i2  CHANSONS 

Sous  la  coudrette , 
Chanter  la  Robin  des  Bois. 
C'est  pour  savoir  si  le  printemps  s'avance. 
Pour  chasser  l'échéance 
De  nos  climats  d'hiver.  Tra  la,  etc. 

Dans  le  village, 
Sous  le  feuillage , 
Tu  surpasses,  je  gage , 
Même  la  cour  des  rois. 
C'est  pour  savoir,  etc. 

Gentille  hirondelle, 
Déployant  tes  ailes , 
Tu  fuis  avec  elle 
La  coupe  des  bois. 
C'est  pour  savoir,  etc. 

Le  beau  Narcisse , 
La  croyant  novice, 
Près  d'elle  se  glisse, 
La  suit  pas  à  pas. 
C'est  pour  savoir,  etc. 


Hirondelle  volage 
Parcourant  le  bocage . 
Tu  fuis  à  l'ombrage 
Des  pays  déserts. 
C'est  pour  savoir,  etc. 


P0PLLAir.E5,  21' 

Adieu  donc ,  ma  belle , 

Adieu  donc ,  cruelle , 

Jamais  de  nouvelle 

Tu  n'auras  de  moi. 
C'est  pour  savoir  ô  le  printemps  s'avance. 
Pour  chasser  l'échéance 
De  nos  climats  d'hiver.   Trala,  etc. 


L'Amour  marchand  de  plaisir. 

L'amour  courait,  cherchant  pratique  ; 
De  plaisir  il  était  marchand. 
Pourachalander  sa  boutique, 
Il  s'en  allait  partout  criant  j 
«  Dans  la  saison  d'aimer,  de  plaire, 
Régalez-vous,  il  faut  jouir; 
Étrennez  l'enfant  de  Cythèrc, 
Mesdames ,  voilà  le  plaisir!  bi 

Régalez-vous ,  mesdames , 
Voilà  le  plaisir  '. 

«  Le  temps  s'envole  et  sur  sa  trace 
Fuit  beauté ,  jeunesse  et  désir  ; 
Comme  un  éclair  le  plaisir  passe  : 
Au  passage  il  faut  le  saisir. 
Fillettes  dont  le  cœur  palpite, 
Régalez-vous;  pourquoi  rougir  ? 


214  CHANSONS 

Au  plaisir  l'Amour  vous  invite, 
Fillettes ,  voiià  le  plaisir  !  bit. 

Régalez-vous ,  mesdames,. 
Voilà  le  plaisir  ! 

«  Au  Mentor,  au  tyran  sévère 
Se  dérober  en  tapinois, 
D'un  jaloux  tromper  la  colère , 
Réduire  un  Argus  aux  abois  ; 
Par  un  peu  de  coquetterie 
Sans  cesse  éveiller  le  désir, 
Voilà  le  plaisir  de  la  vie. 
Mesdames,  voilà  le  plaisir  !  bis. 

Régalez-vous ,  mesdames , 
Voilà  le  plaisir! 

«  Dans  le  hameau,  dans  la  campagne, 
A  la  cour  et  chez  les  prélats  , 
A  Rome ,  en  France ,  dans  l'Espagne , 
Les  plaisirs  sont  les  meilleurs  plats. 
C'est  le  plaisir  qui  toujours  reste, 
On  ne  le  voit  pas  desservir  ; 
Jusqu'au  dernier,  d'une  main  leste, 
On  voit  les  rois  mêmes  l'offrir. 
Mesdames ,  voilà  le  plaisir  !  bis. 

Régalez-vous ,  mesdames , 
Voilà  le  plaisir! 

«  Mon  adresse  est  chez  le  Mystère , 
A  l'en3eigne  du  Rendez-Vous  ; 


POPULAIRES.  215 

Venez ,  venez ,  j'ai  votre  affaire , 
J'ai  du  plaisir  pour  tous  les  goûts,  b 
Bientôt  le  plaisir  fut  si  preste, 
Tant  de  chalands  vinrent  s'offrir, 
Qu'Amour  criait  :  «  Au  reste  ,  au  rs!e  ! 
Hâtez-vous ,  ou  point  de  plaisir,     fefe, 
Régalez-vous,  mesdames, 
Voilà  le  plaisir!  » 


Les  Souhait*».. 

L'abbé  de  Lattaignant ,  né  vers  la 
fin  du  xviie  siècle,  et  qui  fut  chanoine 
de  Reims,  eut  pendant  trente  ans  la  ré- 
putation du  plus  aimable  chansonnier 
de  Paris.  Il  faisait  les  délices  de  la  so- 
ciété par  sa  facilité  à  composer  et  à 
chanter  des  couplets.  Ses  poésies  ont  été 
recueillies  en  quatre  volumes  in -12, 
1557.  Elles  sont  trop  nombreuses  pour 
qu'il  n'y  en  ait  pas  quelques-unes  de 
médiocres;  mais  elles  brillent  toutes 
par  la  grâce  et  la  facilité.  Quand  le 
diable  devint  vieux,  il  se  fit  ermite.  L'abbé 


21G  CHANSONS 

de  Lattaignant  se  retira  sur  la  fin  de 
ses  jours  chez  les  pères  de  la  Doctrine 
chrétienne,  et  y  mourut  en  1779. 

Air  du  prologue  de  l'opéra  du  Carnaval 

du  Parnasse, 

ou  :  Air  nouveau  de  Jadin. 

Ma  mie , 
Ma  douce  amie 
Répond  à  mes  amours. 
Fidèle 
A  cette  belle , 
Je  l'aimerai  toujours. 

Si  j'avais  cent  cœurs, 
Ils  ne  seraient  remplis  que  d'elle; 

Si  j'avais  cent  cœurs , 
Aucun  d'eux  n'aimerait  ailleurs. 
Ma  mie ,  etc. 

Si  j'avais  cent  yeux, 
Ils  seraient  tous  fixés  sur  elle; 

Si  j'avais  cent  yeux, 
Ils  ne  verraient  qu'elle  en  tous  lieux. 
Ma  mie ,  etc. 

Si  j'avais  cent  voix, 
Elles  ne  parleraient  que  d'elle 


y~p=li  — 


POPILAIRES.  217 

Si  j'avais  cent  voix, 

Toutes  rediraient  à  la  fois  : 

Ma  mie ,  etc. 

Si  j'étais  an  dieu, 
Je  voudrais  la  rendre  immortelle; 

Si  j'étais  un  dieu, 

On  l'adorerait  en  tout  lieu. 

Ma  mie ,  etc. 

Fussiez-vous  cinq  cents, 
Vous  seriez  tous  rivaux  près  d'elle  ; 

Fussiez-vous  cinq  cents, 
Vous  voudriez  en  être  amants. 
Ma  mie ,  etc. 

Eussiez-vous  cent  ans, 
Nestor  rajeunirait  pour  elle  ; 

Eussiez-vous  cent  ans , 
Vous  retrouveriez  le  printemps. 
Ma  mie, 
Ma  douce  amie 
Répond  à  mes  amours. 
Fidèle 
A  cette  belle , 
Je  l'aimerai  toujours. 

L'abbé  de  Lattaig.nant. 


21 S  CHANSONS 


IiC  Tambourin. 

Entendez-vous  le  tambourin  ? 

Vite  à  la  danse  ;  bis. 

Entendez-vous  le  tambourin 
Qui  met  le  villageois  en  train? 

Fi  de  la  ville , 
On  y  vit  tranquille  ; 
^oint  de  gaité  :  l'on  danse  à  petits  pLS. 
Au  village  on  est  plus  habile, 
Au  village  on  rit  aux  éclats. 
Entendez-vous  le  tambourin?  etc. 

Eh  quoi  !  Lisette, 
Vous  n'êtes  pas  prête  ; 
Votre  fichu  vous  tient  encore  là? 
Déjà  se  gonfle  la  musette, 
Et  Colin  vous  attend  là-bas. 
Entendez-vous  le  tambourin?  etc 

L'amour  invite, 

Et  chacun  s'agite. 

Eh  quoi  !  la  nuit  nous  arrive  déjà 

Si  la  danse  finit  trop  vite 

La  chanson  la  remplacera. 


POPULAIRES.  219 

Entendez-vous  le  tambourin  ? 

Vite  à  la  danse;  bis. 

Entendez-vous  le  tambourin 
Qui  met  le  villageois  en  train  ? 


ma  Cavale. 

Cette  romance  était  chantée  dans  Far- 
ruch  le  Maure,  drame  en  trois  actes  et 
en  vers  de  Victor  Escousse,  joué  au 
théâtre  de  la  Porte-Saint-Martin ,  en 
juin  1831.  Le  même  auteur  donna  la 
même  année,  en  novembre,  au  Théâtre- 
Français,  un  drame  en  cinq  actes  et  en 
vers,  intitulé.  :  Pierre  III;  et  en  1832,  il 
avait  terminé  sa  carrière  avec  son  ami 
Auguste  Lebras  :  les  deux  malheureux 
poètes  s'étaient  asphyxiés,  en  accusant 
leur  siècle  de  ne  pas  les  comprendre. 

Étrange  et  vaniteuse  folie  d'un  jeune 
homme  qui  u'était,  pour  ainsi  dire,  qu'un 
apprenti  de  la  vie ,  et  qui  avait  voulu 
conquérir  subitement  les  honneurs  et 


220  CHANSONS 

la  fortune ,  qui  couronnent  si  rarement 
même  le  mérite  reconnu,  même  les  ta- 
lents éprouvés. 

A  peine  débutant,  on  lui  avait  ouvert 
les  portes  du  Théâtre-Français;  il  y 
avait  réussi,  grâce  à  l'indulgence  qui 
encourageait  son  talent  naissant  ;  et  il 
s'appela  incompris  !  et  il  voulait  que 
son  siècle  admirât  ses  essais,  des  essais 
que  peut-être  la  maturité  de  l'âge  lui 
eût  fait  un  jour  juger  lui-même  avec 
sévérité,  s'il  avait  eu  le  courage  de  per- 
sévérer dans  la  carrière. 

Mais  le  malheur  de  beaucoup  de 
jeunes  gens,  c'est  de  regarder  la  poésie, 
ce  noble  délassement  de  l'esprit,  comme 
une  chose  qui  doit  fixer  l'attention  de 
toute  la  société  ;  ils  se  repaissent  d'il- 
lusions ,  et  la  triste  réalité  les  met  aux 
prises  avec  la  misère.  Alors  arrive  le 
suicide ,  cette  lâche  désertion  de  celui 
qui  oublie  que 

La  vie  est  un  combat. 

Trois  ans  après  la  mort  d'Eseousse 


POPULAIRES.  22! 

M.  de  Vigny  a  fait  jouer  aux  Français 
son  Chatterton ,  dont  la  fatale  pensée 
semble  la  justification  du  malheureux 
dont  nous  plaignons  la  démence. 

0  ma  cavale  au  sabot  noir, 

Passons  le  seuil  du  vieux  manoir  ; 

Dévorons  vite  l'intervalle 

Qui  d'elle  me  sépare  encor. 

Ma  belle  et  fougueuse  cavale, 

Partons ,  partons  au  son  du  cor.       bi*. 

Foule  et  décbire  le  gazon. 

La  lune  monte  à  l'horizon  : 

Du  rendez-vous  d'amour  c'est  l'heure 

Àb  :  qu'il  est  doux  de  la  saisir. 

En  vérité  je  cbante  et  pleure 

D'amour,  de  joie  et  de  plaisir.  bis. 

Oui,  c'est  bien  là  le  vieux  clocher 

Dont  le  portail  doit  nous  cacher  ; 

Et  dans  un  galant  équipage , 

A  l'autre  bout  du  pont-levis  , 

Voici  venir  son  petit  page 

Qui  m'apporte  un  joyeux  avis.         bis. 

Allons  un  pas,  un  pas  encor, 
Et  maintenant  donnons  du  cor. 
A  travers  la  longue  avenue , 


222  CHANSONS 

Je  la  distingue  :  la  voici. 

De  bonheur  mon  àme  est  émue. 

Merci ,  ma  cavale ,  merci.  bis , 


Tonton,  Ton  lai  ne. 

Il  y  a  beaucoup  de  chansons  de 
chasse  avec  ce  refrain,  mais  la  plupart 
sont  un  peu  libres  et  ne  peuvent  guère 
se  chanter  que  dans  les  bois  ou  à  huis 
clos.  Celle-ci,  quoique  fort  gaie,  est  de 
bonne  compagnie  ;  elle  fut  faite  en  1770 
pour  le  château  de  La  Brosse ,  qui  ap- 
partenait au  duc  de  Montmorency. 
L'auteur  est  M.  Marion  du  Mersan,  un 
de  ces  poètes  aimables  du  xvme  siècle, 
qui  faisait  des  vers  pour  son  plaisir, 
comme  les  Chaulieu  qt  les  Lattaignant, 
et  qui  brillait  dans  la  société  choisie 
de  cette  époque.  Il  était  né  à  Peilhac, 
près  de  Ploermel ,  en  Bretagne,  en  1718, 
et  il  est  mort  à  Paris  en  1801 ,  âgé  de 
quatre-vingt-trois  ans. 


POPULAIRES. 


LE  REFRAIN  DU  CHASSEUR. 

Mes  amis ,  partons  pour  la  chasse  ; 
Du  cor  j'entends  le  joyeux  son. 

Tonton ,  tonton , 

Tontaine,  tonton. 
Jamais  ce  plaisir  ne  nous  lasse. 
Il  est  bon  en  toute  saison.  % 

Tonton , 

Tontaine,  tonton. 

A  sa  manière  chacun  chasse , 
Et  le  jeune  homme  et  le  barbon. 

Tonton,  tonton, 

Tontaine,  tonton. 
Mais  le  vieux  chasse  la  bécasse, 
Et  Le  jeune  un  gibier  mignon. 
Tonton  , 

Tontaine ,  tonton. 

Pour  suivre  le  chevreuil  qui  passe 
Il  parcourt  les  bois ,  le  vallon. 

Tonton,  tonton, 

Tontaine,  tonton. 
Et  jamais ,  en  suivant  sa  trace 
Il  ne  trouve  le  chemin  long. 
Tonton , 

Tontaine,  tonton. 


224  CHANSONS 

A  l'affût  le  chasseur  se  place , 
Guettant  le  lièvre  ou  l'oisillon. 

Tonton ,  tonton , 

Tontaine,  tonton. 
Mais  si  jeune  fillette  passe,  . 
Il  la  prend  :  pour  lui  tout  est  bon. 
Tonton , 

Tontaine ,  tonton. 

Lg  vrai  chasseur  est  plein  d'audace  ; 
Il  est  gai ,  joyeux  et  luron. 

Tonton ,  tonton , 

Tontaine,  tonton. 
Mais,  quelque  fanfare  qu'il  fasse, 
Le  chasseur  n'est  pas  fanfaron. 
Tonton , 

Tontaine,  tonton. 

Quand  un  bois  de  cerf  l'embarrasse , 
Chez  sa  voisine,  sans  façon  , 

Tonton ,  tonton , 

Tontaine,  tonton. 
Bien  discrètement  il  le  place 
Sur  la  tète  d'un  compagnon. 
Tonton , 

Tontaine,  tonton. 

Quand  on  a  terminé  a.  chasse , 
Le  chasseur  se  rend  au  grand  rond. 


POPULAIRES.  225 

Tonton ,  tonton , 

Tontaine,  tonton. 
Et  chacun  boit  à  pleine  tasse 
Au  grand  saint  Hubert,  son  patron. 
Tonton , 

Tontaine,  tonton. 

Marios  du  Mersan. 


La  Chasse. 

Cette  chanson,  sur  le  même  air  que 
la  précédente,  est  de  Philippon  La  Ma- 
deleine ,  l'un  des  convives  des  Diners 
du  Vaudeville,  et  l'un  des  spirituels  au- 
teurs de  ce  théâtre,  qu'on  appelait  dans 
ce  temps-là  la  Boite  à  l'esprit. 

Le  genre  a  bien  dégénéré  depuis.  Les 
drames  larmoyants  et  la  grosse  bouf- 
fonnerie ont  remplacé  les  couplets  fins 
et  délicats. 

Philippon  La  Madeleine,  qui  est  mort 
en  1818,  âgé  de  quatre-vingt-quatre 
ans,  avait  conservé  jusqu'à  ses  derniers 
moments  la  grâce  et  la  vivacité  de  la 

15 


226  CHANSONS 

jeunesse  et  tout  le  charme  de  l'urbanité 
française. 

Chacun  de  nous  a  sa  folie; 
Moi ,  la  cbasse  est  ma  passion. 

Tonton ,  tonton , 

Tonlaine ,  tonton. 
C'est  un  plaisir  que  je  varie 
Suivant  le  lieu ,  l'occasion. 
Tonton , 

Tontaine,  tonton. 

Tantôt  les  perdrix  dans  la  plaine 
Tombent  sous  mes  coups  à  foison. 

Tonton ,  tonton , 

Tontaine,  tonton. 
Tantôt  la  troupe  au  bois  m'entraîne- 
Tout  gibier  me  plait  s'il  est  bon. 
Tonton , 

Tontaine,  tonton. 

Dans  les  vignes  du  vieux  Silène , 
La  chasse  est  de  toute  saison. 

Tonton ,  tonton , 

Tontaine,  tonton. 
Et  le  plaisir  passe  la  peine, 
Car  on  y  laisse  sa  raison. 
Tonton , 

Tontaine,  tonton. 


POPULAIRES.  227 

Quelquefois  je  vais  au  Parnasse; 
Mais ,  hélas  !  depuis  qu'Apollon 

Tonton ,  tonton , 

Tontaine,  tonton, 
N'a  plus  le  Goût  pour  garde-chasse , 
Son  domaine  est  à  l'abandon. 
Tonton, 

Tontaine ,  tonton. 

Sur  les  terres  de  la  fortune, 
Le  chasser  n'est  plus  aussi  bon. 

Tonton,  tonton, 

Tontaine,  tonton. 
La  chasse  au  toI  est  trop  commune 
Depuis  dix  ans  dans  le  canton. 
Tonton  , 

Tontaine,  tontoD. 

J'aime  à  braconner  à  Cythère  ; 
Mais  du  cor  j'adoucis  le  son  , 

Tonton,  tonton, 

Tontaine,  tonton. 
Les  Grâces  ne  se  prennent  guère 
Dans  les  filets  du  fanfaron. 
Tonton, 

Tontaine,  tonton. 

Philupon  la  Mi»elrine. 


228  CHANSONS 


plaintes  d'une  Amante 
abandonnée. 

Dans  les  gardes  françaises 
J'avais  un  amoureux , 
Fringant,  chaud  comme  braise, 
Jeune ,  beau ,  vigoureux  ; 
Mais  de  la  colonelle 
C'est  le  plus  scélérat; 
Pour  une  pcronelle 
Le  gueux  m'a  planté  là. 

11  avait  la  semaine 
Deux  fois  du  linge  blanc, 
Et, comme  un  capitaine, 
La  toquante  d'argent, 
Le  fin  bas  d'écarlate 
A  côtes  de  melon , 
Et  toujours  de  ma  patte 
Frisé  comme  un  bichon. 

Pour  sa  dévergondée , 
Sa  Madelon  Friquet, 
De  pleurs  tout  inondée 
J'ai  rempli  mon  baquet  : 
Je  suis  abandonnée; 
Mais  ce  n'est  pas  le  pis  : 


POPULAIRES.  -         22& 

Ma  fille  de  journée 
Est  sa  femme  de  nuit. 

Une  petite  rente, 
D'un  monsieur  le  bienfait, 
Mon  coulant,  ma  branlante, 
Tout  est  au  berniquet  : 
Il  retournai:  mes  poches, 
Sans  me  laisser  un  sou. 
Ce  n'est  pas  par  reproches , 
Mais  il  me  mangeait  tout. 

La  nuit  quand  je  sommeille, 
Je  pense  à  mon  coquin; 
Mais  le  plaisir  m'éveille 
Tenant  mon  traversin. 
La  chance  est  bien  tournée , 
A  présent  c'est  Catin 
Qui  suce  la  dragée, 
Et  moi  le  chicotin. 

De  ta  lame  tranchante 
Perce  mon  tendre  cœur  ; 
Fais  périr  ion  amante, 
Ou  rends-lui  son  bonheur. 
Le  passé  n'est  qu'up  3onge, 
Une  fichaise ,  un  rien  : 
J'y  passerai  l'éponge  ; 
Viens  ,  rentre  dans  ton  bien. 

Attribuée  à  V*dé 


230 


Ah  !  vous  dirai-je,  Maman. 

Ah  !  vous  dirai-je  maman, 
Ce  qui  cause  mon  tourment  ? 
Depuis  que  j'ai  vu  Silvandre 
Me  regarder  d'un  air  tendre, 
Mon  cœur  dit  à  tout  moment, 
Peut-on  vivre  saus  amant  ? 

L'autre  jour  dans  un  bosquet, 
De  fleurs  il  fit  un  bouquet, 
Il  en  para  ma  houlette, 
M,e  disant  :  «  Belle  brunette, 
Flore  est  moins  belle  que  toi, 
L'amour  moins  tendre  que  moi. 

o  Étant  faite  pour  charmer, 
Il  faut  plaire,  il  faut  aimer. 
C'est  au  printemps  de  son  âge 
Qu'il  est  dit  que  l'on  s'engage; 
Si  vous  tardez  plus  longtemps, 
On  regrette  ces  moments.» 

Je  rougis  et  par  malheur, 
Un  soupir  trahit  mon  cœur; 
Silvandre,  en  amant  habile, 
Ne  joua  pas  l'imbécile: 


/ 


POPCLAIRES.  231 

Je  veux  fuir,  il  ne  veut  pas  : 
Jugez  de  mon  embarras. 

Je  fis  semblant  d'avoir  peur, 
Je  m'échappai  par  bonheur; 
J'eus  recours  à  la  retraite. 
Mais  quelle  peine  secrète 
Se  mêle  dans  mon  espoir, 
Si  je  ne  puis  le  revoir  ? 

Bergères  de  ce  hameau ,  . 
N'aimez  que  votre  troupeau  ; 
Un  berger,  prenez-y  garde , 
S'il  vous  aime ,  vous  regarde . 
Et  s'exprime  tendrement , 
Peut  vous  œuser  du  tourment. 


Les  Vendanges. 

Air  de  Dufresny. 

Dans  la  vigne  à  Claudine 
Les  vendangeurs  y  vont  : 
On  choisit  à  la  mine 
Ceux  qui  vendangeront. 
Aux  vendangeurs  qui  brillent 
un  s  Monne  V  H>as  ; 


CHANSONS 

Les  autres  y  grappillent, 
Mais  n'y  vendangent  pas. 

Sur  la  fin  de  l'automne , 
Vint  un  joli  vieillard  : 
«  Si  la  vendange  est  bonne, 
J'en  veux  avoir  ma  part.» 
Cette  prudente  fille 
Lui  répondit  tout  bas  : 
«Vieux  vendangeur,  grappille, 
Mais  ne  vendange  pas.  » 

Aux  vignes  de  Cythère  , 
Parmi  les  raisins  doux, 
Est  mainte  grappe  amère: 
N'en  cueillez  pas  pour  vous. 
Ce  choix,  pour  une  fille, 
Est  un  grand  embarras  : 
La  plus  sage  grappille, 
Mais  ne  vendange  pas. 

DlIFRESNY. 


I.a  Boulangère. 

Cette  chanson,  un  peu  grivoise,  dont 
on  ne  chante  presque  partout  que  le 


- 


poplxaip.es.  233 

premier  couplet,  nous  a  été  donnée  par 
un  amateur  qui  croit  qu'elle  date  du 
temps  de  la  régence,  ainsi  que  celle  de 
a  Meunière.  On  connaît  la  chanson  de 
Boufflers ,  Gentille  boulangère,  qui  est 
\  peu  près  dans  le  même  genre  ;  nous 
croyons  celle-ci  plus  ancienne.  On  sait 
que  c'est  un  air  sur  lequel  on  danse 
depuis  longtemps  une  ronde  qui  finit 
gaiment  tous  les  bals  bourgeois.  Nous 
n'avions  trouvé  la  chanson  dans  aucun 
recueil. 

La  boulangère  a  des  écus 

Qui  ne  lui  coûtent  guère  : 
Elle  en  a ,  car  je  les  ai  vus , 

J'ai  vu  la  boulangère 
Aux  écus , 

J'ai  vu  la  boulangère. 

«  D'où  te  viennent  tous  ces  écus. 

Charmante  boulangère? 
—Ils  me  viennent  d'un  gros  Crésus 

Dont  je  fais  bien  l'affaire, 
Vois-tu! 

Dont  je  fais  bien  l'affaire. 

A  mon  four  aussi  sont  venus 


224 


De  galants  militaires  ; 
Mais  je  préfère  les  Crésus 
A  tous  les  gens  de  guerre, 

Vois-tu  ! 
À  tous  les  gens  de  guerre. 

Das  petits-mai  très  sont  venus, 
En  me  disant  :  «Ma  chère, 

«  Yous  êtes  plus  bell'  que  Vénus  ;  » 
Je  n'ies  écoutais  guère, 

Vois-tu  ! 
Je  nies  écoutais  guère. 

Des  abbés  coquets  sont  venus  : 
Ils  m'offraient,  pour  me  plaire, 

Des  fleurettes  au  lieu  d'écus; 
Je  les  envoyais  faire... 

Vois -tu! 
Je  les  envoyais  faire... 

—  Moi ,  je  ne  suis  pas  un  Crésus, 

Abbé,  ni  militaire; 
Mais  mon  talent  est  bien  connu  : 

Boulanger  de  Cythère , 
Vois- tu  ! 

Boulanger  de  Cythère. 

Je  pétrirai ,  le  jour  venu, 

Notre  pâte  légère, 
Et  la  nuit,  au  four  assidu, 


POPULAIRES.  235 

4 'enfournerai,  ma  chère, 

Vois-tu! 
J'enfournerai ,  ma  chère. 

—  Eh  bien  !  épouse  ma  vertu  , 
Travaill'  de  bonn'  manière , 

Et  tu  ne  seras  pas...  déçu 
Avec  la  boulangère 

Aux  écus  ! 
Avec  la  boulangère.  » 

Attribuée  à  Gallet. 


âLa  Meunière  du  moulin  à  vent. 

En  amour  je  suis  très-savant 
De  plus  d'un'  manière. 
Depuis  qu'un  jour  qu'il  fsait  du  vent, 
Par  derrière  comm'  par  devant, 

J'ai  vu  la  meunière 

Du  moulin  à  vent. 

Je  me  promenais  très-souvent  : 

Près  de  la  rivière; 
L'moulin  à  eau  dorénavant 
Ne  me  plaira  plus  comme  avant . 

J'ai  vu  la  meunière 

Du  moulin  à  vent. 


236  CHANSONS 

Je  lui  dis  :  «  Je  suis  bon  vivant, 

Aimez-moi ,  ma  chère  ; 
Vous  verrez  qu'avec  moi  le  vent 
Soufflera  toujours  du  levant 
Pour  la  bell'  meunière 
Du  moulin  à  vent.  » 

Mais  c'est  une  tète  à  l'évent; 

EU'  tourna  l'derrière , 
Et,  refermant  son  contrevent 
Eli'  me  laissa  tris',e  et  rêvant 

A  la  belle  meunière 

Du  moulin  à  vent. 

J'voulais ,  plein  d'un  zèle  fervent, 

Faisant  ma  prière, 
M'aller  jeter  dans  un  couvent, 
N'pouvant  pas  êtr'  frère  servant 

D'ia  belle  meunière 

Du  moulin  à  vent. 

J'allai  la  voir  le  jour  suivant; 

Elle  fut  moins  fière , 
Se  tourna  mieux  qu'auparavant; 
Et  le  lendemain ,  par  devant, 

J'ai  vu  la  meunière 

Du  moulin  à  vent. 

D'un  autre  moyen  me  servant, 
J'allai  chez  l'notaire  : 


POPULAIRES.  237 

Et  sur  le  contrat  écrivant, 

J'ois  :  «  Mettez  .-  Passé  par-devant... 

J'épous'  la  meunière 

Du  moulin  à  vent.  » 

Attribuée  à  Gallet. 


lia  Grisette. 

Oui,  je  suis  grisette; 
On  voit  ici-bas 
Plus  d'une  coquette 
Qui  ne  me  vaut  pas. 

Je  suis  sans  fortune 
Et  n'ai  point  d'aïeux; 
Oui,  mais  je  suis  brune, 
Et  j'ai  des  yeux  bleus. 
Oui ,  je  suis  grisette ,  etc. 

Un  vieux  duc  me  presse; 
Je  résisterai , 
Et  serai  duchesse 
Lorsque  je  voudrai. 

Oui,  je  suis  grisette,  etc. 

Libre  en  ma  demeure, 
J'écris  à  Julien  : 


238  CHANSONS 

«  Viens  donc  de  bonne  heure, 
Tu  feras  le  mien.  » 
Oui,  je  suis  grisette,  etc. 

On  nous  fait  la  guerre, 
Et  pourtant ,  je  crois , 
Nous  n'en  avons  guère 
Qu'un  seul  à  lfc  fois. 
Oui ,  je  suis  grisette ,  etc. 

Moi ,  je  fais  l'épreuve 
D'un  hymen  complet, 
Et  je  deviens  veuve 
Quand  cela  me  plait. 
Oui ,  je  suis  grisette,  etc. 

Une  prude  jeûne 
Avec  des  façons, 
Et  moi  je  déjeune 
Avec  les  garçons. 
Oui ,  je  suis  grisette,  etc. 

Pour  avoir  dimanche 
Bonnet  et  ruban, 
J'ai  la  robe  blanche 
Que  je  mets  en  plan. 

Oui ,  je  suis  grisette ,  etc. 

Fi  d'un  bal  qu'éclaire 
Le  feu  des  quinquets  ' 


PO  l"  CL  A  1RES.  239 

Vive  la  Chaumière  : 
On  a  des  bosquets  ! 
Oui,  je  suis  grisette,  etc. 

Je  suis  ouvrière , 
Voilà  tout  mon  bien, 
Et  j'aide  ma  mère, 
Qui  ne  gagne  rien. 
Oui ,  je  suis  grisette  ,  etc. 

J'aurais  bien  pu  rendre 
Mon  sort  fortuné , 
Si  j'avais  su  vendre 
Ce  que  j'ai  donné. 
Oui ,  je  suis  grisette ,  etc. 

Mais,  simple  et  modeste , 
Je  ne  veux  pas  d'or, 
Et  ce  qui  me  reste, 
Je  le  donne  encor. 
Oui,  je  suis  grisette; 
On  voit  ici-bas 
Plus  d'une  coquette 
Qui  ne  me  vaut  pas. 

Frédéric  de  Colrct. 


240 


JLa  ftasconne. 

Un  jour  dé  cet  automne, 
Dé  Bordeaux  revenant, 
Je  vis  nymphe  mignonne 
Qui  s'en  allait  chantant  : 
On  rit,  on  jase,  on  raisonne, 
On  n'aimé  qu'un  moment. 

Je  vis  nymphe  mignonne 
Qui  s'en  allait  chantant  : 
C'était  la  jeune  OEnone , 
Fraîche  comme  un  printemps. 
On  rit,  on  jase,  on  raisonne, 
On  n'aimé  qu'un  moment. 

C'était  la  jeune  OEnone, 
Fraîche  comme  un  printemps. 
Fermé  comme  une  nonne , 
Un  morceau  dé  friand. 
On  rit,  on  jase,  on  raisonne, 
On  n'aimé  qu'un  moment. 

Fermé  comme  une  nonne , 
Un  morceau  dé  friand. 
Dans  mon  humeur  gasconne , 
J'étais  entreprenant. 


POPULAIRES.  241 

On  rit,  on  jase,  on  raisonne, 
On  n'aimé  qu'un  moment. 

Dans  mon  humeur  gasconne, 
J'étais  entreprenant. 
Je  déchire  et  chiffonne 
Lacet,  gaze  et  ruban. 
On  rit,  on  jase,  on  raisonne, 
On  n'aimé  qu'un  moment. 

Je  déchire  et  chiffonne 
Lacet,  gaze  et  ruban. 
«  Tiens  ,  le  fils  dé  Latone, 
Lui  dis-je ,  est  moins  ardent.  » 
On  rit ,  on  jase ,  on  raisonne , 
On  n'aimé  qu'un  moment. 

«  Tiens,  lé  fils  dé  Latone, 
Lui  dis-je,  est  moins  ardent; 
Et  son  flambeau,  mignonne, 
S'éteint  dans  l'Océan.  » 
On  rit,  en  jase,  on  raisonne, 
On  n'aimé  qu'un  moment. 

«  Et  son  flambeau ,  mignonne , 
S'éteint  dans  l'Océan. 
Celui  que  je  té  donne 
S'en  va  toujours  brûlant.  » 
On  rit ,  on  jase ,  on  raisonne , 
On  n'aimé  qu'un  moment. 

16 


242  CHANSONS 

«  Celui  que  je  té  donne 
S'en  va  toujours  brûlant. 
—  Ah  !  mé  dit  la  friponne , 
J'en  doute  à  ton  ascent.  » 
On  rit,  on  jase  ,  on  raisonne, 
On  n'aimé  qu'un  moment. 

De  Baussay. 


^a  marmotte  en  vie. 

J'ai  quitté  la  montagne 
Où  jadis  je  naquis, 
Pour  courir  la  campagne 
Et  venir  à  Paris. 
Ah  !  voyez  donc  la  marmotte , 

La  marmotte  en  vie. 
Donnez  queuqu'  chose  à  Javotte 
Pour  sa  marmotte  en  vie. 
Ah  !  voulez-vous  voir  la  marmotte , 

La  marmotte  en  vie  ; 
Ah  !  donnez  queuqu'  chose  à  Javotte 
Pour  sa  marmotte  en  vie. 

De  village  en  village 
Je  m'en  allai  tout  droit. 
Portant  petit  bagage , 
Criant  dans  chaque  endroit  : 


POPULAIRES.  243 

«  Ah  !  voyez  donc  la  marmotte 

La  marmotte  eu  vie. 
Donnez  queuqu'  chose  à  Javotte 
Pour  sa  marmotte  en  vie. 
Ah  !  voulez-vous  voir  la  marmotte, 

La  marmotte  en  vie  ; 
Ah  !  donnez  queuqu'  chose  à  Javotte, 
Pour  sa  marmotte  en  vie.  » 

Quand  j'  fus  à  la  barrière , 

Un  commis  m'arrêta, 

M'disant  :  «  Jeune  étrangère, 

Que  portez-vous  donc' là? 
—  Ah  !  monsieur,  c'est  la  marmotte, 

La  marmotte  en  vie. 
Donnez  queuqu'  chose  à  Javotte 

Pour  sa  marmotte  en  vie  ; 
Ah  !  voulez-vous  voir  la  marmotte, 

La  marmotte  en  vie  ; 
Ah  !  donnez  queuqu'  chose  à  Javotte 

Pour  sa  marmotte  en  vie. 

—  Passez  la  jeune  fille, 

Avec  ce  petit  bien  ; 

Quand  on  est  si  gentille , 

Au  roi  l'on  ne  doit  rien. 
Allez  crier  la  marmotte, 

La  marmotte  en  vie. 
D'mandez  queuqu'  chose  pour  Javotte, 

Pour  sa  marmotte  en  vie.  » 


244  CHANSONS 

Ah  !  voulez-vous  voir  la  marmotte, 

La  marmotte  en  vie  ; 
Ah  !  donnez  queuqu'  chose  à  Javotte. 
Pour  sa  marmotte  en  vie. 

Un  beau  monsieur  me  r'garde, 
Puis  s'arrête  tout  doux  : 
«  La  belle  Savoyarde , 
Montre-moi  tes  bijoux; 
Ah  !  voyons  donc  c'te  marmotte, 

C'te  marmotte  en  vie. 
J'  donn'rai  queuqu'  chose  à  Javotte 
Pour  sa  marmotte  en  vie. 
Ah  !  montre-moi  ta  marmotte, 

Ta  marmotte  en  vie  ; 
Oui,  j'donn'rai  queuqu' chose  à  Javotte 
Pour  sa  marmotte  en  vie.  » 

Moi,  sans  plus  de  mystère, 
Soudain  le  satisfis. 
Il  ouvr'  son  aumônière , 
Puis  ,  comptant  ses  louis  : 
«  Ah  !  prête-moi  ta  marmotte , 

Ta  marmotte  en  vie. 
J'donn'rai  tout  c't'or  à  Javotte 
Pour  sa  marmotte  en  vie. 
Ah  !  prête-moi  ta  marmotte ,. 
Ta  marmotte  en  vie; 
"Oui ,  j' donn'rai  tout  c't'or  à  Javotte 
Pour  sa  marmotte  en  vie.  » 


rOPILAlRiS.  245 

Que  faire ,  pauvre  fille , 
En  voyant  tant  d'argent? 
D'aise  mon  cœur  pétille. 
J'accepte  le  présent.... 
«  Prenez,  prenez  la  marmotte, 

La  marmotte  en  vie. 
Donnez  ,  donnez  à  Javotte 
Pour  sa  marmotte  en  vie. 
Ah  !  caressez  la  marmotte, 
La  marmotte  en  vie; 
Ah!  donnez,  donnez  à  Javotte 
Pour  sa  marmotte  en  vie.  » 

Mais  ce  bien  que  r'grette , 
Il  me  l'prit  pour  son  or; 
Vai  plus  que  la  coffrette 
Où  gardais  ce  trésor. 
Ah  !  j'ai  perdu  la  marmotte 

La  marmotte  en  vie. 
C'en  est  fait,  pauvre  Javotte, 

D'ta marmotte  en  vie! 
Ah  !  oui,  j'ai  perdu  la  marmotte , 

La  marmotte  en  vie , 
Ah  !  c'en  est  fait ,  pauvre  Javotte , 
D'ta  marmotte  en  vie  ! 

DCCRAÏ   DlMtML 


246 


Ata!  le  bel  Oiseau,  Ulaman! 

Ah  !  le  bel  oiseau ,  maman , 
Qu'Alain  a  mis  dans  ma  cage! 
Ah  !  le  bel  oiseau ,  maman , 
Que  m'a  donné  mon  amant! 

En  cachette ,  hier  au  soir, 
Nous  sortîmes  du  village  : 
«  Suis-moi ,  si  tu  veux  le  voir, 
Me  dit-il ,  sous  ce  feuillage.  » 
Ah  !  le  bel  oiseau ,  maman ,  etc. 

«  Pressons-nous ,  mon  cher  Alain  ; 
S'il  s'échappait,  quel  dommage! 
Mon  cœur  bat,  mets-y  la  main.  » 
Le  sien  battait  davantage. 
Ah  !  le  bel  oiseau ,  maman ,  etc. 

Il  me  prit  un  doux  baiser  : 
«  Alain ,  Alain ,  sois  donc  sage. 
—  C'est,  dit-il ,  pour  préparer 
Du  bel  oiseau  le  ramage.  » 
Ah  !  le  bel  oiseau ,  maman ,  etc. 

Il  me  presse  de  nouveau. 
«  Je  le  tiens ,  dit-il ,  courage  ! 


POPULAIRES.  247 

Le  voici  sous  mon  chapeau  ; 
C'est  le  plus  beau  du  village.  » 
Ah  !  le  bel  oiseau ,  maman ,  etc. 

Il  est  à  moi  pour  toujours  ; 
Il  chérit  son  esclavage; 
C'est  l'objet  de  mes  amours. 
J'en  veux  jouir  sans  partage. 

Ah  !  le  bel  oiseau ,  maman , 
Qu'Alain  a  mis  dans  ma  cage  '. 
Ah  !  le  bel  oiseau ,  maman , 
Que  m'a  donné  mon  amant! 


l'amour,  la  nuit  et  le  jour. 

Rendez-vous  à  mes  vœux, 
Belle  et  tendre  bergère  ; 
Le  temps  est  précieux , 
Profitez-en  pour  faire 
L'amour,  l'amour,  l'amour, 
Et  la  nuit  et  le  jour. 

En  vain  par  mille  appas 
Vous  chercheriez  à  plaire, 
Si  vous  ce  vouliez  pas 
En  profiter  pour  faire 
L'amour,  l'amour,  l'amour, 
Et  ta  nuit  et  le  jour. 


248  CHANSONS 

Vous  êtes  faite  exprès 
Pour  l'amoureuse  guerre , 
Et,  jusqu'au  moindre  trait, 
Tout  parle  en  vous  de  faire 
L'amour,  l'amour,  l'amour, 
Et  la  nuit  et  le  jour. 

Fuyez  les  froids  discours 

D'une  vieillesse  austère. . 

Les  vieux ,  dans  leurs  beaux  jours, 

Ne  s'occupaient  qu'à  faire 

L'amour,  l'amour,  l'amoUr, 

Et  la  nuit  et  le  jour. 

Le  bel  âge  s'enfuit, 
La  tendresse  s'altère, 
La  beauté  se  détruit, 
Et  l'on  ne  peut  plus  faire 
L'amour,  l'amour,  l'amour, 
Et  là  nuit  et  le  jour. 

Les  plus  charmants  appas 
N'ont  que  l'éclat  du  verre, 
Un  rien  les  met  à  bas , 
Souvent  faute  de  faire 
L'amour,  l'amour,  l'amour? 
Et  la  nuit  et  le  jour. 

Songeons  à  prévenir 
Une  perte  si  chère  ; 


POPULAIRES.  249 

N'ayons  d'autre  désir* 
D'autre  soin  que  de  faire 
L'amour,  l'amour,  l'amour, 
Et  la  nuit  et  le  jour. 

Quand  l'hiver  sur  nos  jours 
Viendra  semer  la  neige, 
Désirons  pour  retour 
Et  pour  dernier  cortège , 
Toujours, toujours,  toujours, 
Bacchus  et  les  Amours. 


5la  Lisette. 


S'il  fut  jamais  tendron 
A  l'humeur  guillerette 
Au  minois  frais  et  rond, 
Vrai  gibier  de  luron  , 
C'est  ma  Lison  .  ma  Lisette , 
La  grisette  ; 
C'est  ma  Lison 
Que  j'adore  avec  raison. 

Qui  n'ayant  pour  tout  bien 
Que  sa  mine  drôlette , 


£50  CHANSONS 

Aux  baisers  d'un  vaurien 
Vient  la  livrer  pour  rien 
C'est  ma  Lison ,  ma  Lisette,  etc. 

Sur  le  pavé  glissant, 
Trottillant,  légerette, 
Qui  rend  de  tout  passant 
Le  regard  caressant? 
C'est  ma  Lison ,  ma  Lisette ,  etc. 

Au  pauvre,  en  son  chemin , 
Qui  donne  à  l'aveuglette, 
Sans  songer  que  demain 
Elle  sera  sans  pain  ? 
C'est  ma  Lison ,  ma  Lisette ,  etc. 

Qui  mange  sans  compter 
L'argent  que  je  lui  prête, 
Mais  qui ,  pour  m'en  prêter 
Vingt  fois  sut  emprunter  ? 
C'est  ma  Lison ,  ma  Lisette ,  etc. 

Qui  jadis  me  trompa 
Sans  paraître  coquette  ; 
Puis,  pour  moi,  qui  dupa 
Celui  qui  m'attrapa? 
C'est  ma  Lison ,  ma  Lisette ,  etc. 

Par  de  tendres  leçons 
Qui  donne  à  ma  musette 


POPULAIRES.  251 

Quelques  traits  polissons , 
Dont  je  fais  des  cbansons? 
C'est  ma  Lison ,  ma  Lisette  ,  etc. 

Dimanches  et  lundis, 
Venant  dans  ma  chambrette, 
Qui  fait  un  paradis 
De  mon  pauvre  taudis? 
C'est  ma  Lison ,  ma  Lisette ,  etc. 

Lorsque  de  moins  jouir 
La  prudence  projette, 
Entre  elle  et  l'avenir, 
Qui  jette  le  plaisir? 
C'est  ma  Lison ,  ma  Lisette  , 
La  grisette  ; 
C'est  ma  Lison , 
Que  j'adore  avec  raison. 

E.  Hachis. 


la  Fille  du  Savetier. 

Qu'un  moment  de  vivacité 
Peut  causer  de  calamité  ! 
Sexe  chéri  pour  qui  les  larmes 
Sont  un  besoin  rempli  de  charmes, 
Ah  !  qu'au  récit  de  mes  malheurs 
Vos  beaux  yeux  vont  verser  de  pleurs  ! 


252  CHANSONS 

Mon  père  était  un  savetier 
Fort  estimé  dans  son  métier, 
Et  ma  mère  était  blanchisseuse  ; 
Moi ,  déjà  j'étais  ravaudeuse  , 
Gagnant  jusqu'à  dix  sous  par  jour  : 
Mais  qu'est  l'or  sans  un  peu  d'amour  ? 

Sur  le  même  carré  que  nous    - 
Logeait  un  jeune  homme  fort  doux  ; 
Soit  que  j'entre  ,  soit  que  je  sorte , 
Toujours  il  était  sur  la  porte; 
A  chaque  heure  il  suivait  mes  pas; 
Mais  mes  parents  ne  l'aimaient  pas. 

Un  jour,  j'étais  innocemment 
Dans  la  chambre  de  mon  amant, 
Mon  père  vient,  frappe  à  la  porte  : 
Grands  dieux  !  que  le  diable  l'emporte  < 
Hélas  !  ne  pourrons-nous  jamais 
De  nos  amours  jaser  en  paix! 

Mon  père,  comme  un  furieux, 
Prend  mon  amant  par  les  cheveux  ; 
Mon  amant ,  quoique  doux  et  tendre , 
Contraint  enlin  de  se  défendre , 
D'un  coup  de  poing  sur  le  museau , 
Jette  papa  sur  le  carreau. 

Aux  cris  du  vieillard  moribond , 
Ma  mère  avec  un  gros  bâton , 


popcla.ir.es.  253 

Arrive  comme  la  tempête , 
Frappe  mon  amant  sur  la  tête. 
Ah  !  pour  moi ,  quel  funeste  sort  ! 
Mon  amant  tombe  roide  mort  ! 

Pour  ce  fatal  coup  de  bâton ,  v 
On  conduit  ma  mère  en  prison 
On  la  pend  .  et  le  commissaire 

ie  à  la  Salpêtrière 

Qu'un  moment  de  vivacité 
Peut  causer  de  calamité  ! 


Le  désir  d'être  sage. 

Tous  les  jours  je  veux  être  sage , 
Suivre  les  lois  de  la  raison , 
Auprès  du  plus  charmant  visage 
Rester  comme  un  petit  Caton. 
Le  soir  vient ,  je  vois  mon  amie  : 
Le  plaisir  arrive  soudain. 
Encore  aujourd'hui  la  folie  , 
Et  je  serai  sage  demain. 

Le  lendemain  je  jure  encore , 
Et  ne  puis  tenir  mon  serment; 
Je  revois  celle  que  j'adore  : 
Peut-on  résister  un  moment? 


254  CHANSONS 

Un  baiser  de  ma  douce  amie 
Fait  fuir  la  sagesse  grand  train. 
Encore  aujourd'hui  la  folie , 
Et  je  serai  sage  demain. 

L'homme,  auprès  d'une  fille  aimable 
Peut-il  répondre  de  ses  vœux 
Un  regard ,  un  ris  délectable 
Le  transporte  et  le  rend  heureux. 
Vous  par  qui  nous  aimons  la  vie, 
De  vous  fuir  on  projette  en  vain. 
Encore  aujourd'hui  la  folie 
Et  je  serai  sage  demain. 

C'est  donc  demain  qu'est  la  sagesse , 
Et  demain  n'arrive  jamais  ; 
C'est  la  faute  de  ma  maîtresse , 
Otez-lui  donc  quelques  attraits  , 
Otez-lui  son  joli  sourire, 
Ses  traits  charmants  ,  son  air  malin  ; 
Otez-lui  tout  ce  qui  m'inspire, 
Et  je  serai  sage  demain. 


i,a  mère  Bontemps. 

La  mère  Bontemps 
S'en  allait  disant  aux  fillettes  : 


POPCLAIKES.  25i 

«Dansez  mes  enfants , 
Tandis  que  vous  êtes  jeunettes  ; 
La  fleur  de  gaité 
Ne  croit  point  l'été  : 
Née  au  printemps  comme  la  rose , 
Cueillez-!a  dès  qu'elle  est  éclose  : 
Dansez  à  quinze  ans  , 
Plus  tard  il  n'est  plus  temps. 

A  vingt  ans  mon  cœur 
Crut  l'Amour  un  dieu  plein  de  charmes; 

Ce  petit  trompeur 
M'a  fait  répandre  bien  des  larmes  : 

Il  est  exigeant , 

Boudeur  et  changeant  ; 
Fille  qu'il  tient  sous  son  empire 
Fuit  le  monde  ,  rêve  et  soupire. 

Dansez  à  quinze  ans, 
Plus  tard  il  n'est  plus  temps. 

Les  jeux  et  les  ris 
Dansèrent  à  mon  mariage  : 

Mais  bientôt  j'appris 
Qu'il  est  d'autres  soins  en  ménage. 

Mon  mari  grondait , 

Mon  enfant  criait  : 
Moi,  ne  sachant  auquel  entendre , 
Sous  l'ormeaa  pouvais-je  me  rendre? 

Dansez  à  quinze  ans , 
Plus  tard  il  n'est  plus  temps. 


256  CHANSONS 

L'instant  arriva 
Où  ma  fille  me  fit  grand'mère  ; 

Quand  on  en  est  là, 
Danser  n'intéresse  plus  guère  : 

On  tousse  en  parlant, 

On  marche  en  tremblant; 
Au  lieu  de  sauter  la  gavotte , 
Dans  un  grand  fauteuil  on  radote. 

Dansez  à  quinze  ans 
Plus  tard  il  n'est  plus  temps. 

Voyez  les  Amours 
Jouer  encor  près  de  Louise. 

Elle  plait  toujours , 
Au  bal  elle  serait  de  mise; 
*  Comme  moi  pourtant, 

Sans  cesse  on  l'entend 
Dire  et  redire  à  ses  fillettes , 
Si  gentilles,  si  joliettes  : 

Dansez  à  quinze  ans, 
Plus  tard  il  n'est  plus  temps.  >< 


îHa  tante  ttarauerite. 

Ma  vieille  tante  Marguerite , 

Qui  touche  à  ses  quatre-vingts  ans 

Me  dit  toujours  :  «Pauvre  petite. 


POPULAIRES  'i 

Craignez  les  propos  séduisants  ; 
Fillette  doit  fuir  au  plus  vite 
Quand  un  berger  lui  fait  la  cour. 
—  Ah  :  vieille  tante  Marguerite  , 
Vous  n'entendez  rien  à  l'amour.      b^ 

Eh  quoi  !  lorsque,  dans  la  prairie  , 
On  me  dira  bien  poliment 
Que  je  suis  aimable  et  jolie , 
Faudra-t-iï  me  fâcher  vraiment! 
Un  beau  berger,  si  je  l'irrite , 
Prendrait  de  l'humeur  à  son  tour. 
Ah  !  vieille  tante  Marguerite  , 
Tous  n'entendez  rien  à  l'amour.      bis. 

Toutes  les  filles  de  mon  âge, 

En  cachette  écoutent  déjà 

Des  garçons  le  tendre  langage  ; 

Je  ne  vois  pas  grand  mal  à  ça. 

Ma  tante  veut  qu'on  les  évite  ; 

Mais  je  répondrai  chaque  jour  : 

Ah!  vieille  tante  Marguerite, 

Vous  n'entendez  rien  à  l'amour.  »     l  is 

Et  l'innocente,  un  soir,  seulette  , 
Fit  la  rencontre  de  Colin  , 
Qui,  d'abord,  lui  conta  fleurette, 
Puis  l'égara  de  son  chemin  ; 
Si  bien  que  la  pauvre  petite 
N'osa  plus  dire  à  son  retour  : 

17 


258  CHANSOXà 

««  Ah!  vieille  tante  Marguerite , 

Vous  n'entendez  rien  à  l'amour.  »    bis. 

SîLVAlN  BLOT. 


L.e  Départ  du  Conscrit, 

Je  suis  t'-un  pauvre  conscrit 
De  l'an  mille  huit  cent  dix  ; 
Faut  quitter  le  Languedo , 
Le  Languedo,  le  Languedo , 

Oh! 
Faut  quitter  le  Languedo , 
Avec  le  sac  sur  le  dos. 

Le  maire ,  et  aussi  le  préfet , 
N'en  sont  deux  jolis  cadets; 
Us  nous  font  tirer  z'au  sort , 
Tiré  z'au  sort,  tiré  z'au  soit , 

Ort; 
Ils  nous  font  tiré  z'au  sort, 
Pour  nous  conduir'  z'à  la  mort. 

Adieu  don^,  mes  chers  parent 
N'oubliez  pas  votre  enfant  ; 
Grives  li  de  temps  er.  ter. 


POPULAIRES.  259 

De  temps  en  temps,  de  temps  en  temps. 

En; 
Crivés  li  de  temps  en  temps , 
Pour  lui  envoyer  de  l'argent. 

Adieu  donc ,  chères  beautés. 
Dont  nos  cœurs  sont  z'enchaiitéi  ; 
Ne  pleures  point  not'départ , 
Not'départ,  not'départ, 

Art; 
Ne  pleurez  point  not'départ  : 
Nous  reviendrons  tôt  z'ou  tard. 

Adieu  donc,  mon  tendre  cœur; 
Vous  consolerez  ma  sœur  : 
Vous  y  direz  que  Fan  fan , 
Que  Fanfan  ,  que  Fanfan , 

An  ; 
Vous  y  direz  que  Fanfan , 
Il  est  mort  z'en  combattant. 

Qui  qu'a  fait  cette  chanson , 
N'en  sont  trois  jolis  garçons; 
Ils  étiont  faiseux  de  bas  , 
Faiseux  de  bas ,  faiseux  de  bas , 

Ah; 
Ils  étiont  faiseux  de  bas  , 
Et  à  c't'heure  ils  sont  soldats. 


260  CHANSONS 


¥>e  I  oiainimesi*. 

Sais-tu  pourquoi  que  je  t'estime, 
Dis-moi  donc,  mon  cher  fourniment? 
C'est  qu'tu  fus  toujours  mon  intime, 
Depuis  quej'suis  t'au  régiment. 
A  demain  pour  monter  la  garde, 
Je  vais  t'blanchir  et  t'nétoillier, 
Pour  qu'on  admire  à  la  parade 
L'beau  fourniment  du  guernadier. 

Viens  toi ,  ma  charmante  giberne  : 
C'est  par  toi  que  j'vas  commencer, 
Toi ,  que  l'on  n'a  jamais  vu'  lerne 
Au  jour  qu'y  avait  du  danger! 
Ma  p'tit'  combien  tu  dois  ètr'  fière 
Tout  à  la  fois  de  renfermer 
Les  cheveux  d'ia  particulière 
Et  les  cartouch's  du  guernadier. 

Sabre  d'amour,  sabre  de  guerre , 
Tu  s'ras  toujours  le  défenseur 
De  la  cell'  qui  a  su  me  plaire, 
Et  qu'elle  a  su  toucher  mon  cœur. 
Malheur  à  c'tilà  qui  t'offense  : 
De  toi  il  doit  se  méfillier  ; 


POPULAIRES.  261 

Car  tu  coup's  les  ennemis  d!la  France, 
Comme  les  rivaux  du  guernadier. 

0  toi,  soutien  de  ma  vaillance, 
0  mon  fuzil ,  si  clair,  si  beau  ! 
Toi,  qui ,  pour  le  salut  d'ia  France, 
Serais  dans  l'cas  d'partir  dans  l'eau  ; 
Au  tripoli ,  fils  de  la  gloire  , 
Tu  dois  l'éclat  de  ton  acier, 
Comme  je  te  dois  la  victoiie, 
Vieux  compagnon  du  guernadier. 

Hàvre-sac,  ô  mon  tendre  frère! 
Que  sur  mon  dos  j'ai  tant  porté, 
Dans  la  Russi'  z'et  la  Bavière , 
Avec  mui  t'as  fièrement  trotté  ! 
Tu  renferm's  les  bas ,  la  chemise , 
L'fin  pantalon  d'drap  d'officier, 
Et  les  mouchoirs  que  la  payse 
Fit  présent  à  son  guernadier. 


Souvenirs  d'un  vieux  Militaire. 

Emile  Debreaux,  élève  du  Lycée  im- 
périal, puis  employé  à  la  Bibliothèque 
de  l'Ecole  de  Médecine,    préféra  une 


262  CHANSONS 

douteuse  indépendance  à  une  vie  régu- 
lière qui ,  sans  mener  à  la  fortune,  as- 
sure pourtant  l'existence.  Il  voulut  être 
chansonnier.  Ce  qui  ne  doit  pas  être  un 
état .  mais  le  délassement  de  l'homme 
de  lettres. 

La  misère  l'atteignit  ;  il  la  "brava-, 
mais  il  y  succomba  en  1831 ,  à  peine 
âgé  de  trente-trois  ans.  Sa  muse  fut  po- 
pulaire comme  sa  personne.  Il  ne  reste 
plus  de  lui  que  le  souvenir  de  nobles 
pensées  exprimées  parfois  avec  négli- 
gence ,  et  quelques  fleurs  jetées  sur  sa 
tombe  par  Béranger. 


Te  souviens-tu  ,  disait  un  capitaine 
Au  vétéran  qui  mendiait  son  pain  , 
Te  souviens-tu ,  qu'autrefois  dans  la  plaine 
Tu  détournas  un  sabre  de  mon  sein? 
Sous  les  drapeaux  d'une  mère  chérie, 
Tous  deux  jadis  nous  avons  combattu  ; 
Je  m'en  souviens ,  car  je  te  dois  la  vie  ; 
Mais  toi ,  soldat,  dis-moi,  t'en  souviens-tu  ? 

Te  souviens-tu  de  ces  jours  trop  rapides, 
Où  le  Français  acquit  tant  de  renom  ? 


,r<^Cx 


POPULAIRES.  263 

Te  souviens-tu  que  sur  les  pyramides, 
Chacun  de  nous  osa  graver  son  nom? 
Malgré  les  vents ,  malgré  la  terre  et  Tonde , 
On  vit  flotter,  après  l'avoir  vaincu, 
Notre  étendard  sur  le  berceau  du  monde  : 
Dis-moi ,  soldat ,  dis-moi ,  t'en  souviens-tu  ? 

Te  souviens-tu  que  les  preux  d'Italie 
Ont  vainement  combattu  contre  nous? 
Te  souviens-tu  que  les  preux  d'Ibérie 
Devant  nos  chefs  ont  plié  les  ger, 
Te  souviens-tu  qu'aux  champs  de  l'Allemagne , 
Nos  bataillons,  arrivant  impromptu, 
En  quatre  jours  ont  fait  une  campagne  : 
Dis-moi ,  soldat,  dis-moi,  t'en  souviens-tu  ? 

Te  souviens-tu  de  ces  plaines  glacées 
Ou  le  Français,  abordant  en  vainqueur, 
Vit  sur  son  front  les  neiges  amassées 
Glacer  son  corps  sans  refroidir  son  cœur? 
Souvent  alors,  au  milieu  des  alarmes, 
Nos  pleurs  coulaient ,  mais  notre  œil  abattu 
Brillait  encor  quand  on  volait  aux  armes  : 
Dis-moi ,  soldat,  dis-moi ,  t'en  souviens-tu  ? 

Te  souviens-tu  qu'un  jour  notre  patrie, 
Vivante  encor  descendit  au  cercueil, 
Et  que  l'on  vit  dans  Lutêce  flétrie 
Des  étrangers  marcher  avec  orgueil? 
Grave  en  ton  cœur  ce  jour  pour  le  mau  i  i 
Et  quand  Bellone  enfin  aura  paru, 


Qu'un  chef  jamais  n'ait  besoin  de  te  dire  : 
Dis-moi ,  soldat,  dis-moi ,  t'en  souviens-tu  ? 

Te  souviens -tu Mais  ici  ma  voix  tremble; 

Car  je  n'ai  plus  de  noble  souvenir; 

Viens-t'en ,  l'ami ,  nouspleureronsensemble, 

En  attendant  un  meilleur  avenir, 

Mais  si  la  mort ,  planant  sur  ma  chaumière, 

Me  rappelait  au  repos  qui  m'est  dû, 

Tu  fermeras  doucement  ma  paupière, 

En  me  disant  :  Soldat,  t'en  souviens-tu? 

Emile  Debreaux. 


lies  Adieux  de  ï.a  Tulipe. 

Jean  Monnet ,  dans  son  Anthologie , 
dit  que  cette  chanson  est  de  Christophe 
Mangenot  ,  commissaire  des  guerres 
dans  l'armée  du  maréchal  de  Saxe.  Elle 
fut  faite  en  1744,  dans  le  temps  des 
guerres  de  Flandre.  M.  Ourry,  dans  le 
recueil  des  Chants  et  chansons  populaires^ 
dit  qu'elle  est  de  i'abbé  Mangenot,  frère 
du  premier.  Mais  tous  les  recueils  du 


POPULAIRES.  265 

temps  l'attribuent  à  Voltaire,  à  qui  on 
en  a  attribué  d'autres  du  même  genre. 
Beaucoup  de  personnes,  à  cette  époque, 
l'en  croyaient  auteur,  et  elle  ne  nous 
semble  pas  indigne  de  lui. 

Malgré  la  bataille 
Qu'on  livre  demain , 
Çà,  faisons  ripaille, 
Charmante  Catin. 
Attendant  la  gloire, 
Goûtons  le  plaisir, 
Sans  lire  au  grimoire 
Du  sombre  avenir. 


Tiens ,  voilà  ma  pipe , 
Serre  mon  briquet; 
Et  si  La  Tulipe 
Fait  le  noir  trajet, 
Que  tu  sois  la  seule 
Dans  le  régiment. 
Qu'ait  le  brùle-gueule 
De  son  cher  amant. 

Si  la  hallebarde 
Je  puis  mériter, 
Près  du  corps-de-gar<i* 
Je  te  veux  planter, 


CHANSONS 

Avec  la  dentelle, 
Le  soulier  brodé , 
La  boucle  à  l'oreille. 
Le  chignon  cardé. 

Narguant  tes  compagne.? 
Méprisant  leurs  vœux. 
J'ai  fait  deux  campagnes 
Rôti  de  tes  feux. 
Digne  de  la  pomme, 
Tu  reçus  ma  foi , 
Et  jamais  rogomme 
Ne  fut  bu  sans  toi. 

Ah  !  retiens  tes  larmes, 
Calme  ton  chagrin , 
Au  nom  de  tes  charmes , 
Achève  ton  vin. 
Déjà  de  nos  bandes 
J'entends  les  tambours. 
Gloire,  tu  commandes  i 
Adieu,  mes  amours! 


Attribuée  à  VOLTAIRE 


Fanfnu  l-a  Tulipe. 

Comme  l'mari  d'notre  mère . 
Doit  toujours  s'appeler  papa , 


POPULAIRES.  267 

Je  vous  dirai  que  mon  père 
Un  certain  jour  me  happa; 
Puis  me  menant  jusqu'au  bas  dla  rampe , 
M'dit  ces  mots  qui  m'mirent  tout  sens 
«J'te  dirai ,  ma  foi ,    [d'sus  d'sous  : 
N'y  a  plus  rien  pour  toi , 
Rien  chez  nous  : 
Vlà  cinq  sous , 
Et  décampe. 
En  avant,  Fan  fan  La  Tulipe, 
Mill'  millions  d'un'  pipe, 
En  avant! » 

Puisqu'il  est  d'fait  qu'un  jeune  homme. 
Quand  il  a  cinq  sous  vaillant, 
Peut  aller  dTaris  à  Rome , 
Je  partis  en  sautillant. 
L'premier  jour  je  trottais  comme  un  ange , 
Mais  V  lendemain  j'mourais  quasi  de  faim. 
Un  r'cruteur  passa 
Qui  me  proposa.... 
Pas  d'orgueil , 
J'm'en  bats  l'œil, 
Faut  que  j'  mange. 
En  avant  Fanfan  La  Tulipe,  etc. 

Quand  j'entendis  la  mitraille, 
Coin  m' je  regrettais  mes  foyers  ! 
Mais  quand  j'vis  à  la  bataille 
Marcher  nos  vieux  grenadiers  : 


268  CHANSONS 

Un  instant,  nous  somm's  toujours  ensemble 
Ventrebleu!  me  dis-je  alors  tout  bas  : 
Allons  mon  enfant, 
Mon  petit  Fanfan , 
Vite  au  pas , 
Qu'on  n'dis'  pas 
Que  tu  trembles. 
En  avant,  Fanfan  La  Tulipe,  etc. 

En  vrai  soldat  de  la  garde , 
Quand  les  feux  étaient  cessés, 
Sans  regarder  la  cocarde , 
J'tena<xis  la  main  aux  blessés. 
D'insulter  des  homm's  vivant  encore, 
Quand  j'voyais  des  làch's  se  faire  un  jeu  : 
Ah!  mille  ventrebleu, 
Quoi!  d'vant  moi,  morbleu! 
J'souffrirais 
Qu'un  Français 
S'déshonore  ! 
En  avant,  Fanfan  La  Tulipe,  etc. 

Longtemps  soldat  vaill'  que  vaille, 
Quoiqu'au  d'voir  toujours  soumis, 
Un'fois  hors  du  champ  d'bataille, 
J'n'ai  jamais  connu  d'enn'mis  : 
Des  vaincus  la  touchante  prière 
M'fit  toujours  voler  à  leur  s'eours. 
P't-êtr1  que  c'que  pour  eux 
J'fais ,  les  malheureux 


POPULAIRES.  ifil 

I.'.':ont  un  jour, 
A  leur  tour, 
Pour  ma  mère. 
En  avant,  Fanfan  La  Tulipe ,  etc. 

A  plus  d'une  gentill'  friponne 
Maintes  fois  j'ai  fait  la  cour, 
Mais  toujours  à  la  dragonne  : 
C'est  vraiment  l'chemin  l'plus  court. 
Et  j'disais ,  quand  une  fille  un  peu  fière 
Sur  l'honneur  se  mettait  à  dada  : 
«  N'  tremblons  pas  pour  ça, 
Car  ces  vertus-là 
Tôt  ou  tard, 
Finiss'nt  par 
S'iaisser  faire.  » 
En  avant,  Fanfan  La  Tulipe,  etc. 

Mon  père  dans  l'infortune, 
M'app'la  pour  le  protéger; 
Si  j'avais  eu  d'ia  rancune 
Quel  moment  pour  me  venger! 
Mais  uu  franc,  un  loyal  militaire 
D'ses  parents  doit  toujours  être  l'appui 
Si  j'n'avais  eu  que  lui 
Je  s'rais  aujourd'hui 
Mort  de  faim  ; 
Mais  enfin , 
C'est  mon  père. 
En  avant,  Fanfan  La  Tulipe,  etc. 


îl)  CUANSONS 

Maintenant  je  me  repose 
Sous  le  chaume  hospitalier  • 
Et  j'y  cultive  la  rose 
Sans  négliger  le  laurier. 
D'mon  armur' je  détache  la  roui/le. 
Si  le  roi  m'app'lait  dans  les  combats , 
De  nos  jeunes  soldats 
En  guidant  les  pas  , 
J' m'écrirais  : 
«  J'  suis  Français! 
Qui  touche  mouille. 
En  avant,  Fanfan  La  Tulipe , 
Mill'  millions  d'un'  pipe, 
En  avant!  » 

Emile  Debreaux. 


lies  deux  Conscrits. 

«  Queu  douleur  !  faut  que  j'aille 
Vivre  loin  du  pays  ; 
J'aimons  pas  la  bataille, 
Car  j'ons  pas  d'ennemis. 
—  A  tout  je  me  conforme, 
J'partirai  sans  regrets  : 
Le  tambour,  l'uniforme 
Ont  pour  moi  tant  d'attrai'-1  ' 


POPLLAIRES. 

Ran  tan  plan ,  bis. 

j'aim'  ce  refrain  du  régiment. 
Ran  tan  plan,  ran  palaplan. 

—  J'ons  le  cœur  qui  me  serre 
Quand  j'vois  battre  un  dindon"; 
Pourrai-j'  ben  à  la  guerre 
Tuer  des  gens  pour  tout  d'bon  ? 

—  Les  enfants  de  la  France 
A  l'enn'mi  vont  gaiment, 
Et  pas  un  ne  balance 
Quand  on  crie  :  En  avant! 

Ran  tan  plan  ,  bis. 

Au  feu  l'on  court  en  chantant. 
Ran  tan  plan  ,  ran  pauplan. 

—  Après  une  bonne  affaire, 
On  revient  clopin  dopant. 

—  Mais  à  la  boutonnière 
Peut  briller  un  ruban. 

—  On  attrap'  quelqu'  torgnules , 

—  Mais  on  devient  sergctt. 

—  L'canon  vous  carambole 

—  On,  meurt  glorieus'ment. 

Ran  tan  plan ,  bii 

On  voit  l'ennemi  fuyant, 
Et  l'on  redit...  en  mourant  ; 
Ran  palaplan. 

—  Adieu  donc  au  village. 

~-;eZ  pou.    les  COfl» 


chanso?;s 

—  Et  nous,  par  not'  courage 
F'sons  honneur  au  pays. 

—  On  ne  peut  sans  souffrance 
De  lui  se  détacher. 

—  Gardons  tous  l'espérance 
De  revoir  son  clocher. 

Ran  tan  plan ,  bit. 

Amis,  la  gloir'  nous  attend, 
Ran  tan  plan  ,  ran  pataplan. 

Cogniard  frères. 


lia  Lettre  de  faire  part  y 
ou  la  Mort  du  Conscrit. 

Rose,  l'intention  d'ia  présente 
Est  d't'informer  de  ma  santé. 
L'armé'  française  est  triomphante, 
Et  moi  j'ai  l'bras  gauche  emporté. 
Nous  avons  eu  d'grands  avantages. 
La  mitraille  m'a  brisé  les  os. 
Nous  avons  pris  arm's  et  bagages. 
Pour  ma  part,  j'ai  deux  ball's  dans  l' dos. 

JVécris  à  l'hôpital,  d'où  j'pense 
Partir  bientôt  pour  chez  les  morts. 
J't'envoi'  dix  francs  qu'celui  qui  m'panse 
M'a  donné  pouf  avoir  mon  corps. 


POPULAIRES.  273 

Je  m'suis  dit .  puisqu'il  ftut  que 
Et  qu'ma  Ros'  perd  son  épouseur, 
Ça  fait  que  j' mourrai  plus  tranquille 
D'savoir  que  j'iui  laiss'  ma  valeur. 

Lorsque  j'ai  quitté  ma  vieill'  mère, 
Elle  expirait  sensiblement; 
A  l'arrivée  d'ma  lettr^,  j'espère 
Qu'ell'  sera  morte  entièrement. 
Car  si  la  pauvi^  femme  est  guérite  . 
Elle  est  si  bonn'  qu'elle  est  dans  l'cas 
De  sïair^  mourir  de  mort  subite 
A  la  nouvell'  de  mon  trépas. 

Pte  recommande  bien,  ma  p'tit'  Rose, 
Blon  pauvre  chien  :  nTabandonn'  pas, 
Et  surtout  n'iui  dis  pas  la  chose 
Qui  fait  qu'il  ne  me  r'verra  pas  ; 
Car  lui ,  qui  se  faisait  un'  le  te 
De  me  voir  rev'nir  caporal, 
Il  pleurerait  comme  une  bête 
En  apprenant  mon  sort  fatal. 

C'est  tout  d'même  un'  chos'  qui  m'en  rage. 
D'ètr'  fait  mourir  loin  du  pays; 
Car  lorsque  l'on  meurt  au  village, 
On  peut  dire  bonsoir  aux  amis; 
L'on  a  sa  place  derrièr' l'église, 
L'on  a  son  nom  sur  un'croix  d'buis  , 

té 


CHANSONS 

Et  l'on  peut  croir'que  la  payse 
Y  viendra  prier  quelquefois. 

Adieu!  Rose,  adieu!  du  courage! 
A  nous  r'voir  il  n'faut  plus  songer  ; 
Car  au  régiment  ou  fm'engage, 
On  n'vous  accorde  pas  de  congé. 
Via  tout  qui  tourne...  j'n'y  vois  goutte! 
Ah!  c'est  fini...  j' sens  que  j'nren  vas!.. 
J'viens  de  r'cevoir  ma  feuille  de  route. 
Adieu ,  Rose ,  adieu ,  n'm'oubli'  pas  ! 

Jaimk,  musique  de  Lhèritier. 


lie  Mtotelot  de  Bordeaux. 

Le  souvenir  de  cette  chanson  a  été 
conservé  par  un  paillasse  du  boulevard 
du  Temple ,  nommé  Rousseau ,  qui  fai- 
sait la  parade  devant  la  porte  du  spec- 
tacle de  la  danseuse  de  corde  Malaga , 
vers  1800,  avant  le  célèbre  Bobèche. 
C'est  une  de  ces  chansons  de  matelots 
que  l'on  chante  sur  les  ports  de  mer, 
et  qui  ne  manquent  ni  de  gaieté  ni 
d'originalité. 


POPULAIRE*.  Ti 

C'est  dans  la  ville  de  Bordeaux 
Qu'est  arrivé  trois  beaux  vaisseaux  : 
Les  matelots  qui  sont  dedans , 
Ma  foi ,  ce  sont  de  bons  enfants. 

Il  y  a  un'  dame  dans  Bordeaux 
Qu'est  éprise  d'un  matelot  : 
«  Ma  servante,  allez-moi  queri 
Le  matelot  le  plus  joli. 

—  Beau  matelot,  mon  bel  ami , 
Madame  vous  envoi'  queri; 
Montez  là-haut;  c'est  au  premier  : 
Collation  vous  y  ferez.  » 

La  collation  a  duré 
Trois  jours,  trois  nuits,  sans  déeesse» 
Mais  au  bout  de  trois  jours  passes 
Le  matelot  s'est  ennuyé. 

Le  matelot  s'est  ennuyé, 

Par  la  fenêtre  a  regardé  : 

«  Madam',  donnez-moi  mon  congé: 

Il  fait  beau  temps  :  j'veux  m'en  aller. 

—  Beau  matelot,  si  tu  t'en  vas, 
Bien  mal  de  moi  tu  parleras. 
Tiens,  voilà  cent  écus  comptés. 
Sera  pour  boire  à  ma  santé.  » 


CHANSONS 

Le  matelot,  en  s'en  allam, 
Fit  rencontre  du  président  : 
«  Beau  président,  beau  président. 
J'ai  tes  éeus  :  je  suis  content. 

—  Beau  matelot,  mon  bel  ami , 
Répète-moi  ce  que  t' as  dit. 
—Monsieur,  je  dis  qu'il  fait  beau  temp 
Pour  aller  sur  la  mer  voguant.  » 

Le  matelot,  dans  son  vaisseau, 
S'mit  à  cbanter  des  airs  nouveaux  : 
«  Vive  les  dames  de  Bordeaux 
Qui  aiment  bien  les  matelots!  » 


^e  Marin. 

Sur  l'Océan,  j'aime  à  passer  ma  vie; 
De  nos  cités,  moi  je  fuîs  la  rumeur. 
Gai  matelot,  la  mer  est  ma  patrie  ; 

C'est  là  qu'on  trouve  le  bonheur. 
Sur  terre,  hélas  !  la  vie  est  importune; 
Oui,  je  n'y  vois  que  chagrins  et  tourment: 

Ainsi  que  sur  mon  bâtiment , 
Gloire,  grandeurs  et  titres  et  fortune, 

Autant  en  emporte  le  vent.  bis, 


POPULAIRES.  277 

Dans  mes  amours  j'imite  l'hirondelle: 
J'aime  très-vite,  et  cela  pour  raison. 
A  mon  objet  je  puis  être  fidèle , 

Mais  seulement  pour  la  saison. 
De  lui  carder  à  jamais  ma  tendresse. 
A  mon  départ ,  je  lui  fais  le  serment  ; 

Mais  bientôt  sur  mon  bâtiment, 
Serments  d'amour  et  serments  de  maîtress* 

Autant  en  emporte  le  vent.  bit 

Quand  ballotté  par  les  flots  et  l'orage , 
Notre  navire  est  près  de  couler  bas, 
Nous  prions  Dieu  d'apaiser  le  tapage. 

Et  de  nous  sauver  du  trépas. 

Un  jurons  d'observer  l'abstinence, 
De  nous  priver  de  tabac  du  Levant; 

Et  quand  vogue  le  bâtiment, 
Serments  de  fous,  serments  de  tempe 

Autant  en  emporte  le  vent.  bis. 

I  fUf,  amis,  puisqu'il  faut  que  je  meure. 
Ah!  quedu  moins  ce  soit  sur  mon  vaisseau! 
Promettez-moi  qu'après  ma  dernière  heure 

La  mer  deviendra  mon  tombeau. 
Ne  cherchez  pas  de  menteuse  épitaphe; 
Qu'un  gros  requin  soit  mon  seul  monumen 

Un  regret  sur  le  bâtiment, 
Mais  pas  de  pleurs,  pas  dedeuil.  d'épi taphe. 

Autant  en  emporte  îe  vent.  bit. 


27$ 


JLa  Philosophie  du  Marin. 

Chacun  a  sa  philosophie  ; 
Un  marin  a  la  sienne  aussi. 
Sur  ma  frégate  je  défie 
Et  les  chagrins  et  les  soucis. 
Pour  les  dompter, 
Les  éviter, 
Toujours  j'embarque  avec  moi  la  folie. 
Dans  mon  hamac, 
Sur  le  tillac, 
Je  me  distrais  en  fumant  mon  tabac; 
Mais  quand  ma  pipe  est  allumée, 
Je  me  dis  :  Que  sont  les  grandeurs  ? 
Les  biens ,  l'amour  et  les  honneurs  ? 
Ma  foi ,  de  la  fumée. 

Comme  un  autre ,  dans  ma  jeunesse , 
J'ai  vécu  sur  le  continent , 
Et  je  me  dis  avec  tristesse  : 
La  terre  est  un  sot  élément. 

Plus  d'un  faquin, 

Jadis  Pasquin, 
N'y  paraît  grand  que  par  mainte  bassesse. 

Quand  de  son  char, 

Un  peu  plus  tard , 


POPULAIRES.  279 

Sur  nous  il  jette  un  coup  d'œil  goguenard. 
Mais  quand  pour  moi  la  mer  est  douce, 
Je  ris,  je  chante  sur  le  pont. 
Là  je  ne  crains  pas  qu'un  fripon 
En  passant  m'éclabousse. 

Traversant  la  mer  de  la  vie, 
Tâchons  d'arriver  à  bon  port; 
Soyons  sans  haine  et  sans  envie , 
Toujours  contents  de  notre  sort. 
De  la  gaité , 
De  la  santé. 
D'être  immortels  n'ayons  point  la  manie; 
•     Car  bien  souvent 
Le  plus  savant 
Voit  ses  écrits  emportés  par  le  vent. 
N'usons  donc  point  en  vain  notre  encre; 
L'onde  coule,  et  l'homme  s'en  va  , 
Et  corbleu!  dans  cette  mer-là, 
L'on  ne  jette  pas  l'ancre. 


Mse  Ménage  de  Garçou 

Je  loge  au  quatrième  étage , 
C'est  là  que  finit  l'escalier  ; 
Je  suis  ma  femme  de  ménage, 
Mon  domestique  et  mon  portier. 


>S0  CHANSONS 

Des  créanciers  quand  la  cohorte 
Au  logis  sonne  à  tour  de  bras, 
C'est  toujours,  en  ouvrant  ma  porte, 
Moi  qui  dis  que  je  n'y  suis  pas. 

De  tous  mes  meubles  l'inventaire 
Tiendrait  un  carré  de  papier; 
Pourtant  je  reçois  d'ordinaire 
Des  visites  dans  mon  grenier. 
Je  mets  les  gens  fort  à  leur  aises 
A  la  porte  un  bavard  maudit, 
Tous  mes  amis  sur  une  chaise , 
Et  ma  maîtresse  sur  mou  lit. 

Vers  ma  demeure  quand  tu  marches, 
Jeune  beauté,  va  doucement; 
Crois-moi,  quatre-vingt-dix-huit  marches 
Ne  se  montent  pas  lestement,. 
Lorsque  l'on  arrive  à  mon  gîte, 
On  se  sent  un  certain  émoi  ; 
Jamais  sans  que  son  cœur  palpite  , 
Une  femme  n'entre  chez  moi. 

Gourmands,  vous  voulez ,  j'imagine , 
De  moi  pour  taire  certain  cas, 
Avoir  l'état  de  ma  cuisine. 
Sachez  que  je  fais  trois  repas  .- 
Le  déjeuner  m'est  très-facile  , 
De  tous  côtés  je  le  reçjoi  : 
Je  ne  dine  jamais  qu'en  ville, 
Et  ne  soupe  jamais  chez  moi. 


POPULAlf.KS. 

Je  suis  riche ,  et  j'ai  pour  campagne 
Tous  les  environs  de  Paris  ; 
J'ai  mille  châteaux  en  Espagne  ; 
J'ai  pour  fermiers  tous  mes  amis. 
J'ai ,  pour  faire  le  petit-maitre , 
Sur  la  place  un  cabriolet; 
J'ai  mon  jardin  sur  ma  fenêtre, 
Et  mes  rentes  dans  mon  gilet. 

Je  vois  plus  d'un  millionnaire 
Sur  moi  s'égayer  aujourd'hui  : 
Dans  ma  ricliesse  imaginaire, 
Je  suis  aussi  riche  que  lui. 
Je  ne  vis  qu'au  jour  la  journée, 
Lui,  vante  ses  deniers  comptants  : 
Et  puis  à  la  tin  de  l'année, 
Nous  arrivons  en  même  temps. 

Un  grand  homme  a  dit  dans  son  livre 
Que  tout  est  bien  ,  il  m'en  souvient. 
Tranquillement  laissons-nous  vivre , 
Et  prenons  le  temps  comme  il  vient. 
Si ,  pour  recréer  ce  bas  monde, 
Dieu  nous  consultait  aujourd'hui , 
Convenons-en  tous  à  la  ronde, 
Nous  ne  ferions  pas  mieux  que  lui. 

Joseph  Pain.  Musique  de  Gaùudë, 


282 


lia  Philosophie. 

On  parle  de  philosophie  : 
On  ne  sait  pas  la  définir  ; 
Mais  la  seule  digne  d'envie, 
La  mienne,  enfin,  c'est  le  plaisir. 
Sourire  à  l'aimable  folie, 
Pour  mieux  jouir,  être  inconstant  • 
C'est  ainsi  qu'on  descend  gaîraent 
Le  fleuve  de  la  vie. 

Les  anciens  sages  de  la  Grèce 
N'étaient  pas  sages  tous  les  jours; 
On  a  vu  souvent  leur  sagesse 
Échouer  auprès  des  amours. 
Sourire  à  l'aimable  folie  ,  etc. 

Pour  composer  son  édifice 
L'abeille  se  nourrit  de  fleurs  ; 
Suivons  son  exemple  propice: 
Sachons  effleurer  tous  les  cœurs. 
Sourire  à  l'aimable  folie, 
Pour  mieux  jouir  être  inconstant: 
C'est  ainsi  qu'on  descend  gaiment 
Le  fleuve  de  la  vie. 

Seyvrw.  Musique  de  MEISSONNIER. 


POPULAIRES.  2*3 


Il  faut  souffrir  pour  le  plaisir. 

Il  n'est  pas  de  plaisir  sans  peine, 
Nous  dit  une  vieille  chanson. 
Cette  morale  est  pure  et  saine  , 
Et  je  l'adopte  sans  façon. 
Moi,  qui,  souvent  d'humeur  légère, 
Ai  changé  mon  goût,  mon  désir, 
Pour  bien  jouir  sur  cette  terre , 
J'ai  vu  ,  n'importe  la  manière  , 
Qu'il  faut  souffrir  pour  le  plaisir. 

Vous  avez  remarqué  sans  doute 
Que  le  premier  jour  de  l'hymen , 
Quand  du  logis  on  prend  la  route  , 
Jeune  épouse  pleure  soudain. 
Mais  la  maman ,  prudente  et  sage, 
Lui  dit,  au  moment  de  partir  : 
«  En  tout  faut  un  apprentissage; 
Allons ,  ma  tille ,  du  courage , 
Il  faut  souffrir  pour  le  plaisir.  » 

Lise  possédait  une  rose  , 
Et  Lise  n'avait  que  quinze  ans  ; 
Pour  la  cueillir  à  peine  éclose, 
Le  désir  enflamma  mes  sens. 
Je  la  cueillis,  je  vous  l'assure, 


23 i  CHANSONS 

Car  Tépine  se  fit  sentir. 
Dans  les  maux  que  depuis  j'endure. 
Je  dis ,  en  pansant  ma  blessure  : 
Il  faut  souffrir  pour  le  plaisir. 

Un  damoiseau  qu'amour  transporte , 
Attente  à  l'honneur  conjugal  : 
Le  mari  vient,  frappe  à  la  porte, 
Pour  lui  quel  contre-temps  fatal  I 
De  ces  lieux  comment  disparaître  : 
La  belle,  hélas!  par  oîi  sortir? 
Vous  pouvez  vous  blesser  peut-être 
Mais  je  ne  vois  que  la  fenêtre  : 
Il  faut  souffrir  pour  le  plaisir. 

Sur  mon  cœur,  en  pressant  ma  femme 
Au  milieud'un  vif  entretien , 
Je  lui  dis  ',  pour  doubler  notre  âme 
Qu'un  gentil  enfant  viendrait  bien  . 
Quel  bonheur  de  devenir  père! 
Mais  si  la  femme  doit  gémir, 
Que  sa  peine  lui  devient  chère 
Dans  les  doux  devoirs  d'une  mère  ! 
Il  faut  souffrir  pour  le  plaisir. 

Chano 


F-OPI'LAIRES. 


Le  Char  de  la  Vie. 

N'envions  pas  ces  chars  pompeux 
Que  Plutus  lance  dar.s  l'arène  : 
C'esi  l'ambition  qui  les  traine, 
Le  souci  voltige  autour  d'eux. 
Couvert  de  fleurs  et  de  feuillage 
Le  nôtre  roule  doucement, 
Et  le  plaisir,  en  souriant, 

Dirige  l'équipage. 
En  chantant ,  joyeux  troubadours, 
Pour  que  jamais  il  ne  de 
Attelons  au  char  de  la  vie 
Et  les  plaisirs  et  les  amours. 

Arrête,  gentil  conducteur, 

J'aperçois  gente  pèlerine, 

Et  de  la  rose  purpurine 

Son  gai  minois  a  la  fraicheur. 

Fais-la  monter  :  dieu  !  sa  main  tremble; 

Des  pleurs  mouillent  ses  yeux  si  doux  : 

Timide  enfant ,  rassurez-vous, 

Nous  voyageons  ensemble; 
K*  chantant,  joyeux  troubuduu: 

Mais  auprès  du  fils  de  Y 

Est  assis  le  dieu  de  la  treille . 


286  CHANSONS 

Sa  main  ,  d'une  grappe  vermeille , 
Sait  pressurer  le  divin  jus. 
Autour  de  nous  quel  cercle  aimable  ! 
Le  char  n'est-il  pas  arrêté  ? 
Ah  !  c'est  charmant  en  vérité, 

Nous  voyageons  à  table. 
En  chantant,  joyeux  troubadours,  etc. 

D'amour  s'amortissent  les  feux , 
Tu  disparais,  trop  chère  idole  , 
Et  c'est  la  poussière  qui  vole 
Qui  nous  fait  blanchir  les  cheveux. 
Le  jour  paraît,  et  dès  l'aurore, 
Qui  nous  ramène  ses  rayons  , 
Bacchus  nous  ranime,  espérons  : 

Notre  char  roule  encore. 
En  chantant,  joyeux  troubadours ,  etc. 

Mais  un  souffle  éteint  le  flambeau, 
Et  du  char  il  nous  faut  descendre. 
Amitié,  porte  notre  cendre 
Au  pied  d'un  fertile  coteau  : 
Endormis  sous  l'herbe  légère  , 
Parmi  les  fleurs  nous  renaitrons  : 
Heureux  destin  !  nous  parerons 

Le  sein  d'une  bergère! 
En  chantant,  joyeux  troubadours, 
Pour  que  jamais  il  ne  dévie  , 
Attelons  au  char  de  la  vie 
Et  les  plaisirs  et  les  amours. 


POPULAI! 


Te  Portrait  de  la  Vie. 

Un  sage  l'a  dit  autrefois  : 
Tout  est  vanité  sur  la  terre: 
Jeunes  et  vieux,  bergers  et  rois, 
Chacun  caresse  une  chimère. 
Craindre,  espérer,  douter  de  tout , 
Suivre  la  raison  ,  la  fulie , 
Jouir  un  peu,  souffrir  beaucoup  : 
Voilà  ce  que  c'est  que  la  vie.  bis. 

L'homme  puissant  feint  d'être  heureux, 

Le  lâche  affecte  du  courage  , 

Le  pervers  se  dit  vertueux , 

L'insensé  veut  paraître  sage  ; 

Cet  autre  ,  embrassant  son  rival , 

Est  dévoré  de  jalousie  ; 

C'est  à  qui  cachera  son  mal  : 

Voilà  ce  que  c'est  que  la  vie.  bis 

Faire  l'éloge  de  son  cœur, 
Se  plaindre  de  l'ingratitude  , 
Être  chatouilleux  sur  l'honneur 
Et  vicieux  par  habitude  ; 
Parler  toujours  déloyauté, 
User  souvent  de  perfidie, 


CHANSONS 

Faiblesse,  audace,  cruauté  : 

Voilà  ce  que  c'est  que  la  vie.  bis 

Du  hasard  tout  subit  la  loi  : 
Sans  le  vouloir  on  reçoit  l'être  ; 
On  aime  sans  savoir  pourquoi  ; 
On  s'égorge  sans  se  connaître  ; 
Pour  un  riche,  raille  indigents; 
Pour  l'indigent,  point  de  patrie  ; 
Pour  tout  le  monde  des  tourments  : 
Voilà  ce  que  c'est  que  la  vie.  bis. 

Désireux  de  ce  qu'on  n'a  pas , 
Fatigué  de  ce  qu'on  possède  , 
Frémir  à  l'aspect  du  trépas, 
Appeler  la  mort  à  son  aide  , 
Vouloir  embrasser  la  vertu, 
Retomber  dans  son  apathie, 
Et  mourir  comme  on  a  vécu  : 
Voilà  ce  que  c'est  que  la  vie.  bis. 


Les  Souvenirs. 

Nous  vieillissons,  ma  pauvre  bonne  amie, 
Hélas  !  le  temps  a  marbré  nos  cheveux , 
Et  notre  main ,  déjà  mal  affermie  , 
Trahit  souvent  nos  désirs  et  nos  vœux. 


POPULAIRES.  289 

Mais  si  l'hiver  qui  glaça  ma  musette , 
A  nos  plaisirs  vient  mettre  le  holà  ; 
Caressons-nous,  caressons-nous,  Lisette. 
Pour  endormir  encor  ce  regret-là.      bis. 

Te  souviens-tu  de  ce  bosquet  de  roses 
Qui  sur  mon  cœur  vit  ton  cœur  se  presser.' 
Là,  sous  tes  pas,  mille  fleurs  dem: 
Tout  doucement  t'invitaient  à  glisser. 
Où  sont  ces  fleurs,  témoins  de  ta  défaite? 
Sous  ces  remparts,  un  jour  on  les  foula. 
Caressons-nous,  caressons-nous,  Lisette'; 
Pour  endormir  encor  ce  regret-là.       bit. 

Te  souviens-tu  de  ce  vieil  uniforme 
Que  j'étrcnnai  si  bien  à  Friedland  ! 
Le  temps  enfin  Ta  mis  à  la  réforme  ; 
Le  bras  faiblit,  mais  le  cœur  est  brûlant. 
Ah  !  mon  habit,  parmi  ceux  qu'on  achète, 
Tu  ne  fus  pas  :....  Aussi  l'on  t'exila. 
Caressons-nous,  caressons-nous,  Lisette, 
Pour  endormir  encor  ce  regret-là.       bis. 

Te  souviens-tu  de  l'honorable  signe 
Qui  sur  mon  sein  brilla  dans  les  cent  jours? 
Ah  !  devait-on  m'en  déclarer  indigne  ! 
Mon  pays  seul  n'eut-il  pas  mes  amours? 
Mais  le  traitant,  qu'à  ma  place  on  breveté. 
Pour  l'obtenir,  que  de  preux  il  vola  ! 

19 


290  CHANSONS 

Caressons-nous,  caressons-nous,  Lisette, 
Pour  endormir  encor  ce  regret-là.      bis. 

Te  souviens-tu?...  Laissons-là  ma  misère  : 
Soyons  Français,  ne  pensons  plus  à  moi. 
Citons  plutôt  le  nouveau  Belisaire  , 
Dont  les  malheurs  ont  causé  tant  d'émoi 
Quoi  !  l'aigle  est  mort,  on  a  flétri  la  tête 
Qui  tant  de  fois  de  gloire  étincela! 
Caressons-nous,  caressons-nous.  Lisette, 
Pour  endormir  encor  ce  regret-là.      bis. 

EMILE  DEBRIAUX. 


lie  Hollandais. 

Un  Hollandais,  riche  comme  un  Crésus, 
Au  lourd  maintien  ,  à  face  ronde  , 

Se  dit  un  jour  !  «  Consacrons  mes  écus 
Aux  jouissances  de  ze  monde  ; 
Rassemblons  à  la  fois 
Les  objets  dont  le  choix 
Offre  au  mortel  la  plus  suave  ivresse 
Pour  me  bien  divertir  ce  soir, 
Dans  mon  logis  je  veux  avoir 
Pot  de  bière,  pipe  et  maîtresse.  » 


POPULAIRES.  291 

Il  va  chercher  au  fond  d'un  cul-de-sac  . 
Dans  la  plus  belle  tabagie  , 

Un  pot  de  bière,  une  once  de  tabac , 
Et  la  femme  la  plus  jolie. 
,  Il  reprend  son  chemin , 
Bière  et  tabac  en  main  , 

Et  sous  son  bras  l'objet  de  sa  tendresse; 
Il  revient  chez  lui  tout  joyeux 
D'avoir,  pour  contenter  ses  vœux  , 
Pot  de  bière  ,  pipe  et  maîtresse. 

Qu'un  Hollandais  doit  bénir  son  destin , 

Quand  il  boit,  qu'il  aime  et  qu'il  fume! 
A  ses  côtés  il  pose  un  verre  plein  , 

Et  puis  sa  pipe  qu'il  allume; 
Dans  an  fauteuil  à  bras 
Il  place  les  appas 
De  sa  moderne  et  robuste  Lucrèce. 

Mais,  dit-il ,  «  par  où  commencer  ? 

Qui  dois-je  d'abord  caresser? 

Pot  de  bière,  pipe  ou  maitresse?  » 

Il  prend  sa  pipe ,  et  puis  il  réfléchit 

Qu'il  devrait  commencer  par  boire. 
Il  prend  son  verre,  et  soudain  il  se  dit  : 
n  ,  l'amour  aura  la  victoire.  >= 
Mais  tout  en  se  hâtant, 
L'infortuné  répand 
Le  pot  de  bière;  et  cette  maladresse 
Fait  sauver  la  belle,  et  du  coup 


292 


Sa  pipe  s'éteint  :  il  perd  tout , 
Pot  de  bière ,  pipe  et  maîtresse. 

Faibles  mortels ,  c'est  ainsi  qu'à  vos  yeux 
Le  bonheur  s'envole  en  fumée , 

Soit  qu'à  l'amour  .vous  adressiez  vos  vœux, 
Soit  à  l'or,  à  la  renommée. 
Un  grand  perd  ses  États , 
Un  gourmand  un  repas  , 

L'auteur  sa  rime,  un  traitant  sa  richesse. 
Hélas!  au  moment  de  jouir, 
On  voit  tomber,  s'éteindre  ou  fuir 
Pot  de  bière,  pipe  et  maîtresse! 

Saint-Félix. 


I.e  roi  des  plaisirs  et  le  plaisir 
«les  rois. 

Sous  des  lambris  où  l'or  éclate 
Fouler  la  pourpre  et  l'écarlate, 
Sur  un  trône  dicter  des  lois, 

C'est  le  plaisir  des  rois. 
Sur  la  fougère  et  sur  Therbelte, 
Lire  dans  les  yeux  de  Lisette 
Qu'elle  est  sensible  à  nos  soupirs, 

C'est  le  roi  des  plaisirs.  bis 


POPULAIRES.  293 

Quelque  part  que  l'on  se  transporte , 

Être  entouré  d'une  cohorte, 

Voir  des  curieux  jusques  aux  tons , 

C'est  le  plaisir  des  rois. 
Quand  on  voyage  avec  Sylvie  . 
N'avoir  pour  toute  compagnie 
Que  les  amours  et  les  zéphyrs  , 

C'est  le  roi  des  plaisirs.  bis. 

Posséder  des  trésors  immenses , 
Briller  par  de  riches  dépenses , 
Commander  et  donner  des  lois, 

C'est  le  plaisir  des  rois. 
Toucher  l'objet  qui  sait  nous  plaire  ; 
Par  un  retour  tendre  et  sincère, 
Le  voir  sensible  à  nos  désirs, 

C'est  le  roi  des  plaisirs.  bis. 

Agir  et  commander  en  maître , 
Avec  la  poudre  et  le  salpêtre 
Fortement  appuyer  ses  droits. 

C'est  le  plaisir  des  rois. 
Quand  le  tendre  enfant  nous  couronne, 
Tenir  du  cœur  ce  qu'on  nous  donne, 
Ne  rien  devoir  qu'aux  doux  soupirs. 

C'est  le  roi  des  plaisirs.  Ois. 

Des  plus  beaux  bijoux  de  l'Asie 
Parer  une  beauté  chérie, 


294  CHANSONS 

En  charger  sa  tête  et  ses  doigts , 

C'est  le  plaisir  des  rois. 
Voir  une  petite  fleurette 
Toucher  plus  le  cœur  de  Nanette 
Que  perles,  rubans  et  saphirs , 

C'est  le  roi  des  plaisirs.  bis. 

Quand  on  est  heureux  à  la  guerre, 
En  informer  toute  la  terre, 
Publier  partout  ses  exploits, 

C'est  le  plaisir  des  rois. 
Lorsque  l'amour  nous  récompense , 
Goûter  dans  l'ombre  et  le  silence 
Le  fruit  de  nos  tendres  soupirs , 

C'est  le  roi  des  plaisirs.  bis. 

Avec  une  meute  bruyante, 
Remplir  les  forêts  d'épouvante, 
Réduire  des  cerfs  aux  abois , 

C'est  le  plaisir  des  rois. 
Avec  une  troupe  choisie, 
Chasser  à  grands  coups  d'ambroisie 
La  douleur  et  les  vains  soupirs, 

C'est  le  roi  des  plaisirs.  6m. 

Donner  dans  une  grande  fête 
Des  concerts  à  rompre  la  tête, 
Oh  l'on  entend  mugir  cent  voix, 
C'est  le  plaisir  des  rois. 


POPULAIRES.  29» 

Dans  un  petit  repas  tranquille 
Par  quelque  gentil  vaudeville , 
Du  cœur  exprimer  les  désirs, 
C'est  le  roi  des  plaisirs.  bi:. 

A  des  flatteurs ,  dont  la  souplesse 
S'avilit  jusqu'à  la  bassesse, 
Donner  souvent  les  beaux  emplois, 

C'est  le  plaisir  des  rois. 
Verre  en  main  près  de  ce  qu'on  aime , 
Railler  ceux  qu'une  ardeur  extrême 
De  l'ambition  rend  martyrs, 

C'est  le  roi  des  plaisirs.  bit. 

Panard. 


lies  Gueux. 

Il  ne  faut  pas  toujours  prendre  à  lf 
lettre  la  prétendue  philosophie  de: 
poètes  et  des  chansonniers. 

Les  gueux  sont  heureux  à  leur  ma 
nière;  et  si  l'on  est  bien  dans  un  gre 
nier  à  vingt  ans ,  on  y  est  bien  mal  à 
soixante. 


«29G  UIANSON'S 

Les  illusions  de  la  jeunesse  embel- 
lissent tout;  mais  son  imprévoyance 
prépare  à  la  vieillesse  de  tristes  jours. 

Si  l'on  peut  manger  sans  nappe 
quand  on  n'en  a  pas ,  et  dormir  sur  la 
paille  quand  on  manque  d'un  bon  lit , 
cela  ne  prouve  pas  qu'une  table  bien 
servie  soit  désagréable,  et  qu'on  dorme 
mal  sur  un  bon  matelas. 

Il  est  singulier  que  des  gens  d'esprit 
apotbéosent  le  cynisme  ,  et  que ,  parce 
qu'Homère  a  demandé  l'aumône  ,  qu'il 
était  aveugle ,  que  Cervantes  a  été  en 
prison ,  que  Camoëns  est  mort  à  l'hô- 
pital, on  croie  qu'il  soit  nécessaire,  pour 
être  heureux  et  pour  être  poé'te,  de  leur 
ressembler  par  les  disgrâces  du  sort, 
de  mendier  et  de  se  crever  les  yeux. 

Horace  n'en  faisait  pas  de  plus  mau- 
vais vers  quand  il  avait  bu  du  falerne  à 
ïibur,  et  Voltaire  n'en  était  pas  plus 
malheureux  parce  qu'il  avait  soixante 
mille  livres  de  rente. 

Ces  sortes  de  déclamations  sont  peut- 
être  une  consolation  pour  ceux  qui  n'ont 


roruLAUEs. 

rien  ;  mais  il  vaudrait  mieux  leur  ap- 
prendre à  avoir  quelque  chose. 

Si  Diogène  savait  se  passer  des  biens, 
'ppe  savait  en  user  :  sa  philosophie 
I  pas  la  plus  mau\  i 

On  a  dit  queBéranger,  auteur  de  ces 
deux  chansons,  avait  un  peu  de  ressem- 
blance avec  J.-J.  Rousseau  par  son  goût 
pour  les  paradoxes  et  la  misanthropie. 
La  première  partie  de  cette  proposition 
est  seule  vraie.  Béranger  aime  le  para- 
doxe; mais  le  paradoxe  en  chansons 
comme  il  sait  les  faire,  est  chose  déli- 
cieuse et  charmante.  Béranger  n'est 
point  misanthrope  ;  il  est  vrai  qu'il  n'a 
voulu  être  ni  académicien,  ni  repré- 
sentant du  peuple  ;  mais  il  n'a  pas  cessé 
de  chanter  malgré  ses  soixante -di.: 

Les  gueux ,  les  gueux 
Sont  des  gens  heureux  ; 
Ils  s'aiment  entre  eux. 

Vivent  les  gueux! 

Des  gueux  chantons  la  louange  , 
Que  de  gueux  hommes  de  bien  ' 


298  CHANSONS 

îl  faut  qu'enfin  l'esprit  venge 
L'honnête  homme  qui  n'a  rieu. 
Les  gueux ,  les  gueux,  etc. 

Oui,  le  bonheur  est  facile 
Au  sein  de  la  pauvreté  ; 
J'en  atteste  l'Évangile , 
J'en  atteste  ma  gai  té. 

Les  gueux ,  les  gueux ,  etc. 

Au  Parnasse  la  misère 
Longtemps  a  régné ,  dit-on  ; 
Quel  bien  possédait  Homère? 
Une  besace,  un  bâton. 

Les  gueux,  les  gueux,  etc. 
t 

Vous  qu'afflige  la  détresse , 
Croyez  que  plus  d'un  héros 
Dans  le  soulier  qui  le  blesse 
Peut  regretter  ses  sabots. 
Les  gueux ,  les  gueux ,  etc. 

Du  faste  qui  vous  étonne 
L'exil  punit  plus  d'un  grand; 
Diogène,  dans  sa  tonne, 
Brave  eu  paix  un  conquérant. 
Les  gueux,  les  gueux,  etc. 

D'un  palais  l'éclat  vous  frappe , 
Mais  l'ennui  vient  y  gémir. 


POPULAIRES.  29S 

On  peut  bien  manger  sans  nappe  : 
Sur  la  paille  on  peut  dormir. 
Les  gueux,  les  gueux,  etc. 

Quel  dieu  se  plaît  et  s'agite 
Sur  ce  grabat  qu'il  fleurit  ? 
C'est  l'Amour  qui  rend  visite 
A  la  Pauvreté  qui  rit. 

Les  gueux ,  .les  gueux ,  etc. 

L'amitié  que  l'on  regrette 
N'a  point  quitté  nos  climats  : 
Elle  triDque  à  la  guinguette, 
Assise  entre  deux  soldats. 

Les  gueux,  les  gueux 
Sont  des  gens  heureux; 
Ils  s'aiment  entre  eux. 

Vivent  les  gueux  ! 

'  DÉRANGER. 


I*e  Grenier. 

Je  viens  revoir  l'asile  où  ma  jeunesse 
De  la  misère  a  subi  les  leçons. 
J'avais  vingt  ans,  une  folle  maîtresse  , 
De  francs  amis  et  l'amour  des  chansons. 
Bravant  le  monde,  et  les  sots  et  les  sages. 


300  CHANSONS 

Sans  avenir,  riche  de  mon  printemps, 
Leste  et  joyeux,  je  montais  six  étages. 
Dans  un  grenier  qu'on  est  bien  à  vingt  ans  ! 

C'est  un  grenier,  point  ne  veux  qu'on  l'i- 
gnore. 
Là  fut  mon  lit  bien  chétif  et  bien  dur; 
Là  fut  ma  table;  et  je  retrouve  encore 
Trois  pieds  d'un  vers charbonné  sur  le  mur. 
Apparaissez,  plaisirs  de  mon  bel  âge, 
Que  d'un  coup  d'aile  a  fustigés  le  Temps. 
Vingt  fois  pour  vous  j'ai  mis  ma  montre 
[en  gage. 
Dans  un  grenier  qu'on  est  bien  à  vingt  ans  ! 

Lisette  ici  doit  surtout  apparaître, 
Vive  et  jolie,  avec  un  frais  chapeau. 
Déjà  sa  main  à  l'étroite  fenêtre 
Suspend  son  chàle  en  guise  de  rideau  ; 
Sa  robe  aussi  va  parer  ma  couchette  ; 
Respecte,  Amour,  ses  plis  longs  et  flottants. 
J'ai  su  depuis  qui  payait  sa  toilette. 
'  Dans  un  grenier  qu'on  est  bien  à  vingt  ans  ! 

A  table,  un  jour,  jour  de  grande  richesse, 
De  mes  amis  les  voix  brillaient  en  chœur, 
Quand  jusqu'ici  monie  un  cri  d'allégresse: 
«  A  Marengo,  Bonaparte  est  vainqueur  !  » 
Le  canon  gronde  ;  un  autre  chant  commence  ; 
Nous  célébrons  tant  de  faits  éclatants! 


POPULAIRES.  301 

Les  rois  jamais  n'envahiront  la  France. 
Dans  un  grenier  qu'on  est  bien  à  vingt  ans  ! 

Quittons  ce  toit  où  ma  raison  s'enivre. 
Oh  !  qu'ils  sont  loin  ces  jours  tant  regrettés  ! 
J'échangerais  ce  qu'il  me  reste  à  vivre 
Contre  un  des  mois  qu'ici  Dieu  m'a  comptés. 
Pour  rêver  gloire,  amour,  plaisir,  folie, 
Pour  dépenser  sa  vie  en  peu  d'instants, 
D'un  long  espoir  pour  la  voir  embellie , 
Dans  un  grenier  qu'on  est  bien  à  vingt  ans  : 

BÉRANGER. 


I/e  Flâneur. 

Air  de  la  Légère,  contredanse. 

Mi.  je  flâne;  bis. 

Oa'on  m'approuve  ou  me  condamne  ! 
Moi,  je  flâne,  0!>\ 

Je  vois  tout 
Je  suis  partout. 


Dos  sept  heures  du  matin  , 
Je  demande  à  !a  laitière 
Des  nouvelles  de  Nanterre 
Ou  bien  du  marché  voisin  ; 


302  CHASSONS 

Ensuite  au  café  je  flûte 
Un  verre  d'eau  pectoral 
Puis,  tout  en  mangeant  ma  flûte, 
Je  dévore  le  journal. 
Moi,  je  flâne,  etc. 

J'ai  des  soins  très-assidus 
Pour  les  Petites-Affiches  ; 
J'y  cherche  les  chiens  caniches 
Que  l'on  peut  avoir  perdus. 
Des  gazettes  qu'on  renomme 
Je  suis  le  premier  lecteur; 
Après  je  fais  un  bon  somme 
Sur  l'éternel  Moniteur. 

Moi,  je  flanc,  etc. 

Pressant  ma  digestion , 
Je  cours  à  la  promenade  ; 
Sans  moi ,  jamais  de  parade , 
Jamais  de  procession. 
Joignant  aux  mœurs  les  plus  sages 
La  gaité ,  les  sentiments , 
Je  m'invite  aux  mariages, 
Je  suis  les  enterrements. 
Moi ,  je  flâne ,  etc. 

J'inspecte  le  quai  nouveau 
Qu'on  a  bâti  sur  la  Seine; 
J'aime  à  voir  d'une  fontaine 
Tranquillement  couler  l'eau. 


POPULAIRES.  303 

Quelquefois,  une  heure  entière , 
Appuyé  sur  l'un  des  ponts , 
Je  crache  dans  la  rivière 
Pour  faire  des  petits  ronds. 
Moi,  je  flâne,  etc. 

Il  faut  me  voir  au  Palais , 
Debout  à  la  cour  d'assises; 
Près  des  caillettes  assises, 
Je  suis  tous  les  grands  procè*. 
De  l'antre  des  procédures 
Je  vole  chez  Martinet, 
Et  dans  les  caricatures 
Je  vois  souvent  mon  portrait. 
Moi,  je  flâne,  etc. 

Almanach  royal  vivant, 
Je  connais  chaque  livrée , 
Chaque  personne  titrée 
Et  tout  l'Institut  savant. 
Chaque  généalogie 
Se  logeant  dans  mon  cerveau, 
Je  pourrais,  par  mon  génie, 
Siéger  au  conseil  du  sceau. 
Moi,  je  flâne,  etc. 

Sur  les  quais,  comme  un  savaa*. 
En  prudent  bibliomane . 
Je  fais ,  devant  une  manne , 
Une  lecture  en  plein  vent. 


304  CHANSONS 

Si  je  trouve  un  bon  ouvrage , 
Je  sais ,  en  flâneur  malin , 
Faire  une  corne  à  la  page , 
Pour  lire  le  lendemain. 
Moi,  je  flâne,  etc. 

Quand  le  soleil  est  ardent, 
Pour  ne  point  payer  de  chaise 
Et  me  reposer  à  Taise , 
Je  m'étale  sur  un  banc. 
A  Coblentz ,  aux  Tuileries . 
Observateur  fortuné, 
Combien  de  femmes  jolies 
Me  passent...  devant  le  nez! 

Moi,  je  flâne,  etc. 

Las  de  m'être  promené , 
Je  vais ,  en  gai  parasite, 
Rendre  à  mes  amis  visite 
Quand  vient  l'heure  du  diné. 
Par  une  mode  incivile, 
S'il  arrive ,  par  malheur, 
Qu'hélas  !  ils  dînent  en  ville , 
Alors  je  dine  par  cœur. 

Moi,  je  flâne,  etc. 

Le  soir,  près  des  étourneaux , 
A  mon  café  je  babille 
Sur  les  effets  d'une  bille, 
Sur  un  coup  de  dominos 


POPULAIRES.  305 

Je  fais  la  paix  ou  la  guerre 
Arec  quelque  vieux  nigaud, 
Qui  sable  un  cruchon  de  bière 
En  raisonnant  comme  un  pot. 

Moi,  je  flâne,  etc. 

Enfin  soyez  avertis 

Que  je  ne  vais  au  spectacle 

Que  quand,  par  un  grand  miracle, 

Les  Français  donnent  gratis. 

Sans  maîtresse  et  sans  envie, 

Buvant  de  l'eau  pour  soutien , 

Ainsi  je  mène  la  vie 

D'un  joyeux  épicurien. 

Moi,  je  flâne;  bis. 

Qu'on  m'approuve  ou  me  condamne  ! 
Moi,  je  Dàne,  bis. 

Je  vois  tout, 
Je  suis  partout. 

Casimir  Méjcétrier. 


les  Raretés, 

On  dit  qu'il  arrive  ici 
Une  compagnie 

20 


306  CHANSONS 

Meilleure  que  celle-ci 

Et  bien  mieux  choisie. 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent,  Jeuu 
Va-t'en  voir  f'ils  viennent. 

Un  abbé  qui  n'arme  rien 

Que  le  séminaire, 
Qui  donne  aux  pauvres  son  bien, 

Et  dit  son  bréviaire. 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent,  Jean  j 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent. 

Un  magistrat  curieux 

De  jurisprudence, 
Et  qui ,  devant  deux  beaux  yeux , 

Tient  bien  la  balance. 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent,  Jean , 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent. 

Une  fille  de  quinze  ans, 

D'Agnès  la  pareille, 
Qui  pense  que  les  enfants 

Se  font  par  l'oreille. 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent,  Jean, 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent. 

Une  femme  et  son  époux , 

Couple  bien  fidèle; 
Elle  le  préfère  à  tous , 

Et  lui  n'aime  qu'elle. 


popllaip.es.  307 

y»-t'en  voir  s'ils  viennent,  Jean  , 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent. 

Un  chanoiDe  dégoûté 

Du  bon  jus  d'octobre; 
Un  auteur  sans  vanité; 

Un  musicien  sobre. 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent,  Jean  . 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent. 

Un  Breton  qui  ne  boit  point  : 

Un  Gascon  tout  bète  ; 
Un  Normand  franc  de  tout  point: 

Un  Picard  sans  tète. 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent,  Jean. 

Va-t'en  voir  s'ils  viennent. 

Une  femme  que  le  temps 

A  presque  flétrie , 
Qui  voit  des  appas  naissants 

Sans  aucune  envie. 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent,  Je, 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent. 

Une  belle  qui,  cherchant 

Compagne  fidèle, 
La  choisit  en  la  sachant 

Plus  aimable  qu'elle. 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent . 

Va-t'en  voir  s'ils  viennent. 


308  CHANSONS 

Un  savant  prédicateur 

Comme  Bourdaloue , 
Qui  veut  toucher  le  pêcheur 

Et  craint  qu'on  le  loue. 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent,  Jean, 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent. 

Une  nonne  de  Lonchamps , 

Belle  comme  Astrée, 
Qui  brûle,  en  courant  les  champs, 

D'être  recloitrée. 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent,  Jean  , 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent. 

Un  médecin  sans  grands  mots , 

D'un  savoir  extrême , 
Qui  n'ordonne  point  les  eaux 

Et  guérit  lui-même. 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent,  Jean  , 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent. 

Et,  pour  bénédiction, 

Nous  aurons  un  moine 
Fort  dans  la  tentation  , 

Comme  saint  Antoine. 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent ,  Jean , 
Va-t'en  voir  s'ils  viennent. 

De  La  Motte. 


POPULAIRES.  309 


I*e  Vin,  les  Femmes  et  le  Tabac. 

Quand  j'ai  ma  pipe  bien  aimée , 
Mon  seul  trésor,  mes  seuls  amours, 
Lorsque  s'exhale  sa  fumée, 
Je  vois  renaître  mes  beaux  jours. 
Lorsqu'un  nuage  me  contourne, 
Ah  !  je  suis  plus  heureux  qu'un  roi  !  bis. 
Combats,  victoir's,  tout  cela  tourne, 
Tout  cela  tourne  autour  de  moi.        ter. 

Moi  je  dis  :  Vive  une  maîtresse! 
Il  m'en  faut,  j'en  veux  à  foison  ; 
Gaiment  je  change  de  tendresse 
Quand  je  change  de  garnison. 
Dans  chaque  endroit  où  je  séjourne, 
Fille  ou  veuve,  cède  à  ma  loi  ;  bis 

Oui ,  chaque  tète  tourne,  tourne, 
Chaque  tète  tourne  pour  moi.     '      ter. 

Moi ,  le  vin  seul  me  met  en  veine , 
Lorsque  j'en  bois  avec  ardeur, 
P'tit  à  p'iit  j'devieus  capitaine', 
J'suis  général,  puis  empereur. 
Près  de  moi  le  plaisir  séjourne , 
Dans  le  paradis  je  me  crois ,  bis. 

Lorsque  tout  tourne ,  tourne ,  tourne , 
Lorsque  tout  tourne  autour  de  moi.  ter, 


310  CHASSONS 


ï-es  nouions. 


Bans  un  pays  que  chacun  peut  connaître, 
Au  temps  jadis  vivaient  nombreux  jrou- 
[ peaux; 
Mais  les  bergers  voulaient,  comme  le  maître 
Dimer,  tailler,  tondre  jusqu'aux  agneaux. 
Pour  s'affranchir  de  ce  joug  tributaire, 
La  gent  qui  hèle  un  îour  se  révolta. 
Pauvres  moutons,oh!  vous  avez  beau  faire, 
Toujours  on  vous  tondra. 

Grande  rumeur  ï  on  prit  les  chiens  pour 
[guide  , 
C'était  gémir  sous  de  nouveaux  tyrans. 
On  vit  bientôt  cette  race  perfide 
Se  transformer  en  des  loups  dévorants. 
Jour  de  terreur!  Leur  rage  sanguinaire 
Sur  ce  beau  sol  trop  longtemps  s'exerça. 
Pauvres  moutons,  oh  !  vous  avez  beau  faire, 
Toujours  on  vous  tondra. 

Sire  lion,  d'un  courage  indomptable, 
Vint  à  régner  en  ce  temps  désastreux. 
Gloire,  revers,  splendeur  trop  peudurable, 
Ont  signalé  son  empire  orageux. 


POPULAIRES.  3-U 

Le  léopard  trembla  dans  son  repaire; 
Mais  que  d'agneaux  ce  triomphe  coûta! 
Pauvres  moutons,  oh!  vous  avez  beau  faire, 
Toujours  on  vous  tondra. 

On  vit  bientôt  mille  hordes  sauvages 
Fondre  du  Nord  sur  ces  bords  de  - 
On  s'adjugea  de  riches  pâturages 
Pour  secourir  des  frères  accablés. 
Le  reste  échut  au  fermier  solidaire, 
Qui  par  traités  en  toisons  s'acquitta. 
Pauvi  es  moutons,  oh!  vous  avez  beau  faire, 
Toujours  on  vous  tondra. 

Robin  mouton,  favori  du  despote, 
Eut  après  lui  la  bergerie  à  bail. 
Flatteur  adroit  et  fourbe  patriote, 
A  l'étranger  il  vendait  le  bercail. 
On  paya  bien  son  zèle  mercenaire; 
Il  voulait  paître,  et  paitre  on  l'envoya. 
Pauvres  moutons,  oh!  vous  avez  beau  faire, 
Toujours  on  vous  tondra. 

Ah  !  quand  pourrai-je  aux  rives  de  la  Seine 
Voir  nos  moutons  jouir  d'un  sort  plus 
[doux, 
Et  pour  eux  seuls  fertilisant  la  plaine, 
Croître  et  bondir  sans  la  crainte  des  loups! 
En  attendant  cet  appui  tutelaire 
Que  chaque  maitre  à  son  tour  promettra, 


312  CHANSONS 

Pauvres  moutons,  oh!  vous  aurez  beau 
[  faire 
Toujours  on  vous  tondra. 

Attribuée'à  Déranger. 


lie  vrai  Buveur. 

Adam  Billaut,  connu  sous  le  nom  de 
Maître  Adam,  était  menuisier  à  Ne- 
vers.  Il  vécut  sur  la  fin  du  règne  de 
Louis  XIII ,  et  pendant  les  vingt  pre- 
mières années  du  règne  de  Louis  XIV. 
Les  poètes  de  son  temps  l'appelèrent  le 
Virgile  au  rabot.  Il  faisait  ses  vers  au 
milieu  de  ses  outils  et  de  ses  bouteilles. 
Il  donna  à  ses  recueils  les  titres  de 
Chevilles  et  de  Vilebrequins. 

Sa  chanson  a  été  retouchée  par  une 
main  moderne. 

Aussitôt  que  la  lumière 
A  redoré  nos  coteaux  , 
Je  commence  ma  carrière 
Par  visiter  mes  tonneaux. 


POPULAIRES.  313 

Ravi  de  revoir  l'aurore , 
Le  verre  en  main  je  lui  dis  : 
Vois-tu  sur  la  rive  maure 
Plus  qu'à  mon  nez  de  rubis  ? 

Le  plus  grand  roi  de  la  terre , 
Quand  je  suis  dans  un  repas , 
S'il  me  déclarait  la  guerre , 
Ne  m'épouvanterait  pas. 
A  table  rien  ne  m'étonne  , 
Et  je  pense ,  quand  je  bois , 
Si  là-haut  Jupiter  tonne, 
Que  c'est  qu'il  a  peur  de  moi. 

Si  quelque  jour,  étant  ivre , 
La  mort  arrêtait  mes  pas  , 
Je  ne  voudrais  pas  revivre 
Pour  changer  ce  doux  trépas. 
Je  m'en  irais  dans  l'Averne 
Faire  enivrer  Alecton , 
Et  bâtir  une  taverne 
Dans  le  manoir  de  Pluton. 

Par  ce  nectar  délectable , 
Les  démons  étant  vaincus, 
Je  ferais  chanter  au  diable 
Les  louanges  de  Bacchus. 
J'apaiserais  de  Tantale 
La  grande  altération  ; 
Et,  passant  l'onde  infernale, 
Je  ferais  boire  Ixion... 


314  CHANSONS 

Au  bout  de  ma  quarantaine , 
Cent  ivrognes  m'ont  promis 
De  venir  la  tasse  pleine  , 
Au  gite  où  l'on  m'aura  mis. 
Pour  me  faire  une  hécatombe 
Qui  signale  mon  deslin, 
Ils  arroseront  ma  tombe 
De  pius  de  cent  brocs  de  vin. 

De  marbre  ni  de  porphyre 
Qu'on  ne  fasse  mon  tombeau  ; 
Pour  cercueil  je  ne  désire 
Que  le  contour  d'un  tonneau; 
Je  veux  qu'on  peigne  ma  trogne 
Avec  ces  vers  à  l'entour  : 
Ci-git  le  plus  grand  ivrogne 
Qui  jamais  ait  vu  le  jour. 

Maitre  Adam. 


Jouissons  du  temps  présent. 

Le  fameux  comte  de  Bonneval,  après 
avoir  servi  avec  distinction  sous  Cati- 
nat  et  Vendôme ,  eut  quelques  mécon- 
tentements, et  quitta  sa  patrie  en  1706 


Pupi:  315 

pour  se  mettre  au  service  de  l'Autriche. 
Il  fut  condamné  à  avoir  la  tête  tran- 
chée ;  mais  après  s'être  mis  à  l'abri  chez 
les  impériaux,  et  avoir  battu  les  Turcs 
avec  le  prince  Eugène ,  il  quitta  le 
service  de  l'empereur,  alla  en  Turquie 
se  faire  musulman,  et  devint,  sous  le 
nom  de  Soliman,  pacha  de  Romélie.  Il 
mourut  en  1747,  et  sa  vie  aventureuse 
a  donné  lieu  à  une  foule  de  mém cires 
apocrvphes.  La  jolie  chanson  :  Nous 
n'avons  qu'un  temps  à  vivre ,  est  une  des 
boutades  épicuriennes  de  sa  jeunesse. 

Nous  n'avons  qu'un  temps  à  vivre  , 
Amis  ,  passons-le  gairnent  ; 
Que  celui  qui  duit  le  suivre 
Ne  nous  cause  aucun  tourment. 

A  quoi  sert  d'apprendre  l'histoire? 
N'est-ce  pas  la  même  partout? 
Apprenons  seulement  à  boire  : 
Quand  on  sait  bien  boire  on  sait  tout. 

Nous  n'avons  qu'un  temps  à  vivre,  etc. 

Qu'un  tel  soit  général  d'armée  ; 
Que  l'Anglais  succombe  sous  lui  . 


il 6  CHANSONS 

Moi  qui  vis  bien  sans  renommée , 
Je  ne  veux  vaincre  que  l'ennui. 
Nous  n'avons  qu'un  temps  a  vivre,  etc. 

A  parcourir  la  terre  et  l'onde  , 
On  perd  trop  de  temps  en  chemin  ; 
Faisons  plutôt  tourner  le  monde 
Par  l'effet  de  ce  jus  divin. 
Nous  n'avons  qu'un  temps  à  vivre,  etc. 

Qu'un  savant  à  voir  les  planètes 
Occupe  son  plus  beau  loisir; 
Je  n'ai  pas  besoin  de  lunettes 
Pour  apercevoir  le  plaisir. 
Nous  n'avons  qn'un  temps  à  vivre,  etc. 

Qu'un  avide  alchimiste  exhale 
Sa  fortune  en  cherchant  de  l'or; 
J'ai  ma  pierre  philosophale 
Dans  un  cœur  qui  fait  mon  trésor. 
Nous  n'avons  qu'un  temps  à  vivre,  etc. 

Au  grec,  à  l'hébreu  je  renonce  : 

Ma  maîtresse  entend  le  français; 

Snùt  qu'à  boire  je  prononce , 

Elle  me  verse  du  vin  frais! 
Nous  n'avons  qu'un  temps  à  vivre, 
Amis ,  passons-le  gaiment; 
Que  celui  qui  doit  le  suivie 
Ne  nous  cause  aucun  tourment. 

Le  comte  de  Bonneval. 


POPCLAIRES.  3ï7 


Fanehon. 

Amis ,  il  faut  faire  une  pause  : 
J'aperçois  l'ombre  d'un  bouchon  ; 
Buvons  à  l'aimable  Fanehon, 
Pour  elle  faisons  quelque  chose. 
Ah!  que  son  entretien  est  doux, 
Qu'elle  a  de  mérite  et  de  gloire! 
Elle  aime  à  rire,  elle  aime  à  boire, 
Elle  aime  à  chanter  comme  nous. 

Fanehon ,  quoique  bonne  chrétienne , 

Fut  baptisée  avec  du  vin  ; 

Un  Allemand  fut  son  parrain 

Une  Bretonne  sa  marraine. 

Ah!  que  son  entretien  est  doux .  etc. 

Elle  préfère  une  grillade 

Au  repas  le  plus  délicat; 

Son  teint  prend  un  nouvel  éclat, 

Quand  on  lui  verse  une  rasade. 

Ah  !  que  son  entretien  est  doux  ,  etc. 

Si  quelquefois  elle  est  cruelle , 
C'est  quand  on  lui  parle  d'amour; 


Ï18  CHANSONS 

Mais ,  moi ,  je  ne  lui  fais  la  cour 

Que  pour  m'enivrer  avec  elle. 

Ah!  que  son  entretien  est  doux,  etc. 

Un  jour  le  voisin  La  Grenade 
Lui  mit  la  main  dans  son  corset  : 
Elle  riposta  d'un  soufflet 
Sur  le  museau  du  camarade. 
Ah  !  que  son  entretien  est  doux  , 
Qu'elle  a  de  mérite  et  de  gloire  ! 
Elle  aime  à  rire,  elle  aime  à  boire, 
Elle  aime  à  chanter  comme  nous. 


lie  Cabaret. 

A  boire  je  passe  ma  vie , 
Toujours  dispos,  toujours  content; 
La  bouteille  est  ma  bonne  amie, 
Et  je  suis  un  amant  constant. 
Au  cabaret  j'attends  l'aurore  : 
Du  vin  tel  est  l'heureux  effet, 
La  nuit  souvent  me  trouve  encore 
Au  cabaret. 

Si,  frappé  de  quelques  alarmes , 
Mon  cœur  éprouve  du  chagrin , 
Soudain  on  voit  couler  mes  larmes  ; 
Mais  ce  sont  des  larmes  de  vin. 


POPULAIRES.  319 

Je  bois  ,  je  bois  à  longue  haleine. 
Du  vin  tel  est  l'heureux  effet, 
Le  malheureux  n'a  plus  de  peine 

Au  cabaret.  bis. 

Si  j'étais  maître  de  la  terre  , 
Tout  homme  serait  vigneron  ; 
Au  dieu  d'amour  toujours  sincère 
Bacchus  serait  mon  Cupidon. 
Je  ne  quitterais  plus  sa  mère, 
Car,  de  la  cour  un  juste  arrêt 
Ferait  du  temple  de  Cythère 

Un  cabaret.  h>is. 

Auteurs  qui  courez  vers  la  gloire, 
Bien  boire  est  le  premier  talent  : 
Bacchus  au  temple  de  mémoire 
Obtient  toujours  le  premier  rang. 
Un  tonneau  ,  voilà  mon  Pégase, 
Ma  lyre ,  un  large  robinet  ; 
Et  je  trouve  le  mont  Parnasse 

Au  cabaret.  bis. 


Commençons  la  Semaine. 

Commençons  là  semaine  : 
Qu'en  dis-tu,  cher  voisin"" 


320  CHANSONS 

Commençons  par  le  vin  , 

Nous  finirons  de  même. 

Vaut  bien  mieux  moins  d'argent, 
Chanter,  danser,  rire  et  boire; 

Vaut  bien  mieux  moins  d'argent, 
Rire  et  boire  plus  souvent. 

On  veut  me  faire  accroire 

Que  je  mange  mon  bien  ; 

Mais  on  se  trompe  bien , 

Je  ne  fais  que  le  boire. 

Vaut  bien  mieux  moins  d'argent,  etc. 

Si  ta  femme  querelle , 

Dis-lui ,  pour  l'apaiser, 

Que  tu  veux  te  griser, 

Pour  la  trouver  plus  belle. 

Vaut  bien  mieux  moins  d'argent,  etc. 

Le  receveur  des  tailles 

Dit  qu'il  vendra  mon  lit. 

Je  me  moque  de  lui  : 

Je  couche  sur  la  paille. 

Vaut  bien  mieux  moins  d'argent,  et 

Au  compte  de  Barème 
Je  n'aurai  rien  perdu, 
Je  suis  venu  tout  nu , 
Je  m'en  irai  de  même. 
Vaut  bien  mieux  moins  d'argent,  etc. 


POPULAIRES. 

Providence  divine , 

Qui  veilles  sur  nos  jours, 

Conserve-nous  toujours 

I,a  cave  et  la  cuisine. 

Vaut  bien  mieux  moins  d'argent , 

Chanter,  danser,  rire  et  boire; 

Vaut  bien  mieux  moins  d'argent 

Rire  et  boire  plus  souvent. 


Scrutin  des  Buveur*. 
Air  :  Tant  qu'il  reste  une  goutte  encore. 

On  vote  de  bien  des  façons, 
Aux  chambres  ,  à  l'Académie  : 
Joyeux  buveurs,  nous  ne  votons 
Que  pour  juger  mainte  folie 

Mainte  folie, 
Où  se  fera  notre  festin? 
Aurons-nous  quelque  femme  aimable? 
Boit-on  du  Bcaune  ou  du  Thorrin? 
Quand  nous  votons ,  ce  n'est  qu'à  table , 

Ce  n'est  qu'à  table. 
Il  faut  un  moyen  convenable 
De  voter  le  verre  à  la  main.  lis. 

Voter  par  assis  et  levé  : 

Nos  jambes  nous  portent  à  peine. 

2A 


CBANSOHS 

Pour  faire  un  vote  motivé , 

Ma  langue  éprouve  quelque  gêne , 

Quelque  gêne. 
Avec  des  boulettes  de  pain 
Peut-on  voler  par  blanche  et  noire? 
Faut-il,  pour  écrire  un  scrutin, 
Changer  son  verre  en  écritoire, 

En  écritoire? 
Votons ,  si  vous  voulez  m'en  croire  , 
Par  verre  vide  et  verre  plein.  bis. 

Les  rétrogrades  voteront, 
Leur  verre  plein  d'un  froid  liquide; 
Les  gens  de  progrès  montreront 
Jusqu'au  fond  de  leur  cristal  vide, 

Leur  cristal  vide. 
Le  centre  ,  toujours  incertain  , 
Remplissant  et  vidant  son  verre  , 
Votera,  l'air  calme  et  serein, 
Pour  ceux  qui  font  meilleure  chère, 

Meilleure  chère. 
Mais  toujours  au  doux  bruit  du  verre, 
Par  verre  vide  et  verre  plein.  bis. 

Parfois  on  est  en  désaccord 
Au  sein  d'un  docte  aréopage  , 
Lorsqu'il  arrive  que  d'abord 
La  majorité  se  partage, 

Se  partage. 
Nous  qui  votons  avec  du  vie  , 


POMJLi  323 

Si  parfois  la  lutte  s'engage, 

s  plutôt  jusqu'à  demain  . 
Chez  nous ,  voyez  quel  avantage, 

Quel  avantage, 
On  recommence  un  balîôlage 

:  re  vide  et  verre  plein.  bis. 

Pour  essayer,  j'ai  deux  projets 
A  soumettre  à  votre  lumière  : 
Applaudira-t-on  mes  couplets , 
Yotera-t-on  à  ma  manière  , 

A  ma  manière? 
De  mon  vote  et  de  mon  refrain , 
Qu'à  l'instant  le  sort  se  décide  : 
Par  acclamation  soudain , 
Votez  tous ,  d'une  soif  avide , 

Soif  avide , 
En  montrant  chaque  verre  vide, 
En  vidant  chaque  verre  plein.  bw. 

àUBXASDU  DD  COLOMWÏ'i. 


Vire  le  Vin 

vive  le  vin  ! 
Je  veux  jusqu'à  la  tin 


Î24 


Pelit  ou  grand, 
Un  homme  est  toujours  franc, 
Loyal  et  bon  vivant, 
S'il  boit  sec  et  souvent. 

A  mon  amie, 
Jeune  et  jolie, 
Moi  je  consacre  et  l'amour  et  le  vin. 
Joyeuse  vie , 
Point  d'insomnie, 
Aimons  tous  deux,  buvons  jusqu'à  demain 
Mon  Adèle , 
Toute  belle, 
Boit  gaîment  de  ce  jus  divin  ; 
Avec  elle , 
Moi  près  d'elle , 
Nous  chantons  ce  joyeux  refrain  : 
Vive  le  vin  !  etc. 

Qu'épris  de  ses  attraits  , 
D'autres  chantent  Glicère  ; 
Je  ris  de  leurs  couplets , 
Je  n'aimerai  jamais. 
Au  comble  de  mes  souhaits, 
Quand  je  remplis  mon  verre, 
Je  savoure  à  longs  traits 
Tous  les  plaisirs  parfaits. 
Vive  le  vin  !  etc. 

Quelle  folie , 
Quelle  manie, 


POITLAIftES.  325 

:  er  l'amour  à  ce  bon  vin  ; 
Triste  JnsomDie, 
Tourment,  folie, 
Voilà  le  lot  d'un  amoureux  destin. 
Haute  gloire 
Et  victoire 
A  Baechus ,  père  du  rai  : 
Cent  bouteilles 
Des  plus  vieilles 
A  celui  qui  tit  ce  refrain  : 
Vive  le  vin  !  etc. 

Versant  donc  à  longs  traits  , 
Quand  je  remplis  mon  verre, 
Nargue  des  freluquets  ! 
Je  dis  :  N'aimez  jamais. 
Et,  près  d'elle  buvant. 
Je  vois,  vidant  mon  verre  , 
L'amour,  en  badinant, 
Lever  son  voile  blanc. 

Vive  le  vin  ! 
Vive  ce  jus  divin  ! 
Je  veux  jusqu'à  la  fin 
Qu'il  égayé  ma  vie. 

Petit  ou  grand, 
Un  homme  est  toujours  fi 
Loyal  et  bon  vivant . 
S'il  boit  sec  et  souvent. 


326 


ILc  J;cn  Silène. 

Le  visage  teint 
Du  raisin  pressuré  la  veille , 

Par  un  beau  matin , 
Se  réveillant  sous  une  treille , 
Silène  chantait, 
L'écho  répétait  : 
«  Satyres,  quittez  vos  retraites , 
Faunes,  vos  Dryades  coquettes  ; 
Ne  dormez  plus ,  je  vous  le  défends , 
Buvez,  chantez,  mes  joyeux  enfants.  » 

Bientôt  à  sa  voix , 
Du  doux  jus ,  la  troupe  idolâtre , 

S'échappe  des  bois , 
Seconde  sa  ^ité  folâtre  ; 

Puis  d'un  tambourin 

A  son  gai  refrain 
Mêlant  des  sons  avec  adresse , 
Bedit  dans  sa  bruyante  ivresse  : 
«Ne  dormez  plus,  je  vous  le  détends, 
Buvez,  chantez  ,  mes  joyeux  enfants. 

Silène  joyeux, 
Dit  :  «  Chantez  une  hymne  de  gloire; 


POPULAIRES.  327 

Du  plus  grand  des  dieux 
Je  vais  vous  raconter  l'histoire  ; 
Et  puisque  sans  vin 
On  fredonne  en  vaiD , 
Pour  que  votre  voix  soit  moins  ietw? 
Versez  de  la  liqueur  brûlante  : 
Ne  dormez  plus,  je  vous  le  défends, 
Buvez,  chantez,  mes  joyeux  enfants. 

«  Dès  qu'il  fut  tiré 
Du  mont  où  le  cachait  son  père 

Bacchus  altéré 
Par  le  feu  qui  brûla  sa  mère, 
D'un  ton  clapissant, 
Disait  en  naissant  : 
«  Arrosez  ma  voix  et  les  vôtres, 
«  Et  chantez  à  tous  mes  apôtres; 
«  Ne  dormez  plus ,  je  vous  le  défends, 
«  Buvez,  chantez,  mes  joyeux  enfants.  » 

«  Au  petit  marmot, 
Placé  sous  ma  main  protectrice , 

Je  donne  bientôt 
La  chèvre  qu'il  eut  pour  nourri  :e. 

Lorsqu'elle  broutait, 

Le  vaurien  tétait, 
Puis  disait,  en  mouillant  sa  lèvre 
Du  raisin  que  grugeait  la  chèvre  : 
«  Ne  dormez  plus,  je  vous  le  défends, 
«  Buvez,  chantez,  mes  joyeux  enfants.  » 


328  CUANSONS 

«  A  peine  grandi , 
Sa  taille  égalait  son  courage; 

Il  devint  hardi, 
De»  conquêtes  il  eut  la  rage. 

De  son  joug  si  doux 

Les  peuples  jaloux, 
Du  bon  vin  aimant  la  fumée. 
Répétaient  avec  son  armée  : 
«  Ne  dormez  plus,  je  vous  le  défends, 
«  Buvez,  chantez,  mes  joyeux  enfants.  >• 

«  Dans  l'Inde  il  porta 
La  gaitô,  la  joie  et  ses  charmes. 

Enfin  il  quitta 
Les  peuples  soumis  à  ses  armes. 

Sur  ses  pas  les  fleurs 

Se  mêlaient  aux  pleurs. 
Pour  les  sécher,  sa  voix  céleste 
Leur  criait  :  «  La  vigne  vous  reste; 
«  Ne  dormez  plus  ,  je  vous  le  détends , 
«  Buvez,  chantez  ,  mes  joyeux  enfants.  * 

«  Dans  le  court  trajet 
Qu'il  fit  pour  retourner  en  Gièce, 

Il  devint  sujet 
D'une  jeune  et  vive  maîtresse. 

Malgré  ses  serments 

De  fuir  les  amants, 
Par  le  bon  vin  apprivoisée, 
Elle  chanta  loin  de  Thésée  ; 


POPULAIRES. 

«  Ne  dormez  plus ,  je  vous  le  défends, 
«  Buvez ,  chantez,  mes  joyeux  enfants   :» 

«  Enfin  de  retour 
Dans  notre  brillante  patrie. 

Jupin  à  son  tour, 
Pour  sabler  la  liqueur  chérie, 
Aux  cieux  l'appela. 
Depuis  ce  temps-là. 
Protégeant  la  vigne  dorée, 
Il  chante  à  la  voûte  éthérée  : 
«  Ne  dormez  plus,  je  vous  le  défends  . 
«  Buvez,  chantez,  mes  joyeux  enfants.  » 

Un  faux  pas  borna 
Le  gai  récit  du  bon  Silène; 

Sa  chute  entraina 
Tous  ses  compagnons  sur  l'arène. 
Chacun  d'eux  chantait, 
L'écho  répétait  : 
«  Satyres,  quittez  vos  retraites; 
Faunes  ,  vos  Dryades  coquettes  ; 
Ne  dormez  plus  je  vous  Je  défends. 
Buvez ,  chantez  mes  joyeux  enfants.  .. 


CHANSONS 


Crois-moi  5  plante  de  la  Vigne. 

Que  fais-tu  de  tes  richesses, 
Sot  favori  3e  Plutus  ? 
T'occuperas-tu  sans  cesse 
D'augmenter  tes  revenus  ? 
A  quoi  sert  cette  opulence 
Dont  tu  me  parais  si  vain  ? 
Triste,  au  sein  de  l'abondance, 
Veux-tu  voir  fuir  le  chagrin  ? 
Crois-moi ,  plante  de  la  vigne, 
Tu  cueilleras  du  raisin , 
Et  tu  boiras  du  bon  vin. 

Cette  tige  salutaire, 

Pour  l'homme  est  un  don  des  cieux; 

Elle  attire  sur  la  terre 

Tous  les  favoris  des  dieux. 

Le  pauvre,  en  vidant  bouteille, 

Voit  disparaître  soudain 

Les  fatigues  de  la  veille, 

Les  soucis  du  lendemain. 

Crois-moi,  plante  de  la  vigne,  etc. 

Vois  ce  buveur  qui  s'arrête.- 
Il  admire  ,  il  est  heureux, 
Il  entend,  tourne  la  tête, 
Écoute  des  chants  joyeux; 


POPULAIRES.  331 

Entrant  dans  une  guinguette, 
On  lai  met  un  verre  en  main  ; 
En  buvant  sa  chopinette, 
Il  chante  ce  doux  refrain  : 
Crois-moi ,  plante  de  la  vigne ,  etc. 

Si  la  fortune  volage 
Sur  moi  versait  ses  bienfaits, 
Je  ferais  un  digne  usage 
Du  bien  qu'elle  m'aurait  fait  : 
Point  de  luxe,  d'équipage, 
Point  de  château  ni  de  train  ;  m 
Tranquille  en  mon  ermitage, 
Bienfaiteur  du  genre  humain  , 
Je  planterais  de  la  vigne, 
Je  cueillerais  du  raisin  , 
Et  je  boirais  du  bon  vin. 


Eloge  de  l'Eau. 

Armand  Gouffé,  quoique  membre  du 
Caveau  moderne,  où  l'eau  était  proscrite, 
ne  l'a  pas  moins  chantée  d'une  manière 
très-spirituelle.  Ce  chansonnier,  né  en 
1773,  a  précédé  dans  la  carrière  des 
chansons  les  Désaugiers  et  les  Béran- 


332  CUANSONS 

ger.  Il  a  été  un  des  membres  des  Dîners 
du  vaudeville,  fondés  en  1796.  Les  re- 
cueils de  ses  chansons ,  publiés  sous  le 
titre  de  Ballon  d'essai,  Ballon  perdu,  etc., 
en  contiennent  de  très-jolies,  et  dont 
plusieurs  ont  eu  de  grands  succès. 
Comme  vaudevilliste,  Armand  Gouffé 
a  travaillé  à  beaucoup  de  pièces  de 
théâtre  ;  mais  il  y  a  longtemps  qu'il  a 
abandonné  les  Muses,  et  il  s'était  retiré 
au  fond  d'une  province ,  où  il  est  mort 
depuis  peu. 

Air  :  Tarare,  Pompon. 

11  pleut,  il  pleut,  enfin! 
Et  la  vigne  altérée 
Va  se  voir  restaurée 
Par  ce  bienfait  divin  ! 
De  l'eau  chantons  la  gloire, 
On  la  méprise  en  vain  : 
C'est  l'eau  qui  nous  fait  boire 
Du  vin. 

C'est  par  l'eau,  j'en  conviens, 
Que  Dieu  fit  le  déluge  ; 
Mais  ce  souverain  juge 
iMit  les  maux  près  des  biens. 


POPULAIRES.  333 

Du  déluge,  l'histoire 
Fait  naître  le  raisin. 
C'est  l'eau  qui  nous  fait  boire 
Du  vin. 

Du  bonheur  je  jouis 
Quand  la  rivière  apporte, 
Presque  devant  ma  porte  , 
Des  vins  de  tous  pays. 
Ma  cave  et  mon  armoire, 
Dans  l'instant  tout  est  plein \ 
C'est  l'eau  qui  me  fait  boire 
Du  vin. 

Par  un  temps  sec  et  beau , 
Le  meunier  du  village 
Se  morfond  sans  ouvrage 
Et  ne  boit  que  de  l'eau. 
Il  rentre  dans  sa  gloire 
Quand  l'eau  vient  au  moulin. 
C'est  l'eau  qui  lui  fait  boire 
Du  vin. 

S'il  faut  un  trait  nouveau  , 
Mes  amis,  je  le  guette. 
Voyez  à  la  guinguette 
Entrer  mon  porteur  d'eau  : 
Il  y  perd  la  mémoire 
Des  travaux  du  matin. 
C'est  l'eau  qui  lui  fait  boire 
Du  vin. 


CHANSONS 

Mais  a  vous  chanter  l'eau, 
Je  sens  que  je  m'altère  ; 
Passez-moi  vite  un  verre 
Plein  de  jus  du  tonneau. 
Que  tout  mon  auditoire 
Répète  mon  refrain  : 
C'est  l'eau  qui  lui  fait  boire 
Du  vin. 


Armand  Gôuffé. 


Pins  on  est  de  Fous,  plus  on  rit. 

Des  frelons  bravant  la  piqûre, 

Que  j'aime  à  voir,  dans  ce  séjour, 

Le  joyeux  troupeau  d'Epicure 

Se  recruter  de  jour  en  jour! 

Francs  buveurs  que  Bacchus  attire 

Dans  ces  retraites  qu'il  chérit, 

Avec  nous  venez  boire  et  rire  : 

Plus  on  est  de  fous,  plus  on  rit.       bis. 

Ma  règle  est  plus  douce  et  plus  prompte 
Que  les  calculs  de  nos  savants  : 
C'est  le  verre  en  main  que  je  compte 
Mes  vrais  amis ,  les  bons  vivants! 
Plus  je  bois,  plus  leur  nombre  augmente, 
El  quand  nia  coupe  se  tarit, 


335 
Au  lieu  de  quinze  :  M*!.. 

Plus  od  est  de  fuus,  plus  on  rit. 

Si  j'avais  une  salle  pleine 

Des  vins  choisis  que  nous  sablons, 

-  comme  la  p]  a 
De  Saint-Denis  ou  des  Subions, 
Mon  pi r.  n  ianslalie, 

Sur  tous  les  murs  aurait  écrit  : 
Entrez ,  enfants  de  la  folie  : 
Plus  on  est  de  fuus ,  plus  on  rit.       bis. 

Entrez  ,  soutiens  de  la  sa_- 
Apôtres  de  l'humanité  ; 

: ,  amis  de  La 

i ,  amants  de  la  beauté; 
Entrez,  fillettes  dégourdies; 
Vieilles  qui  vi^ez  à  l'esprit; 
Entrez ,  auteurs  de  tragédies  : 
Plus  on  est  de  fous ,  plus  on  rit.       ois. 

Puisque  notre  vie  a  des  bornes, 
Aux  enfers  un  jour  nous  h 
Et  malgré  le  diable*  t 1 

r.rs  un  jour  nous  rirons. 
L'heureux  espoir'.  .. 

.     arrit  : 

I  ie  : 
Plus  où  s  on  rit.       bis. 

FFB. 

•-•     - 


336 


I.e  Iflaftre  d'équipage. 

Je  suis  maître  d'équipage, 
J'aime  la  fureur  des  flots  ; 
J'ai  bravé  cent  fois  l'orage, 
Je  n'ai  peur  que  du  repos. 
Les  jeux ,  l'amour  et  la  table 
Ne  m'ont  jamais  trouvé  las  , 
Et  j'y  suis  infatigable, 
Autant  que  dans  les  combats. 

Mais  pour  calmer  la  soif  qui  me  dévore, 
Verse ,  verse,  verse"encore: 
Au  courage,  à  la  gai  te  ; 
Je  veux  boire  à  la  beauté , 
Au  courage,  à  la  gai  té. 

Rien  n'est  bon  comme  un  naufrage 
Pour  former  les  matelots.- 
Le  péril  qu'on  envisage 
Est  l'école  des  héros. 
Dans  l'or  et  dans  la  misère, 
Pillant,  pillé,  pris,  repris, 
J'aime  les  jeux  de  la  guerre 
Par-dessus  tout,  mes  amis. 

Mais  pour  calmer,  etc. 


POPULAIRES.  337 

S'il  arrive  qu'une  belle 
Veuille  monter  à  mon  bord , 
L'amour  en  mer  n'a  point  d'ailes. 
L'inconstance  reste  au  port. 
S'il  arrive  que  l'orage 
Vient  troubler  de  si  beaux  jours, 
Je  trouve  un  nouveau  courage 
Pour  veiller  sur  mes  amours. 

Mais  pour  calmer  la  soif  qui  me  dévore , 
Verse,  verse ,  verse  encore  : 
Au  courage ,  à  la  gaité  ; 
Je  veux  boire  à  la  beauté , 
Au  courage,  à  la  gaité. 


I.e  vrai  Tlomuslen. 

Air  d'une  ronde  allemande. 

lUsien,  j'éparpille  ma  vie 
Entre  les  arts,  Iiacchus  et  la  gaité  ; 
Lorsque  chez  moi  jamais  n'entra  l'envie. 
Dois-je  songer  à  la  célébrité? 
Non  ,  pour  être  heureux, 
Bornant  mes  vœux 
A  ma  chaumière, 
Là  je  vis  content, 
Libre,  joyeux ,  indépendant. 

2i 


B  CHANSONS 

S'il  me  faut  ici 

Être  aussi 
Couvert  de  poussière , 
Celle  des  vallons 
Vaut  mieux  que  celle  des  salons. 

Lorsque  je  dors  s  l'ombre  d'une  treille, 
Sur  moi  Momus  agite  son  grelot; 
Je  vois  le.  monde  en  forme  de  bouteille, 
Et  vainement  j'en  cherche  le  goulot. 
Mais  à  mon  réveil , 
Un  vin  vermeil 
Me  désaltère. 
Dès  que  je  le  vois , 
Je  ris ,  je  bois  tout  à  la  fois  ; 
Et  pour  m'animer, 
Pour  m'enflammer 
Au  lieu  d'un  verre , 
Bacchus  vient  m'offrir 
La  coupe  qu'il  tient  du  plaisir. 

Souvent  mon  bras ,  du  fouet  de  la  satire^ 
Aime  à  frapper  les  sots,  les  courtisans  ; 
Mais  plus  souvent  je  ressaisis  ma  lyre 
Pour  célébrer  les  hommes  bienfaisants. 
Dès  l'aube  du  jour 
Je  chante  l'amour 

Et  la  gloire; 
L'oiseau  du  hameau 
Kedit  :e  que  redit  l'écho  ; 


POPULAIRES.  C39 

De  nos  vieux  soldats 
Fiers  aux  combats 
Je  lis  l'histoire. 
Las!  ils  ne  sont  plus!... 
Mais  il  nous  reste  leurs  vertus. 

Dans  mon  réduit  je  n'ai  pour  seule  escorie 
Que  le  mystère,  et  ma  belle  et  mon  cbicn  ; 
Mais  qu'un  ami  soudain  frappe  à  ma  porte, 
J'ouvre,  et  mon  cœur  vole  au  devant  du 
Il  voit,  satisfait,  [sien. 

L'effet  qu'il  fait 
Par  sa  présence; 
Bientôt  un  flon  flon 
Accompagne  un  large  flacon. 
Le  temps  passe  enfin  ; 

Vient  la  fin 
De  ma  jouissance; 
Il  part...  et  mes  yeux 
Prolongent  encor  mes  adieux. 

Si ,  près  de  moi  ma  belle  se  repose 
Sous  le  taillis  ensemble  nous  chantons; 
A  son  corset  si  je  place  une  rose, 
Zéphyr  malin  m'en  fait  voir  les  boutons. 
Souper  sans  apprêts 
Se  prend  au  frais 
Et  suus  l'ombrage; 
La  nuit  nous  poursuit 


340  CHANSONS 

Le  désir  nous  appelle  au  lit. 
Par  son  chant 
Touchant, 
Le  rossignol  du  voisinage 
Nous  dit  qu'il  fait  jour; 
L'amour  nous  le  dit  à  son  tour. 


Decour. 


la  dernière  Goutte. 

Eh  quoi!  nous  semblons  engourdis; 
Nous  restons  froids  et  droits  en  place  : 
On  dirait  qu'un  voile  de  glace 
Nous  a  tous  presque  abasourdis. 
Sachons  donc  bannir  ce  froid-là; 
Qu'enfin  notre  front  se  colore; 
Savourons  le  jus  que  voilà, 
Et  chantons  ce  refrain  sonore  : 
Tant  qu'il  reste  ane  goutte  encore 
Mes  amis ,  desséchons-la.  bis. 

La  guerre  ayant  de  plus  d'un  preux 
Dévoré  le  mince  héritage, 
A  nous  est  le  noble  avantage 
De  lui  tendre  un  bras  généreux , 
En  sougeant  que  de  fois  il  a 
Protégé  ces  grands  qu'il  implore, 


POPLL  311 

Sous  ces  vieilles  moustaches-là, 
Qui  d'Austerlitz  ont  vu  l'aurore. 
Tant  qu'il  reste  une  goutte  encore, 
Mes  amis,  desséchons-la. 


Loin  de  vouloir  dicter  la  loi 
A  notre  Estelie,  à  notre  Lise, 
Attendons  que  son  œil  nous  dise  : 
Ose  tout,  et  je  suis  à  toi. 
Quelquefois  cet  œil  se  perla 
D'une  larme  qu'amour  déplore  ; 
Mais  sitôt  qu'elle  parait  là. 
Qu'un  brûlant  baiser  la  dévore. 
Tant  qu'il  reste  une  goutte  encore, 
Mes  amis,  desséchons-la.  li$ 

Le  front  couronné  de  bluets, 
Laissons  les  rois  et  leurs  ministres 

a  de  terreurs  sinistres, 
Boire  à  peine  dans  leurs  palais. 
S'il  leur  faut,  un  jour  de  gala, 
Un  nectar  qui  les  corrobore, 
Que  nous  fait,  buvant  celui-là. 
Le  coteau  qui  le  vit  éclore? 
Tant  qu'il  reste  une  goutte  ene 
Mes  amîs,  desséchons-la.  bis. 

Enfin,  mesurant  nos  désirs 
Aux  bienfaits  d'une  main  sacrée. 


342  CHASSONS 

Plongeons  notre  bouche  altérée 
Dans  le  calice  des  plaisirs. 
Trop  souvent  ce  calice-là, 
Qui  séduit,  enivre,  restaure, 
De  sa  faux  le  Temps  le  fêla; 
C'est  pourquoi ,  dès  que  nait  l'aurore , 
Tant  qu'il  reste  une  goutte  encore.. 
Mes  amis  ,  desséchons-la.  bis, 


Mes  vieux  Souvenirs. 

Air  :  Mes  amis,  faites  comme  moi. 

J'éprouve,  amis,  pourriez-vous  b'en  le 
Du  temps  jaloux  l'inexorable  loi  ;    [croire  ? 
Il  m'a  déjà  retiré  la  mémoire, 
Et  le  passé  m'échappe  malgré  moi. 
Hais  quelquefois  un  flacon  me  ramène 
Jux  jours  heureux  de  mes  premiers  loisirs. 
Versez,  amis,  versez  à  tasse  pleine  : 
Rendez-moi  mes  vieux  souvenirs. 

De  ce  nectar  voyez  le  privilège , 
Il  me  reporte  à  ces  temps  enchanteurs 
Où  tous  les  ans  j'enlevais  du  collège 
Livres  dorés  et  couronnes  de  fleurs. 
0  ma  couronne,  aux  rives  de  la  Seine 
Tu  ne  fis  pas  en  trente  ans  deux  martyr?  ! 


POULAlKLS.  o43 

Versez ,  amis ,  versez  a  tasse  pleine  :     « 
Rendez-moi  mes  vieux  souvenirs. 

Dieu!  qu'à  seize  ans,  pour  nne  âme  brulcnle, 
Baiser  de  vierge  est  un  fatal  poison: 
Que  je  l'aimais ,  et  qu'elle  était  tremblante 
Lorsqu'en  tremblant  j'égarais  sa  raison  ' 
Oh  ]  quel  bonheur  quand  ma  gentille  Hclèi  c, 
En  m 'apprenant,  s'apprenait  les  plaisirs  : 
Versez,  amis,  versez  à  tasse  pleine  : 
Rendez-moi  mes  vieux  souvenirs. 

Vingt  ans  sonnaient  qu^nd  de  la  Pru?=.: 
[allière, 
Au  nom  des  rois,  le  gant  nous  fut  jeté; 
Et  tout  à  coup  on  vit  la  France  entière 
Marcher  au  cri  :  «  Vive  la  Liberté  !  ;> 
Avec  quel  l'eu  pour  cette  augu.-ie  reine 
Nous  immolions  espoir,  bonheur,  désirs! 
Versez  ,  amis,  versez  à  tasse  pleine  : 
Rendez-moi  mes  vieux  souvenirs. 

J'avais  trente  ans  lorsqu'à  notre  rivage 
L'homme  du  siècle  osa  donner  des  fers; 
Et  cependant,  même  au  sein  du  serrage, 
La  France  encor  planait  sur  l'univers. 
Esclave  ici,  mais  partout  souveraine, 
Les  potentats  n'étaient  que  ses  vizirs. 
Versez,  amis,  versez  à  tasse  pleine  : 
Rendez-moi  mes  vieux  souvenirs. 


344  CHANSONS 

A  quarante  ans  j'ai  revu  ma  patrie  • 
,Le  vent  du  nord  me  rejette  à  Fleurus; 
Et  là  je  vois  la  liberté  chérie, 
Victime  enfin  des  rois  cent  fois  vaincus. 
Mais  en  tombant  dans  l'immortelle  arène, 
Qu'elle  était  belle  à  ses  derniers  soupirs! 
Versez  ,  amis,  versez  à  tasse  pleine  : 
Rendez-moi  mes  vieux  souvenirs. 

J'ai  soixante  ans:  que  sans  crainte  on  rem- 
[plisse 
Le  doux  cristal  qu'ici  mon  bras  vous  tend, 
Car  le  passé  n'a  rien  dont  je  rougisse  , 
Et  tout  Français  n'en  pourrait  dire  autant. 
Petit  acteur  d'une  bien  vaste  scène  , 
J'eus  des  chagrins,  jamais  de  repentirs. 
Versez,  amis,  versez  à  tasse  pleine  : 
Rendez-moi  mes  vieux  souvenirs. 

EMILE  DEBUEAUX. 


I^a  Barque  a  Caron. 

Ah  !  que  l'amour  est  agréable  ! 
Il  est  de  toutes  les  saisons  : 
Un  bon  bourgeois  dans  sa  maison 
Le  dos  au  feu  ,  le  ventre  à  table , 


tison 

Caressait  un  jeune  tendron. 

Bacchus  sera  mon  capitaine, 
Vénus  sera  mon  lieutenant, 
Le  rôtisseur  mon  commandant, 
Le  fournisseur  mon  porte-enseigne, 
Ma  bandoulière  de  boudins, 
Mon  fourniment  rempli  de  vin. 

Quand  nous  serons  dans  l'autre  monde 
Adieu  plaisirs,  adieu  repas; 
Sachez  bien  que  nous  n'aurons  pas 
D  aussi  bon  vin  dans  l'autre  monde- 
INous  serons  quittes  d'embarras  , 
L'n'  fois  partis  dans  ces  lieux  bas. 

Aprts  ma  mort,  cfaers  camarad 

Vous  placerez  dans  mon  tombeau  ' 
Un  petit  broc  de  vin  nouveau, 
Un  saucisson,  une  salade, 
Une  bouteille  de  Màcon, 
Pour  passer  la  barque  à'caron. 


I/O*  Glouglous. 

jfesehers  amis,  pour  jouir  de  la 

Le  verre  en  main  .  i 


346  CHANSONS 

Et,  pour  tyomus  prodiguant  notre  encens, 
Que  sa  marotte  nous  rallie. 
Joyeux  troubadours 
Répétez  toujours  i 
Non,  non,  non  ,  non ,  point  de  mélancolie. 
Oui  le  vrai  bonlieur 
Nait  du  son  flatteur 
De  tous  les  panpans, 
Les  panpans  des  bouclions; 
Do  tous  les  glouglous,  les  glouglous  des  fla- 
[ cons, 
De  tous  les  lanla,  les  lanla  des  chausons. 

Dans  un  concert,  qu'une  voix  magnifique 
Par  des  accents  ,  ravisse  l'auditeur, 
Et  que  Lafond,  sur  son  luth  enchanteur, 
Promène  son  archet  magique  ; 

A  tous  ces  grands  airs , 

Ces  brillants  concerts , 
A  tous  ces  flonflons  de  la  musique 

Je  préfère  en  cor 

Le  joyeux  accord 

De  tous  les  panpans,  etc. 

Quand  un  ami,  par  un  retour  sincère, 

Dans  un  repas  veut  réparer  ses  torts  ; 

Pour  le  haïr  en  vain  doublant  d'effovis, 

Vous  lui  montrez  un  front  sévère, 

Si  d'un  verre  plein  , 

Sa  tremblante  main  , 


POPULAIRES.  317 

Tin,  tin,  tin,  tin,  vient  choquer  votre  verre, 
La  haioe  s'enfuit 
Et  cède  au  doux  bruit 
De  tous  les  panpans  .  etc. 

Pour  obtenir  d'une  jeune  fillette 
L'aveu  charmant  que  retient  la  pudeur, 
Joyeux  lurons,  tâchez  avec  ardeur 
De  trinquer  avec  la  pauvrette  : 

Si  le  jus  divin 

Pénètre  son  sein, 
Zon,  zon,  zon,  zon,  elle  n'est  plus  muette. 

Ses  tendres  aveux 

Partent  avec  les  feux 

De  tous  les  panpans,  etc. 

Un  vieux  soldat,  à  la  gloire  fidèle, 
De  son  pays  protégeant  les  remparts, 
Si  Mare  chez  lui  porte  ses  étendards, 
S'anime  d'une  ardeur  nouvelle. 
Il  n'est  jamais  sourd 
Au  son  du  tambour  ; 
Le  ran  tan  plan,  ran  tan  plan  le  rappelle, 
Et  sous  l'olivier 
Le  vaillant  guerrier 
Revient  aux  panpans, 
Aux  panpans  des  bouchons, 
Revient  aux  glouglous  ,  aux  glouglous  des 
[flacons 
Revient  aux  lanla,  aux  lanla  des  chansons. 


348  CHANSONS 

A  mon  convoi,  puisqu'il  faut  que  je  meure, 
Pour  cierge,  amis,  que  l'on  porte  un  flacon; 
Qu'un  vieux  tonneau  de  Beaune  ou  de  Mâ- 
Fasse  ma  dernière  demeure.  [cou 

Qu'au  temple  divin  , 
Des  verres  de  vin , 
Din,  din,  din,  din  ,  du  convoi  sonnen» 
De  ce  divin  jus  [i  heure; 

Chantons  l'Orémus, 
Au  bruit  des  panpans , 
Des  panpans  des  bouchons; 
De  tous  les  glouglous,  les  glouglous  des  fla- 
[cons, 
De  tous  les  lanla,  les  lanla  des  chansons. 
Claye  (d'Eure-et-Loir). 


B.e  Bonsoir. 

Mes  bons  amis,  ajournons  à  huitaine 
Nos  airs  joyeux,  nos  chants  de  gai  savoir 
Momus  remonte  au  céleste  domaine. 

Il  est  minuit,  bonsoir, 

Jusqu'au  revoir,  bonsoir. 

A  nos  santés  vidons  pourtant  nos  verres . 
Prêts  à  quitter  ce  toit  hospitalier, 
Nos  devanciers,  nos  fidèles  trouvères, 
Bnvaient  toujours  le  coup  de  l'étrier. 
Mes  bons  amis,  ajournons  à  huitaine»  eto 


POTOLAfHES.  34y 

De  nos  amis  îa  cohorte  agréable 
Augmente  encore  avec  ce  vin  clairet  ; 
Quand  on  est  quinze  en  se  mettant  à  table. 
On  se  voit  trente  au  sortir  du  banquet. 

Mes  bons  amis,  ajournons  à  huitaine,  etc. 

Il  se  fait  tard  :  à  gagner  sa  demeure 
Chacun  de  nous  doit  prudemment  songer  ; 
Pour  les  maris  c'est  un  vilain  quart  d'heure, 
Pour  les  amants  c'est  l'heure  du  berger. 

Mes  bons  amis,  ajournons  à  huitaine,  etc. 

Mais  au  buveur  qui  sent  sa  tête  prise, 
On  doit  offrir  un  bras  sûr  et  prudent; 
Nous  aurions  l'air  d'une  patrouille  grise 
Si  l'un  de  nous  marchait  en  chancelant. 

Mes  bons  amis,  ajournons  à  huitaine,  etc. 

Chemin  faisant,  si  quelque  jouvencelle 
Pour  son  fallût  vous  prend  en  tapinois, 
Conduisez-la  sans  bruit  et  sans  chandelle  ; 
On  a,  la  nuit,  les  yeux  au  bout  des  doigts. 

Mes  bons  amis,  ajournons  à  huitaine,  etc. 

Mais  d'un  regard  votre  soif  est  coupable  : 
Sur  ce  bouchon  pourquoi  fixer  les  yeux? 
De  ces  flacons  qui  dorment  sur  la  table, 
Ah  :  dans  huit  jours  le  vin  sera  plus  vieux  ! 


350  CHANSONS 

Mes  bons  amis,  ajournons  à  huitaine 
Nos  airs  joyeux,  nos  chants  de  gai  savoir: 
Momus  remonte  au  céleste  domaine. 

Il  est  minuit,  bonsoir, 

Jusqu'au  revoir,  bonsoir. 


le  Mouvement  perpétuel. 

Loin  d'ici ,  sœurs  du  Permesse , 

Chétives  buveuses  d'eau; 

Cachez-vous  avec  prestesse 

Dans  votre  fangeux  ruisseau. 

Bacchus  m'anime  et  m'inspire; 

Il  échauffe  tous  mes  sens. 

C'est  lui  qui  monta  ma  lyre  , 

Ecoutez  ses  fiers  accents  : 
Remplis  ton  verre  vide, 
Vide  ton  verre  plein. 
Ne  laisse  jamais  dans  ta  main 

Ton  verre  ni  plein  ni  vide; 
Ne  laisse  jamais  dans  ta  main 

Ton  verre  ni  vide  ni  plein. 

Si  le  ciel,  dans  sa  colère, 
Te  fit  le  funeste  don 
D'une  femme  atrabilaire 
Troublant  toute  ta  maison, 


P0TCLA1RES.  3r.l 

Laisse  là  celte  Mégère, 
Ce  lutin,  ce  vrai  démon, 
Et  vite,  d'un  pas  célère  , 
Vers  le  plus  prochain  bouchon  , 
Remplis  ion  verre  vide,  etc. 

Nargue  de  la  gent  savante 
Qui ,  du  mouvement  sans  fin  , 
Depuis  mille  ans  se  tourmente 
Sans  aucun  succès  certain  ! 
Moi  tout  seul,  et  pour  moi-même, 
Assis  dans  un  cabaret, 
J'ai  trouvé  ce  grand  problème. 
Voici  quel  est  mon  secret  : 
Remplis  ton  verre  vide,  etc. 

Si  les  voûtes  azurées 

S'écroulaient  avec  fracas, 

Si  leurs  ruines  embrasées 

Vomissaient  mille  trépas, 

La  trogne  toujours  vermeille 

Et  le  front  toujours  serein  , 

Tenant  en  main  ma  bouteille, 

Je  dirais  à  mon  voisin  : 
Remplis  ton  verre  vide, 
Vide  ton  verre  plein. 
Ne  laisse  jamais  dans  ta  main 

Ton  verre  ni  plein  ni  vide  : 
No  laisse  jamais  dans  la  main 

Ton  verre  ni  vide  ni  plein. 


35-i 


les  Effets  du  Vin. 

Voulez-vous  suivre  un  bon  conseil? 
Buvez  avant  que  de  combattre; 
De  sangfroid  je  vaux  mon  pareil , 
Mais  lorsque  j'ai  bu  j'en  vaux  quatre. 
Versez  donc,  mes  amis,  versez, 
Jamais  je  n'en  puis  boire  assez. 

Comme  ce  vin  tourne  l'esprit! 
Comme  il  vous  change  une  personne! 
Tel  qui  tremble  s'il  réfléchit, 
Faii  trembler  quand  il  déraisonne. 
Versez  donc,  mes  amis,  versez, 
Je  ne  puis  jamais  boire  assez. 

Ma  foi ,  c'est  un  triste  soldat 
Que  celui  qui  ne  sait  pas  boire: 
Il  voit  les  dangers  du  combat, 
Le  buveur  n'en  voit  qu«  la  gloire. 
Versez  donc,  mes  amis,  versez, 
Je  n'en  puis  jamais  boire  assez. 

Cet  univers ,  oh  !  c'est  très-beau  ; 
Mais  pourquoi  dans  ce  bel  ouvrage 
Le  Seigneur  a-t-il  mis  tant  d'eau? 
Le  vin  me  plairait  davantage. 


popi'LAIRES.  353 

Vevsez  donc,  mes  amis ,  versez , 
Je  n'en  puis  jamais  boire  assez. 

S'il  n'a  pas  fait  un  élément 
De  celle  liqueur  rubiconde, 
Le  Seigneur  s'est  momré  prudent  : 
Nous  eussions  desséché  le  monde. 
Versez  donc,  mes  amis,  versez, 
Je  n'en  puis  jamais  boire  assez. 

Fabien  Pillet. 


1^»  Marseillaise. 

Ce  fut  le  30  juillet  1792  que  les  Mar- 
seillais arrivèrent  à  Paris ,  après  s'être 
signalés  dans  les  départements  du  Midi 
par  de3  expéditions  patriotiques,  selon  le 
langage  des  journalistes  du  temps.  lis 
entrèrent  par  le  faubourg  Saint -Au 
toine  ,  et  furent  conduits  par  Santerre 
aux  Champs  Élysées ,  où.  uu  banquet 
leur  était  préparé.  Leur  arrivée  fut  si- 
gnalée par  des  troubles  sanglants.  Il  y 
eut  une  rixe  entre  eux  et  des  gardes 

53. 


354  CHANSONS 

nationaux  du  bataillon  des  Filles-Saint- 
Thomas,  de  la  rue  des  Petits-Pères,  et 
des  gardes  du  corps.  Le  peuple  s'en 
mêla.  Plusieurs  de  ceux  qui  avaient 
crié  rire  le  roi  et  vive  Lafayeite  furent 
blessés  ;  Duhamel  fut  massacré.  Les 
Marseillais  étaient  venus  à  Paris  sous 
le  prétexte  que  la  patrie  était  en  dan- 
ger; leur  patriotisme  exalté  venait  à 
son  secours. 

Ce  fut  alors  que  Rouget  de  Lille 
composa  les  paroles  et  la  musique,  de 
son  Hymne  des  Marseillais,  communé- 
ment appelé  la  Marseillaise.  Ce  chant 
patriotique  et  guerrier  retentit  dans 
toute  l'Europe.  On  ne  saurait  se  faire 
aujourd'hui  une  idée  de  l'enthousiasme 
qu'il  inspira  et  de  l'influence  qu'ilexerça, 
bî  l'on  n'en  avait  éprouvé  les  effets 
lors  de  nos  deux  dernières  révolutions. 
L'air  est  devenu  une  des  plus  belles 
marches  militaires  que  l'on  connaisse; 
il  a  souvent  mené  nos  soldats  à  la  vic- 
toire. Les  paroles  se  ressentaient  de 
l'inspiration  républicaine  de  l'auteur. 


Malheureusement  on  fait  des  plus  belles 
choses  un  mauvais  emploi.  La  Marseil- 
laise fut  aussi  l'accompagnement  de? 
i\  -  a  nombreuses  qui  eurent  lieu 
a  c  îtte  êpd  |ué. 

Le  18  nivôse  an  iv  '8  janvier  1" 

a-,    arrêté    du    Directoire    ordoir 

dans  ton?  les  spectacles  Y: 

la  Marseillaise  avec  ceux  :  Ça  ira. 

Ions  au  salut  de  l'empire  et  le  Ch: 

.Le  même  arrêté  défendait  ii  Ré- 
veil du  Peuple.  De  toutes  ces  chansons 
révolutionnaires  ,  la  Marseillaise  était 
sans  contredit  la  meilleure,  car  elle 
était  exaltée ,  mais  non  sanguinaire. 

C'est  à  cette  chanson  que  Rouget  de 
Lille  a  dû  sa  réputation.  Il  était  né  à 
Lons-le-Saulnier,  et  était  officier  de 
génie  en  1790.  Malgré  ses  opinions 
républicaines,  il  fut  incarcéré  pendant 
la  terreur  et  ne  fut  sauvé  que  par  le 
9  thermidor.  Il  aurait  sans  doute  en- 
tendu jouer  la  Marseillaise  en  allant  à 
l'échafaud  ! 

On  a  de  lui  plusieurs  autres  poésies 


356  CHANSONS 

patriotiques,  et  de  plus  cinquante  chants 
français,  paroles  de  différents  auteurs  , 
qu'il  a  mis  en  musique  et  publiés  en 
1825.  C'est  son  dernier  ouvrage. 

Allons,  enfants  de  la  patrie, 
Le  jour  de  gloire  est  arrivé; 
Contre  nous  de  la  tyrannie 
L'étendard  sanglant  est  levé.  bit. 

Entendez-vous  dans  ces  campagnes 
Mugir  ces  féroces  soldats? 
Ils  viennent,  jusque  dans  vos  bras , 
Égorger  vos  fils ,  vos  compagnes  î 

Aux  armes  !  citoyens,  formez  vos  bataillons, 

Marchons  (bis),  qu'un  sang  impur  abreuve 

[nos  sillons'. 

Que  veut  cette  horde  d'esclaves, 
De  traîtres ,  de  rois  conjurés  ? 
Pour  qui  ces  ignobles  entraves, 
Ces  fers  dès  longtemps  préparés?...  bis 
Français,  pour  nous,  ah!  quel  outrage, 
Quels  transports  il  doit  exciter! 
C'est  nous  qu'on  ose  méditer 
De  rendre  à  l'antique  esclavage  ? 

Aux  armes!  citoyens,  etc. 


POPULAIRES.  357 

Quoi  !  ces  cohortes  étrangères 
Feraient  la  loi  dans  nos  foyers  : 
Quoi  !  ces  phalanges  mercenaires 
Terrasseraient  nos  fiers  guerriers  ?  bis. 
Grand  Dieu  !  par  des  mains  enchaînées 
Nos  fronts  sous  le  joug  se  ploieraient! 
De  vils  despotes  deviendraient 
Les  maitres  de  nos  destinées  ! 
Aux.  armes!  citoyens,  etc. 

Tremblez,  tyrans,  et  vous  perfides, 
L'opprobre  de  tous  les  partis  ! 
Tremblez!  vos  projets  parricides 
Vont  enfin  recevoir  leur  prix!  bis. 

Tout  est  soldat  pour  vous  combattre. 
S'ils  tombent  nos  jeunes  héros, 
La  France  en  produit  de  nouveaux , 
Contre  vous  tout  prêts  à  se  battre. 
<\ux  armes!  citoyens,  etc. 

Français,  en  guerriers  magnanimes, 
Portez  ou  retenez  vos  coups  ; 
Épargnez  ces  tristes  victimes 
A  regret  s'armant  contre  nous.         bis. 
Mais  ces  despotes  sanguinaires, 
Mais  les  complices  de  Bouille, 
Tous  ces  tigres  qui,  sans  pitié, 
Déchirent  le  sein  de  leur  mère!... 

Aux  armes  :  citoyens ,  etc. 


|$6  CHANSONS 

Nous  entrerons  dans  la  carrière 
Quand  nos  aînés  ne  seront  plus; 
Nous  y  trouverons  leur  poussière 
Et  la  trace  de  leurs  vertus.  bis» 

Bien  moins  jaloux  de  leur  survivre 
Que  de  partager  leur  cercueil , 
Nous  aurons  le  sublime  orgueil 
De  les  venger  ou  de  les  suivre. 

Aux  armes!  citoyens,  etc. 

Amour  sacré  de  la  patrie, 

Conduis,  soutiens  nos  bras  vengeurs; 

Liberté,  liberté  chérie, 

Combats  avec  tes  défenseurs!  bis. 

Sous  nos  drapeaux  que  la  victoire 

Accoure  à  les  rnàles  accents! 

Que  tes  ennemis  expirants 

Voient  ton  triomphe  et  notre  gloire .' 

Aux  armes!  citoyens,  formez  vos  bataillons, 

Marchons  {bis),  qu'un  sang  impur  abreuve 

f  nos  sillons 

Rouget  dk  Lille. 


POPULÀir.BS.  339 


Le  Chant  du  Départ. 

HYMNE  DE   GUERRE. 

Le  14  juillet    1794    approchai::    la 
France  s'apprêtait  à  célébrer  l'an 
saire  de  la  prise  de  la  Bn^i1  te,  ce  s 
événement  qui  avait  ébranle  le  vieux 
monde  et  ouvert  une  ère  nouvelle. 

On  était  dans  l'ivresse  de  la  lil 
si  glorieusement  conquise,  et  qu'il  s'a- 
gissait de  défendre  contre  les  rois  de 
l'Europe,  qui  la  menaçaient  s: 
comprendre,  sans  soupçonnerles  prodi- 
ges qu'elle  pouvait  enfanter  ;  et  en  même 
temps  que  d  raient,  tous 

les  enfants  de  cette  France,  devenue  une 
nation  de  héros,  se  précipitaient  vers 
les  frontières  menacées  : 

Nu-pieds,  sans  pain,  lourds  aux  lâches  alar- 
►    [mes, 
Tous  à  la  gloire  allaient  du  même  pasl 


S5°  CHANSONS 

C'est  alors  que  Marie-Joseph  Chéniêr 
inspiré  par  la  grandeur  du  spectacle 
qu'il  avait  sous  les  yeux,  improvisa  cet 
hymne  de  guerre  qu'il  appela  le  Chant 
du  Départ,  dont  Méhul  improvisa  la  mu- 
saque,  qu'il  écrivit  de  verve  au  milieu 
des  causeries  d'un  salon. 

Dire  avec  quel  enthousiasme  ces  vers 
et  surtout  cette  admirable  musique  fu- 
rent accueillis,  est  impossible  :  ce  fut 
une  sorte  de  délire,  un  entraînement 
gênerai  dont  rien  ne  saurait  donner  l'i- 
dée. Ce  fut  surtout  dans  nos  armées  que 
cet  hymne  eut  un  succès  prodigieux; 
l'enthousiasme  qu'il  y  excita  ne  peut  être 
comparé  qu'à  celui  qu'avait  fait  naître 
U  Marseillaise. 

La  main  de  fer  impériale  comprima, 
un  peu  plus  tard,  cette  exaltation;  le 
Chant  du  Départ,  comme  la  Marseillaise, 
fut  mis  à  l'index,  et  ces  deux  hymnesy 
qui  avaient  "concouru  au  gain  de  tant  de 
batailles,  ne  reparurent  pendant  quel- 
ques jours,  en  1815,  que  pour  être  re- 
plongés presque  aussitôt  dans  les  limbes 


POPULAIRES.  3S1 

où  le  despotisme  s'efforçait  d'engloutir 
tout  ce  qui  était  capable  de  raviver  dar.s 
le  cœur  du  peuple  l'amour  de  la  patrie 
et  de  la  liberté. 

-La  même  chose  arriva  lors  de  la  révo- 
îlution  de  1830  ;  ces  nobles  chants,  qui 
t'étaient  reproduits,  ne  tardèrent  pas  à 
effrayer  les  hommes  rétrogrades  qui  s'é- 
taient emparés  du  pouvoir,  et  le  i 
dut  cesser  de  faire  entendre  le  Chant  du 
Départ,  qui  menaçait  d'envoyer  les  ty- 
rans au  cercueil. 

Enfin  vint  la  Révolution  de  1848  qui, 
exilant  une  dernière  fois  la  royauté  du 
sol  de  la  France,  donna  un  nouvel  essor 
lau  patriotisme  et  à  tous  les  sentiments 
généreux.  Le  Chant  du  Départ  a  con- 
tribué, avec  le  chœur  des  Girondins, 
[que  nous  donnons  à  la  fin  de  ce  re 
cueil)  à  l'enthousiasme  des  journées  d 
Février. 

Il  est  juste  de  dire  pourtant  qu'à 
l'exception  de  la  première  strophe,  qui 
est  véritablement  admirable,  ces  vers  de 
Chénier  se  ressentent  beaucoup  de  la 


$62  CHANSONS 

précipitation  avec  laquelle  ils  ont  été 
faits  ;  mais  la  musique  en  est  réellement 
enivrante;  il  est  impossible  de  rester 
froid  en  entendant  ces  accents' Lé  r  '- 
ques,  surtout  lorsque  vient  cette  explo- 
sion après  la  mineure  de  l'air  : 

La  République  nous  appelle'. 

Rieu  au  monde  n'est  plus  grand, 
plus  majestueux,  plus  électrique  sur- 
tout. Enfin  cela  ne  peut  pas  mourir,  pur 
la  raison  toute  simple  que  c'est  immor- 
tel; combien  comptons-nous  de  chefs- 
d'œ  vre  dont  on  en  puisse  dire  autant? 


La  victoire  en  chantant  nous  ouvre  la  bar- 
La  liberté  guide  nos  pus,  [rière, 

Et  du  iNorti  au  Midi  la  trompette  guerrière 
A  sonné  l'heure  des  combats. 
Tremblez .  ennemis  de  la  France! 
Rois  ivres  de  sang  et  d  orgueil! 
Le  peuple  souverain  s'avance  : 
Tyrans  ,  descendez  au  cercueil! 


POPULAIRES.  3GJ 

La  république  nous  appelle  , 
Sachons  vaincre  ou  sachons  périr.- 
Un  Français  doit  vivre  pour  elle, 
Pour  elle  un  Français  doit  mourir! 

Une  mère  de  famille. 

nos  yeux  maternels  ne  craignez  pas  les 
[  larmes  : 
Loin  de  nous  do  lâches  douleurs! 
Nous  devons  triompher  quand  vous  prenez 
[  les  armes  ; 
C'est  aux  rois  à  verser  de*  pleurs! 
Nous  vous  avons  donné  la  vie, 
Guerriers  !  elle  n'est  plus  à  vous; 
Tous  vos  jours  sont  à  la  pairie  : 
Elle  est  votre  mère  avant  nous! 
La  république  nous  appelle,  etc. 

Deux  Vieillards. 

Que  le  fer  paternel  arme  la  main  des  braves! 

Songez  à  nous  ,  au  champ  de  Mars  ; 
Consacrez  dans  le  sang  des  rois  et  des  esclaves 

Le  fer  béni  par  vos  vieillards  : 

Et,  rapportant  sous  la  chaumière 

Des  blessures  et  des  vertus , 

Venez  fermer  notre  paupière 

Quand  les  tyrans  ne  seront  plus! 

La  république  nous  appelle,  etc. 


364  CUANSONS 

Un  Enfant. 

De  Barra,  de  Viala,  le  sort  nous  fait  envie  : 
Ils  sont  morts,  mais  ils  ont  vaincu. 

Le  lâche  accablé  d'ans  n'a  point  connu  la  vie 
Qui  meurt  pour  le  peuple  a  vécu. 
Vous  êtes  Vaillants  ,  nous  le  sommes  .- 
Guidez-  nous  antre  les  tyrans; 
Les  républicains  sont  des  hommes  , 
Les  esclaves  sont  aes  enfants  ! 

La  république  nous  appelle,  etc. 

Une  Epouse. 

Partez,  vaillants  époux  :  les  combats  sont  vos 

[fêtes  ; 
Partez,  modèles  des  guerriers. 

Nous  cueillerons  des  fleurs  pour  en  ceindre 
[vos  têtes; 
Nos  mains  tresseront  des  lauriers  ; 
Et,  si  le  temple  de  mémoire 
S'ouvrait  à  vos  mânes  vainqueurs, 
Nos  voix  chanteront  votre  gloire  , 
Nos  flancs  porteront  vos  vengeurs. 

La  république  nous  appelle  ,  etc. 

Une  jeune  Fille. 

Et  nous,  sœurs  des  héior,nous  qui  de  l'hy- 
Ignorons  les  aimei'wjs  nœuds,    [menée 


roriL  365 

Si,  pour  s'unir  un  jour  à  notre  destinée, 
Les  citoyens  forment  des  vœux, 
Qu'ils  reviennent  dans  nos  murailles, 
Beaux  de  gloire  et  de  liberté 
Et  que  leur  sang,  dans  les  batailles, 
Ait  coulé  pour  l'égalité. 

La  république  nous  appelle,  etc. 
Trois  Guerriers. 

Sur  le  fer,  devant  Dieu  ,  nous  jurons  à  nos 
A  nos  épouses  ,  à  nos  sœurs .      [pères, 

A  nos  représentants,  à  nos  fils,  à  nos  rnères, 
D'anéantir  les  oppresseurs; 
En  tous  lieux,  dans  la  nu'.t  profonde, 
Plongeant  l'infâme  royauté, 
Les  Français  donneront  au  monde 
Et  la  paix  et  la  liberté: 

La  république  nous  appelle , 
Sachons  vaincre  ou  sachons  périr  : 
Uc  Français  doit  vivre  pour  elle, 
Pour  elle  un  Français  doit  mourir  ! 

M.  J.  Cbxniek. 
Musique  de  Mûbul. 


360 


La  Parisienne. 

Les  poètes  ne  manquent  jamais  aux 
circonstances  politiques  :  les  uns  flat  ■ 
tout  les  rois  ,  les  antres  flattent  les  peu- 
ples, selon  que  les  rois  ou  les  peuples 
tiennent  le  pouvoir  en  main.  Malheu- 
i-eusement  les  Muses  sont  souvent  des 
girouettes  et  s'inspirent  du  vent  qui 
souffle.  Tel  poëte  a  chanté  Marat ,  qui 
a  salué  l'astre  de  Napoléon  et  le  ber- 
ceau du  roi  de  Rome,  puis  qui  s'est 
courbé  devant  les  lis,  a  encensé  la  res- 
tauration et  l'aurore  du  duc  de  Bor- 
deaux,  et  n'a  pas  manqué  de  rime* 
pour  la  dynastie  de  juillet.  Le  Diction 
naire  des  girouettes  a  signalé  ces  enthou 
siasmes  de  commande.  Nous  ne  confon- 
drons pas  dans  cette  tourbe  de  rimeurs 
Casimir  Delavigne ,  le  poëte  des  Messé- 
niennes ,  dont  les  chants  élégiaques  et 
héroïques  ont  soupiré  les  malheurs  de 


',& 


POPLLAIRES.  367 

la  France  écrasée,  mais  non  v 
par  les  forces  de  l'Europe  coalisée.  Son 
chant  de  la  Parisienne,  œuvre  patrio- 
tique .  eut  un  moment  la  vogue  de  Ici 
Marseillaise  et  du  Chant  du  départ.  Lx 
Yartorienne  eut  moins  de  retentissement, 
parce  qu'elle  s'adressait  a  moins  de 
passions.  Ce  sont  des  boutades  enthou- 
siastes dont  l'effet  est  prompt,  mais  qui 
meurent  avec  les  circonstances  qui  les 
avaient  fait  naître. 

Ce  qui  consacre  la  réputation  de  Ca 
simir  Deiavigne,  ce  sont  ses  tragédies, 
l'élégance  et  la  pureté  de  ses  poésies, 
surtout  dans  le  genre  lyrique. 

La  mort  a  ravi  trop  tôt  ce  poëte ,  né 
en  1794,  et  qui  n'avait  pas  encore  par- 
couru l'espace  d'un  demi-siècle  lorsqu'il 
a  été  enlevé  à  l'Académie ,  à  la  scène 
française  et  à  ses  nombreux  amis. 

Peuple  français ,  peuple  de  braves . 
La  liberté  rouvre  ses  bras  ; 
On  nous  disait  :  Soyez  esclaves: 
Nous  avons  dit  :  Soyons  soldats! 
Soudain  Paris  dans  sa  mémoire 


368  CHANSONS 

A  retrouvé  son  cri  de  gloire 
En  avant,  marchons 
Contre  leurs  canons, 
A  travers  le  fer.  le  feu  des  bataillons, 

Courons  à  la  victoire  !  bis. 

Serrez  vos  rangs!  qu'on  se  soutienne 
Marchons!  chaque  enfant  de  Paris 
De  sa  carti  uche  citoyenne 
Fait  une  offrande  à  son  pays. 
0  jours  d'éternelle  mémoire! 
Paris  n'a  plus  qu'un  cri  de  gloire  : 
En  avant,  marchons,  etc. 

La  mitraille  en  vain  nous  dévore: 
Elle  enfante  des  combattants. 
Sous  les  boulets  voyez  éclore 
Ces  vieux  généraux  de  vingt  ans. 
0  jours  d'éternelle  mémoire! 
Paris  n'a  plus  qu'un  cri  de  gloire  : 
En  avant,  marchons,  etc. 

Pour  briser  leurs  masses  profondes , 
Qui  conduit  nos  drapeaux  sanglants? 
C'est  la  liberté  des  deux  Mondes, 
C'est  Lafayette  en  cheveux  blancs. 
0  jours  d'éternelle  mémoire! 
Paris  n'a  plus  qu'un  cri  de  gloire  : 
En  avant,  marchons,  etc. 


POPULAIRES.  369 

Les  trois  couleurs  sont  revenues , 
Et  la  colonne  avec  fierté 
Fait  briller  à  travers  les  nues, 
L'arc-en-ciel  de  la  liberté. 
0  jours  d'éternelle  njéraoire! 
Paris  n'a  plus  qu'un  cri  de  gloire  : 
En  avant,  marchons,  etc. 

Soldat,  du  drapeau  trie 
D'Orléans ,  toi  qui  Tas  : 
Ton  sang  se  mêlerait  encore 
A  celui  qu'il  nous  a  coûté. 
Comme  aux  beaux  jours  de  notre  hi- 
Tu  redirais  ce  cri  de  gloire  :      [  stoire, 
En  avant,  marchons,  etc. 

Tambours,  du  convoi  de  nos  fi 
Roulez  le  funèbre  signal. 
Et  nous  de  lauriers  populaires 
Chargeons  leur  cercueil  triomphal. 
0  temple  de  deuil  et  de  gloire  ! 
Panthéon,  reçois  leur  mémoire! 

Portons-les,  marchons, 

Découvrons  nos  fronts, 
Soyez  immortels,  vous  tous  que  nouspleu- 
M  .rtvrs  de  la  victoire  !     bis.     [  rons, 

Casimir  Du, 


S70 


l.n  Varsovienne. 

Il  s'est  levé ,  voici  le  jour  sanglant  ; 
Qu'il  soit  pour  nous  le  jour  de  délivrance. 
Dans  son  essor  voyez  notre  aigle  blanc 
Les  yeux  fixés  sur  Tarc-en-ciel  de  France. 
Au  soleil  de  juillet,  dont  l'éclat  fut  si  beau, 
Il  a  repris  son  vol ,  il  fend  les  airs,  il  cr'.e  : 

Pour  ma  noble  patrie, 
Liberté,  ton  soleil,  ou  la  nuit  du  tombeau! 
Polonais,  à  la  baïonnette! 
C'est  le  cri  par  nous  adopté; 
Qu'en  roulant  le  tambour  répète  : 
k  la  baïonnette! 
•  Vive  la  liberté! 

Guerre  !.. .  A  cheval,  cosaques  des  déserts  ! 

Sabrons,  dit-il,  la  Pologne  rebelle. 

Point  de  Balkans,  ses  champs  nous  son! 

[ouverts; 

C'est  au  galop  qu'il  faut  passer  sur  elle. 

Halte!  n'avancez  pas!  ces  Balkans  sont  nos 

[corps, 

La  terre  où  nous  marchons  ne  porte  que  des 

[braves, 


POPULAIRES.  371 

Rejette  les  esclaves, 
Et  de  ses  ennemis  ne  garde  que  les  morts. 
Polonais,  à  la  baïonnette:  etc. 

Pour  loi,  Pologne,  ils  combattront,  tes  fils, 
Plus  fortunés  qu'au  temps  o*i  la  victoire 
Mêlait  leur  cendre  aux  sables  deMemphis, 
Où  le  Kremlin  s'écroula  sous  leur  gloire. 
Des  Alpes  au  Thabor,  de  l'Ébre  au  Ponr- 
[Euxin, 
Us  sont  tombés  vingt  ans  sur  la  rive  étran- 
Cette  fois,  ô  ma  mère!  [gère; 

Ceux  qui  mourront  pour  toi  dormiront  sur 
[  ton  sein  ! 
Polonais,  à  la  baïonnette!  etc. 

Viens,  Kosciusko,  que  ton  bras  frappe  au 
Cet  ennemi  qui  parle  de  clémence,  [cœur 
En  avait-il  quand  son  sabre  vainqueur 
Noyait  Pragadans  un  massacre  immense.» 
Tout  son  sang  va  payer  le  sang  qu'il  prodigua; 
Cette  terre  en  a  soif,  qu'elle  en  soit  arrosée  ; 

Faisons  sous  sa  rosée 
Reverdir  le  laurier  des  martyrs  de  Praga! 
Polonais ,  à  la  baïonnette  !  etc. 

Allons,  guerriers,  un  généreux  effort! 
Nous  les  vaincrons;  nos  femmes  les  dé- 
ifient. 


372  CHANSONS 

0  mon  pays!  montre  au  géant  du  Nord 
Le  saint  anneau  qu'elles  te  sacrifient. 
Que  par  notre  victoire  il  soit  ensanglanté  ; 
Marche!  et  fais  triompher  au  milieu  des  ba- 
[  tailles 
L'anneau  des  fiançailles 
Qui  t'uuit  pour  toujours  avec  la  liberté. 
Polonais  ,  à  la  baïonnette  !  etc. 

A  nous,  Français  !  Les  balles  d'Iéna 
Sur  notre  sein  ont  inscrit  nos  services; 
A  Marengo,  le  fer  le  sillonna  ; 
De  Champ-Aubert  comptez  les  cicatrices. 
Vaincre  ou  mourir  ensemble  autrefois  fut  si 
[doux! 
Nous  étions  sous  Paris...  Poui   de  vieux 
[  frères  d'armes 
N'aurez-vous  que  des  larmes? 
Frères,  c'était  du  sang  que  nous  versions 
[pour  vous  ! 
Polonais,  à  la  baïonnette!  etc. 

0  vous  du  moins  dont  le  sang  glorieux 
S'est  dans  l'exil  répandu  comme  l'onde, 
Pour  nous  bénir,  mânes  victorieux , 
Relevez-vous  de  tous  les  points  du  monde 
Qu'il  soit  vainqueur,  ce  peuple,  ou  martyi 
[comme  vous, 
Sous  les  bras  du  géant,  qu'en  mourant  ii 
[retarde. 


POPULAIRES.  373 

Qu'il  tombe  à  l'avant-garde 
Pour  couvrir  de  son  corps  la  liberté  de  tous  ! 
Polonais,  à  la  baïonnette!  etc. 

Sonnez,  clairons  !  Polonais,  à  ton  rang! 
Suis  sous  le  feu  ton  aigle  qui  s'élance. 
La  liberté  bat  la  charge  en  courant. 
Et  la  victoire  est  au  bout  de  la  lance. 
Victoire  à  l'étendard  que  l'exil  ombragea 
Des  lauriers  d'Austerlitz,  des  palmes  dldu- 
Pologne  bien-aimée,  [mée! 

Qui  vivra  sera  libre,  et  qui  meurt  l'est  déjà! 
Polonais,  à  la  baïonnette! 

.  !e  cri  par  nous  adopté  ; 
"Qu'en  roulant  le  tambour  répète  : 
A  la  baïonnette 
Vive  la  libeite: 

Casons  Delavignf.. 


Chaut  de  Liberté. 

Air  :  Vous  qui,  d'amoureuse  aventure. 

Veillons  au  salut  de  l'Empire, 
Veillons  au  maintien  de  nos  droits! 


374  CHANSONS 

Si  le  despotisme  conspire , 

Conspirons  la  perte  des  rois! 
Liberté!  que  tout  mortel  te  rende  hommage. 
Tremblez,  tyrans!  vous  allez  expier  vos  for- 

Plutôt  la  mort  que  l'esclavage  !    [  faits  ! 

C'est  la  devise  des  Français. 

Du  salut  de  notre  patrie 

Dépend  celui  de  l'univers  ; 

Si  jamais  elle  est  asservie, 

Tous  les  peuples  sont  dans  les  fers. 
Liberté!  que  tout  mortel  te  rende  hommage. 
Tremblez,  tyrans  !  vous  allez  expier  vos  for- 

Plutôt  la  mort  que  l'esclavage  !    [  faits  ! 

C'est  la  devise  des  Français. 

Ennemis  de  la  tyrannie 
Paraissez  tous ,  armez  vos  bras. 
Du  fond  de  l'Europe  avilie , 
Marchez  avec  nous  aux  combats. 

Liberté!  liberté!  que  ce  nom  sacré  noup 

[rallie. 

Poursuivons  les  tyrans,  punissons  leurs  for 
Nous  servons  la  même  patrie  :  [faits! 
Les  hommes  libres  sont  Français. 

Jurons  union  éternelle 
Avec  tous  les  peuples  divers  ; 


POPULAIRES.  375 

.•urons  une  guerre  mortelle 

A  tous  les  rois  de  l'univers.  [  rallie  ! 
Liberté!  liberté!  que  ce  nom  sacré  nous 
Poursuivons  les  tyrans,  punissons  leurs  for- 

On  ne  voit  plus  qu'une  patrie       [  faits  ï 

Quand  on  a  l'àme  d'un  Français. 


ï.a  Carmagnole. 

Cette  horrible  chanson  est  un  monu- 
ment curieux  de  la  folie  démagogique, 
et  nous  la  donnons  dans  ce  recueil  pour 
faire  voir  avec  quelle  poésie  brutale  on 
excitait  le  peuple.  Elle  fut  composée  en 
août  1792,  époque  à  laquelle  Louis  XVI 
fut  mis  au  Temple.  Elle  eut  une  vogue 
populaire  et  devint  le  signal  et  l'ac- 
compagnement des  joies  féroces  et  des 
exécutions  sanglantes.  On  dansait  la 
Carmagnole  dans  les  bals,  on  la  chantait 
au  théâtre  et  autour  de  la  guillotine. 
On  appelait  les   diecours  que   Barrère 


376  CHANSONS 

prononçait  à  la  Convention  des  Carma- 
gnoles. L'air,  qui  est  véritablement  en- 
traînant, était  joué  en  pas  redoublé 
dans  la  musique  militaire  ;  mais  Bona- 
parte le  défendit,  ainsi  que  Ça  ira,  lors- 
qu'il fut  consul. 

Cette  cbanson  parut  au  moment  où 
les  troupes  françaises  venaient  d'entrer 
triomphantes  dans  la  Savoie  et  le  Pié- 
mont, dont  Carmagnole  est  une  ville 
forte.  On  ignore  si  la  musique  et  la 
danse  de  la  Carmagnole  sont  originaires 
de  ce  pays  et  en  ont  pris  le  nom ,  ou  si 
l'air  a  été  composé  par  quelque  musi- 
cien piémontais  ou  français,  à  l'époque 
de  nos  victoires  en  Piémont. 


Madam'  Veto  avait  pronr's  bis. 

De  faire  égorger  tout  Paris  ;  bis. 

Mais  son  coup  a  manqué, 

Grâce  à  nos  canonnié. 

Dansons  la  carmagnole, 
Vive  le  son  !  vive  le  son  ! 

Dansons  la  carmagnole, 
Vive  le  son  du  canon  ! 


POPULAIRES.  377 

M.  n sieur  Veto  avait  promis  bis. 

Ij'ètre  fidèle  à  sa  patrie;  bis. 

Mais  il  y  a  manqué  , 

Ne  faisons  plus  cartié. 

Dansons  la  carmagnole ,  etc. 

Antoinette  avait  résolu  bis, 

De  nous  faire  tomber  sur  eu  ;  bis. 

Mais  son  coup  a  manqué  , 

Elle  a  le  nez  cassé. 

Dansons  la  carmagnole ,  etc. 

Son  mari ,  se  croyant  vainqueur,      bis. 
Connaissait  peu  notre  valeur.  bis. 

Va,  Louis ,  gros  paour, 

Du  Temple  dans  la  tour. 

Dansons  la  carmagnole,  etc. 

Les  Suisses  avaient  tous  promis       bis. 
Qu'ils  feraient  feu  sur  nos  amis  : 

Mais  comme  ils  ont  sauté, 

Comme  ils  ont  tous  dansé  ! 

Chantons  notre  victoire,  etc. 

Quand  Antoinette  vit  la  tour,  bis. 

Elle  voulut  fair'  demi-tour  ;  bis. 

Elle  avait  mal  au  cœur 

De  se  voir  sans  honneur. 

Dansons  la  carmagnole,  etc. 


378  CHANSONS 

Lorsque  Louis  vit  fossoyer,  bis. 

A  ceux  qu'il  voyait  travailler,  bis. 

Il  disait  que  pour  peu 

11  était  dans  ce  lieu. 

Dansons  la  carmagnole,  etc. 

Le  patriote  a  pour  amis,  bis. 

Tous  les  bonnes  gens  du  pays:         bis. 

Mais  ils  se  soutiendront 

Tous  au  son  du  canon. 

Dansons  la  carmagnole,  etc. 

L'aristocrate  a  pour  amis ,  bis. 

Tous  les  royalist's  à  Paris;  bis. 

Ils  vous  les  soutiendront. 
Tout  comm'  des  vrais  poltrons. 
Dansons  la  carmagnole,  etc. 

La  gendarmerie  avait  promis  bis. 

Qu'elle  soutiendrait  la  patrie ,"  bis. 

Mais  ils  n'ont  pas  manqué 

Au  son  du  canonié. 

Dansons  la  carmagnole,  etc. 

Amis,  restons  toujours  unis,  bis. 

Ne  craignons  pas  nos  ennemis:         bis. 

S'ils  viennent  attaquer. 

Nous  les  ferons  sauter. 

Dansons  la  carmagnole,  etc. 


POPULur.r.ç,  379 

Oui ,  je  suis  sans  cuioiie ,  moi ,  bis. 

En  dépil  des  amis  du  roi ,  bis. 

Vivent  les  Marseillois, 

Les  Bretons  et  nos  lois. 

Dansons  la  carmagnole,  etc. 

Oui ,  nous  nous  souviendrons  toujours  bis 
Des  sans-culottes  des  faubourgs,     bis. 

A  leur  santé,  buvons. 

Vivent  ces  bons  lurons! 

Dansons  la  carmagnole, 
Vive  le  son  !  vive  le  son  î 

Dansons  la  carmagnole , 
Vive  le  son  du  canon  ! 


(a  ira. 

Le  refrain  connu  de  cette  chanson 
fut  improvisé  au  Champ  de  Mars ,  pen- 
dant que  l'on  y  préparait  la  fête  de  In 
Fédération  et  que  tout  le  monde  y  rou 
lait  la  brouette,  sur  un  air  appelé  le  Ca- 
rillon national.  C'était  une  contredanse 
à  la  mode,  et  que  la  reine  aimait  à 
jouer  sur  son  clavecin  ;  elle  ne  se  dou- 


380  «..UANSOXS 

tait  pas  qu'il  l'accompagnerait  à  Pécha- 
faud! 

Ah  '.  ça  ira ,  ça  ira ,  ça  ira 

Le  peuple  en  ce  jour  sans  cesse  répète  ; 

Ah  !  ça  ira ,  ça  ira ,  ça  ira , 

Malgré  les  mutins,  tout  réussira. 

Nos  ennemis  confus  en  restent  là  , 
Et  nous  allons  chanter  Alléluia. 
Ah  !  ça  ira  ,  ça  ira  ,  ça  ira. 

En  chantant  une  chansonnette, 

Avec  plaisir  on  dira  : 
Ah  !  ça  ira ,  ça  ira  ,  ça  ira. 
Le  peuple  en  ce  jour  sans  cesse  répète  ; 
Ah  !  ça  ira ,  ça  ira  ,  ça  ira 
Malgré  les  mutins,  tout  réussira. 

Quand  Boilcau,  jadis,  du  clergé  parla, 

Comme  un  prophète  il  prédit  cela. 

Ah  !  ça  ira ,  ça  ira ,  ça  ira 

Suivant  les  maximes  de  l'Évangile; 

Ah  !  ça  ira,  ça  ira,  ça  ira, 

Du  Législateur  tout  s'accomplira; 

Celui  qui  s'élève,  on  l'abaissera; 

Et  qui  s'abaisse ,  on  l'élèvera. 

Ah  !  ça  ira ,  ça  ira ,  ça  ira , 

Le  peuple  en  ce  jour  sans  cesse  répète  ; 

Ah  !  ça  ira,  ça  ira,  ça  ira, 

Malgré  les  mutins  ,  tout  réussira. 


POTOLAIABS.  381 

Le  vrai  catéchisme  nous  instruira 
Et  l'affreux  fanatisme  s'éteindra; 

Pour  être  à  la  loi  docile  , 

Tout  Français  s'exercera. 
Ah  !  ça  ira ,  ça  ira  ,  ça  ira , 
Le  peuple  en  ce  jour,  sans  cesse  rénète,' 
Ah  !  ça  ira  ,  ça  ira,  ça  ira, 
Malgré  les  mutins  ,  tout  réussira. 

Ah!  ça  ira,  ça  ira  ,  ça  ira, 

Pierrot  et  Margot  chan  ten  l  à  la  guinguette , 

Ah  :  ça  ira  ,  ça  ira ,  ça  ira. 

Rejouissons-nous,  le  bon  temps  reviendra. 

Le  peuple  français  jadis  à  quia. 

L'aristocrate  dit  :  Mea  cul^i. 

Ah  !  ça  ira ,  ça  ira  ,  ça  ira  , 

Le  cierge  regrette  le  Lien  qu'il  a , 

Par  justice  la  nation  l'aura; 

Par  le  prudent  Lafayeite, 

Tout  trouble  s'apaisera. 
Ah  !  ça  ira ,  ça  ira ,  ça  ira  ,  etc. 

Ah  !  ça  ira ,  ça  ira ,  ça  ira  , 

Par  les  flambeaux  de  l'auguste  assemblée . 

Ah  !  ça  ira ,  ça  ira ,  ça  ira , 

Le  peuple  arme,  toujours  se  gardera. 

Le  vrai  d'avec  le  faux  l'on  connaîtra, 

Le  citoyen  pour  le  bien  soutiendra. 

Ah  !  ça  ira ,  ça  ira ,  ça  ira , 

Quand  l'aristocrate  protestera , 


382  CHANSONS 

Le  bon  citoyen  au  nez  lui  rira; 

Sans  avoir  l'àme  troublée, 

Toujours  le  plus  fort  sera. 
Àh  !  ça  ira,  ça  ira,  ça  ira, 
Le  peuple  en  ce  jour  sans  cesse  répète  ; 
Ah  !  ça  ira ,  ça  ira ,  ça  ira , 
Malgré  les  mutins  tout  réussira. 
Ah  !  ça  ira ,  ça  ira ,  ça  ira , 
Petits  comme  grands  sontsoldats  dans  l'àme. 
Ah  !  ça  ira ,  ça  ira ,  ça  ira ,  etc. 

Pendant  la  guerre,  aucun  ne  trahira. 

Avec  cœur  tout  bon  Français  combattra  ; 

S'il  voit  du  louche,  hardiment  parlera. 

Ah  !  ça  ira ,  ça  ira ,  ça  ira , 

La  liberté  dit  :  Vienne  qui  voudra, 

Le  patriotisme  lui  répondra, 

Sans  craindre  ni  feu  ni  flammes, 
Le  Français  toujours  vaincra  ! 

Ah  !  ça  ira ,  ça  ira  ,  ça  ira , 

Le  peuple  en  ce  jour  sans  cesse  répète  ; 

Ah  !  ça  ira  ,  ça  ira ,  ça  ira , 

Malgré  les  mutins  tout  réussira. 

Ladre  ,  chanteur  public. 
Musique  de  Bécourt. 


POPCLAIREI.  383 


Histoire  abrégée  de  l'Opéra. 

L'invention  des  opéras  ou  représenta- 
tions en  musique  accompagnées  de 
danses,  de  machines  et  de  décorations, 
est  due  aux  Italiens.  On  avait  tenté 
plusieurs  fois  ,  mais  sans  succès,  de  les 
introduire  en  France,  lorsque  l'abbé 
Perrin ,  qui  avait  la  place  d'introduc- 
teur des  ambassadeurs  près  de  Gaston 
de  France  ,  duc  d'Orléans  ,  entreprit  de 
naturaliser  chez  nous  ce  spectacle.  Il 
composa  une  pastorale  qu'il  fit  mettre 
en  musique  par  Cambert,  intendant  de 
la  musique  de  la  reine  mère.  Cette 
pièce,  qui  fut  d'abord  chantée  à  Issy, 
chez  M.  de  La  Haye,  fut  si  goûtée, 
quoique  exécutée  sans  machines  et  sans 
danses ,  que  le  cardinal  Mazarin  en  fit 
donner  à  Yincennes  plusieurs  repré 
sentations  devant  le  roi. 

L'abbé  Perrin  composa  ensuite  une 


CHANSONS 

Ariadne,  dont  on  fit  plusieurs  répéti- 
tions ;  mais  la  mort  du  cardinal,  arrivée 
en  1661 ,  empêcha  qu'elle  fût  jouée, 
et  suspendit  pour  un  temps  le  progrès 
des  opéras  naissants.  Cependant  l'abbé 
Perrin  poursuivit  son  projet,  et  il  ob- 
tint enfin,  en  1669,  des  lettres  patentes 
pour  l'établissement  d'une  Académie  des 
opéras  en  langue  française.  Il  s'associa 
pour  la  musique  avec  Camhert.  pour 
les  machines  avec  le  marquis  de  Sour- 
deac,  et  fit  représenter  a  Paris  ,  sur  le 
théâtre  de  l'hôtel  deGuénégaud,  l'opéra 
de  Pomone,  au  mois  de  mars  1671.  Les 
danses  étaient  de  la  composition  de 
Beauchamp,  surintendant  des  ballets 
du  roi. 

Le  rôle  de  Pomone  fut  chanté  par 
une  demoiselle  de  Castiiiy^  et  pour 
remplir  les  autres  rôles  ;  On  avait  fait 
venir  du  Languedoc  plusieurs  musi- 
ciens. 

La  nouveauté  de  ce  spectacle  attira 
la  foule,  et  le  succès  se  soutint  pendant 
huit  mois  entiers.  Mais  le  marquis  de 


.  sous  prétexte  ùes  a-... 
qnïl  avait  faites,  s'empara  des  re 
puis  du  théâtre ,  et  déposséda  l'abbé 
Perrin.  Pour  se  passer  de  son  ancien 
associé,  il  eut  recours  à  Gilbert,  secré- 
taire des  commandements  de  la  reine 
Christine,  et  poète  qui  n'était  pas  sans 
mérite.  Gilbert  composa  une  pièce  inti- 
tulée les  Peines  et  les  Plaisirs  de  l'amour, 
qui  fut  représentée  sur  le  théâtre  de  la 
rue  Guénégaud.  Les  auteurs  de  la  mu- 
sique ,  des  danses  ,  l'inventeur  de-s  ma- 
chines et  les  acteurs  furent  les  mêmes 
que  dans  Pomone,  excepté  que  le  rôle 
de  Climène  fut  joué  par  mademoi- 
selle Brigogne. 

Le  roi  s'intéressa  beaucoup  à  ce  nou- 
veau spectacle ,  et  crut  ne  pouvoir  le 
mettre  en  meilleures  mains  que  dans 
celles  de  Lulli  ,  qui  était  surintendant 
de  sa  musique.  Il  lui  fit  expédier  des 
lettres  de  privilège  pour  la  représen- 
tation des  opéras. 

Dans  ces  lettres  patentes,  le  roi  per 
met    à    Lulli    d'établir    une    Académie 


33G  CHANSONS       . 

royale  de  musique.  Tel  est  le  titre  que 
prit  dès  lors  l'Opéra.  «  Nous  l'érigeons, 
est-il  ajouté,  sur  le  pied  de  celles  des 
académies  d'Italie,  où  les  gentilshommes 
chaulent  publiquement  en  musique  sans 
déroger,  voulons  et  nous  plaist  que  tous 
gentilshommes  et  demoiselles  puissent 
chanter  auxdites  pièces  et  représenta- 
tions de  notre  Académie  royale,  sans 
que  pour  ce  ils  soient  censés  déroger 
rmdit  titre  de  noblesse  et  à  leurs  pri- 
vilèges. » 

Lûîli  établit  son  théâtre  au  jeu  de 
paume  du  Bel-Air,  près  de  la  rue  Gué- 
négaud,  et  donna  au  public,  en  1672, 
les  Fêtes  de  l'Amour  et  de  Bacchus  ,  pà 
storale  composée  de  fragments  de  diffé- 
rents ballets,  dont  il  avait  fait  l'a  mu 
sique  pour  le  roi,  sur  les  paroles  de 
Quinault.  Ce  fut  un  Italien  nommé 
Vigarani  qui  conduisit  les  machines. 

Dans  le  ballet,  dont  une  partie  avait 
été  composée  par  Lulli  et  l'autre  par 
des  Brosses,  parurent  de  très-grands 
soigneurs,  le  duc  de  Monmouth,  le  duc 


ropuLAir.F.?. 
ierov  et  le  marquis  de  Ras 
qui  dansèrent  en  présence  du  roi  avec 
les  danseurs  de  ce  spectacle  ,  les  sieurs 
Beanchamp  .  Saint-André  ,  Favier  et 
La  Pierre,  dont  les  noms  se  trouvent 
aux  ballets  des  pièces  de  Molière. 

Depuis  ce  moment,  presque  tous  les 
opéras  furent  composés  en  société  par 
Quinault  et  Lulli ,  qui  furent  les 
tables  créateurs  de  ce  genre  en  France. 
Il  n'est  personne  qui  ne  sache  combien 
cette  association  produisit  de  cl 
l'œuvre. 

Thomas    Corneille    fit    pour    L 
Psyché  et  Bellérophon,  et  Campistron  fit 
cis    PGilatée. 

Molière  étant  mort  le  17  février  1673, 
le  roi  donna  le  théâtre  du  Palais-Royal, 
qu'occupait  la  troupe  de  ce  célèbre  co- 
mique, à  l'Académie  royale  de  mu- 
sique. 

Lalli  l'occupa  jusqu'en  1687  ,  lors- 
qu'il mourut  au  mois  de  mars  '.  Son 

'  Lulli  ,  »ïiort  à  cinquante -quatre     - 


388  CHASSONS 

gendre .  Nicolas  de  Francinet ,  maître 
d'hôtel  du  roi,  obtint  sa  survivance,  et 
prit,  en  1698 ,  pour  associé  Dumont, 
écuyer  du  dauphin. 

Lulli  avait  fait  le  premier  acte 
ày  Achille  et  Polyxène,  opéra  de  Campi- 
stron,  dont  la  musique  fut  achevée  par 
Colasse  ,  maître  de  la  musique  de  la 
chambre  et  de  la  chapelle  du  roi.  Ce 
successeur  de  Lulli  a  composé  dix  opé- 
ras. Les  deux  fils  de  Lulli  en  compo- 
sèrent aussi  quelques-uns  ,  ainsi  que 
Marin  Marais,  Desmarets,  Charpentier, 
Bouvard  ,  La  Coste,  Destouches,  Cam 
pra  et  Lalande. 

En  1712,  Destouches  fut  créé  in 
specteur  général  de  la  régie  de  l'Aca 
demie  royale  de  musique.  Nous  ne 
saurions  nommer  tous  les  musiciens 
qui  firent  représenter  des  ouvrages  à 
l'Opéra.  Nous  signalerons  cependant 
Mouret,  Rebel  et  Francœur,  de  même 

terré  dan»  l'église  des  Petits-Pères ,  près  la  place 
Notre-Dair.e  des  Victoires  ,  où  l'on  voit  <  ncore  son 
tombeau 


POPttLi  Zï9 

que  nous  cîterons  parmi  lss  auteurs  des 
paroles  les  noms  célèbres  de  Fonte- 
nelle ,  La  Motte ,  et  ceux  de  Danchet , 
Pellegrin,  Cahusac,  Roi  et  Moncrif. 

Ce  fut  en  1733  qu'un  homme  j 
ment  célèbre,  Rameau,  qui  ne  se  lança 
cependant  dans  la  carrière  du  théâtre 
qu'à  l'âge  de  cinquante  ans,  jeta  un 
nouvel  éclat  sur  la  scène  lyrique,  et 
composa  trente  opéras,  parmi  les 
on  distingue  comme  ses  chefs-d'œuvre 
Dardanus  et  Castor  et  Poîlux.  Il  mou- 
rut en  1764,  âgé  de  plus  de  quatre- 
ans. 

Mais  la  musique  devait  subir  une 
nouvelle  révolution  ,  et  Gluck  vint  en 
France,  en  1770,  précédé  d'une  répu- 
tation immense  et  justement  m 
H  ne  trouvait  pas  à  la  langue  italienne 
assez  de  nerf  pour  se  mettre  à  l'un 
des  passions  violentes  ;  il  pensa  que  la 
scène  française ,  par  la  régularité  de 
son  ordonnance  et  la  progression  de 
son  intérêt ,  était  plus  favorable  à  l'u- 
nité ,    condition   qui    l'occupait    : 


390  CHANSONS 

toute  chose.   Enfin  le  public   français 

il  être,  selon  lui,  le  plus  sens 
à  la  vérité  dramatique.  C'était  un  i  ôl 

piquant  pour  un  étranger ,  que 
celui  de  relever  notre  langue  de  Fana- 
thème  prononcé  contre  elle  par  le  plu-, 
éloquent  des  écrivains  français  ,  Jean- 
Jacques  Rousseau. 

31  fit  alors  la  musique  à'Iphigénie  en 
Aulide,  dont  le  bailli  du  Rollet  coupa 
le  poè'me  d'après  celui  de  Racine,  en 
conservant,  autant  que  possible,  l'ad- 
mirable versification  du  poëte. 

Du  Rollet  écrivit  à  l'administration 
de  l'Opéra  et  l'engagea  à  faire  venir  le 
musicien  à  Paris.  L'idée  d'une  révo- 
lution musicale  souleva  une  violente 
opposition  ;  mais  on  eut  recours  à  la 
dauphine  Marie- Antoinette ,  qui  avait 
beaucoup  d'attachement  pour  son  an- 
cien maître,  et  qui  fut  heureuse  de  lever 
tous  les  obstacles.  Gluck  se  mit  en 
route  à  l'âge  de  soixante  ans.  Iphigénie 
fut  représentée  le  19  avril  1774  et  fit 
époque  ;  l'effet  en  fut  prodigieux  ;  il  en 


POP II  \  3Si 

fut  de  même  d'Orpte'e  et  àJAkeste.  La  mu- 

E  ne.  justement  alarmée 
lut  opposer 

i:iccini,  qui  i 

Italie.  Alors  commença  cette  gue: r 
rittant  de  bruit,  entre-  les  glatJn&u*  etle- 

-âtre  devint  une 
table  arène,  quelquefois  sanglante, 
que  matin  ,  dans  les  feuilles  publiques, 
_  e  d'injures  et  d'épi- 
grammes  ;  tout  Paris  était  en  insurrec- 
tion. Les  hostilités  durèrent  jusqu'à  ce 
que  le  compositeur  allemand  fût  re- 
tourné à  Vienne.  Avant  son  départ , 
en  17b0,  il  donna  Armide  et  Iphigémt 
en  Tauride.  Il  mourut  à  Vienne,  le 
15  novembre  1787,  d'une  attaque  d'apo- 
plexie. 

Gluck  a  fait  de  l'art  dramatique  un 
langage  sublime  qui  captive  l'âme  tout 
entière.  Sa  musique'fait  oublier  par  un 
étonnart  prestige  que  c'est  par  l'oreille 
qu'elle  arrive  au  cœur.  «  Grâce  à  ce 
grand  homme,   a  dit  un  iuge  compé- 


392  CHANSONS 

tent ,  l'opéra  n'offre  plus  un  concert 
dont  le  drame  est  le  prétexte  ;  il  a  tout 
l'intérêt  de  la  tragédie  ;  c'est  Corneille, 
c'est  Racine  traduits  dans  une  langue 
nouvelle  ;  c'est  le  sublime  et  le  pathé- 
tique de  ces  grands  poètes.  » 

Piccini  marcha  sur  les  traces  de  son 
rival  dans  Iphigénie  en  Tauride  et  dans 
la  Didon  ,  dont  Marmontel  avait  écrit 
le  poëme. 

Salieri ,  à  qui  Gluck  avait  remis 
l'opéra  des  Danaïdes,  que  sa  santé  ne 
lui  permettait  pas  d'écrire,  obtint  un 
succès  auquel  succéda  celui  de  Tarare, 
que  Beaumarchais  lui  avait  confié- 

Nous  arrivons  à  Sacchini,  qui  obtint 
un  éclatant  succès  avec  les  opéras  de 
Dordanus,  Benaud  et  Chimène.  Son  plus 
bel  ouvrage  fut  Œdipe  à  Colonne ,  que 
la  cour  accueillit  avec  un  grand  en 
thousiasme,  mais  dont  l'apparition  à 
Paris  fut  retardée  pur  des  obstacles  de 
mille  espèces.  Ce  ne  fut  que  quatre 
mois  après  la  mort  du  célèbre  compo- 
siteur qu'on  représenta  à  l'Opéra  OEdipe 


POFU  393 

à  Colonne }  qui  restera  l'un  des  chefs- 
d'œuvre  du  genre ,  autant  par  le  génie 
du  musicien  que  par  la  beauté  du 
poëme  de  Guiilard.  La  musique  de  Sac- 
chini ,  simple  et  gracieuse ,  est  rehaus- 
sée par  une  mélodie  et  une  harmonie 
toujours  correctes  ;  aussi  a-t-elle  défié 
les  outrages  du  temps  ,  malgré  les  ré- 
volutions opérées  depuis  un  demi-siècle 
dans  l'art  musical. 

Nous  terminerons  la  liste  des  musi- 
ciens célèbres  qui  ont  illustré  l'opéra 
par  le  nom  de  Grétry,  qui  a  dit  dans 
un  de  ses  ouvrages  :  «  Ma  musique 
n'est  pas  aus?i  énergique  que  celle  de 
Gluck,  mais  je  ia  crois  la  plus  vraie 
de  toutes  les  compositions  dramatiques. 
Je  n'ai  pas  exalté  les  têtes  par  un  super- 
latif tragique,  mais  j'ai  révélé  l'accent 
de  la  vérité.  » 

Treize  ouvrages  de  ce  maitre  ont  été 
joués  au  grand  Opéra;  plusieurs  ap- 
partiennent au  genre  comique. 

Les  ouvrages  qui  ont  obtenu  le  plus 
de  succès  jusqu'en  1827  sont  :  la  l 


394  CHANSONS 

•"terreilleuse ,    d'Etienne  et   Nicolo  ;    la 

■■■ ,    de  Jouy  et  Spont;r,i  ;  F  , 
t'ortez  ,  des  mêmes  auteur.-:     > 
dé    Leclerc    et    Giraud  ,    musique    de 
Kreutzer. 

Alors   apparut  une  nouvelle  ère  mu- 
sicale avec  le  Siège  de  Corinthé,  qui 
iit  connaître  le  célèbre  Rossini. 

Cet  illustre  maestro  qui,  depuis  1810, 
avait  commencé  à  briller  sur  les  théâ- 
tres d'Italie,  où  il  avait  donné  Tancredi, 
il  Barbiere ,  Otello,  la  Gazza  ladra,  la 
Cenerentola ,  n'aurait  pas  cru  sa  gloire 
complète  s'il  ne  l'avait  consacrée  sur 
la  scène  lyrique  française.  Ce  hardi 
novateur  a  lancé  la  mélodie  dans  des 
routes  nouvelles,  et  changé  tout  le  sys- 
tème lyrico-dramatique  des  Italiens , 
en  appelant  l'orchestre  à  concourir  à 
l'intérêt  qui ,  précédemment,  se  portait 
uniquement  sur  la  partie  vocale.  Ce- 
pendant des  critiques  prétendent  que 
Rossini,  qui  osa  lutter  avec  Paesielloet 
Mozart,  est  au-dessous  du  premier  pour 
la  mélodie  et  du  second  pour  l'harmo 


POPl'i 

iules. 

presque  toujours  la  règle  fon 

s  les  beau:** 

à  doit  régner  dans  une  coin- 
n.  regardée  comme  un  tout  dont 

.rties  s'enchaînent  et 
un  appui   mutuel.  Le  cucf-d'oeu. . 
Rossini,  Guillaume  Tell,  pu. 
musique  par  des  auteurs  françai- 
comme  poëme  un  ouvrage  très-irrégu- 
lier  et  sans  intérêt.  Il  es:  vrai  que,  dans 
un  opéra  italien ,  il  ne  s'agit  guère  que 
de  flatter  l'oreille  par  quelques  an 
quelques   morceaux   d'éclat  ,  la    pièce 
n'étant  qu'un  cadre  auquel  on  ne  fait 
point  d'attention.  C'est  le  système  op 
posé  qu'avait  suivi  Gluck  et  qu'ont  tou- 
jours adopté  les  grands  maîtres  de  la 
scène  lyrique  ;  c'est  celui  que  suivent  en- 
core Meyerbeer  et  Halévy,  et  qui  a  fait 
le  grand  succès  de  Bolert  le  Diable  ,  des 
Huguenots  et  de  la  Juive,  dont  les  poèmes, 
écrits  par  Scribe,  sont  de  vraie»  compo- 
sitions dramatiques  où  l'intérêt  du  su- 


3S6  CHANSONS 

jet ,   la  splendeur   du   spectacle  con 
courent  au  bel  ensemble  de  l'opéra. 

Peut-on  parler  de  l'Opéra  sans  citer 
quelques-uns  des  noms  qui  y  sont  de- 
venus célèbres ,  et  sans  citer  pour  le 
chant  Cheron,  Lays,  Rousseau,  la  fa- 
meuse Saint-Huberty,  et  sous  l'empire, 
Dérivis ,  Nourrit  et  madame  Brancbu , 
puis  de  nos  jours,  Dupi-ez,  mademoi- 
selle Falcon  et  madame  Stolz  ? 

La  danse  a  eu  aussi  ses  célébrités 
dans  les  Gardel,  les  Vestris,  et  les  de- 
moiselles Salle ,  Camargo  ,  Guimard  , 
génération  à  laquelle  a  succédé  celle 
des  Clotilde ,  des  Bigottini ,  et  ensuite 
celle  de  Taglioni ,  d'Essler,  puis  d'une 
foule  d'autres  sylphides  dont  la  reine 
est  aujourd'hui  la  ravissante  Carlotta 
Grisi. 

Maintenant  que  les  décorations  et  les 
costumes  sont  si  perfectionnés,  on  ne 
saurait  s'imaginer  à  quel  point  ils  fu- 
rent longtemps  ridicules  à  l'Opéra. 

Au  Théâtre-Français,  sous  LouisXIV, 
les  acteurs  de  tragédie  étaient  vêtus  du 


POPULAIRES.  397 

costume  qu'on  portait  à  la  cour,  y 
joignaient  une  écharpe  en  ceinture .  et 
avaient  la  tête  embarrassée  de  la  vo- 
lumineuse perruque  du  temps,  sur  la- 
quelle on  plaçait  une  couronne  de  lau- 
rier ou  un  chapeau  garni  de  plumes. 

A  l'Opéra,  les  costumes  étaient  d'ima- 
gination et  ne  ressemblaient  à  ceux 
d'aucun  temps,  d'aucune  nation.  Les 
dieux,  les  bergers,  les  rois,  les  héros 
figuraient  ornés  de  guirlandes  de  fleurs, 
et  tous  portaient  des  paniers  comme 
les  femmes  d'alors. 

En  1681,  on  vit  pour  la  première 
fois  des  danseuses  paraître  sur  le  théâ- 
tre de  l'Opéra;  jusqu'alors  ces  emplois 
avaient  été  remplis  par  des  hommes 
habillés  en  femmes. 

Les  danseurs  parurent  longtemps 
avec  des  masques .  et  il  n'y  a  guère 
qu'une  soixantaine  d'années  qu'ils  ont 
dansé  à  visage  découvert. 

En  1719,  l'Opéra  était  encore  éclairé 
par  des  chandelles.  En  cette  année ,  par 
la  munificence  du  fameux  contrôleur 


398  •  OSS     " 

général  Law,  on  leur  substitua  des  bou- 
gies. 

Quoique  nous  l'ayons  tracée  rapide- 
ment et  en  passant  sur  beaucoup  de 
détails,  l'histoire  du  théâtre  de  l'Opéra 
ne  serait  pas  complète  si  nous  n'y  joi- 
gnions pas  celle  des  différentes  salles 
dans  lesquelles  ce  spectacle  a  été  établi. 

Le  théâtre  du  Palais-Royal ,  dont 
Sauvai  dit 1  qu'il  était  le  plus  commode 
et  le  mieux  entendu  de  tous,  ne  con- 
sistait qu'en  vingt-sept  degrés  ou  gra- 
dins et  deux  rangées  de  loges.  Les  de- 
grés n'avaient  que  quatre  ou  cinq  pouces 
de  hauteur;  les  spectateurs  du  vingt- 
septième  degré  n'étaient  point  au-dessus 
des  acteurs.  Les  femmes  de  la  cour 
faisaient  porter  des  fauteuils  ou  des 
chaises  que  l'on  posait  sur  ces  degrés. 

L'entrée  de  ce  spectacle  était  sur  la 
place  du  Palais-Royal,  et  on  y  parvena;t 
par  un  cul-de-sac  étroit  qui  s'ouvra:'!; 
sur  la  foçade  du  palais.  Le  théâtre  qui 

;     (•ilicuitès  de  Paris,  tome  III ,  p-ige 


• 
lui  était  contigu  n'avait  rien  qui  ie  ca- 
ractérisât. Un  incendie  le  détruisit  en 
1763,  et  pendant  qu'on  le  reconstruisit 
les  acteurs  jouèrent  au  théâtre  des  ma- 
chines du  château  des  Tuileries. 

E"  1770 .  la  nouvelle  salle  fut  .. 
vée  et  ouverte  au  public,  qui  s'y  porta 
avec  une  affluence  extraordinaire.  Elle 
fut  plus  élégante  que  celle  qui  avait 
été  incendiée;  on  y  trouvait  quatre  rangs 
de  loges.  Après  douze  ans  d'exi>îence,. 
-aile  devint  encore  la  proie  des 
flammes  au  mois  de  juin  1781. 

C'était  sur  ce  nouveau  théâtre  qu'a- 
vaient brillé  le  danseur  Dauberval,   le 
chanteur  Legros,  et  Sophie  Arnonld, 
re  par  la  vivacité  de  son  esprit  et 
ses  heureuses  et  fines  reparties. 

On  bâtit  alors  une  salle  provisoire 
près  de  la  Porte  Saint-Martin  ;  elle 
fut  achevée  dans  l'espace  de  soixante- 
quinze  jours.  Les  acteurs  de  l'Opéra 
y  jouèrent  jusqu'en  1793  ,  époque  où 
ils  allèrent  établir  leur  spectacle  dans 
.   e  que  la  demoiselle  Montausier 


400  CHASSONS 

avait  fait  élever  dans  la  rue  Richelieu , 
vis-à-vis  la  Bibliothèque  royale.  L'Opéra 
y  resta  jusqu'au  13  février  1821,  époque 
d'un  événement  affreux,  l'assassinat  du 
duc  de  Berry.  L'édifice  fut  démoli  et 
le  spectacle  transféré  d'abord  au  théâtre 
de  Louvois ,  puis  au  théâtre  Favart,  et 
enfin  dans  la  salle  où  il  est  actuelle- 
ment, rue  Lepelletier,  sur  l'emplace- 
ment de  l'ancien  hôtel  de  Choiseul.  Il 
y  fut  installé  en  1821. 

Telles  sont  les  différentes  migrations 
de  l'Opéra,  qui  attend  un  emplacement 
définitif,  la  salle  où  il  est  aujourd'hui 
n'étant  que  provisoire.  Cependant  cette 
salle  est  encore  la  plus  belle  de  Paris , 
et  les  talents  de  tout  genre  que  l'on  y 
admire  font  de  l'Opéra  le  premier  spec- 
tacle du  monde. 


PC  PILAIRES.  401 

MORCEAUX  TIRES  DE  TOPERA. 

Le  lecteur  a  pu  déjà  remarquer  dans  oc 
recueil  des  morceaux  tirés  d'opéras,  mais  ils 
ont  été  ainsi  classés  à  cause  de  leur  analo- 
gie avec  les  chansons  qui  les  entourent. 
Cette  observation  s'applique  également  aux 
morceaux  tirés  de  l'Opéra-Comique  et  du 
Vaudeville. 


(kanNO!  de  la  "f  nette  de  Portlcl. 

BARCÀHOLLE. 

aiince  est  belle  : 

•- 
..ntTOtre  nacelle, 
Et  de?  vents  bravez  le  courroux. 
Conduis  ta  barque  avec  prudence, 

Tècheur,  parle  bas , 
Jette  tes  filets  en  silence; 
Pêcheur,  parle  bas  : 
Le  roi  des  mers  ne  t'échappera  pas.    I 

Vhe\  -achoos  Fat: 

Plus  tard  nous  saurons  la  saisir. 


402  CHASSONS 

Le  courage  fait  entreprendre, 

Mais  l'adresse  fait  réussir. 

Conduis  ta  barque  avec  prudence,  etc. 

Pêcheur,  sur  la  mer  orageuse 
Brave  la  mort  et  le  destin  ;. 
Pour  une  action  périlleuse, 
Vogue  sans  peur,  en  vrai  marin. 
Conduis  ta  barque  avec  prudence,  etc. 

Ne  redoute  pas  la  baleine; 
Le  temps  est  calme  :  il  faut  partir. 
Si  la  conquête  est  incertaine, 
Brave ,  ne  crains  pas  de  mourir. 
Conduis  ta  barque  avec  prudence,- 

Pêcheur,  parle  bas , 
Jette  tes  filets  en  silence  ; 

Pêcheur,  parle  bas  : 
Le  roi  des  mers  ne  t'échappera  pas.    bis. 

Paroles  de  Scribe  ,  musique  cJ'Aubert. 


Vaudeville  de  Colinette  à  la  Cour. 

LA  FÊTE  DES  BONNES  GENS. 

Cette  jolie  chanson  était  le  vaude- 
ville final  de  l'opéra  de  Colinette  à  la 


POPLL.ur.Es.  403 

Cour,  qui  fut  joué  pour  la  première  fois 
à  l'Académie  royale  de  musique ,  ls 
1er  janvier  1782.  L'air  est  une  de  ces 
compositions  franches  et  naïves  comme 
en  faisait  Grétry.  qui  y  mettait  tou- 
jours de  la  mélodie  et  du  chant.  Le 
grand  Opéra  ne  croyait  pas  déroger 
alors  en  donnant  des  pièces  gracieuses 
et  amusantes,  dont  tout  le  monde  rete- 
nait les  airs,  comme  on  avait  retenu 
ceux  du  Devin  de  village  de  Rousseau. 
Aujourd'hui  l'on  appelle  cela  perruque 
et  rococo;  et  l'on  ne  doit  pas  oublier,  à 
la  honte  du  siècle ,  qu'il  y  a  quelques 
années ,  à  une  représentation  du  Devin 
de  village,  un  impertinent  jeta  une  per- 
ruque sur  le  théâtre.  Il  n'en  est  pas 
moins  vrai  que  les  dernières  reprises  des 
charmants  opéras  de  Grétry  et  de  Mon- 
signy,  à  l'Opéra-Comique ,  ont  prouvé 
que  le  gracieux  et  le  naturel  devaient 
toujours  réussir. 

L'amitié  vive  et  pure 
Donne  ici  des  plaisirs  vrais,4 


CTTANSONS 

C'est  la  simple  nature 
Qui  pour  nous  on  fait  les  frais. 
Gaîté  franche,  amour  honnè: c  , 
Ramènent  le  bon  vieux  temps. 
Chez  nous  ,  c'est  en  cor  la  fête  , 
La  fête  des  bonnes  gens. 

Chez  nous  le  mariage 
N'est  que  l'accord  de  deux  coeurs. 

D'an  si  doux  esclavage 
Les  nœuds  sont  tissus  de  fleurs. 
Du  bonheur  on  est  au  faite, 
Sitôt  qu'on  a  des  enfants. 
En  famille  on  fait  la  fête, 
La  fête  des  bonnes  gens. 

La  bergère  sévère 
Prend  gaiment  le  verre  en  main  ; 

L'amour  au  fond  du  verre 
Se  glisse  et  passe  en  son  sein. 
Pour  l'amant,  quelle  conquête! 
Tous  deux  en  sont  plus  charmant? 
L'amour  embellit  la  fête, 
La  fête  des  bonnes  gens. 

Par  de  grands  airs  tragiques 
A  la  ville  on  attendrit. 

Par  des  concerts  rustiques 
Au  village  on  réjouit. 
Sans  vour,  fatiguer  la  tête 
Par  des  accords  trop  savants, 


POPIL  .  405 

Venez  tous  rire  à  la  fête  , 
des  bonnes  .. 

ITBI 
1 


.>utice  sur  le*  91ya*tère»  tlMsis». 

La  réputation  de  Mozart  faisait  dé- 
sirer depuis  longtemps  que  ses  chefs- 
d'œuvre  fussent  nationalisés  en  France. 
On   avait  déjà  parodié ,   en  1793  ,    le 
di  Figaro,  on  fit  choix,  en  1801, 
de  la  Flûte  enchantée,  qui  jouissait  en 
.:.gne  d'une  grande  réputation,  e: 
'A.   Morel,    le   grand   faiseu 
f  Opéra,  ajusta  sous  le  titre  des  ML. 

gré  la  faiblesse  du  poëme,  la 
eut  un  grand  succès,  grâce  à  . 
mirable  musique  de  Mozart.  On  i 
partout  l'air  la  Vie  eut  un  voyage,  chante 
délicieusement  par  Laïs.  Le  motif  de 
cet  air  ne  parut  cependant  pas  nou- 
veau, et  en  effet  il  avait  été  ena 


406  CHANSONS 

dans  un  joli  opéra-comique ,  les  Visi- 
tandines.  Voici  à  ce  sujet  une  anecdote 
peu  connue  :  Gaveaux,  qui  jouait  dans 
cette  pièce  le  rôle  de  Belfort,  n'était 
pas  content  de  l'air  que  lui  avait  fait 
Devienne  sur  le  rondeau  Enfant  chéri 
des  dames.  «  Fais-en  un  autre,  »  lui  dit 
Devienne.  En  effet,  Gaveaux  apporta 
le  lendemain  l'air  charmant  qui  eut  le 
plus  grand  succès ,  et  qu'il  avait  sans 
façon  imité  de  celui  de  Mozart,  qui 
n'était  pas  connu  en  France  ;  il  n'avait 
fait  qu'en  changer  le  mouvement. 

Depuis  la  représentation  des  Mystères 
d'Isis,  on  a  donné  en  France  d'autres 
opéras  de  Mozart;  le  Don  Juan  fut  re- 
présenté en  1805  à  l'Académie  impériale 
de  musique,  et  le  Nozze  di  Figaro  à  l'O- 
péra-Buffa  en  1807. 

Mozart  ne  fut  pas  témoin  du  succès 
que  sa  musique  obtint  sur  les  théâtres 
de  France  ;  il  mourut  à  Vienne  en  1792, 
âgé  seulement  de  trente-six  ans. 


pori'LAir.Es.  -io: 

COUPLETS  DES  MYSTÈRES  D*JSÎS. 

La  vie  est  un  voyage , 

Tâchons  de  l'embellir  : 

Jetons  sur  ce  passage 

Les  roses  du  plaisir.  ter, 

Dans  l'âge  heureux  de  la  jeunesse , 
L'amour  nous  flatte  ,  il  nous  caresse 
Il  nous  présente  le  bonheur, 
Puis  il  s'envole  :  on  voit  l'erreur. 
Hélas!  que  faire? 
Tâcher  de  plaire.  bis. 

Du  bien  présent  savoir  jouir, 
Sans  trop  songer  à  l'avenir.  ter. 

A  la  ville,  au  village  , 

On  n'est  content  de  rien  : 

Pensons  comme  Je  sage 

Qui  dit  que  tout  est  bien.  ter. 

Le  bonheur  n'est  qu'imaginaire , 
Chacun  sourit  a  sa  chimère  ; 
Chantons .  célébrons  tour  à  tour 
Bacchus ,  le  plaisir  et  l'Amour. 
Que  sous  la  treille 
Le  plaisir  veille.  bis. 

Tenant  le  flambeau  de  l'Amour, 
Bacchus  sera  le  dieu  du  jour.  ter. 

Les  dieux ,  à  leur  image , 
Formèrent  la  beauté: 


CHANSONS 

Sur  leur  plus  bel  ouvrage 

I/Aniour  fut  consulté.  1er, 

Le  jour,  la  nuit,  lut-elle  obs 
Sous  la  pourpre,  sur  la  verdure . 
Suivons  l'Amour  et  la  gai  té 
Aux  autels  de  la  volupté. 
Ah  :  quel  délire  l 

Pour  qui  respire  :  bis. 

]. 'encens  par  l'Amour  présanté  , 
Des  dieux  c'est  la  félicite  :  ter. 

Paroles  de  Morel,  musique  de  Mozart, 
arrangée  par  Lachnitii. 


Komacee  de  ia  Juive. 


Loin  de  son  amie , 
Vivre  sans  plaisirs  , 
Ne  compter  la  vie 
Que  par  ses  soupirs , 
Voilà  de  l'absence 
Quelle  est  la  souffrant,  e  ! 
Mais  voici  le  jour, 
Maîtresse  ebérie , 
Oui ,  voici  le  jour 


Par  qui  tout  s'oublie  : 
viur. 

- 

- 
Tu  n'étais  p..- 
Toui,  durais 

.ici  le  jour 
Heureux  et  prosp- . 
Mais  voici  le  jour 
Ou  tout  va  me  plaire  : 
Le  jour  du  u 

KACUEL. 

Quelle  voix  chérie, 
Si  douce  à  mon  cœur, 
Me  rend  à  la  vie 
Ainsi  qu'au  bonheur? 
J'avais,  dans  l'abs«  :. 
Perdu  l'espérance  : 

s  rit  le  jour 
Qui  vers  moi  t'amène  : 
Béni  soit  le  jour 
Où  finit  ma  peine  : 
I 


•A*  Scribe,  mus ique  <THal£i 


4iO 


Couplet  de  la  Juive. 

ÉLÉAZAR. 

Racbel ,  quand  du  Seigneur  la  grâce  tutélaire 
Ames  tremblantes  mains  confia  ton  berceau, 
J'avais  à  ton  bonheur  voué  ma  vie  entière, 
0  Racbel ,  et  c'est  moi  qui  te  livre  au  bour- 

[  reau : 
J'entends  une  voix  qui  me  crie  : 
«  Préservez-moi  de  la  mort  qui  m'attend. 
Je  suis  si  jeune,  et  je  tiens  à  la  vie  : 

Mon  père ,  épargnez  votre  enfant.  » 
Et  d'un  seul  mot,  arrêtant  la  sentence, 
Je  puis  te  soustraire  au  trépas! 
J'abjure  à  jamais  ma  vengeance, 
Non,  Racbel,  tu  ne  mourras  pas  ! 

Paroles  de  Scribe,  musique  cJ'Halévï. 


Couplets  d'Aristippe. 

Connaissez  ma  philosophie; 
Je  possède  en  suivant  6es  pas 


POPULAIRES.  4il 

Tous  les  biens  qui  charment  la  vie  \ 
Ces  biens  ne  me  possèdent  pas. 

Des  plaisirs  permis  à  la  terre 
Je  prends  l'exemple  dans  les  deux  : 
Minerve  ,  qu'on  dit  si  sévère, 
Boit  le  doux  nectar  chez  les  dieux. 

En  suivant  leur  philosophie, 
Comme  eux  je  possède  ici-bas 
Tous  les  biens  qui  charment  la  vie 
Ces  biens  ne  me  possèdent  pas. 

Tour  à  tour,  du  chant,  de  la  danse, 
Belles  disputez  l'heureux  prix; 
Aux  lauriers  qu'Apollon  dispense 
Joignez  les  myrtes  de  Cypris. 

Ah  !  suivez  ma  philosophie  : 
Vous  posséderez  sur  ses  pas 
Tous  les  biens  qui  charment  la  vie , 
Mais  qui  ne  vous  possèdent  pas. 

Sur  les  fleurs  fraîchement  écloses  , 
Marchons  doucement,  sans  regrets, 
Vers  ce  terme  où  lauriers  et  roses 
Céderont  la  place  aux  cyprès. 

Oui,  voilà  ma  philosophie, 
Et  je  possède  dans  ses  bras 


4t2  CHANSONS 

Tons  les  biens  qui  charment  la     • 
f> Ôésè&felii  pas. 

Paroien  d<>  GlRAUD,  musique 
de  Kl.;  \m 


Couplets  d'Anaeréon. 

Si  des  tristes  cyprès , 
Si  du  fatal  rivage, 
On  pouvait  à  grands  frais 
S'épargner  le  voyage , 
J'aimerais  fort 
Un  bon  trésor, 
Et  le  jour  qu'à  ma  por'*e 
La  mort  frapperait , 
Ma  voix  lui  dirait  i 
Prends ,  emporte 
Mon  or,  mes  trésors  pour  JaifeUk 
Auséjnurdes  regrets!... 
Mais  des  tristes  cyprès , 
Mais  du  fatal  rivage, 
Au  gré  de  mes  souhaits , 
Sauve-moi  le  voyage. 

Mais,  hélas!  tous  les  biens 
Et  d'Europe  e',  d'Asie 


POPULAIRES.  413 

Sont  d'impuissants  moyen? 
Pour  prolonger  la  vie. 
Du  seul  plaisir 
Je  sais  jouir, 
Et  moissonner  les  roses. 
Adieu,  je  l'entend 
Qui  chante  gaiment. 
Vieillards  moroses, 
Fuyez  Plutus  et  ses  appas  ; 
Tout  finit  ici-bas: 
Suivez,  suivez  mes  pas. 
Au  déclin  de  la  vie 
L'univers  ne  vaut  pas 
Un  beau  jour  qu'on  envie. 

Paroles  de  Guy,  musique  de  .... 


Couplets  de  Tarare. 

Cet  opéra ,  que  Beaumarchais  appela 
vélodrome,  fut  représenté  pour  la  pre- 
mière fois  le  8  juin  1787  et  repris  le 
-î  août  1790,  augmenté  du  couronne- 
ment de  Tarare.  L'auteur  de  Figaro  fit 
précéder  la  nouvelle  édition  d'une 
énorme  préface  dans  laquelle  il  cherche 


414  CHANSONS 

à  prouver  que  lorsqu'il  avait  composé  sst 
pièce,  il  avait  fait  un  acte  de  courage. 
«  Citoyens  ,  s'écrie-t-il ,  souvenez-vous 
du  temps  où  vos  penseurs  inquiétés , 
forcés  de  voiler  leurs  idées ,  s'envelop- 
paient d'allégories  ,  et  labouraient  pé- 
niblement le  champ  de  la  révolution. 
Après  quelques  autres  essais  ,  je  jetai 
dans  la  terre ,  à  mes  risques  et  périls , 
ce  germe  d'un  chêne  civique  au  sol 
brûlé  de  l'Opéra.  » 

Il  avait  lutté  pendant  six  ans  contre 
le  pouvoir  avant  de  faire  représenter 
sa  pièce,  qui  fit  beaucoup  de  scandale 
et  obtint  d'abord  peu  de  succès.  Ce- 
pendant, tout  en  disant  que  la  pièce 
était  mauvaise,  tout  le  monde  y  courait. 

Beaumarchais  avait  prétendu  faire 
un  opéra  philosophique.  «  Une  maxime 
à  la  fois  consolante  et  sévère  ,  disait-il. 
est  le  sujet  de  mon  ouvrage.  »  C'est  celle 
par  laquelle  il  le  termina  : 


Mortel,  qui  que  tu  sois,  prince,  prêtre  ou 
[  soldat, 


pnpuLAir.ns.  415 

Homme  :  ta  grandeur  sur  la  terre 
N'appartient  point  à  ton  état  : 
Elle  est  toute  à  ton  caractère. 

Le  couronnement  de  Tarare  ,  ajouté 
en  1790,  était  une  allusion  à  la  liberté 
française  et  une  amplification  de  ces 
paroles  de  Mirabeau  :  La  liberté  fera  le 
tour  du  monde  ! 

De  tout  le  fatras  dont  Beaumarchais 
avait  fait  sa  pièce,  composition  bizarre 
et  informe,  durement  versifiée,  il  n'est 
resté  que  les  couplets  de  Calpigi,  dont 
l'air  charmant  de  Salieri  fit  la  vogue, 
et  qui  est  encore  employé  aujourd'hui 
par  les  vaudevillistes  et  les  chanson- 
niers. 

CALPIGI. 

Je  suis  né  natif  de  Ferrare. 

Là,  par  les  suins  d'un  père  avare 

Mon  chant  s'étant  fort'embelli , 

Ahi  !  povero  Calpigi' 

Je  passai  du  Conservatoire 

Premier  chanteur  à  l'oratoire 

Du  souverain  di  Napoli  : 

Ah!  bravo,  caro  Calpigi. 


416 


La  plus  célèbre  cantatrice 
De  moi  fit  bientôt  par  caprice 
Un  simulacre  de  mari. 
Ahi  !  povero  Calpigi  ! 
Mes  fureurs  ni  mes  jalousies 
N'arrêtant  point  ses  fantaisies  , 
J'étais  chez  moi  comme  un  zéro  : 
Ahi  !  Calpigi  povero  ! 

Je  résolus  ,  pour  m'en  défaire , 
De  la  vendre  à  certain  corsaire, 
Exprès  passé  de  Tripoli  : 
Ab  i  bravo ,  caro  Calpigi  ! 
Le  jour  venu ,  mon  traître  d'homme , 
Au  lieu  de  me  compter  la  somme , 
M'enchaîne  au  pied  de  leur  châlit 
Ahi  !  povero  Calpigi  ! 

Le  forban  en  fit  sa  maîtresse  ; 
De  moi ,  l'argus  de  sa  sag* 
Et  j'étais  là  tout  comme  ici  : 
Ahi!  povero  Calpigi! 

ATAR. 

Qu'avez-vous  à  rire ,  Spinette  ? 

CALPIGI. 

Vous  voyez  ma  fausse  coquette. 

ATAU. 

Dit- il  vrai  ? 

SIMNETTE. 

Signer,  è  vero 


P0PLLA1KES.  417 

CALPIGI. 

Ahi  !  Calpi§i  povero  ! 

Paroles  de  Beaumarchais,  musiqui 
de  Salieki. 


Histoire  abrégée  de  l'Opéra- 

t'oniique. 

L'opéra-comique  ,  ce  genre  vraiment 
national  en  France,  a  dû  son  origine 
au  vaudeville ,  qui  lui-même  a  pris 
naissance  dans  les  théâtres  de  la  foire. 
Au  lieu  de  nier  son  origine  plébéienne, 
il  doit  se  glorifier  de  s'être  élevé  si  haut 
lorsqu'il  était  sorti  de  si  bas. 

Nous  croyons  qu'il  sera  intéressant 
de  donner  à  nos  lecteurs  une  idée  de  ce 
qu'étaient  les  théâtres  forains,  dont  les 
traces  sont  perdues  depuis  longtemps , 
et  qui  ont  tant  diverti  nos  aïeux. 

Il  y  avait  à  Paris  deux  foires  Saint- 
Germain  et  une  foire  Saint-Laurent. 
Il  est  mention  de  la  première  foire 
Saint-Germain  sous  le  règne  de  Phi- 
21 


418  CHANSONS 

lippe  le  Hardi,  vers  1280.  On  n'en  sait 
plus  rien  depuis  le  règne  de  Louis  XII. 

L'autre  foire  Saint-Germain ,  celle 
qui  a  duré  jusqu'à  la  révolution  de  1789, 
fut  érigée  par  Louis  XI ,  en  1482 ,  et 
donnée  à  l'abbé  et  aux  religieux  de 
Saint-Germain  avec  francbise  huit  jours 
durant.  Sous  Charles  VIII  elle  ne  du- 
rait que  quatre  jours  ;  Henri  IV  la  fît 
durer  trois  semaines  ;  en  1630,  elle  fut 
continuée  six  semaines  ;  sous  Louis  XV 
^t  jusqu'à  la  révolution,  elle  durait 
deux  mois. 

L'origine  de  la  foire  Saint-Laui'ent 
est  inconnue  ;  tout  ce  que  l'on  en  sait, 
2  est  qu'elle  a  pris  son  nom  de  l'église 
îSainV-Lr.urent  dont  elle  était  voisine, 
et  \  i  :L-  se  tenait  le  jour  de  la  fête  d? 
ce  saint.  Elle  appartenait  aux  prêtres 
de  la  mission  le  Saint-Lazare. 

Ces  foires  étaient  garnies  de  bouti- 
ques et  d'écbopes  où  .'on  vendait  toutes 
sortes  de  marenandises  ;  ensuite  on  y 
fit  voir  des  animaux  curieux.  Il  se 
passa  beaucoup    le  temps  avant  qu'il 


POPULAihL^.  415 

s'y  introduisît  des  spectacles  de  qu 
genre  que  ce  fût.  Les  premiers  que  l'on 
y  vit  furent  des  marionnettes,  et  le 
fameux  Brioché  y  tran  sporta  les  siennes . 
Scarron  en  parle  dan»  sa  description 
burlesque   de    la  foire   Saint-Germain. 

En  1646,  le  lieutenant  civil  accorda 
une  permission  à  des  danseur 
et  en  1678  ces  bateleurs  jouèrent  pour 
la  première  fois  une  espèce  de  pièce 
mêlée  d'intermèdes  et  d'exercices,  in- 
titulée les  Forces  de  l'Amour  et  de  la  ma- 
gie. 

Les  danseurs  de  corde  ,  sauteurs  et 
montreurs  de  marionnettes  donnaient 
leurs  jeux  dans  des  baraques  que  l'on 
appelait  des  loges,  et  qui  n'étaient  point 
faites  en  forme  de  salles  de  spectacle 
comme  elles  l'ont  été  depuis. 

Une  loge  était  un  lieu  fermé  avec 
des  planches,  où  l'on  dressait  des  écha- 
faudages pour  les  spectateurs  ,  ui:e 
corde  tendue  pour  les  danseurs ,  et  une 
estrade  peu  élevée  pour  les  sauteurs. 

En  1690,  Alexandre  Bertrand  aug- 


420  CHANSONS 

menta  son  jeu  de  marionnettes  d'une 
troupe  de  jeunes  acteurs  qui  représen- 
tèrent une  petite  comédie. 
\  Les  comédiens  français  réclamèrent 
contre  cette  innovation.  La  loge  fut 
abattue  par  ordre  du  lieutenant  de  po- 
lice ;  Bertrand  se  réfugia  à  la  foire 
Saint-Laurent. 

En  1697,  la  suppression  de  la  troupe 
des  comédiens  italiens  offrit  une  res- 
source aux  entrepreneurs  dt^s  jeux  de  la 
foire,  qui,  se  regardant  comme  héritiers 
de  leurs  pièces  de  théâtre,  en  jouèrent 
plusieurs  fragments  et  ajoutèrent  à 
leurs  troupes  des  acteurs  capables  de 
les  représenter.  Le  public  y  courut  en 
foule.  Alors  on  construisit  des  salles 
de  spectacle  en  forme ,  théâtre ,  loges , 
parquet,  etc. 

On  ne  saurait  se  faire  une  idée  des 
persécutions  qu'essuyèrent  les  malheu- 
reux forains  de  la  part  des  comédiens 
français  ,  et  de  la  persistance  avec  la- 
quelle ils  y  résistèrent.  Sentences  de 
police ,  ordres  du  parlement ,  ils  élu- 


POPULAIRES.  42 t 

daient  tout.  On  démolissait  leurs  théâ 
très,  ils  les  rebâtiraient. 

On  ne  leur  permettait  de  jouer  que 
des  scènes  détachées ,  ils  appelaient  dtf 
lieutenant  de  police  au  parlement ,  qui 
suspendait  l'exécution  des  sentences  ; 
enfin,  triomphant  de  tous  les  obstacles, 
les  forains  furent  tout  à  fait  établis  vers 
1700.  Ils  prirent  un  arrangement  avec 
l'Opéra,  et  se  firent  quelques  amis  parmi 
les  comédiens 'français.  L'Opéra,  en 
vertu  de  ses  privilèges,  leur  accorda  la 
permission  déchanter,  et,  moyennant 
un  droit  qu'ils  s'obligèrent  à  payer, 
leurs  pièces  devinrent  des  comédies 
mêlées  de  changements  de  décorations, 
de  machines,  de  musique  et  de  bal- 
lets. 

En  1708,  Dominique  Biancolelli , 
fils  de  Dominique,  l'excellent  arlequin 
de  la  Comédie-Italienne,  débuta  à  la 
foire  Saint-Laurent  par  une  pièce  de 
sa  composition  ,  intitulée  Arlequin  gen 
UUiomme  par  hasard.  L'acteur  et  la 
pièce  eurent  le  plus  grand  succès.   Ce 


422  CHASSONS 

comédien  quitta  la  foire  eu  1717  pour 
débuter  au  Théâtre-Italien. 

En  1712,  Le  Sage,  Fuzelier  et  d'Or- 
neval  commencèrent  à  composer  des 
pièces  purement  en  vaudevilles  ,  et  le 
spectacle  prit  de  ce  moment  le  nom 
d'Opéra-Comique. 

On  mêla  peu  à  peu  de  la  prose  on 
des  vers  avec  les  couplets  pour  mieux 
les  lier  ensemble  et  pour  se  dispenser 
d'en  faire  de  trop  communs. 

Mais  il  survint  ufle  défense  aux  fo- 
rains de  parler.  Les  comédiens  français 
avaient  obtenu  un  arrêt  qui  défendait  à 
ceux-ci  de  donner  aucune  comédie  par 
dialogue  ou  par  monologue.  Les  forains 
eurent  recours  aux  écriteaux ,  c'est-à- 
dire  que  chaque  acteur  avait  son  rôle 
écrit  en  gros  caractères  sur  du  carton 
qu'il  présentait  aux  yeux  des  specta- 
teurs. Ces  inscriptions  parurent  d'abord 
en  prose  ,  après  cela  on  les  mit  en 
chansons;  mais  comme  ces  écriteaux 
embarrassaient  snr  la  scène,  on  les  fit 
descendre  du  ceiutre.  Deux  enfants  ha- 


\.r~: 


&*»«: 


■    M 


I 

f-2 } 


Nnvlaires.  423 

billes  en  amours,  et  suspendus  en  l'air 
déroulaient  l'écriteau.  l'orchestre  jouait 
l'air  du  couplet ,  et  des  personnes  pla- 
cées dans  la  salle  le  chantaient  pendant 
que  les  acteurs  y  accommodaient  leurs 
gestes. 

L'Opéra-Comique  vécut  pendant  quel- 
ques années;  mais,  en  1721,  le  privi- 
lège fut  ôté  à  la  troupe  qui  l'avait, 
puis,  en  1722,  le  spectacle  fut  fermé 
tout  à  fait.  Les  acteur 3  s'avisèrent  alors 
de  louer  une  loge  et  d'y  faire  représen 
ter  leurs  pièces  par  des  marionnettes. 
Cette  nouveauté  réussit. 

Après  beaucoup  de  vicissitudes  qu'il 
serait  trop  long  de  décrire,  l'ancien 
Opéra-Comique  passa,  en  1743,  dans 
les  mains  de  Jean  Monnet  ,  homme 
d'esprit .  qui  attacha  à  son  théâtre  des 
auteurs  dont  le  talent  commençait  à 
plaire  au  public  :  c'étaient,  entre  autres, 
Piron  ,  Yadé  et  Favart. 

Il  est  curieux  de  voir,  dans  les  Mé- 
moires de  Monnet ,  l'état  d'avilisse- 
ment dans  lequel  le  théâtre  de  l'Opéra- 


•424  CHANSONS 

Comique  était  tombé,  par  la  négligence 
du  directeur  Ponteau,  ce  qui  en  avait 
absolument  éloigné  la  bonne  compa 
gnie. 

«  La  livrée ,  dit-il ,  s'était  emparée 
du  parterre  ;  elle  décidait  des  pièces , 
sifflait  les  acteurs  et  quelquefois  même 
ses  maîtres  quand  ils  s'avançaient  trop 
sur  le  devant  de  la  scène.  (On  sait  qu'à 
cette  époque  il  y  avait  des  deux  côtés 
de  la  scène  des  banquettes  pour  les 
spectateurs.  )  Les  loges  des  actrices 
étaient  ouvertes  à  tout  le  monde  ;  la 
salle  et  le  théâtre  étaient  construits 
comme  les  loges  des  baladins.  La  garde 
s'y  faisait  par  un  officier  de  police  et 
sept  à  huit  soldats  de  robe  courte. 
L'orchestre  était  composé  par  des  gens 
qui  jouaient  aux  noces  et  aux  guin- 
guettes ;  la  plupart  des  danseurs  figu- 
raient avec  des  bas  noirs  et  des  culottes 
de  drap  de  couleur.  Rien ,  en  un  mot , 
n'était  si  sale ,  si  dégoûtant  même  que 
les  accessoires  de  ce  spectacle.  » 

Monnet  obtint  une   ordonnance  du 


m^m* 


POPPLAIRES.  425 

roi  qui  défendait  les  entrées  à  la  livrée  ; 
il  fit  construire  un  amphithéâtre,  ré- 
parer et  décorer  la  salle  à  neuf,  cher- 
cha des  sujets  pour  améliorer  sa  troupe, 
tet  eut  le  bonheur  d'y  faire  entrer  Pré- 
ville, qui  est  devenu  depuis  un  des  plus 
célèbres  acteurs  du  Théâtre-Français. 

Pendant  longtemps  les  opéras-co- 
miques ne  furent  que  des  pièces  dont 
les  couplets  étaient  faits  sur  des  airs 
connus  comme  nos  vaudevilles  ;  mais 
l'apparition  en  France  des  chanteurs 
italiens,  nommés  bouffons,  inspira  à 
Vadé  l'idée  de  faire  composer  de  la  mu- 
sique nouvelle  pour  ses  opéras-comi- 
ques ,  et  lorsque  après  un  séjour  de 
dix-huit  mois,  en  1753,  les  bouffons 
eurent  repassé  les  monts  ,  Vadé  fit  les 
Troqueurs,  et  proposa  son  projet  à  d'Au- 
vergne, habile  harmoniste.  Ce  compo- 
siteur réussit  :  il  attira  au  spectacle  de 
l'Opéra-Comique  l'affluence  des  ama 
teurs  de  la  bonne  musique;  les  Tro- 
queurs eurent  un  succès  de  vogue. 

Sedainc,  Anseaume,  Poinsinet,  Fa' 


42fi  CHANSONS 

\art  et  plusieurs  autres  suivirent  l'exem- 
ple de  Vadé,  et  on  vit  paraître  les  airs 
charmants  des  Duni ,  Grétry,  Philidor, 
Monsigny ,  Martini  ,  et  de  quelques 
autres  musiciens  moins  célèbres. 

Cependant  plusieurs  de  ces  pièces 
étaient  mêlées  d'airs  anciens  et  d'airs 
nouveaux;  peu  à  peu  la  musique  prit 
le  dessus,  et  le  vieux  vaudeville  dispa 
rut  tout  à  fait. 

Ce  fut  en  1761  qu'eut  lieu  la  réunion 
de  l'Opéra-Comique  avec  la  Comédie 
Italienne.  Les  deux  troupes  alternèrent 
et  eurent  des  jours  fixés#  pour  leurs 
représentations:  mai3  bientôt  l'Opéra. 
Comique  tua  la  Comédie-Italienne. 

La  Muse  de  Favart  commençait  à 
jeter  le  plus  vif  éclat  sur  cette  scène 
par  les  Trois  Sultanes  etAnnette  et  Lubin. 
Bientôt  après  Anseaume  y  donna  les 
Chasseurs  et  la  Laitière,  avec  la  jolie  mu- 
sique de  Duni.  Poinsinet  fit  jouer  le 
Sorcier  avec  celle  de  Philidor.  Sedaine 
et  Monsigny  enrichirent  la  scène  de 
Rose  et  Colas. 


hâ  £ 


I 


V 


*2& 


POPCLAir.ES.  42? 

vart  marcha  de  succès  en  succès 
avec  hahelle  et  Gerirude,  la  Fée  Urgèle. 
Sedaine  et  Monsigny  donnèrent  le  Dé- 
serteur ;  Marmontel  et  Grétry,  le  Hu- 
ron,  et  le  même  compositeur,  avec  An- 
seaume,  le  Tableau  parlant. 

Zemire  et  A:or.  la  Rosière  de  Salericy, 
le  Magnifique .  Sylvain  ,    la  Belle  Arsène, 
.    et  tant  d'autres  pièces  dont  il 
serait  impossible  de  donner  la  liste , 
enre:.'  ;  qui  ont  duré  jusqu'à 

nos  jour;.  Ces  succès  toujours  crois- 
-  déterminèrent  en  1789  les  comé- 
diens italiens  à  se  retirer  et  à  laisser  le 
théâtre  à  Y  Opéra-Comique.  Il  r.' 
de  conservés  que  l'excellent  Carlin  ,  et 
Camerani ,  qui  eut  l'administration  du 
spectacle  en  qualité  de  semainier  per- 

Cependant,  outre  les  pièces  à  ar:  I 
on  y  joua  quelquefois  des  drames  et 
des  comédies.  Desforges  y  fit  jouer  la 
Femme  jalouse  et  Tom  Jones  à  Londres, 
Mercier  l'Indigent  et  la  Brouette  du  vinai- 
grier ;  Andrieux  v  donna  Anaximandre 


423  CHANSONS 

et  les  Etourdis.  Nous  pourrions  en  citer 
beaucoup  d'autres  qui  eurent  du  succès. 
On  y  avait  joué  plus  anciennement  de 
charmantes  comédies  de  Marivaux , 
telles  que  les  fausses  Confidences  et  les  Jeux 
de  l'Amour  et  du  Hasard.  Plusieurs  de  ces 
pièces  ont  été  depuis  jouées  aux  Fran- 
çais. Bientôt  après  on  y  joua  aussi  les 
jolis  vaudevilles  de  Piis  et  Barré,  genre 
gracieux,  aussi  français,  plus  français 
peut-être  que  l'opéra-comique  lui-même, 
et  dont  nous  parlerons  dans  une  notice 
sur  le  théâtre  du  Vaudeville. 

En  1783  ,  le  Théâtre-Italien  quitta 
l'hôtel  de  Bourgogne,  rue  Mauconseil, 
et  s'établit  sur  le  terrain  de  M.  de  Choi- 
seul ,  où  il  est  encore  maintenant  et  où 
il  prit,  en  1792,  le  titre  de  Théâtre  na- 
tional de  l'Opéra-Comique.  C'est  depuis 
cette  époque  que  l'on  y  vit  des  acteurs 
chéris  du  public  :  Caillot,  Trial,  Clair- 
val,  Michu,  Elleviou,  et  que,  parmi  les 
actrices ,  on  remarqua  mesdames  Du- 
gazon  et  Saint-Aubin  ,  dont  les  talents 
ne    peuvent  être  mis  en  comparaison 


POPLLMRES.  429 

qu'avec  ceux  des  meilleures  comé- 
diennes du  Théâtre-Français. 

Marsollier  et  Dalavrac  furent  les  au- 
teurs les  plus  féconds  et  les  plus  heu- 
reux de  T Opéra-Comique.  On  leur  dut 
Nina  ,  Camille  et  vingt  autres  pièces  à 
succès.  Paul  et  Virginie  de  Kreutzer, 
les  Délies  et  la  ilélomanie  de  Champein 
contenaient  des  airs  que  tout  le  monde 
retenait  et  chantait. 

Il  serait  impossible  de  citer  tous  les 
ouvrages  qui  rirent  pendant  vingt  ans 
la  fortune  de  ce  théâtre ,  jusqu'à  sa 
réunion  avec  le  théâtre  Feydeau  qui , 
créé  en  1789,  lui  suscita  jusqu'en  1803 
une  dangereuse  rivalité.  Le  privilège 
de  ce  théâtre  .  qui  eut  d'abord  le  titre 
de  Théâtre  de  Monsieur,  avait  été  donné 
à  Léonard,  coiffeur  de  la  reine.  Il  joua 
d'abord  dans  la  salle  des  Tuileries,  eu 
1790  àla  foire  Saint-Germain,  et  en  1791 
dans  la  nouvelle  salle,  rue  Feydeau. 

Le  Théâtre  de  Monsieur  avait  d'abord 
joué  des  opéras  traduits  de  l'italien; 
il  joua  bientôt   des  opéras   français  ; 


•430  CHANSONS 

l'émulation  produisit  des  effets  heu- 
reux, mais  les  deux  troupes  rivales 
ne  purent  se  soutenir,  et  la  réunion 
des  talents  que  possédait  chacune  d'elles 
ht  de  l'Opéra-Comique  un  théfttre  ad- 
mirable. 

Martin,  Solié  ,  Gavaudan,  Juîiet . 
mesdames  Scio  et  Rolandeau  con.' 
rent  un  ensemble  que  l'on  ne  peut  com- 
parer qu'à  celui  qu'offrit  la  réunion  des 
comédiens  français ,  à  peu  près  à  la 
même  époque. 

L'Opéra-Comique  a  subi  depuis  trente- 
trois  ans  bien  des  révolutions  ,  il  a  vu 
briller  et  disparaître  bien  des  talents 
aimés  du  public  ;  mais  ceci  devient  de 
Thistoire  contemporaine  ;  ces  souvenirs 
sont  trop  présents  pour  que  nous  croyions 
nécessaire  d'aller  plus  loin.  Nous  avons 
seulement  voulu  initier  nos  lecteurs  aux 
commencements  d'un  genre  qui ,  faible 
dans  sa  source,  a  pris  un  développe- 
ment si  brillant,  et  qui  d'un  spectacle 
forain  est  devenu  l'un  des  plus  inté- 
ressants de  notre  capitale. 


POPILAIKL- 


touplets  du  Secret. 

LE  MARI. 

Femmes,  Toulez-vous  épr 
Si  vous  êtes  encor  sensibles? 
Un  beau  matin  venez  rêver 
A  l'ombre  des  bosquets  paisibles. 
Si  le  silence  et  la  fraîcheur, 
Si  l'onde  qui  fuit  et  murmure 
Agitent  encor  votre  cœur, 
Ah  !  rendez  grâce  à  la  nature. 

Mais,  dans  le  sein  de  la  furet . 
Asile  sacre  du  mystère, 
Si  votre  co^ur  reste  muet , 
Femmes ,  ne  cherchez  plus  à  plaire. 
Si  pour  vous  le  soir  d'un  beau  jour 
N'a  plus  ce  charme  qui  me  touche , 
Profanes,  que  le  nom  d'amour 
Ne  sorte  plus  de  votre  bouche. 

LA   FEMME. 

Maris  qui  voulez  éprouver 
Jusqu'où  va  notre  patience  , 
Vous  pourriez  bien  aussi  trouver 
Le  prix  de  votre  impertinence. 
Plus  de  pitié  que  de  courroux 
EBt  ce  qu'on  doit  à  votre  injure 


432  CHANSONS 

Vos  femmes  valent  mieux  que  vous: 
Rendez-en  grâce  à  la  nature. 

Paroles  de  Hoffmau,  musique  de  Solié. 


Couplets  de  la  Fête  du  villa  se 
voisin. 

RÉMI. 

Amusez-vous,  oui,  je  vous  le  conseille, 
Allez,  allez,  à  c'te  fête  sans  moi. 
Mais,  par  bonheur,  j'ai  là....  j'ai  là  de  quoi 
M'en  dédommager  à  merveille. 
Les  jolis  gluugious, 
Les  glouglous  si  doux  , 
Les  glouglous,  glouglous  d'ia  bouteille, 
Meplaisentbien  plus  que  tousles  fron,  fro.. 
D'un  violon , 
Que  tous  les  zigzags  d'un  rigodon, 
Que  tous  les  lanla  d'une  chanson. 

Lorsque  Pplaisir  drès  l'matin  vous  éveille 
Mesdames,  zest!...  vous  n'y  résistez  pas; 
Vous  ne  cherchez  que  le  bruit,  que  l' tracas 
Tout  c'qui  brise  Tiimpan  d'I'oreille. 
Mais  le  doux  tin  lin 
D'un  verre  tout  plein , 
Plein,  plein ,  plein ,  plein  de  jus  d'ia  treille 


POr  CLAIRES.  ,,33 

Me  plait  cent  fois  plus  que  tous  les  truii,  fron 
D'un  violon  , 
Que  tous  les  zigzags  d'un  rigod  n , 
Que  tous  les  lanla  d'uDe  cnanson. 

Paroles  de  Sewrin  ,  mwque 
de  BOYELDiEr. 


Couplets  des  deux  Jaloux. 

FANCHETTE. 

Il  est  vrai  que  Thibaut  mérite 
Qu'on  l'aime  bien  .-  il  a  bon  cœur. 
Je  l'aimais  quand  j'étais  petite, 
Quoique  souvent  il  me  fit  peur. 
A  présent  ce  n'est  pas  de  même , 
Voyez  comme  j'ai  du  malheur! 
Plus  je  grandis  et  moins  je  l'aime...  ot'5. 
Sous  vot'  bon  plaisir,  monseigneur. 

C'qui  me  fâche  contre  moi-même, 
C'est  que  par  quelque  sort,  je  croi, 
A  mesur'  que  je  le  désaime, 
J'en  aime  un  autre  malgré  moi. 
Je  voudrais  prendre,  pour  bien  faire, 
Cet  autre  pour  mon  epouseur, 
Et  garder  Thibaut  pour  mon  pore...  bis- 
Sous  vot'  bon  plaisir,  monseigneur. 
26 


431 


Thibaut  m'veut  pour  sa  ménagère , 

Ça  me  chagrine,  voyez-vous  : 

Il  est  brutal ,  il  est  colère, 

Il  est  taquin  ,  il  est  jaloux. 

Oui ,  je  le  sens  au  fond  de  l'âme, 

Je  ne  ferais  pas  son  bonheur, 

Et  si  jamais  j'étais  sa  femme!....      bis. 

Sous  vot'  bon  plaisir,  monseigneur. 

Paroles  de  Creuzé  de  Lesser,  musique 
de  Mœe  Gail. 


notice  sur  Aline,  reine  de 
Oolconde. 

Un  conte  charmant  du  chevalier  de 
Boufflers  avait  fourni  le  sujet  d'un 
opéra  joué,  en  1766,  sous  ce  titre.  Sé- 
daine,  qui  en  était  l'auteur,  n'eut  pas 
l'art  de  transporter  dans  sa  pièce  la 
grâce  qui  avait  fait  réussir  le  conte ,  et 
il  eut  peu  de  succès ,  malgré  la  musi- 
que de  Monsigny.  Trente-six  ans  après, 
le  3  septembre  1802,  le  sujet  d'Aline 
fut  repris  par  MM.  Favières  et  Vial  \  la 


POPULAIRE?.  435 

musique  ravissante  de  Bertou  ajouta 
son  charme  à  la  manière  spirituelle 
dont  la  pièce  était  traitée. 

Nous  donnerons  en  peu  de  mots 
l'analyse  du  conte  et  de  la  pièce. 

Saint-Phar,  gentilhomme  français, 
à  peine  adolescent,  rencontre  l'inno- 
cente Aline,  jeune  et  gentille  laitière, 
dans  un  vallon  de  la  Provence.  Se  voir, 
s'aimer,  se  ie  dire,  ne  fut  pour  ce  joli 
couple  que  l'affaire  d'un  instant.  Saint 
Phar,  forcé  de  quitter  sa  maîtresse,  lui 
donna  un  anneau  d'or  qu'il  la  pria  de 
conserver  toute  sa  vie. 

Aline  devint  reine  de  Golconde.  Le 
cœur  toujours  occupé  de  son  premier 
amour,  elle  fit  arranger  dans  son  parc 
un  lieu  semblable  à  celui  où  elle  avait 
connu  Saint-Phar. 

Le  jeune  officier ,  quelques  années 
après  ,  est  nommé  ambassadeur  vers  la 
reine  de  Golconde.  Aline  reconnaît  son 
amant ,  et  jouit  de  sa  présence  sans  en 
être  reconnue.  Elle  veut  l'éprouver  et 
:ui  causer  une  agréable  snrprise.  Elle 


36  CHANSONS 

fait  transporter  Saint-Phar  endormi 
dans  le  vallon  qui  doit  lui  rappeler  leur 
première  rencontre  ;  là ,  des  paysans 
vêtus  à  la  française  chantent  des  re- 
frains provençaux.  Saint-Phar  croit  rê- 
ver ;  Aline  paraît  sous  ses  habits  de 
bergère.  Il  la  reconnaît  et  ne  sait  que 
penser  de  ce  bonheur  inattendu.  Un 
breuvage  soporilique  le  plonge  encore 
dans  le  sommeil  et  termine  une  scène 
ou'il  trouvait  chai-mante. 

Lorsqu'il  se  réveille  ,  il  se  retrouve 
dans  le  palais  de  la  reine,  à  laquelle 
une  révolte  fait  courir  le  plus  grand 
danger.'  Un  ministre  ambitieux ,  qui 
veut  monter  au  trône  et  en  chasser 
Aline,  s'est  rendu  maître  delà  ville. 
Saint-Phar  combat  pour  la  reine  et  lui 
rend  la  couronne.  Aline  offre  sa  main 
à  son  libérateur,  qui  la  refuse  pour  être 
fidèle  à  sa  bergère  ;  mais  Aline  lève  son 
voile ,  se  fait  reconnaître  et  proclame 
Saint-Phar  son  époux. 

Cette  historiette ,  qui  n'est  pas  plus 
invraisemblable  que  beaucoup  de  gros 


POPCLAIRES.  437 

romans,  eut  un  succès  prodigieux,  grâce 
à  la  manière  piquante  dont  elle  était 
racontée.  Dans  ce  temp3 ,  où  l'esprit 
était  encore  à  la  mode,  on  se  faisait  une 
réputation  avec  quelques  pages  et  quel 
ques  vers.  Boufflers  fut  un  des  poètes  qtu 
eurent  le  plus  de  vogue  dans  ce  qu'on 
pourrait  appeler  la  littérature  de  boudoir; 
il  la  partagea  avec  les  Parny,  les  Ber- 
tin  et  quelques  autres  aimables  épicu- 
riens. Mais  BoufHers  ne  se  contenta  pas 
de  tenir  la  plume,  sa  main  porta  l'épée  ; 
il  entra  dans  un  régiment  de  hussards 
avec  le  grade  de  capitaine,  fit  une  par- 
tie de  la  guerre  de  sept  ans ,  et  obtint 
ensuite  le  commandement  de  l'île  Saint- 
Louis  au  Sénégal.  La  bravoure,  l'esprit 
et  une  grande  naissance  parurent  des 
titres  plus  que  suffisants  pour  que  Bouf- 
iiers  fût  reçu  à  l'Académie,  à  une  époque 
où  on  y  entrait  avec  une  seule  de  ces 
recommandations.  Ses  ingénieuses  ba- 
gatelles avaient  été  beaucoup  louées  par 
Voltaire,  qui  y  retrouvait  quelque  chose 
de  sa  philosophie  satirique.  La  Révo 


438  CHANSONS 

lution  changea  le  poëte  en  homme 
d'État  ;  il  fut  député  aux  états  géné- 
raux, quitta  la  France  pour  se  soustraire 
à  la  terreur,  y  revint  en  1800,  reprit 
ses  occupations  littéraires ,  et  quoique 
âgé  de  soixante-trois  ans  ,  retrouva 
souvent  cette  imagination  vive  et  ces 
saillies  heureuses  auxquelles  il  avait 
dû  jadis  ses  succès  ,  à  la  cour  la  plus 
élégante  de  l'Europe. 

Il  fut  admis  en  1804  à  l'Institut, 
comme  faisant  partie  de  l'ancienne 
Académie,  et  termina  en  1815,  à  l'âge 
de  soixante  dix-huit  ans  ,  une  carrière 
aussi  honorable  que  brillante. 

ROMANCE  D'ALINE. 

Alors  dans  la  Provence ,    . 
Ce  beau  pays  de  France, 
Simple  laitière  étais; 
Aline  me  nommais. 
Quinze  ans  était  mon  âge  ; 
Simple ,  naïve  et  sage , 
Mon  cœur  au  nom  d'amant 
Palpitait  doucement, 
Et  j'appelais  doux  sentiment.  bis 


POPULAIRES.  439 

Alors  dans  la  Provence , 
D'une  haute  naissance 
Un  beau  jeune  homme  était: 
Sainl-Phar  on  le  nommait. 
Vingt  ans  était  son  âge  ; 
Quoique  naïve  et  sage  , 
J'écoutais  cet  amant.... 
Parlait  si  tendrement 
Que  je  connus  doux  sentiment.         bis. 

Las!  des  siens  la  puissance 
L'éloigna  de  la  France. 
Pour  lui ,  bravant  le  sort, 
Naufrageai  sur  ce  bord. 
Le  destin  m'y  fit  reine; 
Mais  quoique  souveraine , 
Mon  cœur  tendre  et  constan*. 
Toujours  pour  mon  amanl 
Conservera  doux  sentiment.  bis. 

Paroles  de  Vial  et  Favières,  musxque 
de  Berton. 


Couplets  d*  Aline,  reine  de 
Cioleonde. 


Il  reçut  au  sein  de  la  gloire 
Et  les  mvrtes  et  les  lauriers 


440  CHANSONS 

Que  les  belles  et  la  victoire 
Tressent  pour  le  front  des  guerrier: 
En  amour  ainsi  qu'à  la  guerre 
Il  vole  à  de  nouveaux  succès  ; 
Il  sait  aimer,  combattre  et  plaire, 
C'est  vous  dire  qu'il  est  Français. 
On  ne  peut  nous  entendre  : 
Je  vais  tout  vous  apprendre  ; 
Vous  promettez  d'être  discret? 
C'est  qu'au  fond  de  leurs  âmes , 
Il  est  encor  des  femmes 
Qui  savent  garder  le  secret. 

Vive  ,  sensible,  un  peu  coquette, 
Aimant  la  gloire  et  les  plaisirs  , 
C'est  à  la  fois  la  violette, 
La  rose  ,  amante  des  zéphyrs  ; 
Elle  s'emporte,  elle  s'apaise, 
Soupire  et  sourit  tour  à  tour; 
Elle  est  en  même  temps  Française 
Et  constante  dans  son  amour. 
On  ne  peut  nous  entendre  : 
Je  vais  tout  vous  apprendre; 
Vous  promettez  d'être  discret? 
C'est  qu'au  fond  de  leurs  âmes  , 
Il  est  encor  des  femmes 
Qui  savent  garder  le  secret. 

Paroles  de  Vial  et  Favières  ,  »H*si 
de  Beuton. 


44i 


Notice  mur  Joconde. 

Il  n'est  personne  qui  ne  connaisse  le 
conte  charmant  de  La  Fontaine ,  dans 
lequel  il  surpassa  l'Arioste ,  auquel  il 
l'avait  emprunté,  et  qui  mérita  que  Boi- 
leau  lui  consacrât  une  longue  diiser- 
tation. 

Ce  sujet  avait  été  plusieurs  fois  traité, 
aux  Français  ,  par  Fagan  ,  en  174C  ; 
à  l'Opéra-Comique,  par  Desforges ,  en 
1790  ;  au  Théâtre  de  la  Cité,  par  Léger, 
en  1793  ,  lorsqu'en  1814  Etienne  s'en 
empara  de  nouveau  avec  un  grand  suc- 
cès. La  musique  ravissante  de  Nicolo 
mit  ses  airs  dans  toutes  les  houches; 
Martin  n'y  contribua  pas  peu  par  la 
manière  délicieuse  dont  il  chanta  le 
rôle  de  Joconde. 

Etienne  ,  que  les  lettres  viennent  de 
perdre  récemment ,  était  un  homme  de 
beaucoup  d'esprit,    de  peu  d'ims- 


442  CHANSONS 

tion ,  mais  un  des  plus  habiles  arran- 
geurs qu'il  y  ait  eus  au  théâtre.  Il  re- 
prenait avec  un  talent  remarquable  les 
sujets  déjà  traités,  et  savait  les  rendre 
nouveaux  par  la  manière  dont  il  les 
présentait ,  comme  il  l'a  prouvé  dans 
les  opéras  du  Rossignol,  de  Cendrillon  et 
de  Jeannot  et  Colin,  et  dans  la  comédie 
des  deux  Gendres,  qui  fit  tant  de  bruit 
en  1810. 

Etienne  était  né  en  1777  d'une  fa 
mille  peu  aisée,  dans  le  village  de  Cha- 
mouilly.  Il  vint  à  Paris  en  1796  ,  et 
débuta  dans  la  carrière  littéraire  par  de 
petits  vaudevilles  et  des  articles  de 
journaux.  La  protection  du  duc  deBas- 
sano  ,  dont  il  devint  secrétaire,  lui  ou- 
vrit la  porte  de  la  fortune.  Il  obtint  des 
places  lucratives,  entre  autres  la  direc- 
tion de  la  police  générale  des  journaux 
et  des  théâtres ,  put  travailler  à  sa  ré- 
putation et  ne  tarda  pas  à  entrer  à 
l'Académie  française.  Nous  ne  devons 
pas  parler  ici  du  rôle  politique  qu'il  a 
rempli  avec  habileté,  mais  de  ses  succè3 


POPULAIRES.  443 

comme  chansonnier  et  comme  vaude- 
villiste. Ce  ne  sont  pourtant  pas  ceux- 
là  qui  en  ont  fait  un  pair  de  France.  Il 
est  auteur  de  quarante-cinq  pièces  de 
théâtre  et  il  a  coopéré  à  la  rédaction  du 
Nain  jaune ,  du  Constitutionnel  et  de  la 
Minerve.  Il  est  mort  le  13  mars  1845, 
âgé  de  soixante-huit  ans. 

Couplets  de  Joconde. 

JEANNETTE. 

Parmi  les  filles  du  canton 

On  choisit  la  plus  innocente  ; 

Le  bailli  proclame  son  nom. 

Vous  jugez  comme  elle  est  contente  ; 

Mais  avec  le  bouquet  chéri 

Elle  obtient  encore  autre  chose  : 

Elle  peut  choisir  un  mari.... 

Que  je  voudrais  avoir  la  rose! 

On  va  bien  me  la  disputer: 
Chacune  se  dit  la  plus  sage  ; 
Pourtant  j'espère  l'emporter 
Sur  les  filles  de  ce  village. 
De  leurs  efforts  je  ne  crains  rien  ; 
Voulez-vous  en  savoir  la  cause  ? 


444  cnvNSONS 

Ma  mère  et  le  bailli  sont  bien.,. 
Et  je  crois  que  j'aurai  la  rose. 

JOCONDE. 

Si  l'on  couronne  la  beauté , 
Si  l'on  couronne  l'innocence, 
Vous  êtes  digne,  en  vérité, 
D'avoir  ici  la  préférence. 
A  quelqu'un  ce  présent  si  doux 
Est  destiné,  je  le  suppose. 
Chacun  voudrait  être  l'époux 
Qui  recevra  de  vous  la  rose. 

Paroles  d'ÉTIEMWE,  musique  de  Nicolo. 


Couplets  de  Joconde. 

Dans  un  amoureux  délire 
Un  berger  jeune  et  discret 
Disait  ainsi  son  martyre 
A  l'écho  de  la  forêt  : 
«  Ah,  c'est  le  bonheur  suprême 
D'inspirer  tendre  retour, 
Mais,  hélas  !  celle  que  j'aime 
Ne  rend  pas  amour  bis. 

Pour  amour.  » 


POPLLAlI.tï.  l45 

Mais  la  bergère  attentive. 
Quand  le  berger  soupirait, 
A  sa  romance  plaintive 
En  ces  termes  répondait  : 

«  Va  !  ta  plainte  est  inutile , 
Ne  gémis  pas  n\r.'  et  jotfr; 
Sois  confias! ,  sois  docile, 
Si  tu  veux  amour  ■  bis. 

Pour  amour. 

—  De  nos  bois  la  fuis  l'ombrage 

—  C'est  qu'il  faut  un  peu  cha:.. 

—  Tu  plais  à  tout  le  vill 

—  Je  n'aime  qu'un  seul  berger. 

—  I;  ::ioius  eoqu<_ 

inuins  jaloux   i 
El  duns  ma  douce  retraite 
Vieil  s  me  rendre  amour  t  is. 

Pour  amour.  » 

Paroles  d  Etienne,  musique  de  NlCuLO. 


Romance  de  Jocoudc 

Dana  un  délire  extrême , 
On  veut  fuir  ce  qu'on  aime , 


446  CHANSONS 

On  prétend  se  venger, 
On  jure  de  changer, 
On  devient  infidèle, 
On  court  de  belle  en  belle; 
Mais  on  revient  toujours 
A  ses  premiers  amours. 

Ah!  d'une  ardeur  sincère 
Le  temps  ne  peut  distraire, 
Et  nos  plus  doux  plaisirs 
Sont  dans  nos  souvenirs. 
On  pense,  on  pense  encore 
A  celle  qu'on  adore , 
Et  Ton  revient  toujours 
A  ses  premiers  amours. 

Paroles  détienne,  musique  de  Nicolc 


Rondeau  de  Joconde. 

J'ai  longtemps  parcouru  le  monde , 
Et  l'on  m'a  vu  de  toute  part, 
Courtisant  la  brune  et  la  blonde, 
Aimer,  soupirer  au  hasard. 

Sémillant  avec  les  Françaises , 
Romanesque  avec  les  Anglaises, 


POPULAIRES.  447 

En  tous  lieux  où  j'ai  voyagé, 
Selon  le  pays  j'ai  changé. 
Sans  me  piquer  d'être  fidèle, 
Je  courais  damour  en  amour; 
Je  n'aimais  jamais  qu'une  belle, 
Oui ,  mais  je  ne  l'aimais  qu'un  jour. 

J'ai  longtemps  parcouru  le  monde,  etc. 

Ce  n'était  point  de  l'inconstance , 
Oh  !  non,  c'était  de  la  prudence  ; 
Car  des  femmes,  sans  vanité, 
Je  connais  la  légèreté, 
Et  je  ne  les  quittais  d'avance 
Que  pour  n'en  pas  être  quitté; 
Et  cependant,  en  vérité, 
Je  l'ai  souvent  bien  mérité; 

Car  j'ai  longtemps  couru  le  monde,  etc. 

Mais  de  l'amour  je  porte  enfin  les  chaines, 
L'aimable  Édile  a  reçu  mes  serments, 
Je  trouve  même  un  charme  dans  mes  pei- 
Et  chéris  jusqu'à  mes  tourments,  [nés, 
Mon  luth  ,  si  longtemps  infidèle  , 
Ne  résonne  plus  que  pour  elle. 
Pourtant,  je  dois  en  convenir, 
Je  m'en  souviens  avec  plaisir, 

J'ai  longtemps  parcouru  le  monde, 
Et  Ton  m'a  vu  de  toute  part , 


448  CHANSONS 

Courtisant  la  brune  et  la  blonde  , 
Aimer,  soupirer  au  hasard. 

Paroles  détienne,  musique  de  Nicolo. 


Romance  de  Cendrillon. 

«Je  suis  modeste  et  soumise, 
Le  monde  me  voit  fort  peu , 
Car  je  suis  toujours  assise 
Dans  le  petit  coin  du  feu. 
Cette  place  n'est  pas  belle , 
Mais  pour  moi  tout  parait  bon  : 
Voilà  pourquoi  l'on  m'appelle 
La  petite  Cendrillon. 

«  Mes  sœurs ,  du  soin  du  ménage 
Ne  s'occupent  pas  du  tout. 
C'est  moi  qui  fais  tout  l'uuvrage 
Et  pourtant  j'en  viens  à  bout. 
Attentive,  obéissante, 
Je  sers  toute  la  maison  ; 
Et  je  suis  votre  servante, 
La  petite  Cendrillon. 

«  Quoique  toujours  je  m'empresse 
Mon  zè)e  est  très-mal  payé; 


POPULAIRES.  449 

Et  jamais  on  ne  m'adresse 

Un  petit  mot  d'amitié. 

Mais,  n'importe,  on  a  beau  Eure , 

Je  me  tais  ,  et  j'ai  raison. 

Dieu  protégera ,  j'espère , 

La  petite  Cendrillon. 

Paroles  d'ÉTiENNE,  musique  de  Nkolo. 


Chanson  de  Cendrillon. 

A  quoi  bon  la  richesse, 

A  quoi  bon  la  grandeur, 

Si  l'on  était  sans  cesse 

En  paix  avec  son  cœur  ? 

S'aimer  et  se  le  dire , 

Deviner  un  sourire, 

N'est-ce  pas  le  vrai  bien,  même  au  sein  de  k 

Non,  non,  non,  non,  [cour? 

Il  n*est  point  de  bonheur,  de  plaisir  sans 

[  l'amour. 

Un  beau  jour  Colinette 
Fut  conduite  à  la  cour; 
Elle  était  inquiète 
Dans  ce  brillant  séjour. 
Il  fallai*  se  contraindre 
Ou  bien  ii  fallait  feindre* 

29 


450  CHANSONS 

Car  on  ne  peut  ici  se  montrer  sans  détour. 

Non,  non,  non,  non, 
Il  n'est  point  de  bonheur,  de  plaisir  sans 
[  l'amour. 

Colinette  au  village 

Reprit  sa  liberté  ; 

Elle  aimait  davantage 

Sa  douce  obscurité. 

Là,  jamais  d'artifice, 

De  fierté ,  de  caprice  ;  [jour, 

Auprès  d'elle  elle  avait  son  amant  tout  le 

Son  amant  tout  le  jour!  [l'amour. 
Il  n'est  point  de  bonheur,  déplaisir  sans 

Paroles  cTÉtienne,  musique  de  Nicolo. 


Couplets  de  ïllnon  chez  madame 
de  Sévigné. 

C'e3t  bien  le  plus  joli  corsage  ! 
Le  pied  mignon  ,  surtout  les  yeux  î 
Depuis  bien  longtemps,  je  le  gage, 
Paris  n'en  a  pas  vu  de  mieux. 
Sa  beauté  séduirait  un  prince; 
Ah  !  pour  attraper  les  maris , 
Les  femmes  ont  dans  la  province 
Les  mêmes  armes  qu'à  Paris. 


POPULAIRES. 

»  Paris ,  dit-on ,  c'est  l'usage  : 
On  s'moque  des  provinciaux. 
Tout  c-'qui  n'est  pas  du  grand  village, 
Passe  à  Paris  pour  et'  des  sois. 
Croyant  leur  mérite  plus  mince  . 

_  .uds  on  trait'  tous  nos  maris, 
Mais  les  maris  de  la  prorince 
Ne  le  sont  pas  plus  qu'à  Paris. 

De  not'  maîtresse ,  je  vous  jure, 
Tout  en  est  beau,  tout  en  est  fc 

mange  pour  la  figure  , 
Et  peur  l'esprit  c'est  un  démon. 
De  celui  qu'elle  fait  par-, 
Comm'  de  ses  traits  on  est  épris. 
Excepté  madame,  peut-être, 
On  n'en  a  pas  plus  à  Paris. 

Paroles  de  Dupaty,  musique  de 


Chanson  du  Pré  aux  Cleres. 


ISABELLE 

A  la  fleur  du  l 
Geor_  . :ur 

Disait  dans  le  villiige  ; 
n'aui 


45'2  CHANSON"' 

Un  soir,  par  imprud 
Au  son  du  tambourin , 
Elle  suivit  la  danse 
Bans  le  bosquet  voisin.... 
Abi  !  pauvre  Georgette , 
Le  bal  est  un  plaisir 
Éveillant  le  désir, 
Et  l'amour  en  cachette 
Y  guette 
Une  fillette. 

Robert ,  du  voisinage 
Était  le  beau  danseur. 
Il  la  voit,  il  l'engage: 
Pour  elle  quel  honneur'. 
De  son  bras  il  la  serre 
Sur  son  cœur  doucement,. 
Et  la  jeune  bergère 
Trouva  ce  jeu  charmant. 
Ahi  !  pauvre  Georgette ,  etc. 

Tout  en  faisant  la  chaîne  , 
Robert  prit  un  baiser; 
Et  puis  sous  le  grand  chèno 
On  s'alla  reposer. 
La  nuit  vient....  commeir  fa 
Robert  offre  son  bras  ; 
Et  depuis  la  bergère 
Soupire  et  dit  tout  bas: 


POPDJLJ  453 

Ahi  !  pauvre  Gecrgetie 
Le  bal  est  un  plaisir 
Éveillant  le  désir. 
El  l'amour  en  ca.l 
Y  guette 
Une  fillette. 

Paroles  de  Planap.d  musique  de  Hérold 


Romance  du  Pré  aux  Clercs. 

Souvenirs  du  jeune  âge 
Sont  gravés  dans  mon  cœur, 
Et  je  pense  au  village 
Pour  rêver  le  bonheur. 
Ah  !  ma  voix  vous  supplie 
i)'écouter  mon  désir  : 
Rendez-moi  ma  patrie 
Ou  laissez-moi  mourir. 

De  nos  bois  le  silence, 
Les  bords  d'un  clair  ruisseau, 
La  paix  et  l'innocence 
Des  enfants  du  hameau , 
Ah!  voilà  mon  envie, 
Voilà  mon  seul  désir 


454 


Rendez-moi  ma  patrie 
Ou  laissez-moi  mourir. 


Paroles  de  Planard,  musiqve  de  Hérouj. 


Couplets  de  Marie. 

Une  robe  légère 
D'une  entière  blancheur, 
Un  chapeau  de  bergère, 
De  nos  bois  une  fleur; 
Ah  !  telle  est  la  parure 
Dont  je  suis  enchanté; 
Et  toujours  la  nature 
Embellit  la  beauté. 

Crois-tu  donc  que  mon  Emilie 
Puisse  devenir  plus  jolie  ; 
Que  ces  plumes  et  ces  bijoux, 
Cette  ceinture  en  broderie, 
Cette  belle  écharpe  d'Asie , 
Rendent  jamais  ses  traits  plus  dou: 
Non ,  non ,  c'est  une  chimère. 

Une  robe  légère 

D'une  entière  blancheur, 


POPULAIRES.  455 

Un  chapeau  de  bergère , 
De  nos  bois  une  fleur; 
Ah  !  telle  est  la  parure 
Dont  je  suis  enchanté-, 
Et  toujours  la  nature 
Embellit  la  beauté. 

Paroles  de  Plasard,  musique  rfOôtOLB 


Barcarolle  de  Tlarle. 

«  Batelier,  dit  Lisette, 

Je  voudrais  passer  l'eau , 

Mais  je  suis  bien  pauvrette 

Pour  payer  le  bateau.  » 

Colin  dit  à  la  belle  : 

«  Venez ,  venez  toujours ,  ô. 

Et  vogue  la  nacelle 

Qui  porte  mes  amours. 

—  Je  m'en  vais  chez  mon  père . 
Dit  Lisette  à  Colin. 

—  Eh  bien  !  crois-tu ,  ma  chère  , 
Qu'il  m'accorde  ta  main? 

—  Ah  :  répondit  la  belle , 
Ose»,  osez  toujours. 


456  CHANSONS 

—  Et  vogue  la  nacelle 
Qui  porte  mes  amours.  » 

Après  le  mariage . 

Toujours  dans  son  bateau , 

Colin  fut  le  plus  sage 

Des  maris  du  hameau. 

A  sa  chanson  fidèle, 

Il  répéta  toujours  :  bis. 

«  Et  vogue  la  nacelle 

Qui  porte  mes  amours.  » 

Paroles  de  Planard,  musique  d'HÉROLD. 


Couplets  de  Marie. 

Sur  la  rivière , 
Comme  mon  père 
Je  suis  meunier 
De  mon  métier. 
J'travaille  et  chante , 
L'âme  contente , 
Car  mon  moulin 
Me  donn'  du  pain. 
De  ma  boutique 
J'aim'  la  musique  : 


rOPLXAJRES.  45 

Tic-tac,  tic-tac-tique, 
Tique ,  tique-tac  et  tique. 

Quand  une  fille 
Fraicbe  et  gentille 
Vient  au  moulin 
Porter  son  grain, 
Pendant  l'ouvrage 
J' li  rends  hommage, 
Et  j'  m\  prends  ben 
Car  j's'is  malin: 
Et  ma  pratique 
Dit  :  «  C'est  unique: 
Mon  cœur  fait  tac,  tique, 
Tique,  tique-tac  et  tique.  » 

Paroles  de  Plaxard,  musique  d'HÉROïc, 


Rondeau  des  Rendez-vous 
bourgeois. 

Un  moment  de  gêne, 
Un  instant  de  peine 
Nous  fait  mieux  sentir 
Celui  du  plaisir. 


>8  CHANSONS 

En  amant  bien  tendre* 
Sans  nous  affliger, 
Il  nous  faut  attendre 
L'heure  du  berger. 
Espérer  et  craindre, 
Jouir  et  se  plaindre , 
Voilà  tour  à  tour 
Le  sort  de  Famour. 

Mais  un  peu  de  gêne , 
Mais  un  peu  de  peine, 
Nous  fait  mieux  sentir 
L'instant  du  plaisir. 

Paroles  de  Hoffman,  musique  de  Nicolo. 


Romance  de  Léonce. 

L'hymen  est  un  lien  charmant 
Lorsque  l'on  s'aime  avec  ivresse , 
Et  ce  n'est  que  dans  la  jeunesse 
Qu'on  peut  s'aimer  bien  tendrement,  bis. 
C'est  un  gentil  pèlerinage 
Que  l'on  entreprend  de  moitié  ; 
Peines,  plaisirs,  tout  se  partage,     bit. 
L'amour,  l'estime  et  l'amitié        )   h-s 
Sont  les  compagnons  du  voyage.  \ 


POPULAIRES.  45S 

Si ,  par  malheur,  chez  les  époux 
On  Toit  naître  l'indifférence. 
Si  la  triste  et  froide  inconstance 
Succède  à  leurs  transports  si  doux,  bis. 
Plus  n'est  gentil  pèlerinage 
Qu'on  faisait  gaîment  de  moitié  ; 

.'amour  devient  volage ,        i  is. 
Qu'au  moins  l'estime  et  l'amitié     j    . . 
Restent  compagnons  du  voyage,  j 

Quand  j'ai  vu  naître  mes  enfants , 
M'immoler  devint  nécessaire. 
Je  connais  les  devoirs  d'un  père , 
Il  doit  tenir  tous  ses  serments  : 
Dans  mon  triste  pèleriuag 
Privé  d'une  tendre  moitié. 
Je  bénis  encor  mon  partage ,  l  is. 

Si  leur  bonheur,  leur  amitié  "i    .  ■ 

Sont  mes  compagnons  de  voyage.  ) 

Paroles  de  Marsollier,  musique 
de  Nicolo. 


Romance  de  Calnare. 

R;en.  tendre  Amour,  ne  résiste  à  tes  armes, 
Pour  mieux  tromper,  tu  les  ornes  de  fleurs: 
Mais  quand  je  veux  ne  chanter  que  tes 
[charmes. 
Amour,  pourquoi  fais-tu  couicr  mes  pleurs? 


460  CUANS0NS 

Un  jour,  voyant  mon  amant  dans  la  peine, 
Croyant  son  cœur  irrité  contre  moi , 
Ma  main ,  cherchant  à  rencontrer  la  sienne, 
Semblait  lui  dire  :  Ami  console-toi. 

Mais  c'est  en  vain  ,  le  cruel  la  retire  ; 
Par  son  mépris  il  accroit  ma  douleur. 
Ma  voix  gémit,  mon  cœur  bat  et  soupire; 
Il  n'entend  plus  ni  ma  voix  ni  mon  coeur. 

Bientôt  le  temps  à  l'ingrat  vint  apprendre 
Combien  son  doute  avait  dû  m'outrager  ; 
Il  avait  tort,  je  n'en  fus  que  plus  tendre, 
Car  c'est  ainsi  qu'Amour  sait  se  venger. 

Paroles  Je  Marsollier  ,  musique 
de  Dalayrac. 


Romance  de  Joseph. 

A  peine  au  sortir  de  l'enfance, 
Quatorze  ans  au  plus  je  comptais, 
Je  suivis  avec  confiance 
De  méchants  frères  que  j'aimais. 
Dans  Sichem  aux  gras  pâturages 
Nous  paissions  de  nombreux  troupeaux. 
J'étais  simple  comme  au  jeune  âge, 
Timide  comme  mes  agneaux. 


TOTTLAIRES. 

Près  ae  trois  palmiers  solitaires. 
Tadressais  mes  vœux  au  Seigneur, 
Quand,  saisi  par  ces  méchants  frères.  . 
J'en  frémis  encor  de  frayeur! 
Dans  un  humide  et  froid  abîme , 
Ils  me  plongent  dans  leur  fureur  ! 
Et  je  n'opposais  à  leur  crime 
Que  mon  innocence  et  mes  pleurs. 

Hélas  !  près  de  qui  tter  la  vie , 
Au  jour  je  fus  enfin  rendu. 
A  des  marchands  de  l'Arabie 
Comme  un  esclave  ils  m'ont  vendu. 
Tandis  que,  du  prix  de  leur  frère, 
Ils  comptaient  l*or  qu'ils  partageaient, 
Hélas!  moi,  je  pleurais  mon  | 
Et  les  ingrats  qui  me  vendaient. 

Paroles  d  Alexandre  De  val,  musique 
de  Méhil. 


Romance  du  Jockey. 

Il  faut  quitter  ce  que  j'adore, 
Adieu  plaisir,  adieu  bonheur! 
Aujourd'hui  je  vous  goûte  encore, 
Demain  vous  fuirez  de  mou  coeur. 


t62  CHANSONS 

Séparons-nous,  ma  douce  amie 
Reçois  mes  adieux  en  ce  jour; 
5Iais  conservons  toute  la  vie 
Le  souvenir  de  notre  amour. 

Ne  me  montre  pas  tes  alarmes 
N'ajoute  pas  à  mon  malheur, 
Ne  m'affaiblis  pas  par  tes  larmes; 
J'ai  bien  assez  de  ma  douleur. 
S'il  faut  que  notre  cœur  oublie 
La  peine  qu'il  sent  en  ce  jour, 
Qu'il  garde  au  moins  toute  la  vie 
Le  souvenir  de  notre  amour. 

Un  jour,  sur  un  lointain  rivage. 
Sans  espérance  et  sans  repos 
Je  n'aurai  plus  que  ton  image 
Pour  me  consoler  de  mes  maux. 
Alors,  loin  de  ma  douce 
Je  répéterai  chaque  jour  .- 
Je  lui  garde  toute  ma  vie 
Le  souvenir  de  notre  amour. 

Paroles  de  IIoftman,  mu.H.jH; 


SOPIL  - 


La  leçon. 

ROMANCE   DC   BOUFFE   ET   LE   TAILLEUR. 

Conservez  bien  la  paix  au  cœur, 

Disent  les  mamans  aux  fillettes. 

Sans  la  paix,  adieu  le  bonheur; 

Craignez  mille  peines  secrètes. 

On  tremble,  on  se  promet  longtemps 

De  rester  dans  l'indifférence  : 

Et  puis  on  arrive  à  douze 

Et  le  cœur  bat  sans  qu'on  y  pense. 

Fuyez  surtout ,  fuyez  l'Amour. 
Disent  les  mamans  aux  fillettes. 
Le  petit  traître,  chaque  jour, 
Vous  tend  des  embûches  secrètes. 
On  tremble ,  on  se  promet  longtemps 
De  se  soustraire  à  sa  pui.-- 
Et  puis  on  arrive  à  seize  ans, 
Et  l'amour  vient  sans  qu'on  y  pense. 

Mais  pourquoi  tous  ces  vains  diseouii 
Que  font  les  mamans  aux  fillettes  ? 
Puisqu'on  doit  tribut  aux  amours, 
ne  acnuitter  rioe  dettes. 


464  CHASSONS 

Pour  bien  aimer,  il  n'est  qu'un  temps , 
S'en  défendre  est  une  imprudence  : 
Si  l'on  n'aime  pas  au  printemps 
L'hiver  viendra  sans  qu'on  y  pense. 

Paroles  cJ'Armand  Gouffé  et  Villieks, 
musique  de  Gaveaux. 


Couplets  du  Bouffe  et  le  Tailleur. 

On  dit  que  je  suis  sans  malice , 

Et  que  j'ai  l'air  simple  et  novice  ; 

De  ma  tournure  chacun  rit.  bis. 

De  tout  cela  je  ris  moi-même , 

Je  suis  aimé  de  ce  que  j'aime  ; 

Bien  des  gens  n'ont  pas  mon  esprit,  bis. 

Un  beau  vers ,  une  belle  phrase, 
Tiennent  les  savants  en  extase  , 
On  admire  et  Ton  applaudit.  bis-, 

L'amour  veut  un  autre  système , 
Chez  lui ,  quand  on  sait  dire  :  J'aime  ! 
On  a  toujours  assez  d'esprit.  bis. 

Paroles  d' Armand  Gouffé  et  Villieks, 
musique  de  Gaveaux. 


POPULAIRES-  465 


Cavatine  du  Bouffe  et  le  Tailleur. 

Gaiment  je  m'accommode 

De  tout. 
Je  suis ,  pour  toute  mode  , 

Mon  goût. 
Je  sais ,  en  habile  homme, 

Saisir 
Tout  ce  qu'en  France  on  nomme 

Plaisir. 

Je  suis  près  des  fillettes 

Léger; 
On  me  voit  d'amourettes 

Changer. 
Aux  soupirs  je  me  livre 

Un  jour  : 
L'inconstance  fait  vivre 

L'amour. 

Quand  une  belle  appelle, 

J'y  suis. 
Qu'un  faquin  me  harcèle , 

Je  fuis. 
Aux  serments  faut-il  croire  ? 

J'y  crois. 

30 


466  CHANSONS 

A  table  faut-il  boire? 
Je  bois. 
Paroles  d' Armand  Gouffé  et  Yilliers, 
musique  de  Gaveaux. 


Romance  du  Prisonnier 
ou  la  Ressemblance. 

Il  faut  des  époux  assortis 
Dans  le  lien  du  mariage  ; 
Vieilles  femmes,  jeunes  maris 
Feront  toujours  mauvais  ménage  $ 
On  ne  voit  point  le  papillon 
Sur  la  fleur  qui  se  décolore; 
Rose  qui  meurt  cède  au  bouton 
Les  baisers  de  l'amant  de  Flore. 

Ce  lien  peut  être  plus  doux 
Pour  un  vieillard  qu'amour  enflamme  ; 
On  voit  souvent  un  vieil  époux 
Être  aimé  d'une  jeune  femme  : 
L'homme ,  à  sa  dernière  saison , 
Par  mille  dons  peut  plaire  encore: 
Ne  savons-nous  pas  que  Tithon 
Rajeunit  auprès  de  l'Aurore? 

Aux  époux  unis  par  le  cœur 
Le  temps  fait  blessure  légère; 


POPCLAÎRES. 

On  a  toujours  de  la  fraîcheur, 
Quand  ou  a  le  secret  de  plaire. 
Rose  qui  séduit  le  matin , 
Le  soir  peut  être  belle  encore: 
L'astre  du  jour  à  son  déclin 
A  souvent  l'éclat  de  l'aurore. 

Paroles  ^'Alexandre  Duval.  mutiqi» 
de  Della  Maria. 


Romance  de  Gulistau. 

Le  point  du  jour 
A  nos  bosquets  rend  toute  leur  parure  ; 
Flore  est  plus  belle  à  son  retour. 
L'oiseau  redit  son  chant  d'amour; 
Tout  célèbre  dans  la  nature 

Le  point  du  jour. 

Au  point  du  jour 
Désir  plus  vif  est  toujours  près  i1 
Jeune  et  sensible  troubadour, 
Quand  vient  la  nuit,  chante  l'amour; 
Mais  il  chante  Dien  mieux  encore 

Au  point  du  jour. 

Le  point  du  jour 
Cause  parfois  :  ;-rne  ; 


i 


468  chansons 

Que  l'espace  des  nuits  est  court 
Pour  le  berger  brûlant  d'amour, 
Forcé  de  quitter  ce  qu'il  aime, 
Au  point  du  jour! 

Paroles  de  de  La  Chabaussièke  et  Etienne, 
musique  de  Dalaykac. 


La  Fin  du  «Tour  '. 

La  fin  du  jour 
Sauve  les  fleurs  et  rafraîchit  les  belles  : 
Je  veux ,  en  galant  troubadour, 
Célébrer  au  nom  de  l'amour, 
Chanter  au  nom  des  fleurs  nouvelles 

La  fin  du  jour. 

La  fin  du  jour 
Rend  aux  plaisirs  l'habitant  du  village  : 
Voyez  les  bergers  d'alentour 
Danser  en  chantant  tour  à  tour; 
Ah!  comme  on  aime,  après  l'ouvrage, 
La  fin  du  jour! 

La  fin  du  jour 
Rend  aux  amants  et  l'ombre  et  le  mystère  : 

'   Nous  plr.çons  ici  cette  chanson  comme  faisant 
suite  à  la  prête 


rOPLLAlKXS.  469 

Quand  Phébus  termine  son  tour, 
Vénus,  au  milieu  de  sa  cour, 
Avec  Mars  célèbre  à  Cythère 
La  fin  du  jour. 

La  fin  du  jour 
Rend  le  bonheur  aui  oiseaux  du  bocage  . 
Bravant  dans  leur  obscur  séjour 
La  griffe  du  cruel  vautour. 
Ils  vont  guetter  sous  le  feuillage 
La  fin  du  jour. 

La  fin  du  jour 
Mevoit  souvent  commenoer  un  bon  somme: 
Et  pour  descendre  au  noir  séjour, 
En  fermant  les  yeux  sans  retour, 
Je  dirai  gaiment  :  C'est  tout  comme 

La  fin  du  jour. 

Armand  g- 


Couplet  du  Viable  à  quatre. 

MARGOT. 

Je  n'aime  pas  le  tabac  beaucoup  ; 

J'en  prenais  peu ,  souvent  point  du  tout 


i 


«70  CHANSONS 

Mais  mon  mari  me  défend  cela. 
Depuis  ce  moment-là, 
Je  le  trouve  piquant 

Quand 
J'en  peux  prendre  à  l'écart; 

Car 
Un  plaisir  vaut  son  prix, 

Pris 
En  dépit  des  maris. 

Paroles  de  Sedaine,  musique  de  Solié. 


Chanson  de  Richard  Cœur 
de  lion. 

Que  le  sultan  Saladin 
Rassemble  dans  son  jardin 
Un  troupeau  de  jouvencelles, 
Toutes  jeunes ,  toutes  belles , 
Pour  s'amuser  le  matin , 

C'est  bien  ,  très-bien , 

Cela  ne  nous  blesse  en  rien. 

Moi ,  je  pense  comme  Grégoire  : 

J'aime  mieux  boire.  bis. 

Qu'un  seigneur,  qu'un  haut  baron 
Vende  jusqu'à  son  donjon 
Pour  aller  à  la  croisade  ; 
Qu'il  laisse  sa  camarade 


POPCLAIP.LS.  471 

Dans  la  main  de  gens  de  bien , 

C'est  bien ,  très-bien , 

Cela  ne  nous  blesse  en  rien. 

Moi,  je  pense  comme  Grégoire  : 

J'aime  mieux  boire.  615. 

Que  le  vaillant  roi  Richard 
Aille  courir  maint  hasard, 
Pour  aller,  loin  d'Angleterre, 
Conquérir  une  autre  terre 
Dans  le  pays  d'un  païen , 

C'est  bien ,  très-bien , 

Cela  ne  nous  blesse  en  rien. 

Moi,  je  pense  comme  Grégoire  : 

J'aime  mieux  boire.  bit. 

Paroles  de  Sedàine  ,  musique  de  Grétrt. 


Romance  de  Richard  Cœur 
de  Lion. 

Une  fièvre  brûlante 

Un  jour  me  terrassait , 

Et  de  mon  corps  chassait 

Mon  àme  languissante; 
Ma  dame  approche  de  mon  lit, 
Et  loin  de  moi  la  mort  s'enfuit. 


472  CHANSONS 

Un  regard  de  ma  belle 
Fait  dans  mon  tendre  cœur., 
A  la  peine  cruelle 
Succéder  le  bonheur. 

Dans  une  tour  obscure 

Un  roi  puissant  languit; 

Son  serviteur  gémit 

De  sa  triste  aventure. 
—  Si  Marguerite  était  ici 
Je  m'écrirais  :  Plus  de  souci  ! 

Un  regard  de  ma  belle 

Fait  dans  mon  tendre  cœur, 

A  la  peine  cruelle 

Succéder  le  bonheur. 

Paroles  de  Sedaine,  musique  de  Grétry. 


JLa  Veillée. 

COUPLETS  D'OVINSKA. 

Heureux  qui , dans  sa  maisonnette, 
Dont  la  neige  a  blanchi  le  toit, 
Nargue  le  chagrin  et  le  froid 
Au  refrain  d'une  ubansonneue. 


POrCLJ  4T3 

Que  les  soirs  d'hiver  sont  charmants 
Lorsqu'une  famille  assemblée 
Sait ,  par  divers  amusem-r 

Égayer  la  veillée! 

Assis  près  de  sa  bien-aimëe; 
Voyez  le  paisible  Lapon  , 
Lorsque  la  neige,  à  gros  flocon 
Tombe  sur  sa  hutte  enfumée  : 
Autour  du  feu ,  dans  ce  réduit , 
La  famille  entière  assemblée 
Semble  trouver  six  mois  de  nuit 
i  courts  pour  la  veillée. 

J'aime  surtout  une  spiréfe 
Où  Ton  parle  de  revenants , 
Alors  qu'on  entend  tous  les  vents 
Siffler  autour  de  la  contrée. 
A  ces  récits  intére?- 
Toute  la  troupe  émerveillée 
Tremble,  écoute  et  voudrait  longtemps 
Prolonger  la  veillée. 

Parole*  de  Villemoxtez,  9 
de  Ga veaux. 


CHANSONS 


la  Patrouille,  ou  Garde  à  voua! 

CHANSON  DE  LA  FIANCÉE,  OPÉRA-COMIQUK. 

Garde  à  vous  !  garde  à  vous  ! 
Avançons  en  silence, 
Sur  mes  pas  marchez  tous  ; 
Garde  à  vous  !  garde  à  vous  ! 
Veillons  d'un  pas  docile 
Au  repos  de  la  ville  ; 
Et  vous ,  adroits  filous , 
Nous  voici ,  garde  à  yous  1 
Garde  à  vous  î 

Garde  à  vous  !  garde  à  vous  I 
Bourgeois ,  gens  de  boutique 
Qui  mettez  par  rubrique 
A  minuit  les  verroux; 
Garde  à  vous  !  garde  à  vous  ! 
Le  devoir  nous  commande 
De  vous  mettre  à  l'amende 
Si  vous  ne  filez  doux  : 
Garde  à  vous  ! 

Garde  à  vous  !  garde  à  vous! 
Séducteurs  qui,  sans  crainte. 


POPULAIRES.  475 

La  nuit  portez  atteinte 
Au  repos  des  époux; 
Garde  à  vous  !  garde  à  vous  ! 
Et  vous ,  jeune  fillette 
Qui,  le  soir  en  cachette, 
Donnez  des  rendez-vous , 
Garde  à  vous  ! 

Garde  à  vous  !  garde  à  vous  ! 
Tapageurs  en  ribote 
Qui  roulez  dans  la  crotte 
Et  faites  les  cent  coups  ; 
Garde  à  vous  !  garde  à  vous  ! 
Mari  digne  de  blâme 
Qui  battez  votre  femme 
Pour  des  soupçons  jaloux , 
Garde  à  vous ■ I 

Paroles  de  Scribe,  musique  de  M.  Auber. 


1  Ce   couplet  trivial  n'est  point   de    M.   Scribe 
nais  de  quelque  chanteur  public  qui  a  voulu  allon- 
-r  la  chau9on  ,  ce  qui  arrive  souvent. 


476 


Chanson  de  Itficodème  dans  la 
ïiune. 

La  chanson  de  Colinette  eut  une  vogue 
extraordinaire  vers  la  hn  de  1790.  Elle 
était  chantée  dans  un  opéra-comique 
mêlé  de  vaudevilles  intitulé  Nicodème 
dans  la  Lune,  ou  la  Révolution  pacifique, 
qui  fit  courir  tout  Paris  au  petit  théâtre 
de  la  rue  de  Bondy.  L'auteur  de  cette 
pièce  était  Beffroy  de  Reigny,  si  connu 
sous  le  pseudonyme  du  Cousin  Jacques. 
L'acteur  Juliet  contrihua  au  succès  par 
son  jeu  plein  d'originalité;  mais  ce  qui 
l'augmenta  beaucoup,  ce  furent  les  al- 
lusions à  la  Révolution  naissante.  La 
pièce  était  faite  dans  un  très-bon  esprit. 
L'air  et  les  paroles  étaient  du  Cousin 
Jacques,  qui  faisait  lui-même,  pour  ses 
couplets  et  pour  ses  chansons,  de  la 
musique  fort  agréable  :  beaucoup  de 
ses  airs  sont  populaires. 


POPULAIRES. 


Colinette  au  bois  s'eD  alla , 

En  sautillant  par-ci,  par -là; 
Trala  déridera ,  trala  déridera. 

Un  beau  monsieur  la  rencontra. 

Frisé  par-ci ,  poudré  par-là , 
Trala  déridera ,  trala  déridera. 

«  Fillette ,  ou  courez-vous  comnr  ça? 

—  Monsieur ,  j'm'en  rais    dai:- 
Cueillir  la  noisette.  »  [bois-là, 

Trala  déridera ,  trala  déridera. 
N" y  a  pas  d'mal  à  ça, 

Colinette, 
N'y  a  pas  d'mal  à  ça. 

À  ses  côtés  l'monsieur  s'en  va , 
Sautant  comme  ell'  par-ci,  par-là, 
Trala  déridera ,  trala  déridera.  [ça  ? 

«  Où  v'nez-Tous  donc,  monsieur,  comme 

—  J'  vais  avec  vous  dans  c'p'tit  bois-là, 
Trala  déridera ,  trala  déridera. 

Mais  jusqu'à  temps  qu'nous  soyons  là, 
Chantons  gaîment  par-ci ,  par-là, 
La  p'tit'  chansonnette.  » 
Trala  déridera,  trala  déridera, 
>_>y  a  pas  d' mal  à  ça 

Colinette, 
N'y  a  pas  d' mal  à  ça. 


478  CHANSONS 

V  monsieur  lui  dit ,  quand  ils  fur'nt  ià  : 
«Asseyons-nous  sur  ç' gazon-là, 
Trala  déridera ,  trala  déridera.  » 
Sans  résistance  il  l'embrassa, 
Et  p'tit  à  p'tit ,  et  caetera , 
Trala  déridera,  trala  déridera. 

La  pauvre  fille,  en  sortant  d'ià, 
Garda  Y  silence  et  puis  pleura! 
Personn'  ne  répète  : 
Trala  déridera,  trala  déridera. 
N'y  a  pas  d'  mal  à  ça 

Colinette, 
N'y  a  pas  d'mal  à  ça. 

Le  Cousin  Jacques. 


Couplets  du  Petit  Matelot. 

LA  PIPE  DE  TABAC. 

Contre  les  chagrins  de  la  vie , 
On  crie  et  ab  hoc,  et  ab  hac ; 
Moi ,  je  me  crois  digne  d'envie 
Quand  j'ai  ma  pipe  et  mon  tabac. 
Aujourd'hui ,  changeant  de  folie, 
Et  de  boussole  et  d'almanach , 


POPULAIRES.  479 

Je  préfère  fille  jolie 
Même  à  la  pipe  de  tabac.  bis. 

Le  soldat  bâille  sous  la  tente , 
Le  matelot  sur  le  tillac  ; 
Bientôt  ils  ont  l'âme  contente 

la  pipe  de  tabac.  bis. 

Si  pourtant  survient  une  belle , 
A  l'instant  le  cœur  fait  tic-tac, 
Et  l'amant  oublie  auprès  d'elle 
Jusqu'à  la  pipe  de  tabac.  bis. 

Je  tiens  cette  maxime  utile 

De  ce  fameux  monsieur  de  Crac  : 

En  campagne  comme  à  la  ville , 

Fêtons  l'amour  et  le  tabac.  ois. 

Quand  ce  grand  homme  allait  en  guerre, 

Il  portait  dans  son  petit  sac 

Le  doux  portrait  de  sa  bergère 

Avec  la  pipe  de  tabac.  bis. 

Paroles  de  Pigaclt-Lebro»  ,  musique 
de  Gaveaix. 


La  Dame  Blanche. 

D'ici  voyez  ce  beau  domaine 
Dont  le;  ..jcbent  le  ciel! 


ÎSO  CHANSONS 

Une  invisible  châtelaine 
Veille  en  tout  temps  sur  ce  castel. 
Chevalier  félcn  et  méchant , 
Qui  tramez  complot  malfaisant. 

Prenez  garde  ! 
La  dame  blanche  vous  regarde , 
La  dame  blanche  vous  entend. 

Sous  ces  voûtes ,  sous  ces  tourelles , 
Pour  éviter  les  feux  du  jour, 
Parfois,  gentilles  pastourelles 
Redisent  doux  propos  d'amour. 
Vous  qui  parlez  si  tendrement , 
Jeune  fillette ,  jeune  amant , 

Prenez  garde! 
La  dame  blanche  vous  regarde, 
La.  dame  blanche  vous  entend. 

En  tous  lieux  protégeant  les  belles 
Et  de  son  sexe  ayant  pitié , 
Quand  les  maris  sont  infidèles , 
Elle  en  avertit  leur  moitié. 
Volage  époux,  cœur  inconstant, 
Qui  trahissez  votre  serment, 

Prenez  garde  ! 
La  dame  blanche  vous  regarde, 
La  dame  blanche  vous  entend. 

}aroleade  Scribe,  musique  de  Boyeldiec. 


POPULAIRES. 


Chant  du  Barde  dans  Ariodant. 

Femme  sensible,  entends-tu  le  ramage 
De  œs  oiseaux  qui  célèbrent  leurs  feux? 
Ils  font  redire  à  l'écho  du  rivage  : 
Le  printemps  fuit ,  hàtez-vous  d*  ètr e  heureux. 

Vois-tu  ces  fleurs,  ces  fleurs  qu'un  doux  Z_- 
[phire 
Va  caressant  de  son  souffle  amoureux  ? 

fanant  elles  semblent  te  dire  : 
Le  printemps  fuit, hàtez-vous  d'être  heureux. 

Moments  charmants  d'amour  et  de  tendresse 
Comme  un  éclair  vous  fuyez  à  nos  yeux; 
Et  tous  les  jours  perdus  dans  la  tristesse 
Nous  sont  comptés  comme  des  jours  heureux 

Parola de Hoffmas,  musique  deiiÉMisL, 


Couplets  du  Traité  nul. 

Souvent  la  nuit ,  quand  je  s  jrnmeide , 
Je  crois  le  voir  à  mes  genoux; 
3i 


482  CHANSONS 

Et  le  matin ,  quand  je  m'éveille, 
Je  regrette  un  songe  si  doux. 
Lorsqu'on  parle  de  mariage, 
Je  fais  des  vœux  pour  être  à  lui... 
Ah  !  dis-moi  toi-même  aujourd'hui 
Si  l'on  peut  aimer  davantage. 

On  me  voyait,  près  de  ma  mère, 
Rire  toujours  et  folâtrer  : 
Triste,  à  présent,  et  solitaire, 
Je  ne  fais  plus  que  soupirer. 
Tout  me  déplaît  dans  le  village 
Depuis  que  je  suis  loin  de  lui... 
Ah!  dis-moi  toi-même  aujourd'hui 
Si  l'on  peut  aimer  davantage. 

Je  dois  pourtant  à  ta  tendresse 
Un  aveu  qui  va  me  coûter.... 
Est-ce  une  erreur,  une  faiblesse? 
A  toi  je  veux  m'en  rapporter. 
Quand  je  pense  à  mon  mariage, 
A  ce  moment  rempli  d'appas  , 
Mon  cœur  alors  me  dit  tout  bas 
Que  l'on  peut  aimer  davantage. 

Paroles  de  Marsollier,  musique 
de  Gàveavx. 


POPrLAlKF.s.  433 


Couplets  des  deux  Ermites. 

Jeune  fille ,  jeune  garçon , 
Que  le  même  couvert  assemble  . 
Seront  bientôt  d'accord  ensemble: 
N'en  demandez  pas  la  rai- 
leçon  bien  sûre 
Tous  deux  les  instruira; 

::e  leçon-là, 
Qui  la  leur  donnera? 

La  nature.  lis. 

Vous  voudriez  TOtfs  opposer 
Aux  pièges  qu'ils  savent  yônstcti 
Pour  les  empêcher  de  s'entendre, 
En  vain  vous  voudriez  ruser, 

Leur  adresse  plus  sûre 

Vous  déconcertera  ; 

Et.  cette  adresse-là, 

Qui  la  leur  donnera? 

La  nature.  bit. 

Paroles  de  Bi^nvMUL,  musique 
de  G à veaux. 


484 


Couplets  de  l'amour  Allai. 

Jeunes  amants,  cueillez  des  fleurs 
Pour  le  sein  de  votre  bergère  : 
L'Amour  par  de  tendres  faveurs 
Vous  en  promet  le  doux  salaire. 
Plein  d'un  espoir  encor  plus  doux , 
Dès  que  le  soleil  nous  éclaire, 
Je  cueille  des  fleurs  comme  vous, 
Pour  parer  le  front  de  mon  père. 

Votre  main ,  au  bord  d'un  ruisseau 
Prépare  des  lits  de  fougère  ; 
Vous  arrondissez  des  berceaux , 
Pour  servir  d'asile  au  mystère. 
Comme  vous ,  de  ces  arbrisseaux 
Je  courbe  la  tige  légère , 
Et  de  leurs  flexibles  rameaux 
J'ombrage  le  front  de  mon  père 

En  accourant  à  son  réveil, 
Vous  tremblez.  Que  va-t-elle  dire? 
En  sortant  des  bras  du  sommeil , 
Mon  père  ,  tu  vas  me  sourire. 
Vous  lui  ravissez  quelquefois 
VJn  baiser  qu'ignore  sa  mère  : 


POPULAIRES.  485 

Moi,  chaque  matin  je  reçois 
Le  premier  baiser  de  mon  père. 

Paroles  de  Demoustier,  musiqut 
de  Gave aux. 


Couplets  de  Marianne. 

Suzon  sortait  de  son  village; 
On  lui  trouvait  quelques  appas  ; 
EU'  n'avait  pas  d'biens  en  partage, 
Mais  un  bon  cœur  et  de  bons  bras. 
Travaillez  donc, 
Mam'seU'  Suzon , 
Travaillez  donc ,  jeune  et  pauvre  fillette. 
Croyez-moi  donc , 
Songez-y  donc  ; 
Travaillez  donc,  jeune  et  pauvre  Suzon. 
Écoutez  c'te  voix  qui  répète 
Que  l'argent  ne  donn'  pas  l'bonheur, 
Et  qu'  lorsqu'on  a  la  paix  du  cœur, 
Notre  fortune  est  faite. 

Bientôt  un  amant  se  présente: 
11  était  jeune  et  riche  encor  ; 
Le  fripon,  d'un'  voix  séduisante, 
Offre  son  coeur  et  beaucoup  d'or.... 


CHANSONS 

Méfiez-vous  donc, 
D'un  pareil  don , 
Menez-vous  donc,  jeune  et  pauvre  fillette. 
Croyez-moi  donc, 
Travaillez  donc, 
Travaillez  donc,  jeune  et  pauvre  Suzon. 
Écoutez  c'te  voix  qui  répète 
Que  l'argent  ne  donn'  pas  1'  bonheur, 
Et  qu'lorsqu'on  a  la  paix  du  cœur, 
Notre  fortune  est  faite. 

il  n'parlait  point  de  mariage  : 
Il  fallut  le  laisser  partir; 
S'il  est  pénible  d'être  sage , 
Il  l'est  bien  plus  de  se  r'pentir. 
Continuez  donc, 
Profitez  donc, 
Continuez  donc,  jeune  et  pauvre  fillette, 
Croyez-moi  donc, 
Travaillez  donc , 
Travaillez  donc,  jeune  et  pauvre  SuSc  n 
Écoutez  c'te  voix  qui  répète , 
Que  l'argent  ne  donn'  pas  l'bonlieur, 
Et  qu'lorsqu'on  a  la  paix  du  cœur, 
Notre  fortune  est  faite. 

Paroles  de  Màksolliep.,  musiqtu 

de  DÀLÀVRAC. 


POPULAIRES. 


Couplets  de  la  Xeige. 

Lorsque  l'hiver  enchaîne  les  flots, 
Jeunes  beautés,  avec  audace, 
Accourez  à  ces  plaisirs  nouveaux  i 
L'Amour  peut  guider  vos  traîne  - 
Nul  danger  ne  vous  menace. 
I  est  au  printemps, 
érils  Lien  plus  grands  : 
Près  de  vous ,  quand  avec  . 
Un  danseur  vient  soudain 
Vous  présenter  sa  main. 
Ma  Suzon , 
Ma  Lison , 
Pour  danser, 
Pour  valser 
Ne  vas  pas  te  presser. 
Il  est  plus  dangereux  de  glisser 
Sur  le  gazon  que  sur  la  glace. 
Il  est  trop  dangereux  de  glisser  : 
Fillettes,  craignez  de  de.:. 

Quand,  sur  la  glace,  en  traineaul>riiiaU 
Gaimer.it  on  passe  et  l'on  repar 

'ôï  parfois  arrive  un  accident, 
On  se  relève  promptement  • 


488  CHANSONS 

Sans  danger  l'on  se  ramasse. 

Mais  sur  l'herbe,  en  dansant, 

Ah  !  c'est  bien  différent1 
ï)u  faux  pas  qui  la  menace , 

Une  fillette,  hélas  ! 

Ne  se  relève  pas. 
Ma  Suzon ,  etc. 

Sans  te  troubler,  laisse,  vieux  mari, 
Ta  femme  courir  sur  la  glace  : 
L'Amour  n'est  là  qu'un  enfant  transi  f 
Ailleurs  il  est  plus  dégourdi  : 
C'est  au  bois  qu'il  vous  menace. 
Qu'un  tendron  imprudent 
Fasse  un'  chute  en  dansant, 
Pour  l'époux  quelle  disgrâce! 
Car  c'est  lui  tout  à  coup 
Qui  r'çoit  le  contre-coup. 
Ma  Suzon ,  etc. 

Paroles  de  Scribe  et  Germain  Delavign: 
musique  d'AuEER. 


Ronde  du  maçon. 

Bon  ouvrier,  voici  l'aurore 
Qui  te  rappelle  à  les  travaux. 


POPULAIRES.  489 

Ce  matin,  travaillons  encore, 
Le  soir  sera  pour  le  repos. 
Tout  seul ,  on  s'ennuie  à  l'ouvrage  : 
Pour  l'abréger  on  le  partage, 
A  ton  aide  chacun  viendra, 
Du  courage , 
Du  courage  : 
Les  amis  sont  toujours  là. 

Bon  ouvrier,  voici  l'dimanche  : 
Ce  jour-là  tout  est  ouMié  ; 
Quelle  gaité  naïve  et  franche! 
Trinquons  ensemble  à  l'amitié! 
Mlaisser  boir'  seul  est  un  outrage; 
Mais  pour  partager  mon  ouvrage , 
Et  la  bouteille  que  voilà.... 
Du  courage,  etc. 

Bon  ouvrier,  quand  la  tendresse 
De  l'hymen  te  fait  une  loi; 
Lorsqu'à  ta  gentille  maîtresse 
Tu  donnes  ton  cœur  et  ta  foi, 
Prends  garde ,  ne  sois  point  volage. 
Si  tu  négliges  ton  ouvrage , 
Un  autre  te  remplacera  : 

Du  courage , 

En  ménage , 
Les  amis  sont  toujours  là. 

Paroles  de  Scribe  et  G.  Delayign'E, 
musique  cTAuber. 


Romance  de  Léonore,  ou 
la  moue  conjugal. 

Fidelio,  mon  doux  ami, 
Qu'il  me  larde  d'être  ta  femme  : 
Fille,  hélas  I  ne  peut  qu'à  demi 
Avouer  ce  qui  s'passe  en  son  àme, 
Mais  sans  rougir  te  caresser. 
Dans  mes  bras  pouvoir  te  presser, 
Te  dire  à  chaque  instant  :  Je  t'aime 
Si  le  seul  espoir  du  bonheur 
De  plaisir  fait  battre  mou  cœur, 
Qu'est-ce  donc  que  le  bonheur  mèmei 

Accord,  fidélité,  repos, 

Oui  tel  sera  notre  partage; 

Et  bientôt  d'jolis  p'tits  marmots 

Viendront  embellir  not'  ménage. 

Il  me  semble  déjà  les  voir 

Sur  nos  genoux  grimper,  s'asseoir, 

Et  nous  balbutier  :  Je  t'aime! 

Si  le  seul  espoir  du  bonheur 

De  plaisir  fait  battre  mon  cœur, 

Qu'est-ce  donc  que  le  bonheur  même: 

Paroles  de  Bolillt,  rousigt 
de  Ga veaux. 


..ii.::>. 


Chanson  de  table  du  Calife 
de  Bagdad. 

Pour  obtenir  celle  qu'il  aime  , 
L'un  éblouit  par  la  grandeur  : 
A  se  voir  aimé  pour  lui-même, 
Un  autre  met  tout  son  bonheur. 
Mes  chers  amis ,  dans  cette  vie 
Chacun  a  son  goût,  sa  l'ulie; 
La  meilleure  est  de  bien  jouir. 
Chantons  l'amour  et  le  plaisir. 

L'un  dans  les  hasards  de  la  guerre 
Trouve  le  bonheur  de  ses  jours. 
L'autre,  sous  le  toit  solitaire 
Du  tendre  objet  de  ses  amours. 
Mes  chers  amis,  dans  cette  vie 
Chacun  a  son  goût,  sa  folie; 
La  meilleure  est  de  bien  jouir. 
Chantons  l'amour  et  le  plaisir. 

Paroles  de  Saixt-Jcst, 

de  BOÏELDIEC. 


492 


Couplets  d'Alexis,  ou  l'Erreur 
d'un  bon  Père. 

J'airoons  que  l'on  chante  gaîment 
Couplets  ou  chansonnette, 
Où  berger  à  berg'rette 
Parle  d'amour  ben  gentiment. 
J'aime ,  morguenne , 
Surtout  qu'on  prenne, 
Eh!  oui,  morguenne, 
J'aime  surtout  qu'on  prenne 
Quelque  joli  petit  refrain 
Qui  mette  tout  le  monde  en  train, 
Qui  mette  tout  le  monde  en  train , 
Tout  en  vidant  nos  verres 
Comme  faisaient  nos  pères.  bit. 

J'commençons  à  m'apercevoir 

Qu'il  en  est  d'ia  musique 

Comme  d'ia  politique , 
Dont  chacun  parle  sans  savoir. 
J'aime,  morguenne,  etc. 

Je  ne  voulons  pas  me  vanter, 
Mais,  si  j'puis  m'y  connaitre, 
Tel  chant'  ben  haut,  peut-être, 

Qui  bientôt  pourra  déchanter. 


POPULAIRES.  493 

Eh!  oui,  morguenne, 
Ç'ti-là  qu'on  traîne, 
Eh!  oui,  morguenne, 
Ç'ti-là,  ç'ti-là  qu'on  traîne 
Si  vite  dans  son  phaéton, 
Un  beau  matin  ,  changeant  de  ton, 
Ç'ti-là  qu'on  traîne  avec  son  phaéton , 
Pourra  r'monter  derrière* 
Comme  faisait  son  père. 

Paroles  de  Marsollier  .  musiqui 
de  Dalayrac. 


Romance  de  Harcellin. 

Ce  jeune  homme,  depuis  huit  jours, 
Passe  souvent  sous  ma  fenêtre. 
Moi ,  je  fais ,  usant  de  détours , 
Semblant  de  De  pas  le  connaître. 
D'éviter  son  tendre  regard 
C'est  en  vain  que  je  me  propose  : 
J'ai  beau  fixer  l'œil  autre  part, 
Je  vois  toujours  la  même  chose. 

Alors  je  pense  à  mon  devoir; 
Moi-même  tout  bas  je  me  blâme, 
Fermant  l'œil  pour  ne  pas  le  voir  ; 
Son  image  reste  en  inon  ame. 


494  CHANSONS 

La  nuit  je  fais  nouveaux  efforts 
Pour  fuir  le  mal  où  je  m'expose , 
Mais  le  sommeil,  quand  je  m'endors. 
M'offre  toujours  la  même  chose. 

Fièvre  brûlante  dans  mon  sein 
Soudain  m'agite  et  me  dévore  ; 
Je  n'aspire  qu'au  lendemain 
Pour  revoir  l'objet  que  j'adore  !... 
Mon  visage,  en  l'apercevant. 
Prend  la  couleur  de  celte  rose. 
Et  je  me  dis  secrètement , 
Il  me  manque  encor  quelque  chose. 

Paroles  de  Bernard  Yalyille,  musique 
de  Lebrun. 


Couplets  du  Traité  nu!. 

A  Paris,  et  loin  de  sa  mère, 
Je  pouvais  la  voir  chaque  jnmr; 
Là  sous  le  voile  du  mystère , 
Nos  yeux  seuls  se  parlaient  d'amom 
Triomphant  de  sa  répugnance, 
J'obtins  un  rendez-vous  secret... 
Ah!  mon  cher  oncle,  en  conscient:    . 
Dites-moi  n'ai-je  pas  bien  fait? 

N'ai-je  pas  bien  fait?  i' 


POrrLAIRKS.  '    : 

Ma  Pauline  ro<?  dit  .-  Je  l'aime 
Elle  me  le  dit  sans  parler. 
Timide  aussi  je  fis  de  même: 
Elle  sentit  ma  main  trembler. 
Sans  alarmer  son  innocence. 
Un  baiser' fut  pris  en  secret... 
Ah  !  mon  cher  oncle  ,  en 
Dites-moi ,  n'ai-je  pas  bie: 
N'ai -je  pas  bien  fait? 

Un  rival .  dit-on  .  se  présente  : 
La  douleur  me  rend  furieux  : 
Mais  Pauline,  toujours  charmante. 
Promet  de  rejeter  st*  vœux. 
Nous  nous  sommes  juré  d'avance 
Que  si  l'imprudent  épousait.... 
Ah  !  mon  cher  oncle,  en  conscience. 
Dites*moi .  n'ai-je  pas  bien  faif 

N'ai-je  pas  bien  fait?  ^r. 

Paroles  de  Marsoixier,  musique 
de  Gâteaux. 


Romance  de  Tfontano 
et  Stéphanie. 

Quand  nn  fut  |  "îeux . 

On  aime  à  voir  lever  ram 
A  son  .-  eux, 

L'homme  juste  est  piu^  calme  $ 


Plus  recueilli  dans  ce  moment, 
Il  jouit  d'une  ivresse  pure, 
Et  rien  pour  lui  n'est  si  touchant 
Que  le  réveil  de  la  nature. 

Je  vais  encor  combler  les  vœux 
D'une  tendre  et  sensible  amante. 
A  la  main  d'un  amant  heureux, 
Je  vais  unir  sa  main  tremblante. 
L'attente  d'un  si  beau  moment 
Me  remplit  d'une  ivresse  pure, 
Et  me  rend  encor  plus  touchant 
Le  doux  réveil  de  la  nature. 

Paroles  de  Dejaure,  musique  de  Berton. 


Chanson  des  deux  «Tournées. 

Un  pauvre  petit  Savoyard 
Mourait  de  froid  et  de  souffrance. 
Un  Français  passe  par  hasard, 
L'entend  gémir,  vers  lui  s'avance. 
L'enfant  à  la  vie  est  rendu 
Par  son  secours ,  son  assistance. 
Bon  Français,  Dieu  te  récompense; 
Un  bienfait  n'est  jamais  perdu. 


POPULAIRES.  497 

Bientôt  sur  noire  continent 

La  guerre  partout  se  déclare, 

Ce  bon  Français  tombe  vivant 

Au  pouvoir  d'un  vainqueur  harbare. 

Un  arrêt  cruel  est  rendu 

Qui  l'condamne  à  perdre  la  vie... 

Rassurez-vous,  parents,  patrie, 

Cn  bienfait  n'est  jamais  perdu. 

Le  Savoyard  s'rend  prisonnier, 
A  tous  les  dangers  il  s'élance  : 
Trompe  gardien ,  séduit  geôlier. 
Que  ne  peut  la  reconnaissance? 
Par  ses  soins,  l'Français  éperdu 
S'échappe  de  la  tour  obscure. 
Voilà  comme  dans  la  nature 
Un  bienfait  n'est  jamais  perdu. 

Paroles  deBoriLLY.  musique 
deCHÉr.cBiM. 


Couplets  de  Palma. 

Petits  chagrins  de  temps  en  temps 
Rendent  les  plaisirs  plus  piquants. 
Souvent  pour  un  sujet  frivole 
Notre  pauvre  cœur  se  désole. 

33 


498  CHANSONS 

Hélas  !  on  pleure ,  on  est  désespéré . 
Et  puis  on  rit  d'avoir  pleuré. 

Fille  sage  qui ,  par  erreur, 
Trahit  le  secret  de  son  cœur, 
Voudrait  cacher  dans  un  abîme 
Cet  aveu  qui  lui  semble  un  crime. 
Hélas!  on  pleure,  on  est  désespéré. 
Et  puis  on  rit  d'avoir  pleuré. 

Léa  voit  fuir  tous  ses  amants  ; 
Sa  sœur  reste  veuve  à  seize  ans. 
Toutes  deux,  lasses  de  la  vie, 
Veulent  mourir  de  compagnie. 
Hélas!  on  pleure,  on  est  désespéré, 
Et  puis  on  rit  d'avoir  pleuré. 

Paroles  de  Lemontey  ,  musique 
de  Plantade. 


Rondeau  des  Visitandines. 

Enfant  chéri  des  dames, 

3e  suis  en  tout  pays 

Fort  bien  avec  les  femmes  , 

Mal  avec  les  maris.  t 


POPULAIRES.  490 

Pour  charmer  l'ennui  de  l'absence 
A  vingt  beautés  je  fais  la  cour. 
Laissant  aux  sots  l'ennuyeuse  constance, 
Je  les  adore  tour  à  tour. 
Pourquoi  me  piquer  de  constance 
Quand  je  vois  de  nouveaux  appas  ? 
Un  nouveau  goût  s'éveille, 
J'entends  à  mon  oreille 
Le  dieu  d'amour  me  répéter  tout  bas  : 

Enfant  chéri  des  dames, 

Sois  dans  tous  les  pays 

Fort  bien  avec  les  femmes , 

Mal  avec  les  maris.  ttr . 

Biais  le  ciel  me  seconde, 
Et  veux  faire,  je  crois, 
L'ami  de  tout  le  monde 
D'un  homme  tel  que  moi. 
Me  voici  dans  la  France; 
Tout  ira  pour  le  mieux, 
Car  on  aime  l'aisance 
Dans  ce  climat  heureux. 
Non ,  il  n'est  pas  de  climat  plus  heureux 

Car  les  amants  des  dames, 

Dans  ce  charmant  pays, 

Sont  bien  avec  les  femmes, 

Bien  avec  les  maris.  ter. 

Paroles  de  Picard,  musique  de  Gayeala, 


Rondeau  d'une  Folle. 

On  De  saurait  trop  embellir 
Le  court  espace  de  la  vie  ; 
Pour  moi ,  je  veux  le  parcourir 
Avec  l'Amour  et  la  Folie. 

Du  Temps  rapide  qui  s'enfuit 
Rien  n'échappe  à  la  faux  cruelle; 
Souvent  il  la  frappe  et  détriait 
Jusqu'à  la  fleur  la  plus  nouvelle. 

On  ne  saurait  trop  embellir,  etc. 

Empressons-nous  donc  de  jouir 
Du  charme  heureux  de  la  jeunesse 
Et  ménageons  un  souvenir 
Qui  vienne  égayer  la  vieillesse. 

On  ne  saurait  trop  embellir 
Le  court  espace  de  la  vie  ; 
Pour  moi ,  je  veux  le  parcourir 
Avec  l'Amour  et  la  Folie. 

Paroles  de  Bouilly,  musique  de  Mébut. 


Histoire  abrégée  du  Théâtre 
du  Vaudeville. 

On  a  vu  dans  notre  article  sur  l'opéra 
ue  qne  ce  genre  et  celui  du 

ibord  confondus ,  ont  eu  une 
origine  commune  dans  les  théâtres  de 
la  Foire. 

U-  théâtre  spécial  de  vaudeville  fut 
à  Paris  en  1792,   époque  ou  la 
roclamèe. 
Plis  et  Barré,  dont  les  vaudevilles 
avaient  eu  à  l'Opéra-Comique  de  grands 
succès,  conçurent  le  projet  de  consacrer 
à  ce  genre  éminemment  français  une 
:  ils  la  fondèrent 
dans  la  rue  de  Chartres  ,  sur  l'en 
cerne  -..Ue  de  bal  nomu 

-Hall  d'hiver  ou  le  Panthéon,  t 
l'asile  de  l'esprit  et   de  la  gaieté.  Les 
fondateurs  prirent  pour  Icvhe  uu  vers 


502  CHANSONS 

deBoileau  dont  ils  ne  changèrent  qu'un 
mot ,  et  ils  écrivirent  sur  leur  affiche  : 

Le  Français,  né  malin  ,  créa  le  vaudeville. 

Les  premiers  auteurs  que  s'associèrent 
Piis  et  Barré,  furent  Desfontaines,  Ra- 
det,  Demautort,  Deschamps  et  Léger, 
acteur  de  ce  théâtre;  mais  Piis  resta 
peu  de  temps  dans  l'association ,  et  le 
triumvirat  dont  le  nom  fit  pendant 
vingt  ans  le  succès  et  la  fortune  du 
Vaudeville  fut  composé  de  Barré,  Radet 
et  Desfontaines. 

Bientôt  ce  genre  aimahle ,  dont  le 
succès  fut  complet ,  attira  beaucoup 
d'auteurs  dont  la  plume  facile  embellit 
le  nouveau  répertoire;  le  théâtre  du 
Vaudeville  fut  surnommé  la  Boite  à 
l'esprit,  et  ce  surnom  fut  mérité,  grâce 
aux  ouvrages  de  Desprez ,  Bourgueil , 
Prévôt  dirai ,  Philippon-la-Madeleine, 
le  comte  et  le  vicomte  de  Ségur.  Les 
premiers  ouvrages  qui  furent  joués 
sur  ce  théâtre  étaient  légers  de  fonds , 


POPULAIRES.  503 

mais  les  détails  en  étaient  toujours  gra- 
cieux et  les  couplets  piquants 

Les  acteurs  qui  s'étaient  formés  à  ce 
genre  y  réussirent  complètement  et  joi- 
gnirent à  un  bon  ton  de  comédie  l'art 
de  chanter  le  couplet  avec  goût  et  fi- 
nesse. On  distinguait  parmi  eux  Ro- 
sières, Vertpré,  Chapelle,  Duchaume, 
Henri ,  Julien ,  Carpentier,  mesdames 
Sara  Lescot,  Blosseville ,  Molière,  de 
La  Porte ,  Duchaume.  La  troupe  était 
remarquable  par  son  ensemble  parfait. 
.  Un  acteur  spécial ,  Laporte ,  y  rem- 
plissait le  rôle  d'Arlequin  d'une  ma- 
nière charmante,  et  avait  renouvelé  ce 
genre  perdu  depuis  Carlin  et  mainte- 
nant tout  à  fait  oublié. 

Les  plus  jolies  arlequinades ,  qui  lui 
durent  en  partie  leur  succès,  furent 
Arlequin  afficheur,  Colombine  mannequin, 
et  quantité  de  parodies  dans  lesquelles 
il  imitait  d'une  façon  extraordinaire 
Talma  ;  telles  que  Arlequin  taquin  et 
Arlequin  Cruello ,  parodies  de  Lucrèce  et 
d'Othello.  Sa  dernière  création  fut  le  Né- 


50*  CHANSONS 

zessaire  êi  le  Superflu,  pièce  dans  laquelle 
il  rappela  les  traditions  du  meilleur 
temps  de  la  comédie  italienne. 

Les  premières  pièces   qui  attirèrent 
la  foule  au  Vaudeville  furent  la  Re- 
vanche forcée,  le  Prix,  la  Matrone  d'Êphèse, 
le  Petit  Sacristain ,  Piron  avec  ses  amis', 
Honorine,  ou  la  Femme  difficile  à  vivre.  ' 
Né  presque  avec  la  Révolution,    le 
Vaudeville  fut  obligé  de  faire  des  con- 
cessions à  l'esprit  du  jour ,  mais  ce  fut 
toujours  avec  modération.  Cette  scène 
ne  fut  pas  souillée  des  turpitudes  qui 
déshonorèrent  quelques  autres  théâtres. 
Ses  auteurs   furent  même   accusés   de 
sentiments  anti-républicains  ,  lorsqu'en 
janvier   1793   ils   donnèrent  la   Chaste 
Suzanne,  où  les  patriotes  prétendirent 
voir  une  allusion  au  procès  de  Marie- 
Antoinette,  qui  ne  devait  pas  tarder  à 
suivre  son  époux   sur  l'échafaud.   Au 
moment  où   Daniel    disait   aux    deux 
vieillards  :  «Vous  êtes  ses  accusateurs, 
vous  ne  pouvez  pas  être  ses  juges  !  »  des 
applaudissements  et  des  sifflets  rete»- 


ES.  505 

tirent,  et  le  tumulte  devint  tel  que  l'on 
rit  évacuer  la  salle.  Barré  ,  Radet  et 
Desiontaines  furent  arrêtés.  Il  n'y  avait 
qu'un  pas  de  la  prison  à  la  mort.  Ces 
auteurs  se  hâtèrent  de  sacrifier  aux  cir- 
constances et  de  faire  des  pièces  et  de» 
couplets  patriotiques  qui  leur  sauvèrent 
la  vie. 

Le  théâtre  du  Vaudeville,  dont  la 
marotte  se  changeait  quelquefois  en 
férule,  vit  souvent  se  renouveler  des 
scènes  d'opposition.  Léger ,  dans  sa 
pièce  de  l'Auteur  d'un  moment,  avait 
dirigé  un  couplet  contre  Chénier ,  au- 
teur de  Charles  IX.  Les  uns  demandè- 
rent bis ,  les  autres  s'y  opposèrent.  On 
força  l'auteur  à  brûler  sa  pièce  sur  le 
théâtre. 

Plus  tard ,  sous  le  Directoire ,  dans 
une  pièce  intitulée  :  Ne  pas  croire  ce 
qu'on  voit,  Un  couplet  dans  lequel  on 
crut  voir  une  allusion  aux  puissants 
du  jour  fit  fermer  le  théâtre  pendant 
quelque  temps. 

Après    la   période    révolutionnaire , 


506  CHANSONS 

ie  vaudeville  reprit  toute  sa  gaieté  et 
3on  esprit  de  bon  aloi  ;  on  y  vit  un 
genre  de  pièces  ignoré  jusqu'alors,  c'est 
ce  qu'on  a  appelé  les  pièces  de  galerie. 
Le  Vaudeville  passa  successivement  en 
revue  maître  Adam,  Molière,  Scarron, 
Théophile  ,  J.  J.  Rousseau,  Voltaire, 
Frédéric,  Chaulieu ,  Boursault,  ma- 
dame Deshoulières,  Gessner,  l'Arioste, 
Florian  ,  Gentil-Bernard.  Un  succès 
aussi  brillant  qu'estimable  couronna 
Monsieur  Guillaume,  nom  supposé  sous 
lequel  on  représenta  le  vénérable  et  in- 
fortuné Lamoignon  de  Malesherbes. 

En  même  temps,  le  Vaudeville  saisis- 
sait toutes  les  circonstances ,  et  aucun 
événement,  aucune  mode,  rien  de  ce 
qui  prêtait  au  ridicule  ou  à  la  critique 
n'échappait  à  ses  malins  couplets. 

A  cette  époque ,  le  troupeau  des  au- 
teurs de  vaudevilles  s'augmenta  d'Ar- 
mand Gouffé,  Georges  Duval,  Dieulafoi, 
Ge-rsin,  Tournay,  Dupaty,  du  Mersan, 
Chazet ,  Vieillard  ,  Sewrin  ,  Joseph 
Pain  et  Bouillv:  ces  deux  derniers  at- 


POPULAIRES.  Ô07 

tirèrent  la  foule  avec  le  succès  extra- 
ordinaire qu'obtint  leur  Fanchon  la  riel  - 
leuse ,  sous  les  traits  charmants  de 
maàame  Belmcnt. 

Noua  ne  saurions  citer  les  noms  de 
tous  les  auteurs  .  ni  les  titres  de  toutes 
les  pièces  qui  enrichirent  le  piquant 
toire  du  Vaudeville  pendant  vingt 
ans.  Ce  répertoire  amusant,  spirituel 
et  varié,  plaisait  par  son  ensemble; 
cependant    quelques    pièces    eurent   la 

-  B  .  entre  autres  la  Revue  de  l'an  VI, 
la  Soirée  de  deux  prisonniers,  la  Leçon  de 
botanique,  les  quatre  Henri,  Amour  et 
mystère,  Lan  tara .  le  Pauvre  Diable,  les 
deux  Edmond,  la  Belle  au  bois  dormant, 
Gaspard  l'Avisé.  Jolv  était  alors  le  co- 
mique en  réputation  du  Vaudeville. 

Une  troisième  phase  fît  connaître  de 
jeunes  auteurs  qui  suivirent  les  trace3 
de  leurs  prédécesseurs  et  qui  rempla- 
cèrent ceux  que  le  temps  moissonnait 
ou  qui  survivaient  à  leurs  succès.  Ce 
furent  Désaugiers ,  Dubois  .  Rouge- 
mont,   Francis,    Moreau  ,   Théaulon  , 


508  CHANSONS 

Dartois,  Mélesville,  Bayard,  et  enfin 
Scribe,  qui  commença  au  Vaudeville 
sa  brillante  carrière  dramatique  par  la 
Visite  à  Bedlam  ,  une  Nuit  de  la  garde 
nationale,  la  Somnambule  et  le  comte  Ory. 

Mais  bientôt  des  tbéâtres  rivaux 
s'élevèrent  ;  la  concurrence  s'établit. 
La  plus  dangereuse  fut  celle  du  Gy- 
mnase. Barré,  devenu  vieux,  abdiqua,  et 
le  Vaudeville  passa  successivement  dans 
les  mains  de  Désaugiers  ,  Bérard,  de 
Guerchy,  Bernard-Léou  et  Arago.  Sous 
ce  dernier  directeur,  le  genre  changea  ; 
la  Régence  et  Louis  XV  devinrent  à 
la  mode  ;  le  Vaudeville  se  jeta  en  même 
temps  dans  le  marivaudage  et  dans  le 
drame.  On  y  vit  même  des  reines  et 
des  cardinaux.  Puis  les  courtisanes 
eurent  leur  vogue,  et  arrivèrent  Marion 
de  Lorme ,  Marie  Mignot ,  la  Camargo  et 
la  Dubarry,  avec  MM.  Ancelot,  Lockroi, 
Paul  Duport. 

Les  flonflons  étaient  vieux.  Les  re 
frains  joyeux ,  les  couplets  villageois  , 
les  épigranmies  piquantes  cédèrent  la 


POPULAIRES.  509 

place  aux  grands  airs ,  aux  morceau.-: 
à  prétention. 

Cependant  Arnal ,  qui  remplaçait 
Joly ,  avait  conservé  le  privilège  de 
faire  rire,  et  gardait  encore  quelques 
traditions  de  l'ancien  vaudeville,  grâce 
aux  pièce?  amusantes  de  MM.  Dupaty, 
Duvert  et  Varin.  dans  lesquelles  il  était 
merveilleusement  secondé  par  Lepeintve 
jeune. 

Un  incendie,  arrivé  en  1836,  détrui- 
sit cette  bonbonnière,  cette  boîte  à  l'es- 
prit, dont  le  petit  cadre  convenait  si 
bien  au  genre  du  Vaudeville.  Il  fallut 
chercher  un  asile  ailleurs.  On  sait  que 
c'est  maintenant  sur  la  place  de  la 
Bourse,  dans  la  salh>  construite  pour 
le  théâtre  des  Nouveautés,  que  le  Vau- 
deville a  fait  élection  de  domicile.  Là 
il  fut  dirigé  quelque  temps  par  M.  Tru- 
bert,  qui  n'y  réussit  pas. 

A  sa  direction  peu  heureuse  succ*éda 
celle  de  M.  Ancelot ,  plus  homme  d'es- 
prit qu'administrateur.  Il  est  aujoiir- 
d'hui  remplacé  par  M.  Cogniard.  Il  y  a 


510  CHANSONS 

trop  peu  de  temps  que  ce  directeur  s'est 
mis  à  la  tête  de  ce  théâtre  pour  que 
l'on  sache  s'il  sera  plus  hahile  que  ses 
prédécesseurs,  et  s'il  rendra  au  Vaude- 
ville sa  couleur  primitive  et  ce  parfum 
d'esprit  et  de  hon  goût  qui  en  a  fait 
longtemps  le  théâtre  privilégié  de  la 
honne  compagnie. 

Ce  qui  faisait  le  charme  du  Vaude- 
ville ,  c'était  le  mélange  des  airs  sim- 
ples et  joyeux  ,  des  naïfs  ponts-neufs  et 
des  airs  les  plus  jolis  des  opéras-co- 
miques qui,  hien  adaptés  aux  paroles , 
leur  donnaient  de  la  valeur,  et  dont 
les  refrains  hien  choisis  leur  donnaient 
de  l'esprit.  Ces  airs  connus  aidaient  le 
public  à  retenir  les  couplets  qu'il  fre- 
donnait gaiement  en  sortant  du  spec- 
tacle. Quelques-uns  étaient  composés 
exprès  et  devenaient  populaires,  comme 
ceux  de  Chardini  et  de  Wecht,  qui 
furent  les  deux  premiers  chefs  d'or- 
chestre du  Vaudeville.  Mais  celui  qui 
en  a  composé  le  plus  et  dont  les  gra- 
cieuses mélodies  ont  eu  le  plus  de  suc- 


POPULAIRES.  511 

ces  et  se  répètent  encore ,  c'est  Doche , 
qui  a  composé  plus  de  quatre  cents  airs, 
tous  jolis  et  spirituels,  qu'il  a  réunis 
dans  le  recueil  intitulé  :  la  Musette  du 
Vaudeville.  Doche,  que  l'on  ajustement 
surnommé  le  Grétry  du  Vaudeville ,  est 
mort  en  1825.  Son  fils ,  qui  lui  a  suc- 
cédé ,  a  hérité  de  son  talent. 


Théâtres  des  Variétés, 

des  Troubadours,  du  Oyninase, 

du  Palais-Royal. 

Le  vaudeville  avait  eu  un  théâtre 
spécial ,  ce  genre  avait  eu  du  succès  ; 
tous  les  autres  théâtres  s'en  emparèrent, 
et  l'un  de  ceux  qui  l'exploitèrent  des 
premiers  fut  le  théâtre  de  la  Cité  Va- 
riétés. Une  partie  de  la  troupe  passa 
vers  1798  au  théâtre  de  mademoiselle 
Montansier  au  Palais-Royal.  Le  fameux 
Brunet  était  du  nombre;  il  fut  bientôt 
rejoint  par  Tiercelin ,  Bosquier ,  Ga- 
vaudan  et  quelques  autres.  Ces  acteurs 


512  CHANSONS 

avaient  fait  partie  de  la  troupe  rivale 
du  Vaudeville ,  que  l' auteur-acteur  Lé- 
ger avait  réunie  pour  fonder  le  Théâtre 
des  Troubadours.  Ces  troubadours  avaient 
débuté  au  théâtre  Molière  le  4  mai 
1799  ;  ils  passèrent  à  la  salle  Louvois 
le  1er  août  de  la  même  année,  et  ces- 
sèrent d'exister  vers  le  commencement 
de  1801.  C'est  de  cette  époque  que  date 
la  vogue  extraordinaire  du  théâtre  des 
Variétés  qui ,  après  avoir  été  l'émule 
de  celui  du  Vaudeville,  fut  bientôt  son 
égal  et  le  surpassa  souvent.  Son  genre 
plu»  varié,  sa  gaieté  un  peu  plus  hasar- 
dée ,  le  mélange  des  pièces  gracieuses , 
bouffonnes,  grivoises,  poissardes,  atti- 
rèrent la  foule,  et  beaucoup  d'auteurs 
désertèrent  la  rue  de  Chartres,  où  quel- 
quefois le  vaudeville  pinçait  sans  rire, 
pour  venir  s'enrégimenter  dans  la  nou- 
velle salle  des  Variétés,  qui  venait  de 
s'élever  sur  le  boulevard  des  Panora- 
mas. Des  vaudevilles  aussi  amusants 
que  spirituels  sortirent  de  la  plume  de 
Désaugiers  ,  Francis .  Georges  Duval , 


POPULAIRES.  513 

Rougemont,  du  Mersan,  Martain ville, 
Merle,  Brazier,  Sewrin ,  Chazet.  Plus 
tard ,  on  vit  se  joindre  à  leurs  noms 
ceux  de  Dartois  ,  Théaulon,  Mélesville, 
Scribe.  Mais  ces  deux  derniers  allèrent 
en  1820  fonder  une  nouvelle  rivalité 
au  Vaudeville,  en  élevant  avec  M.  Poir- 
son  le  théâtre  du  Gymnase. 

C'était  déjà  beaucoup  que  trois  théâ- 
tres du  même  genre,  ce  qui  n'empêcha 
pas,  après  la  révolution  de  juillet  1830, 
qu'on  ne  laissât  établir  dans  l'ancienne 
ealle  desVariétés-Montansier  le  théâtre 
du  Palais-Royal. 

Dieu  sait  la  consommation  de  cou- 
plets qui  se  fait  tous  les  ans  dans  ces 
quatre  théâtres  ,  sans  compter  le  nom- 
bre de  ceux  qui  se  fabriquent  journel- 
lement pour  les  théâtres  de  la  Gaîté, 
des  Folies-Dramatiques ,  des  Délasse- 
ments ,  du  Petit-Lazzari ,  de  Beaumar- 
chais et  même  des  Funambules  ,  où 
malheureusement  on  chante  aussi.  Il 
faut  que  la  mine  soit  inépuisable  pour 
fournir  à  une  si  prodigieuse  exploitation 
33 


CHANSONS 


Vive  Henri  IV. 


Cette  chanson  fut  composée  par  Collé 
pour  sa  comédie  de  la  Partie  de  chasse 
de  Henri  IV.  Le  premier  couplet  est  plus 
ancien  et  date,  à  ce  qu'on  croit,  du 
temps  de  ce  prince. 

Le  second  couplet  fut  ajouté  lorsque 
Louis  XVI  permit  de  représenter  à  Pa- 
ris cette  pièce,  que  sous  Louis  XV  on 
n'avait  jouée  qu'en  province. 

L'air  est  celui  des  Tricotets,  que  l'on 
appelait  aussi  le  Pas  de  Henri  IV,  parce 
qu'il  se  plaisait  à  le  danser. 

Cet  air  fut  proscrit  pendant  la  Révo- 
lution ;  la  Restauration  le  remit  en  fa- 
veur, et  il  remplaça  la  Carmagnole  et 
Ça  ira. 

En  France  tontes  les  époques  ont  été 
signalées  par  des  chansons. 

Vive  Henri  Quatre  ! 
Vive  ce  roi  vaillant: 


POPULAir>Eï. 

Ce  diable  à  quatre 
A  le  triple  talent 
De  boire  et  de  battre , 
Et  d'être  un  vert  galant. 

Chantons  l'antienne 
Qu'on  chant'ra  dans  mille  ans  : 

Que  Dieu  maintienne 
En  paix  ses  descendants. 
Jusqu'à  ce  qu'on  prenne 
La  lune  avec  les  dents. 

J'aimons  les  filles, 
Et  j'aimons  le  bon  vin. 

De  nos  bons  drilles 
Voilà  tout  le  refrain. 
Oui,  j'aimons  les  filles, 
Et  j'aimons  le  bon  vi:>. 

Moins  de  soudrilles 
t  troublé  le  sein 
De  nos  familles, 
Si  l'iigueux  plus  humain 
Eût  aimé  les  fi'.les, 
Eût  aimé  le  bon  vin. 


MO  CHANSONS 


Couplets  de  Pauline,  ou  la  Fille 
naturelle. 

TOUT  POUR  DEUX. 

Air  :  Il  faut  quitter  ce  que  j'adore 
(du  Jockey  ). 

Si  Pauline  est  dans  l'indigence . 
Moi,  grâce  au  ciel ,  j'ai  de  l'argeni 
Pour  une  honnête  et  douce  aisance 
Mon  avoir  sera  suffisant. 
A  la  compagne  de  sa  vie 
On  doit  offrir  un  sort  heureux. 
Ah!  quand  on  prend  femme  jolie, 
Il  faut  avoir  du  bien  pour  deux. 

Loin  d'elle  je  prétends  sans  cesse 
Chasser  le  chagrin  ,  le  souci; 
Et  si  parfois  de  la  tristesse 
Elle  éprouve  le  sombre  ennui 
J'égayerai  ma  douce  amie 
Car  moi  je  suis  toujours  joyeux. 
Ah  !  quand  on  prend  femme  jolio 
Il  faut  de  la  gaîté  pour  deux. 

Pauline ,  au  printemps  de  son  âge , 
A  peine  touche  à  ses  quinze  ans. 


POPLLAÎP.ES.  517 

Les  travaux,  les  soins  du  ménage, 
Pour  elle  seront  fatigants. 
Mais  j'aiderai  ma  douce  amie  : 
Je  me  sens  fort  et  courageux. 
Ah  :  quand  on  prend  femme  jolie , 
Il  faut  de  la  santé  pour  deux. 

Radet. 


Couplets  de  la  Petite  Manette. 

LA  RECONNAISSANCE. 

Vous  qui  de  prêcher  la  raison 
Avez  contracté  l'habitude , 
Parmi  les  vices  du  bon  ton 
Vous  oubliez  l'ingratitude. 
Combien  de  gens  n'a-t-on  pas  vus. 
Aux  jouks  nébuleux  de  la  France , 
Dénigrer  toutes  les  vertus 
Et  surtout  la  reconnaissance? 

Dans  ce  beau  siècle,  où  l'on  a  mi& 
Les  mots  à  la  place  des  choses, 
Où  d'infaillibles  beaux  esprits 
Prennent  les  effets  pour  les  causes , 
On  parle  tant  d'humanité, 
Ou  vante  tant  la  bienfaisance... 


518  CHANSONS 

Eh!  messieurs,  ayez  la  bonté 
D'y  joindre  la  reconnaissance. 

L'ami  dont  le  cœur  généreux 
Me  fait  partager  son  aisance, 
Sur  mes  destins  moins  malheureux 
Versa  plus  d'une  jouissance. 
Il  double  le  bien  qu'il  me  fait 
En  me  tirant  de  l'indigence: 
Je  jouis  d'abord  du  bienfait , 
Et  puis  de  ma  reconnaissance. 

Paroles  et  musique  du  Cousin  Jacques. 


Vaudeville  de  la  Soirée 
des  Boulevards. 

Je  veux ,  au  bout  d'une  campagne , 
Me  voir  déjà  joli  garçon  ; 
De*  héros  que  l'on  accompagne 
On  saisit  l'air,  on  prend  le  ton  : 
Des  ennemis,  ainsi  qu'des  belles 
On  est  vainqueur  en  l's'imitant. 

Et  r'ii ,  et  r'ian , 
On  prend  d'assaut  les  citadelles, 
Relan  taraplan ,  tambour  battant. 


POPCLAIF.ES.  519 

Braves  garçons  que  l'honneur  mi 
Prenez  parti  dans  Orléans  ; 
Not'  coronel,  grand  capitaine  , 
Est  le  patron  des  bons  vivants  : 
Dam'  il  fallait  le  voir  en  plaine 
Oh  le  daDger  était  l'plus  grand. 

Et  r*li ,  et  r'ian  , 
Lui  seul  en  vaut  une  douzaine , 
Relan  tamplan,  tambour  battant. 

Nos  officiers  dans  la  bataille 
Sont  pêle-mêle  avec  nous  tous  : 
Il  n'en  est  point  qui  ne  nous  vaille , 
Et  les  premiers  ils  sont  aux  coups. 
Un  général ,  fût-il  un  prince, 
Des  grenadiers  se  met  au  rang, 

Et  r"li,  et  r'ian, 
Fond  sur  Ps'ennemis  et  vous  les  rince, 
Relan  tamplan ,  tambour  battant. 

Vaillant  et  fier  sans  arrogance, 
Et  respecter  ses  ennemis  ; 
Brutal  pour  qui  fait  résistance, 
Honnête  à  ceux  qui  sont  soumis; 
Servir  le  roi  ,  servir  les  dames  : 
Voila  l'esprit  du  régiment. 

Et  r"ii ,  et  r'ian , 
Nos  grenadiers  sont  bonnes  lame», 
Et  vont  toujours  tambour  l. 


520  CHANSONS 

Viens  vite  prendre  la  cocarde  ; 
Du  régiment  quand  tu  seras , 
Avec  respect  j'veux  qu'on  te  r' garde  : 
Le  prince  est  l' chef,  et  j' sons  les  bras. 
Par  le  courage  on  se  ressemble  : 
J'ons  même  cœur  et  sentiment. 

Et  r'ii ,  et  r'ian , 
Droit  à  l'honneur  j'allons  ensemble , 
Relan  tamplan ,  tambour  battant. 

,.a  jeune  Agnès  devint  ma  femme; 

J'étais  le  maître  à  la  maison. 

Au  bout  d'un  mois,  changeant  de  gamme, 

Elle  fut  pire  qu'un  dragon. 

Pauvres  époux,  voyez  ma  peine: 

Si  je  m'échappe  un  seul  instant, 

Et  r'ii ,  et  r'ian  , 
Relan  tamplan  elle  me  mène, 
Relan  tamplan ,  tambour  battant. 

Quand  un  mari  fait  bon  ménage, 
Que  de  sa  femme  il  est  l'amant, 
Frauder  ses  droits  est  un  outrage 
Que  l'on  excuse  rarement. 
S'il  va  courir  la  prétantaine  , 
Ne  peut  on  pas  en  faire  autant? 

Et  r'ii ,  et  r'ian , 
Relan  tamplan  on  vous  le  mène , 
Relan  tamplan  ,  tambour  battant. 

Fayakt. 


POPULAIRES. 


Romance  de  Fanchon 
la  Vielleuse. 

Aux  montagnes  de  la  Savoie 
Je  naquis  de  pauvres  parents  ; 
Voilà  qu'à  Faris  l'on  m'envoie', 
Car  nous  étions  beaucoup  d'enfants. 
Je  n'apportais,  hélas!  en  France, 
Que  mes  chansons,  quinze  ans,  ma  vielle  et 
[  l'espérance. 

En  pleurant,  dans  chaque  village 
Fanchon  allait  tendant  la  main. 
Pauvre  petite  ,  ah!  quel  dommage! 
Que  n'étais-je  sur  ton  chemin , 
Lorsque  tu  n'apportais  en  France 
Que  tes  chansons,  quinze  ans,  ta  vielle  e 
[l'espérance: 

Quinze  ans  et  sans  ressource  aucune, 
Que  l'on  éveille  de  soupçons! 
Cependant  j'ai  fait  ma  fortune , 
Et  n"ai  donné  que  mes  chansons. 


522  CHANSONS 

Fillette  sage ,  apporte  en  France 
Tes  chansons,  tes  quinze  ans,  ta  vielle  et 
[  l'espérance. 

Paroles  de  Bocilly  et  J.  Pain,  musique 
de  Doche. 


Couplets  de  Fanchon 
la  fielleuse. 

Lise  épouse  l'beau  Gernance. 
L' jeune  époux  a  d'ia  naissance , 
La  bell'  Lise  n'en  a  pas  ; 
Mais  elle  a  beaucoup  d'appas. 
En  vain  l'orgueil  en  murmure , 
L' mari  se  moque  d'tout  ça. 
L'amour,  ainsi  qu'la  nature , 
N'  connaît  pas  ces  distanc's-là. 

Jupin,  grand  épouseux  d'belles, 
S'mariait  à  des  mortelles  ; 
Pour  contracter  c'bel  hymen , 
EU's  n'avaient  pas  d' parchemin. 
A  sa  gentille  future 
L' dieu  n'  demandait  pas  tout  ça, 
L'amour,  ainsi  qu' îa  nature, 
N'  connaît  pas  ces  distants*  la. 


POPti.  5i3 

Quand  Vénus  sortit  de  l'onde  , 
Elle  vint  tout'  nue  au  monde  ; 
Elle  n'était  pas  d'qualité  ; 
Mais  elle  avait  d'ia  beauté. 
Chacun ,  voyant  sa  figure , 
S' dit  :  Noblesse  n'  vaut  pas  ça. 
L'amour,  ainsi  qu'  la  nature, 
N'  connaît  pas  ces  distanc's-là. 

Paroles  de  Pain  et  Bouilly,  musique 
de  Doche. 


Couplets  du  Petit  Courrier. 

Le  premier  pas  se  fait  sans  qu'on  y  pense  : 
Craint-on  jamais  ce  qu'on  ne  prévoit  pas? 
Heureux  celui  dont  la  douce  éloquence , 
En  badinant,  fait  faire  à  l'innocence 

Le  premier  pas  !  bis. 

Au  premier  pas  un  bonheur  qu'on  ignore 
Sait  à  nos  cœurs  présenter  tant  d'appas, 
Qu'à  son  déclin  ,  regrettant  son  aurore, 
Femme  souventveut  qu'on  la  croie  encore 
Au  premier  pas.  bis. 

Le  premier  pas  rarement  inquiète 
Jeune  beauté  qu'amour  prend  dans  ses  lacs; 


524 


Mais  sur  la  route  oh  le  fripon  la  guette, 
Plus  elle  avance  et  plus  elle  regrette 

Le  premier  pas.  bis. 

Paroles  de  Bouilly  et  Moreau,  musique 
de  Doche. 


notice  sur  Désaugiers. 

Marie-Antoine  Désaugiers  naquit  à 
Fréjus  en  1772.  Son  père,  musicien 
distingué,  a  composé  plusieurs  opéras 
qui  dans  le  temps  obtinrent  du  succès , 
et  entre  autres  airs  qui  sont  restés  vau- 
devilles, ceux  des  Jumeaux  de  Bergamt 
de  Florian.  Le  jeune  Désaugiers  reçut 
une  bonne  éducation ,  et  dès  sa  grande 
jeunesse  ,  il  cultiva  la  poésie.  Les  Àl- 
manachs  des  Muses  de  1791  et  de  1793 
contiennent  de  lui  des  pièces  où  se  ré~ 
vêle  déjà  le  sentiment  poétique  qui  s'est 
fait  sentir  dans  toutes  ses  cbansons.  Il 
avait  vingt  ans  lorsqu'il  donna  sa  pre- 
mière pièce  au  théâtre  des  Jeunes  Ar- 


POPULAIRES.  625 

tistes.  Peu  après  il  s'embarqua  pour 
Saint-Domingue ,  et  se  trouva  dans 
cette  île  au  moment  où  l'insurrection 
des  noirs  venait  d'éclater.  Il  combattit 
contre  eux,  tomba  entre  leurs  mains, 
et  il  allait  être  fusillé  lorsqu'un  accès 
de  générosité  de  la  part  de  ces  barbares 
lui  sauva  la  vie.  Il  raconte  lui-même 
dans  la  préface  du  premier  recueil  de 
ses  chansons  comment  la  gaieté  le  sou- 
tint dans  les  circonstances  les  plus  pé- 
nibles ,  et  même  au  moment  où ,  les 
yeux  couverts  d'un  bandeau,  il  allait 
recevoir  le  coup  fatal.  Cette  gaieté,  dont 
Désaugiers  eut  toujours  l'apparence  , 
était  plutôt  dans  son  tempérament  que 
dans  son  caractère,  dont  le  fond  était 
mélancolique.  Epanouie  dans  la  société, 
son  âme  était  rêveuse  dans  la  solitude. 
S'il  a  fait  des  chansons  bouffonnes  et 
bachiques ,  il  a  fait  aussi  des  romances 
qui  respirent  la  sensibilité  et  une  grâce 
touchante. 

De  retour  en  France  vers  1797,  il  se 
livra  tout  entier  au  goût  du  théâtre  et 


526  CHANSONS 

travailla  pour  les  petits  spectacles,  où 
l'on  retirait  de  ses  pièces  un  gain  bien 
léger ,  à  cette  époque  où  les  théâtres 
supérieurs  offraient  eux-mêmes  aux  au- 
teurs d'assez  faibles  ressources.  Il  voya- 
gea avec  quelques  amis  ,  et  leur  bourse 
légère  ayant  été  bientôt  épuisée ,  ils  se 
firent  acteurs  de  circonstance  ;  mais 
leur  talent  ne  répondant  pas  à  leur 
bonne  volonté,  ils  furent  obligés  de 
fuir  la  scène  ingrate  qui  ne  les  nour- 
rissait pas ,  et  laissèrent  jusqu'à  leurs 
vêtements  pour  gage. 

Ce  ne  fut  que  vers  1805 ,  à  l'âge  de 
trente-trois  ans ,  que  la  réputation  de 
Désaugiers  commença  par  quelques  jo- 
lies pièces  aux  théâtres  du  Vaudeville  et 
des  Variétés,  et  bientôt  après  par  sa 
chanson  de  Monsieur  et  madame  Denis  et 
son  pot  pourri  de  la  Vestale. 

En  1806,  la  société  du  Caveau  mo- 
derne, qui  venait  d'être  fondée,  lui 
donna  lieu  d'exercer  sa  verve  chan- 
sonnière; il  ne  tarda  pas  à  en  être 
nommé  président ,  et  en  effet,  personne 


52? 
ne  pouvait  lui  disputer  le  sceptre  de  1? 
chanson.  On  a  quelquefois  pu  l'égaler, 
mais  jamais  le  surpasser. 

Pendant  vingt  ans,  Désaugiers  mar- 
cha de  succès  en  succès,  non-seulement 
au  théâtre ,  mais  dans  le  monde.  Il 
était  partout  reçu ,  accueilli ,  fêté  •  ses 
jours  s'écoulaient  dans  la  joie  ;  on  l*ap 
plaudissait  dans  les  salons,  dans  les 
banquets ,  où  ses  chansons ,  chantées 
par  lui ,  avaient  un  double  attrait ,  car 
il  les  chantait  aussi  bien  qu'il  les  faisait. 

En  1815 ,  les  événements  politiques 
amenèrent  la  dissolution  de  la  société 
chantante  du  Caveau  moderne,  et  le  pré- 
sident changea  de  trône  :  il  devint  di- 
recteur du  théâtre  du  Vaudeville;    il 
quitta  cette   direction   au   bout   d'un 
dizaine  d"années,  la  reprit  encore,  mai 
Désaugiers  n'économisait  ni  ses  forces 
ni  son  esprit  ;  il  abrégea  sa  carrière  en 
la  remplissant  trop.  Il  n'avait  que  cin- 
quante-cinq ans   lorsque   sa  santé   ro 
buste  chancela  sous  les  rudes  assauts 
qu'il  lui  faisait  soutenir*  Yn  lit  de  don- 


528  CHANSONS 

leurs  fut  le  dernier  asile  de  sa  gaieté. 
L'esprit  lutta  en  vain  contre  le  corps 
épuisé  ;  il  fit  en  riant  son  épitaphe  ,  et 
ses  amis  la  lurent  en  pleurant  : 

Ci-gît,  hélas,  sous  cette  pierre, 
Un  bon  vivant  mort  de  la  pierre. 
Passant,  que  tu  sois  Paul  ou  Pierre, 
Ne  va  pas  lui  jeter  la  pierre. 

Le  9  août  1827,  Désaugiers  ne  chan- 
tait plus. 


Chanson  du  Départ  pour  gasni- 
ftlalo. 

Air  breton. 

Rien  n'était  si  joli  qu'Adèle, 
Qui ,  grâce  à  Lucas , 
Arrivait  à  grands  pas 
A  l'âge  où  l'amour  dit  tout  bas  : 
Amusez-vous , 
Belle  aux  yeux  doux , 
Amusez-vous , 
Trémoussez-vous, 


P0PCL.MF1ES.  529 

Amusez-vous,  belle; 

Amusez-vous , 

Ne  craignez  rien , 
Trémousser.-vous  bien. 

Un  jour  Lucas  surprit  Adèle 
Au  fond  d'un  p'tit  bois  , 
Où  l'drôle  en  tapinois 
Lui  chanta  pour  la  premier'  fois  : 
Amusez-vous ,  etc. 

Ce  r'frain  amusa  tant  Adèle 
Qu'avant  de  s'quitter, 
Sans  pouvoir  s'arrêter, 
Elle  et  Lucas  n'fir'nt  que  chante;'  .- 
Amusez-vous ,  etc. 

Mais  un  jour  que  sur  l'herb'  nouvelle 
Adèl'  chantait  ça, 
Un  gros  loup  la  croqua... 
Fillettes,  d'après  c'te  l'çon-li. 
Méfiez-vous 
D'ce  r'frain  si  doux  : 
Amusez-vous , 
Trémoussez-vous , 
Amusez-vous ,  belle  ; 
Amusez-vous, 
Ne  craignez  rien, 
Trémoussez-vous  bien. 

ihSALGIKRS- 

34 


r.o 


Vaudeville  de  H.  Dumollet. 

LE  DÉPART  POUR  SÀINT-MÀLO. 

Bon  voyage, 

Cher  Dumollet, 

A  Saint-Malo  débarquez  sans  naufrage. 

Bon  voyage, 

Cher  Dumollet, 

Et  revenez  si  le  pays  vous  plaît. 

Peut-être  un  jour  une  femme  charmante 
Vous  rendra  père  aussi  vite  qu'époux; 
Tâchez  c'te  fois  qu'personn'  ne  vous  dé- 
[  mente 
Quand  vous  direz  que  l'enfant  est  à  vous. 

Bon  voyage ,  etc. 

Si  vous  venez  revoir  la  capitale, 
Méfiez-vous  des  voleurs,  des  amis, 
Des  billets  doux ,  des  coups ,  de  la  cabale, 
Des  pistolets  et  des  torticolis. 

Bon  voyage ,  etc. 


POPULAIRES.  Ô3J 

Dumollet. 

Allez  au  diable:  et  vous  et  votre  ville, 
Où  j'ai  souffert  mille  et  mille  tourments. 

Au  public. 

Il  vous  serait  cependant  bien  facile 

De  m'y  fixer,  messieurs ,  encor  longtemps. 

Pour  vous  plaire  je  suis  tout  prêt 
A  rétablir  ici  mon  domicile. 

Faites  connaître  à  Dumollet 
S'il  doit  rester  ou  faire  son  paquet. 

DÉSACGIEUS. 


Couplet  dTne  IVuit  de  la  Garde 
nationale. 

Je  pars; 
Déjà  de  toutes  parts 
La  nuit  sur  nos  remparts 
Étend  son  ombre 
Sombre  ; 
Chez  vous, 
Dormez  ,  époux  jaloux , 
Donne: ,  tuteurs ,  pour  vous 


1 


532  CHANSONS 

La  patrouille 

Se  mouille. 

Au  bal 
Court  un  original, 
Qui ,  d'un  faux  pas  fatal 
Redoutant  l'infortune, 
Marche  d'un  air  contraint. 
S'éclabousse...  et  se  plaint 
D'un  réverbère  éteint 
Qui  comptait  sur  la  lune. 

Un  luron 
Que  l'instinct  gouverne 
A  défaut  de  sa  raison , 
Va  frapper  à  chaque  taverne , 
Les  prenant  pour  sa  maison 
J'examine 
Cette  mine , 
Qu'enlumine 
Ui.  rouge  bord, 
Quand  au  poste 
Qui  l'accoste, 
Il  riposte  : 
Verse  encor. 

Je  vois 
Revenir  un  bourgeois 
Qui ,  charmé  de  sa  voix , 
Sort  gaîment  du  parterre; 


POPULAIRES.  53' 

îl  chante  et,  plus  content  qu'un  dieu, 
Il  écorche  avec  feu 
Un  air  de  Boyeldieu. 

Plus  loin , 
Près  du  discret  cousin, 
En  modeste  sapin 
Rentre  la  financière , 
Quand  sa  couturiènc 
Sort  de  Tivoli 
Dans  le  galant  vriski 
Que  prêta  son  mari, 
A  mes  yeux  s'ouvre  une  fenêtre 
Que  lorgnait  un  amateur; 
Mais  je  crois  le  reconnaître , 
Et  ce  n'est  point  un  voleur. 

Je  m'efface 
Pour  qu'on  fasse 
Volte-face 
A  l'instant; 
Car  la  belle, 
Peu  cruelle, 
Était  celle 
Du  sergent. 

Jugeant, 
En  chef  intelligent, 
Que  rien  n'était  tu 

Quand  la  ville 

Est  tranquille, 


534  CHANSONS 

Je  rentre,  et  voici,  général, 
Le  récit  littéral 
Que  fait  le  caporal. 

Scribe. 


Notice  sur  Brazter. 

Nicolas  Brazier,  né  en  1783,  se  res- 
sentit, comme  tous  les  jeunes  gens  de 
son  époque,  de  l'interruption  des  bonnes 
études  ,  et  ce  ne  fut  que  plus  tard  qu'il 
chercha  à  réparer  ce  qui  avait  manqué 
à  son  éducation  première.  Une  vocation 
irrésistible  fit  de  lui  un  chansonnier. 
Il  n'avait  pas  vingt  ans  lorsqu'il  cher- 
cha à  marcher  sur  les  traces  des  Collé, 
des  Panard,  des  Laujon.  Il  fut  encou- 
ragé dans  ses  premiers  essais  par  Ar- 
mand Gouffé,  et  il  alla  bientôt  s'asseoir 
au  Caveau  moderne,  dont  il  a  été  un  des 
membres  les  plus  remarquables.  Il  était 
impossible  que  le  goût  de  la  chanson 
ne  lui  inspirât  pas  le  désir  de  faire 


POPULAIRES.  535 

chanter  ses  couplets  sur  le  théâtre  ; 
aussi  s'essaya-t-il  dans  les  petits  spec- 
tacles des  boulevards ,  en  s'associant  à 
des  auteurs  qui  avaient  peut-être  plus 
que  lui  le  sentiment  dramatique ,  mais 
qui  n'avaient  pas  cette  verve  chanson- 
nière ,  cette  facilité  du  couplet ,  qui  ont 
toujours  été  son  caractère  distinctif. 
Son  goût  se  forma,  et  bientôt  il  prit  sa 
place  parmi  les  auteurs  qui  se  faisaient 
remarquer  au  théâtre  du  Vaudeville  et 
à  celui  des  Variétés  ,  à  cette  époque  où 
les  couplets  étaient  pour  beaucoup  dans 
les  succès  qu'on  y  obtenait.  Brazier  a 
fait  sa  part  dans  plus  de  deux  cents 
pièces,  avec  Désaugiers,  Rougemont, 
Carmouche  ,  Mélesville,  Merle.  Le  col- 
laborateur auquel  il  a  été  le  plus  fidèle 
est  du  Mersan  ,  avec  qui  il  a  fait 
soixante  vaudevilles  dont  la  plupart 
ont  eu  de  grands  succès ,  et  parmi  les- 
quels on  compte  les  Cuisinières,  les  Bonnet 
d'Enfants,  les  Ourrter*.  le  Soldat  labou- 
reur, les  Brioches  à  la  mode,  Monsieur  Ca- 
gnard,  etc. 


536  CHANSONS 

Il  faut  défendre  Brazier  d'un  re 
proche  d'ignorance  dont  on  s'est  plu  à 
le  stigmatiser.  Il  n'était  pas  savant ,  il 
l'avouait  lui-même  et  le  disait  peut- 
être  trop;  mais  quelque  peu  d'études 
qu'il  eût  fait,  il  savait  un  peu  plus 
de  latin  que  n'en  savent  quelques  vau- 
devillistes d'aujourd'hui.  Cela  n'ôtait 
rien  à  son  esprit,  à  sa  gaieté.  Boursault, 
qui  ne  savait  pas  le  latin  ,  n'en  a  pas 
moins  fait  de  très-jolies  comédies;  et 
Béranger,  qui  dit  lui-même  qu'il  ne 
l'a  jamais  su ,  est  un  de  nos  premiers 
poètes.  Brazier,  si  gai  dans  ses  poésies, 
si  entraînant  dans  ses  couplets,  qu'il 
chantait  comme  Désaugiers ,  était  dans 
ses  relations  sociales  d'une  simplicité, 
d'une  bonhomie  remarquables ,  et  sou- 
vent distrait  au  point  d'oublier  le  monde 
dont  il  était  entouré  pour  converser 
avec  sa  muse  chantante. 

Ce  n'est  pas  tout  que  d'être  homme 
d'esprit  et  aimable  chansonnier;  Bra- 
zier fut  plus  que  cela  :  il  fut  homme 
de  bien   par  excellence.  Beaucoup   de 


POPULAIRES.  537 

personnes  pensent  qu'un  vaudevilliste 
est  un  homme  essentiellement  frivole; 
on  ignore  communément  que  la  vie 
privée  ne  ressemble  pas  toujours  à  celle 
des  coulisses  et  des  banquets  joyeux, 
et  que  l'âme  qui  s'épanche  en  refrains 
spirituels  et  gais  renferme  des  pensées 
profondes.  C'est  à  l'amitié  sincère,  c'est 
aux  relations  de  famille  qu'il  faut  de- 
mander le  secret  de  la  vie  intime,  et 
celui  qui  a  connu  Brazier  depuis  sa 
plus  grande  jeunesse  jusqu'à  son  der- 
nier jour  peut  dire  qu'il  s'oublia  tou- 
jours lui-même  pour  sa  femme  ,  ses 
enfants,  ses  frères,  et  qu'il  remplit  avec 
la  plus  stricte  sévérité  les  devoirs  qu'im- 
pose le  sentiment  d'une  probité  intacte. 

Brazier  a  laissé  quelques  écrits  lancés 
dans  des  recueils  périodiques  et  une 
histoire  légère  et  amusante  des  petits 
théâtres  :  mais  sod  bagage  le  plus  glo- 
rieux est  le  recueil  de  ses  chansons  ,  qui 
peut  marcher  immédiatement  après  ceux 
de  Désaugiers  et  de  Bérangex. 

Au.  commencement  de  1838 ,  Braziei 


538  CHANSONS 

avait  ressenti  quelques  atteintes  du  ma. 
qui  devait  l'emporter;  il  prévoyait  le 
terme  de  sa  vie,  et  dans  ses  entretiens 
familiers  avec  celui  qui  écrit  ces  lignes 
il  en  parlait  avec  une  résignation  phi 
losophique.  S'il  craignait  de  mourir, 
ce  n'est  pas  qu'il  estimât  beaucoup  la 
vie,  c'est  qu'il  savait  que  la  sienne  pou- 
vait être  utile  à  ceux  qu'il  aimait.  Il 
succomba  à  une  maladie  de  foie  le 
22  août ,  âgé  seulement  de  cinquante- 
cinq  ans,  au  même  âge  que  Désaugiers. 


lie  Départ  du  Grenadier. 

CHANSON  DE  LA  PIÈCE  DES  CUISINIÈRES. 

Guernadier,  que  tu  m'affliges 
En  m'apprenant  ton  départ. 
Va  dire,  à  ton  capitaine 
Qu'il  te  laisse  en  nos  cantons, 
Que  je  serai  bien  aise, 

Contente,  ravie, 
De  t'y  voir  en  garnison. 


TOPULAIRES.  53" 

Ma  Fanchon ,  sois-en  ben  sûre , 
Je  ne  t'oublierai  jamais  ; 
C'est  ton  amant  qui  te  l'jure , 
Et  crois  bien  qu'il  n'aura  pas 
Le  cœur  assez  coupable, 

Perfide ,  barbare , 
D'oublier  tous  tes  attraits. 

Guernadier,  puisque  tu  quittes 
Ta  Fanchon  ,  ta  bonne  amie; 
Tiens,  voilà  quatre  chemises, 
Cinq  mouchoirs ,  un'pair'  de  bas  : 
Sois-moi  toujours  fidèle, 

Constant,  sincère, 
Je  ne  t'oublierai  jamais. 

Du  Mersan  et  Brazier. 


lie  Retour  du  Conscrit. 

CHASSON  DE  LA.  PIECE  DU  SOLDAT 
LABOUREUR. 

«  Ah  !  que  je  suis  donc  chagrinée 
Que  mon  amant  s'est  engagé  ! 

Je  pleure  tous  les  soirs, 

Que  je  peux  pas  savoir 

Quand  je  vas  le  revoir. 


543  CHANSONS 

Y  a  deux  ans  qu'il  est  parti 
Avec  son  beau  fusil, 
Pour  tuer  les  ennemis. 


—  Ah  !  bah  !  la  bell'  ne  pleurez  pu , 
Que  votre  amant  est  revenu. 

—  J'vous  r'connais;  en  partant, 

Vous  étiez  paysan , 

A  présent,  changement5. 

Comni'  tu  es-t-habillé! 

Te  voilà  retapé 

Comme  un  vrai  grenadier. 

—  François',  ma  mignon',  mon  tendron 
Je  reviens  pour  fair'  la  moisson. 

Je  suis  un  beau  guerrier 
Qui  n'a  pas  déserté  ; 
Je  viens  pour  fépouser. 
François',  ma  mi',  mon  cœur, 
Donne-moi  tes  faveurs , 
Je  suis  ton  serviteur.  » 

Du  Mersan  et  Brazieu. 


POPULAIRES. 


Couplets  du  Soldat  laboureur. 

Air  :  Ce  magistrat  irréprochable. 

Au  beau  pays  qui  m'a  vu  naître 
Utile  jusqu'au  dernier  jour, 
Apprenez  que  Francœur  veut  être 
Soldat, laboureur  tour  à  tour. 
Les  champs  qui  nourrissent  ma  mère, 
Je  dois  savoir,  en  bon  Français, 
Les  défendre  pendant  la  guerre, 
Les  labourer  pendant  la  paix. 

Air  de  ma  Tante  Aurore. 

Je  vais ,  par  l'ordre  de  ma  mère , 
Me  mêler  à  nos  travailleurs, 
Mais ,  hélas  !  je  ne  serai  guère 
Qu'un  conscrit  près  des  moissonneurs. 
Combien  de  fois,  dans  une  affaire, 
J'ai  vu,  mon  cœur  en  gémissait, 
Le  blé  que  l'on  foulait  à  terre, 
Et  la  moisson  qu'on  écrasait!... 
Heureux  qui  peut,  après  la  guerre, 
Réparer  le  mal  qu'elle  a  fait  ! 

Du  Mersan  et  Brazier. 


542 


Couplets  des  Bonnes  d'Enfants. 

Air  du  Comte  d'Erfort. 

MARGUERITE. 

En  attendant 
Que  j'rencontre  un'  personne 
Qui  soit  honnête  et  qu'ait  du  sentiment, 
Qu'pour   le  mariage  à  lui   mon  cœur   se 
[donne, 
Monsieur  Jean-Jean  ,  il   faut  que  je  sois 
En  attendant.  [bonne, 

JEAN-JEAN. 

En  attendant 
Qu'un  autre  se  présente, 
D'vous  fair'Pamourje  serais  bien  content. 
Faut  que  j'écrive  au  pays ,  à  ma  tante  ; 
Mais  permettez,  mamscll'  que  j'vous  fré- 
ta attendant.  [quente, 

Dd  Mersan  et  bi;.\/.[i;;;. 


POPULAIRES  54? 


Chanson  du  Rempailleur 

DANS  LE   COIN   DE   RCE. 

En  revenant  de  Versaille, 
Un  rempailleur  rencontra 
Un'  fille  de  belle  taille  ; 
Lui  dit  :  ■  Mettez  vot'  ch^ 
On  vous  la  rempaille ,  paille ,  paille , 
On  vous  la  rempaillera.  > 

La  chaise  étant  rempaillée, 
Lui  dit  :  «  Asseyez-vous  la.  » 
Mais  la  fill',  qu'était  rusée  , 
Repond  :  «  Monsieur,  ça  niTus'ra. 
(—En  vérité?  petite  mère.  Eh  bien...) 
On  vous  la  rempaille,  paille,  paille, 
On  vous  la  rempaillera.  » 

Jeunes  fill's ,  prenez  vos  aises 
Quand  l'occasion  s'irouvera. 

.  jnez  pas  d'user  vos  chaises  ; 
Y  aura  toujours  quéqu'un  la... 
(Et  ce  quelqu'un  là,  mes  petites  chattes 
ni,  ) 

■a  les  rempaille,  paille,  paille, 
Qui  vous  .es  rempaillera. 

Du  Mef.sas  ti  BRAZIEr.. 


Vaudeville  du  Coin  de  rue. 

LES   AFFICHES. 

Air  :  La  petite  Javotte. 

BRINDAVOINE. 

L'moindre  effet  qui  nous  manque.' 
Un  s'rin  qui  s'fait  chercher, 
Un  chien ,  un  billet  (Tbanque, 
Vlà  c'qu'on  fait  afficher, 
Eh!  oui,  v'ià  c'qu'on  fait  afficher. 
Mais,  au  coin  d' chaque  rue 
Oh  l'on  porte  ses  pas , 
La  probité  perdue, 
Vlà  c'qu'on  n'affiche  pas. 


Pour  se  venger  d'un'  femme 
Dont  il  n'peut  s'approcher, 
En  enrageant  d'ans  l'âme  , 
Un  fat  va  l'afficher, 
Eh  !  oui ,  le  fat  va  l'afficher 
Parlez-moi  d'un  compère 
Qui  vous  dirait  tout  bas  : 


POPULAIRES.  54i 

«  À  dimanch',  ma  p'tit'  mère, 
Et  je  n'  t'affich'rai  pas.  » 

JÉRÔME. 

Des  malins ,  à  la  ronde, 
S'amusent  à  chercher 
Des  paquets  sur  tout  l'monde 
Vlà  c'qu'ils  vont  afficher, 
Eh  !  oui ,  v'ià  c'qu'ils  vont  afficher. 
Mais  comme  un  jour  ils  doivent 
Étr'  payés  d'ieux  éclats , 
Les  danses  qu'ils  reçoivent, 
Vlà  c'qu'ils  n'affichent  pas. 


Lorsqu'un'  fill'  se  marie, 
Son  âV,  qu'ell'  n'peut  cacher, 
Aux  portes  d'ia  mairie  , 
Vlà  c'qu'on  fait  afficher, 
Eh  !  oui ,  v'ià  c'qu'on  fait  afficher. 
Mais  c'que  souvent  la  belle 
Perd ,  en  fsant  un  faux  pas , 
Pour  marier  la  d'moiselle  , 
Vlà  c'  qu'on  n'affiche  pas. 

UARIOLLE. 

Une  pièce  nouvelle 

Que  Ton  vient  d'ébaucher. 


5îS  CHANSONS 

Dès  l'matin,  avec  ?7!e, 
Vlà  c'qu'on  fait  afficher, 
Eh!  oui,  v'ià  c'qu'on  fait  afficher. 
Mais  quand  l'auteur  succombe , 
Honteux,  il  dit  tout  bas  : 
«  Une  pièce  qui  tombe , 
Vlà  c'qu'on  n'raffiche  pas.  » 

Du  Mersan  et  Braziei;. 


Gentil  Bernard. 


0  Fontenay,  qu'embellissent  les  i 
Avec  transport  toujours  je  te  revois. 
Ici  l'amour,  de  fleurs  fraîches  écloses , 
Me  couronna  pour  la  première  fois. 

Dans  ma  Claudine,  attraits,  douceur,  sirn- 
[  plesse , 
Tout  m'enivrait  :  j'étais  fier  de  mon  choix. 
Avec  quel  feu  je  peignais  ma  tendresse  ! 
Qu'on  aime  bien  pour  la  première  fois  : 

Depuis  dix  ans,  ignorant  sa  retraite, 
De  vin^:  beautés  j'ai  cru  suivre  les  lois. 


POPULAIRES. 

Toujours  on  cherche,  on  désire,  on  re- 
Ce  qu  on  aima  pour  la  première  : 

Paroles  de  Le  Prévost  i/Iray 
et  Philippon  la  Madeleine. 
musique  de  Doche. 


Vaudeville  des  Trois  Cousine*. 

la  bonne  aventure. 

Jeunes  filles  qui  portez 

Blonde  cherelure, 
L'amour  vient  de  tous  côtes 
Rendre  hommage  à  vos  beautés. 
La  bonne  aventure,  ô  gué: 

La  bonne  aventure! 

Longue  souffrance ,  en  aimant, 

Est  chose  bien  dure, 
Mais  lorsqu'un  heureux  amant 
Plait  au  premier  compl:. 
La  bonne  aventure,  ù  gué! 

La  bonne  aventure: 

Voir  sans  obstacle  un  ami 
Bagatelle  pure  î 


5*8  CHANSONS 

Mais  pour  un  amant  chéri 
Tromper  tuteur  ou  mari , 
La  bonne  aventure,  ô  gué  ! 
La  bonne  aventure! 

Si  l'Amour  d'un  trait  malin 

Vous  a  fait  blessure, 
Prenez-moi  pour  médecin 
Quelque  joyeux  boute-en-train. 
La  bonne  aventure,  ô  gué  ! 

La  bonne  aventure  ! 

Suivons  un  penchant  flatteur, 

Sans  peur  du  murmure. 
Est-ii  plus  grande  douceur 
Que  celle  que  donne  au  cœur 
La  bonne  aventure,  ô  gué  ! 
La  bonne  aventure  ? 

Dan-court. 


Bonde  de  la  Marchande 
de  Goujons. 

C'est  l'amour,  l'amour,  l'amour, 
Qui  fait  le  monde 
A  la  ronde , 


POPULAIRE? .  549 

Et  chaque  jour,  à  son  tour 
Le  monde  fait  l'amour. 

Qui  rend  la  femme  plus  docile , 
Et  qui  sait  doubler  ses  attraits? 
Qui  rend  le  plaisir  plus  facile? 
Qui  fait  excuser  ses  excès? 

Qui  sait  rendre  sensibles 

Les  grands  dans  leurs  palais? 

Qui  sait  rendre  accessibles 

jQsques  aux  sous-préfets? 

C'est  i'amour,  l'amour,  l'amour,  etc. 

Qui  donne  de  l'âme  aux  poètes . 
Et  de  la  joie  à  nos  lurons  ? 
Qui  donne  de  l'esprit  aux  bêtes 
Et  du  courage  aux  plus  poltrons? 

Qui  donne  des  carrosses 

Aux  tendrons  de  Paris? 

Et  qui  donne  des  bosses 

A  beaucoup  de  maris  ? 

C'est  l'amour,  l'amour,  l'amc  ur,  etc. 

Que  fait  une  nouvelle  artiste 

Qui  veut  s'assurer  des  amis  ? 

Que  fait  une  jeune  modiste 

Pour  se  mettre  en  vogue  à  Paris  ? 
Que  font  dans  les  coulisses 
Les  banquiers ,  les  docteurs  ? 


550  CHANSONS 

Et  que  font  les  actrices 
Avec  certains  auteurs? 

C'est  l'amour  l'amour,  l'amour,  etc. 

Sur  les  rochers  les  plus  sauvages , 
Dans  les  palais ,  dans  les  vallons , 
Dans  l'eau,  dans  l'air,  dans  le*  bocage: 
Sous  le  chaume ,  dans  les  salons , 

Que  font  toutes  les  belles, 

Les  amants ,  les  époux? 

Que  font  les  tourterelles 

Et  même  les  coucous  ? 

C'est  l'amour,  l'amour,  l'amour, 
Qui  fait  le  monde 
A  la  ronde, 
Et  chaque  jour,  à  son  tour, 
Le  monde  fait  l'amour. 

Dartois  et  Francis  d'ALLARDE. 


Lantara. 

Ah  !  que  de  chagrins  dans  ma  vie  ! 
Combien  de  tribulations  ! 
Dans  mon  art  en  butte  à  l'envie  ! 
Trompé  dans  mes  affections  !  bis. 


POPULAIRES.  551 

Viens  rn'arracher  à  la  misanthropie, 

Jus  précieux ,  baume  divin  : 
Oui ,  c'est  par  toi ,  par  toi  seul  que  j'oublie 

Les  torts  affrenx  du  genre  humain,  bis. 

A  jeun  je  suis  trop  philosophe, 

Le  monde  me  fait  peine  à  voir, 

Je  ne  rêve  que  catastrophe, 

A  mes  yeux  tout  se  peint  en  noir.     bis. 
Mais  quand  j'ai  bu,  tout  change  de  figure  : 

La  riante  couleur  du  vin 
Prête  son  charme  à  toute  la  nature, 

Et  j'aime  tout  le  genre  humain.         bis. 

B.-vr.r.Ê.  Radet,  Desfo.^taînes  et  Picard. 


Vaudeville  du  Pauvre  Diable. 

UN  BIENFAIT  N'EST  JAMAIS  PERDU. 

Air  du  vaudeville  de  Haine  aux  femmes.' 


J'étais  sans  asile  et  sans  pain, 
Dans  la  plus  affreuse  indigence, 
Femme  sensible,  à  ma  souffrance 
k  6U  mettre  un  terme  soudain. 


552  CHANSONS 

Mon  cœur  lui  paye  avec  «6ure 
Tout  ce  qu'au  sien  il  était  dû. 
Voilà  comme  dans  la  nature 
Un  bienfait  n'est  jamais  perdu. 

FLO RUELLE. 

Depuis  dix  ans,  le  vieil  Alain 
Était  époux  sans  être  père, 
Il  accueille  dans  sa  chaumière 
Le  jeune  Lucas  ,  son  voisin. 
Il  le  fête,  il  le  considère; 
A  sa  femme  Lucas  a  plu  : 
Avant  un  an  Alain  est  père... 
Un  bienfait  n'est  jamais  perdu. 


De  l'enfant  qui  nous  doit  le  jour 
Nos  soins  protègent  l'existence, 
Et  notre  sage  surveillance 
Sait  lui  garantir  notre  amour. 
Lorsqu'il  grandit,  tout  nous  assure 
Qu'il  rendra  ce  qu'il  a  reçu. 
Voilà  comme  dans  la  nature 
Un  bienfait  n'est  jamais  perdu. 


Avant  d'en  avoir  une  à  lui , 
Pau\  courtisait  la  femme  à  Pierre. 


POPULAIRES.  5Ï 

11  vient  de  prendre  un'  ménagère. 
Et  PierrMa  courtise  aujourd'hui. 
Ainsi ,  dans  cette  conjoncture , 
Chacun  rend  ce  qu'il  a  reçu. 
Voilà  comme  dans  la  nature 
Un  bienfait  n'est  jamais  perdu. 

HENRIETTE. 

Si  la  critique ,  avec  aigreur, 
Vient  décourager  le  poète , 
Sa  lyre  alors  devient  muette , 
Il  voit  s'éteindre  son  ardeur. 
Mais  si  le  public  l'encourage, 
Bientôt  son  travail  assidu 
Va  produire  un  meilleur  ouvrage. 
Un  bienfait  n'est  jamais  perdu. 

Parole  de  Du  Mehsan  et  Roucemont 
musique  de  Doche. 


Couplets  de  la  Jeune  Jlère. 

En  deux  moitiés .  dit-on  ,  le  sort 
A  partagé  notre  existence  ; 
De  ces  deux  moitiés,  sans  effort, 
L'autre  a  toujours  la  préférence. 


CHANSONS 

I.a  femme  est  tout  pour  notre  cœur, 
Et  du  ciel  la  bonté  suprême, 
D'un  époux  mit  tout  le  bonheur 
Dans  l'autre  moitié  de  lui-même. 

Le  ciel,  chez  l'homme,  dans  son  jjur, 
Fit  briller  l'esprit,  la  science, 
La  valeur,  quelquefois  l'amour, 
Et  de  temps  en  temps  la  constance 
Par  un  don  qui  charme  encor  plus . 
Pour  embellir  des  nœuds  suprêmes, 
11  plaça  toutes  les  vertus 
Dans  l'autre  moitié  de  nous-mêmes. 

Paroles  de  Dupaty,  musique  de  Doche 


Couplet*  des  amours  d'été. 
Àir  de  Saint-Onge. 


Avec  les  jeux  dans  le  village, 
Quand  le  printemps  fut  de  retour, 
Je  méprisai  le  tendre  hommage 
De  tous  les  bergers  d'alentour. 


POPCLAIP.ES.  555 

Mais  l'été  me  rend  moins  sauvage, 
Et  je  me  demande  à  mon  tour 
Ce  qui  m'enflamme  davantage, 
De  la  saison  ou  de  l'amour. 

Tandis  que  je  me  mets  en 
En  travaillant  dans  ce  séjour, 
Mon  cœur  voleàTt 
Chez  Guillot,  qui  me  fait  la  cour. 
Mais  ce  qui  m'ôte  le  courage  , 
C'est  que ,  sur  le  déclin  du  jour, 
Je  vois  la  fin  de  mon  ouvrage, 
Sans  voir  la  fin  de  mon  an. 

A  porter  dans  un  seul  voyage, 
Que  mon  panier  me  semble  lourd  !... 
Du  moins,  s'il  passait  un  nuage, 
Le  trajet  semblerait  plus  court. 
Sous  ces  arbres  du  voisinage 
Évitons  la  chaleur  du  jour  : 

I  élas!  il  n'est  pas  d'ombrage 
Qui  mette  à  l'abri  de  l'amour. 

Pus  et  BAr.r.è. 


556 


lia  Dot  «1* Auvergne. 

Pour  dot  ma  femme  a  cinq  sous, 
Moi  quatre ,  pas  davantage  ! 
Pour  monter  notre  ménage, 
Hélas  !  comment  ferons-nous? 
Cinq  sous!...  cinq  sous!... 
Pour  monter  notre  ménage , 
Femme ,  comment  ferons-nous  ? 

Eh  bien  ,  nous  achèterons 
Un  petit  pot  pour  soupière; 
Avec  la  même  cuillère  )  .  • 

Tous  les  deux  nous  mangerons,  i 

Pour  dot,  etc. 

Eh  bien,  nous  vendrons  de  l'eau, 
Que  l'on  trouve  à  la  rivière, 
Toi  devant,  et  moi  derrière,       )  .  • 
Nous  pousserons  le  tonneau.       » 

Pour  dot,  etc. 

Si  Dieu  nous  donn'  des  enfants , 
Quand  nous  n'aurions  que  des  filles 


FOPCLAIF.ES.  5^7 

Pourvu  qu'elles  soient  gentilles,  ]  . 
Nous  leur  dirons  à  vingt  ans  :     j     ,s* 

Mes  enfants,  voilà  cinq  sous 
Pour  monter  votre  ménage; 
Avec  ça,  quand  on  est  sage , 
Toujours  on  trouve  un  époux. 

Cinq  sous!  cinq  sous  1 
Allez  chercher  un  époux. 

Musiaue  de  I.oïsa  Plget. 


Bonde  de  \ewgate, 
ou  les  Voleurs  de  Londres. 

Y  a  pus  d'plaisir  que  d'peine , 
La  briguedondaine , 

A  s' voir  mis  sous  l'scellé, 
La  briguedondé. 

Accourez  à  Newgate , 
Pour  donner  à  vos  maux 

Du  r'pos  ; 
On  n'y  port'  pas  d'mancheite, 
Mais  on  y  faii  jabots. 

Y  a  pus  d'plaisir,  etc* 


CHANSONS 

On  vous  donn'  d'ia  bomi'  soupe 
Et  des  bons  zharicots 

Tout  chauds  ; 
Vot'  viande  on  vous  la  coupe, 
D'peur  d'user  vos  couteaux. 

Y  a  pus  d'plaisir,  etc. 

V'nez  voir  leux  bell's  ouvrages 
De  paille  et  de  cocos, 

Badauds  ; 
C'qu'y  a  d'raieux,  dans  l's'étalages, 
C'est  qu'ils  n'payent  pas  d'impôts. 

I  a  pus  d'plaisir,  etc. 

Ainsi  qu'ces  vins  qu'on  vante 
Et  qu'on  lient  rassemblés 

Sous  clés , 
Pour  qu'aucun  d'vous  n's'évente 
On  vous  a  tous  fic'lés. 

y  a  pus  d'plaisir  que  d'peine, 

La  briguedondaine, 
k  s'voir  mis  sous  Psccllé, 

La  briguedondé. 

Paroles  de  Sauvage. 


POPULAIRES. 


E«  Sous-Lieutenant. 

CHAXSON  DE  TABLE. 

Un  sous-lieut'nant  accablé  de  besogne, 
Laissa  sa  femme  un  p:ur  emboîter 
Eli*  parut  seul'  pour  le  bois  de  Bou. 
En  emportant  un  dragon  sous  son  bras... 
Drinn,  drinn, drinn,  drinn.  drinn,  drinn, 
Drinn,  drinn,  drinn,  drinn,  drinn,  drinn 

D'un'  tell'  connanc*  le  dragon  était  à  i 
Pendant  trois  jours  il  fut  tri  - 
Y  en  a  qui  dis'nt  qu'ils  péchaient  à  1 . 
Moi  je  soutiens  qu'ils  ont  herborisé... 
Drinn,  drinn,  drini. 

I  e  sous-lieut'nant,  le  désespoir  dan?  I 
Au  bois  d' Boulogne  accourut  tout  inquiet:. 
Mais  l' malheureux  quand  y  i^  trouva  sa  fem- 
Futparfait'ment  convaincu  qu'ilétar.. 
Drinn,  drinn,  drinn,  etc. 

Paroles  de  M.  LÉOH  Gozlan,  musique 
de  M.  J.  Nap.geot. 

1  L»  tnufiçnf  te  tr  uie  chex  M.  BfULli.  e 

;    —    Le   Lion 
j  1  acte,  de  M-  Ltos  Goila*, 
•n  \ent«  o-ei  M  rj  .  frexei,  1,  rua  V<- 

tfcoae.  Prix  :  1  tr. 


560  CHANSONS 


Mon  Ut  solitaire  de  célibataire. 

Mon  lit,  mon  lit,  mon  pauvre  lit, 

Mon  lit  solitaire 

De  célibataire , 
Par  qui  je  suis  heureux  la  nuit  (bis). 

Sait-on  pourquoi ,  pauvre  poëtc, 
J'aime  tant  ce  lit  de  noyer, 
C'est  qu'à  lui  seul ,  dans  ma  chambrette , 
Il  me  tient  lieu  de  mobilier. 
Ma  table  et  ma  dernière  chaise, 
On  a  pu  les  prendre  à  loisir; 
Mais,  cher  huissier,  ne  t'en  déplaise, 
Défense  à  toi  de  le  saisir. 
Mon  lit ,  etc. 

Le  vent ,  à  Tentour  de  ma  chambre , 
A  beau  faire  sa  grosse  vois , 
Sous  mes  rideaux ,  même  en  décembre 
Je  me  ris  du  marchand  de  bois. 
Oh!  quand  il  neige  ou  quand  il  gèle. 
Quand  sur  mon  lit, mon  seul  plafond, 
J'entends  la  pluie  ou  bien  la  grêle, 
Comme  alors  tu  me  semblés  bon  l 
Mon  lit,  etc. 


POPULAIRES.  561 

Si  l'amitié  plaint  mes  alarmes, 
Toi  tu  me  consoles  bien  mieux; 
Le  soir,  pour  arrêter  mes  larmes, 
Doucement  tu  fermes  mes  yeux. 
Pour  la  douleur  le  meilleur  hôte, 
Le  seul  abri ,  c'est  le  sommeil. 
Et  si  je  médite  une  faute , 
La  nuit  tu  me  portes  conseil. 
Mon  lit,  etc. 

Vers  un  but,  vers  une  espérance, 
Lorsque  j'ai  couru  vainement, 
Je  m'endors  arec  confiance  : 
Le  bien  vient,  dit-on  ,  en  dormant. 
La  fortune,  je  l'imagine, 
Viendra  me  prendre  entre  deux  draps  ; 
En  attendant  mieux ,  qui  dort  dîne, 
Et  je  lui  dois  plus  d'un  repas. 
Mon  lit,  etc. 

I/bymen  parfois  fait  ma  chimère; 
Oui ,  mais  dans  ce  troisième  ciel, 
La  lune  rousse  d'ordinaire 
Succède  à  la  lune  de  miel. 
Après  quelques  mois  de  ménage, 
Le  mari ,  fronçant  le  sourcil , 
Doit  compter  bien  des  jours  d'orage, 
Et  dit  tout  bas  où  donc  est-il? 
Mon  lit,  etc. 


562  CHANSONS 


Les  Girondins. . 

On  a  donné  le  nom  de  Girondins  aux 
membres  du  parti  modéré  de  l'ancienne 
Constituante,  parce  que  les  chefs  de  ce 
parti  appartenaient  au  département  de 
la  Gironde. 

Les  Girondins  étaient  incontestable- 
ment l'élite  de  la  représentation  natio- 
nale, à  raison  de  leur  talent,  de  leur 
courage  et  de  leur  patriotisme  éclairé. 
Hommes  énergiques,  ils  voulaient  la 
révolution  et  toutes  ses  conséquences  ; 
mais  ils  différaient  des  Montagnards 
sur  les  moyens  d'obtenir  ce  résultat  ;  ils 
avaient  horreur  du  sang,  et  Marat  répé- 
tant chaque  jour  dans  son  journal  Y  Ami 
du  Peuple  qu'il  fallait  abattre  trois  cent 
mille  têtes  pour  consolider  la  liberté, 
n'était  pour  eux  qu'une  bête  féroce,  un 
fou  furieux  qu'il  fallait  à  tout  prix  em- 
pêcher de  nuire. 


POPCLAIHES.  553 

Entre  les  Girondins,  qui  voulaient 
éclairer  et  convaincre,  et  les  Monta- 
gnards ou  Jacobins,  qui  voulaient  pro- 
scrire et  égorger,  l'issue  de  la  lutte  ne 
pouvait  être  douteuse:  que  peut  la  raison 
contre  le  sabre  ou  plutôt  contre  la  guil- 
lotine, qui  était  alors  l'ultima  ratio  de 
la  Montagne? 

Dans  la  séance  du  2  juin  1793,  la 
Convention  décréta  l'arrestation  de  tren- 
te-deux de  ses  membres,  au  nombre 
desquels  sont  tous  les  Girondins  les 
plus  influents.  Plusieurs  parvinrent  à  se 
soustraire  à  l'exécution  de  ce  décret  et 
tentèrent  d'insurger  quelques  départe- 
ments ;  mais  la  petite  armée  à  la  tête 
de  laquelle  ils  s'étaient  mis  pour  mar- 
cher contre  la  Convention  fut  battue 
près  d'Évreux,  et  ses  chefs  furent  dis- 
persés ou  pris. 

Le  3  octobre,  sur  la  proposition  d'A- 
mar,  la  Convention  décrète  la  mise  en 
accusation  des  chefs  de  la  Gironde,  qui, 
le  24  du  même  mois,  comparaissent  de- 
vant le  tribunal  révolutionnaire  au  nom- 


564  ÇHAW8ÛIWS 

bre  de  vingt-un.  C'étaient  Antiboul, 
Gesterpt-Beauvais,  Boileau,  Brissot, 
Carrât,  Ducos,  Duchâtel,  Laure-Du- 
perret,  Duprat,  Sanchet,  Boyer-Fon- 
frède,  Gardien,  Gensonné,  Lacaze,  La- 
source,  Lehardy,  Mainvielle ,  Brulard- 
Sillery,  Valazé,  Vergniaud,  Vigée. 

Leur  attitude  est  calme  et  noble,  et 
ils  entendent  sans  faiblir  prononcer 
l'arrêt  qui  les  envoie  à  l'échafaud.  Sil- 
lery,  qui  marchait  avec  des  béquilles, 
les  jette  en  s'écriant  :  «  Je  n'en  ai  plus 
«  besoin  :  ce  jour  est  le  plus  beau  de 
«  ma  vie  !  »  Lasource  se  lève  et  dit  en 
s'adressant  aux  juges  :  «  Je  meurs  le 
«jour  où  le  peuple  a  perdu  la  raison; 
«  vous  mourrez  le  jour  où  il  l'aura  re- 
«  couvrée.  »  Valazé  tombe  aux  pieds  de 
ses  amis,  qui  le  relèvent  t  «  Est-ce  que 
«  tu  as  peur?  lui  demande  l'un  d'eux. 
«  —Moi,  répondit-il,  je  meurs  !  »  Il  ve- 
nait de  s'enfoncer  un  poignard  dans  le 
cœur. 

Dans  la  nuit  qui  suivit  leur  condam- 
nation, ils  firent  un  dernier  repas  pen- 


POPULAIRES  565 

dant  lequel  tous  montrèrent  la  plus 
grande  liberté  d'esprit  ;  Vergniaud,  qui 
portait  du  poison,  le  jeta,  afin  de  mourir 
avec  ses  amis.  A  la  suite  de  ce  banquet 
funèbre,  ils  cbantèrent  jusqu'au  jour  des 
hymnes  à  la  liberté,  et  ce  fut  en  chan- 
tant qu'ils  arrivèrent  au  pied  de  l'écha- 
faud.  Là,  tous  se  donnèrent  le  baiser  de 
paix  et  d'adieu.  Sillery  monta  le  pre-  * 
mier,  salua  le  peuple,  et  sans  pâlir,  il 
se  coucha  sur  la  planche.  Le  couteau 
remonta  vingt  fois  vers  le  ciel  et  re- 
tomba vingt  fois!  Jamais  l'échafaud 
n'avait  dévore  à  la  fois  tant  d'illustres 
victimes. 

Eu  1847,  inspirés  par  l'admirable  his- 
toire de  ces  grands  citoyens,  que  venait  de 
publier  M.  de  Lamartine,  MM.  Alexan- 
dre Dumas  et  Maquet  composèrent  des 
strophes  qui  furent  chantées  sur  le 
théâtre  Historique,  où  elles  obtinrent  un 
immense  succès.  Ces  strophes  et  surtout 
la  musique  sur  laquelle  elles  étaient 
chantées,  devinrent  promptement  popu- 
laires ;  elles  furent  le  chant  de  guerre 


566  CHANSONS 

des  combattants  de  Février,  et  peut-être 
est-ce  à  l'enthousiasme  excité  par  elles 
que  le  peuple  dut  sa  victoire. 

Par  la  voix  du  canon  d'alarme 
La  France  appelle  ses  enfants  : 
Allons,  dit  le  soldat  :  Aux  armes  î 
C'est  ma  mère,  je  la  défends. 
Mourir  pour  la  patrie  !  (bis) 
C'est  le  sort  le  plus  beau,  le  plus  digne  d'en- 
[vie. [bis) 

Nous,  amis,  qui  loin  des  batailles, 
Succombons  dans  l'obscurité, 
Vouons,  du  moins,  nos  funérailles 
A  la  France!  à  sa  liberté  ! 
Mourir  pour  la  patrie!  (bis) 
C'est  le  sort  le  plus  beau,  le  plus  digne  d'en- 
[vie.  (bis) 

Frères,  pour  une  cause  sainte, 
Quand  chacun  de  nous  est  martyr, 
Ne  proférons  pas  une  plainte, 
La  France  un  jour  doit  nous  bénir. 
Mourir  pour  la  patrie  !  (bis) 
C'est  le  sort  le  plus  beau,  le  plus  digne  d'en- 
(vie.  (bis) 

'    Du  créateur  de  la  nature 
Bénissons  encor  la  bonté, 


POPULAIRES.  567 

Nous  plaindre  serait  une  injure, 
Nous  mourons  pour  la  liberté. 
Mourir  pour  la  patrie  !  {bis} 
C'estle  son  le  plus  beau,  le  plus  di^ne  d'en- 
[vie.  (bis) 
Paroles  de  MM.  Alexandre  Dumas  et 
Maqcet,  musique  de  M.  A.  Vap.ney. 

1  Les  deux   premiers  couplet»  feulement  sont  de 

MM    Alexandre   Dumas  et  Maquet,     et   extraits  de 

la  pièce  :  Le  Chevalitr  de  Maison-Rouge,  en  Tente 

H.    MicaiL  Ltvr  frères,  me   Vivienne  ,  1. 

Prix  :  1  fr. 


Le  Chant  des  Ouvriers. 

Il  est  difficile  de  juger  ses  contem- 
porains et  de  choisir  parmi  ceux  qui 
prétendent  à  la  lyre  ceux  qui  peuvent 
se  survivre  à  eux-même.  Eu  ce  temps 
de  suffrage  universel,  il  n'est  plus  per- 
mis de  s'en  rapporter  à  un  autre  juge- 
ment qu'à  celui  du  plus  grand  nombre, 
et  l'auteur  des  Bœufs  et  du  Chant  des 
Ouvriers  nous  est  naturellement  venu  à 
l'esprit. 

Pierre  Dupont  a  fait  des  chansons  et 
de  la  musique  sans  le  savoir  ;  ses  chants 


SG8  CHANSONS 

deviennent  populaires,  son  tour  vien- 
dra d'être  jugé,  classé,  étiqueté,  en  at- 
tendant on  le  chante.  Nous  nous  fai- 
sons un  plaisir  de  communiquer  à  nos 
lecteurs  celle  de  ses  œuvres  qui,  dans 
ce  temps  de  commotion ,  a  une  signi- 
fication plus  expressive;  nous  pouvons 
affirmer  que  le  Chant  des  Ouvriers  était 
fait  longtemps  avant  février  1848,  et 
qu'il  a  même  séjourné  dans  nos  cartons 
d'éditeur  avant  d'arriver  à  la  popula- 
rité ;  quand  on  devaDce  la  circonstance, 
on  peut  espérer  de  lui  survivre. 

Nous  dont  la  lampe,  le  matin, 
Au  clairon  du  coq  se  rallume, 
Nous  tous  qu'un  salaire  incertain 
Ramène  avant  l'aube  à  l'enclume, 
Nous  qui  des  bras,  des  pieds,  des  mai  ns, 
De  tout  le  corps  luttons  sans  ce.^e, 
Sans  abriter  nos  lendemains 
Contre  le  froid  de  la  vieillesse. 

Aimons-nous,  et  quand  nous  pouvons 
Nous  unir  pour  boire  à  la  ronde, 
Que  le  canon  se  taise  ou  gronde, 

liuvons  (ter) 
h  l'indép2ndance  du  monde  ! 


?OPl"L  569 

Nos  bras,  sans  relâche  tendus 
Aux  flots  jaloux,  au  sol  avare, 
Ravissent  leurs  trésors  perdus, 
Ce  qui  nourrit  et  ce  qui  pare  : 
Perles,  diamants  et  métaux, 
Fruit  du  coteau,  grain  de  la  plaine  ; 
Pauvre-  >elsbonsmanteau3 

Il  se  tisse  avec  notre  laine! 

Aimons-nous,  etc. 

Quel  fruit  tirons-nous  des  labeurs 
Qui  courbent  nos  maigres  échines! 
Où  vont  les  flots  de  nos  sueurs  ? 
Nous  ne  sommes  que  des  machines. 
Nos  Babel»  montent  jusqu'au  ciel, 
fa  terre  nous  doit  ses  merveilles  : 
Dès  qu'elles  ont  fini  le  miel, 
Le  maître  chasse  les  abeilles. 

Aimons-nous,  etc. 

Au  fils  chétif  d'un  étranger 
Nos  femmes  tendent  leurs  mamelles, 
Et  lui,  plus  tard,  croit  déroger 
En  daignant  s'asseoir  auprès  d'elles; 
De  n .  s  jours,  le  droit  du  seigneur 
Pèse  sur  nous  plus  despotique  : 
Nos  filles  vendent  leur  honneur 
Aux  derniers  cour.auds  de  boutique. 

Aimons-nous,  etc. 


570  CHANSONS 

Mal  vêtus,  logés  dans  des  trou?, 
Sous  les  combles,  dans  les  décombres, 
Nous  vivons  avec  les  hiboux, 
Et  les  larrons,  amis  des  ombres  ; 
Cependant  noire  sang  vermeil 
Coule  impétueux  dans  nos  veines  ; 
Nous  nous  plairions  au  grand  soleil, 
Et  sous  les  rameaux  verts  des  chênes. 

Aimone-nous,  etc. 

A  cbaque  fois  que  par  torrents 
Notre  sang  coule  sur  le  monde, 
C'est  toujours  pour  quelques  tyrans 
Que  cette  rosée  est  féconde  ; 
Ménageons-le  dorénavant, 
L'amour  est  plus  fort  que  la  guerre; 
En  attendant  qu'un  meilleur  vent 
Souffle  du  ciel  ou  de  la  terre. 

Aimons-nous,  et  quand  nous  pouvons 
Nous  unir  pour  boire  à  la  ronde, 
Que  le  canon  se  taise  ou  gronde, 

Buvons,  (ter.) 
A  l'indépendance  du  monde  ! 

Paroles  et  musique  de  Pierre  Dupont; 


POPULACES.  571 


Les  Bœufs. 

CHANT  HCSTIQCE. 

J'ai  deux  grand?  bœufs  dans  mon  é  table, 
Deux  grands  bœufs  blancs  marqués  de 
La  charrue  est  en  bois  d'érable,    [roux. 
L'aiguillon  en  branche  de  houx. 
C'est  par  leurs  soins  qu'on  voit  la  plaine 
Verte  l'hiver,  jaune  l'été  ; 
Ils  gagnent  dans  une  semaine 
Plus  d'argent  qu'ils  n'en  ont  coûté. 

S'il  me  fallait  les  vendre, 

J'aimerais  mieux  me  pendre  ; 

J'aime  Jeanne  ma  femme, 

Eh  !  bien,  j'aimerais  mieux 
Lavoir  mourir  que  voir  mourir  mes  bœufs. 

Les  voyez-vous,  les  belles  bêtes, 
Creuser  profond  et  tracer  droit, 
Bravant  la  pluie  et  les  tempêtes, 
Qu'il  fasse  chaud,  qu'il  fasse  froid? 
Lorsque  je  fais  balte  pour  boire, 
Un  brouillard  sort  de  leurs  naseaux, 
Et  je  vois  sur  leur  corne  noire 
Se  poser  les  petits  oiseaux. 
S'il  me  fallait,  etc. 


r;72  CHANSONS 

Ils  sont  forts  commeun  pressoir  d'huile. 
Ils  sont  plus  doux  que  des  moutons  ; 
Tous  les  ans  on  vient  de  la  ville 
Les  marchander  dans  nos  cantons 
Pou^  les  mener  aux  Tuileries, 
Au  mardi-gras  devant  le  roi, 
Et  puis  les  vendre  aux  boucheries  ; 
Je*  ne  veux  pas,  ils  sont  à  moi. 

S'il  me  fallait,  etc. 

Quand  notre  fille  sera  grande, 
Si  le  fils  de  notre  régent 
En  mariage  la  demande, 
Je  lui  promets  tout  mon  argent: 
Mais  si  pour  dot  il  veut  qu'on  donne 
Les  grands  boeufs  blancs  marqués  do 
Ma  fille,  laissons  la  couronne       (roux, 
Et  ramenons  les  boeufs  chez  nous. 

S'il  me  fallait  les  vendre, 
J'aimerais  mieux  me  pendre  ; 
J'aime  Jeanne  ma  femme, 
Eh!  bien,  j'aimerais  mieux 
Lavoir  mourir  que  voir  mourir  mes  boeufs. 

Paroles  et  musique  de  Pierre  Dupont. 

1  La  musique  se  trouve  à  Paris,   ches  M.  Pierre 
3aulls,  éditeur,  16,  passage  de»  Panoramas. 


POPULAIRES.  5T3 


Le  Petit  nari. 

Mon  père  m'a  donné  un  mari  ; 

Mon  Dieu  !  quel  homme , 

Quel  petit  homme. 

Mon  père  m'a  donné  un  mari ,■ 

Mon  Dieu  !  quel  homme , 

Qu'il  est  petit  ! 

D'une  feuille  on  fit  son  habit; 

Mon  Dieu:  quel  homme, 

Quel  petit  homme. 

D'une  feuille  on  fit  son  habit, 

Mon  Dieu  !  quel  homme, 

Qu'il  est  petit! 

Le  chat  l'a  pris  pour  un'  souris. 
Mon  Dieu!  quel  homme, 
Quel  petit  homme. 
Le  chat  l'a  pris  pour  une  souris, 
Mon  Dieu  !  quel  homme , 
Qu'il  est  petit  ! 

Au  chat!  au  chat!  c'est  mon  mari: 
Mon  Dieu!  quel  homme, 


574  CHANSONS 

Quel  petit  homme. 
Au  chat!  au  chat!  c'est  mon  ma?: 
Mon  Dieu  !  quel  homme, 
Qu'il  est  petit! 

Je  le  couchai  dedans  mon  lit  ; 

Mon  Dieu!  quel  homme, 

Quel  petit  homme. 

Je  le  couchai  dedans  mon  lit  ; 

Mon  Dieu  !  quel  homme, 

Qu'il  est  petit  ! 

De  mon  lacet  je  le  couvris  ; 
Mon  Dieu!  quel  homme,     * 
Quel  petit  homme. 
De  mon  lacet  je  le  couvris , 
Mon  Dieu  !  quel  homme, 
Qu'il  est  petit! 

Le  feu  à  la  paillasse  a  pris  ; 

Mon  Dieu!  quel  homme, 

Quel  petit  homme. 

Le  feu  à  la  paillasse  a  pris, 

Mon  Dieu!  quel  homme, 

Qu'il  est  petit  l 

Mon  petit  mari  fut  rôti  ; 
Mon  Dieu  !  quel  homme  „ 
Quel  petit  homme. 
Mon  petit  mari  fut  rôti; 


POPULAIRES.  575 

Mon  Dieu  !  quel  homme , 
Qu'il  est  petit  ! 

Pour  me  consoler,  je  me  dis  : 

Mon  Dieu!  quel  homme, 

Quel  petit  homme. 

Pour  me  consoler,  je  me  dis  : 

Mon  Dieu!  quel  homme, 

Qu'il  est  petit! 


Il  était  un'  Bergère. 

Il  était  un'  bergère, 
Eh  !  ron ,  ron ,  ron ,  petit  patapon  ; 
Il  était  un'  bergère, 
Qui  gardait  ses  moutons , 

Ron ,  ron  , 
Qui  gardait  ses  moutons. 

Elle  fit  un  fromage, 
Et  ron ,  ron ,  ron ,  petit  patapon  ; 
Elle  fit  un  fromage 
Du  lait  de  ses  moutons, 

Ron, ron. 
Du  lait  de  ses  moutons. 

Le  chat  qui  la  regarde, 
Et  ron  ,  ron ,  ron ,  petit  pa'.apon  : 


576  CHANSONS 

Le  chat  qui  la  regarde, 
D'un  petit  air  fripon, 

Ron,  ron, 
D'un  petit  air  fripon. 

Si  tu  y  mets  la  patte, 
Et  ron ,  ron ,  ron  ,  petit  patapon  ; 
Si  tu  y  mets  la  patte , 
Tu  auras  du  bâton , 

Ron ,  ron  , 
Tu  auras  du  bâton. 

il  n'y  mit  pas  la  patte , 
Et  ron  ,  ron ,  ron  ,  petit  patapon  ; 
Il  n'y  mit  pas  la  patte , 
Il  y  mit  le  menton, 

Ron ,  ron , 
Il  y  mit  le  menton. 

La  bergère  en  colère, 
Et  ron ,  ron ,  ron ,  petit  patapon  ; 
La  bergère  en  colère, 
Tua  son  p'lit  chaton , 

Ron ,  ron , 
Tua  son  p'tit  chaton; 

Elle  fut  à  confesse , 
Et  ron  ,  ron ,  ron ,  petit  patapon  ; 
Elle  fut  à  son  confesse, 
Pour  demander  pardon , 


populaires.  &:: 

Rod  ,  ron , 
Pour  demander  pardoD. 

Mon  nère  ,  je  m'accuse 
£t  rnn ,  ron  ,  ron  .  ueiii  uatapon; 
Mon  pèie  .  je  m'accuse 
D'aM'ir  tué  mon  chaton  , 

Ron.  ron, 
D'avoir  lue  mon  chaton. 

Bla  fill',  pt'Ur  pénitpnce , 
Et  n»n  .  n»o  ,  ron  ,  peut  paiapon; 
Ma  HP,  pour  pénitence, 
Nous  nous  embrasserons, 

Boa,  ron, 
Nous  nous  embrasserons. 

La  pénitence  est  douce , 
Et  ron  ,  ron  ,  ron  ,  petit  paiapon  ; 
La  péuiieni  e  est  douce, 
Nous  recommencerons, 

Bon,  ron , 
Nous  recommencerons. 


573  CHANSONS 


Compère  Guilleri. 

Il  était  un  p'tit  homme 
Qui  s'app'lail  Guilleri , 

Carabi  ; 
Il  s'en  fut  à  la  chasse, 
A  la  chasse  aux  perdrix, 

Carabi , 
Toto  Carabo. 
Marchand  d'caraba9, 
Conipèie  Guilleri , 
Te  laiias-tu  (ter)  mouri  ? 

Il  s'en  fut  à  la  chasse , 
A  la  chasse  aux  perdrix, 

Carabi ; 
Il  monta  sur  un  arbre 
Pourvoir  ses  chiens  cou  ri. 

Carabi , 
Toto  carabo. 
Marchand  d' carabas , 
Compère  Guilleri, 
Te  lairas-tu  (ter)  mouri  ? 

Il  monta  sur  un  arbre 
Pour  voir  ses  chium  court, 


pofi;  579 

Carabi  ; 
La  branche  vint  à  rompre  , 
Et  Guiileii  ton.bi, 
Car^m , 
Tolo  carabo. 
Marchand  d' carabas, 
re  Gaillerî, 
Te  laii as-tu  (Jer,  mouri? 

La  branche  vint  à  rompre 
Et  Guiileii  tombi , 

Carabi , 
Il  se  cassa  la  jambe, 
Et  le  bras  se  démit, 

Carabi; 
Toto  carabo. 
Marchand  d'  carabas, 
Cou-père  Guilleri , 
Te  lairas-tu  {ter)  mouri? 

H  se  cassa  la  jambe, 
Et  le  bras  se  démit, 

Carabi ; 
Les  dam's  de  l'Hôpital 
Sont  arrivées  au  bruit, 
Carabi, 
Toto  carabo, 
Marchand  d' carabas, 
Compère  Guiileii, 
Te  laii  as-tu  ijer)  moarif 


CHANSONS 

Les  damvs  de  l'Hôpital 
Sont  arrivées  au  bruit, 

Carabi  ; 
L'une  apporte  un  emplàtrej 
L'autre,  de  la  eharpi, 

Carabi , 
Toto  carabo , 
Marchand  d'  carabas, 
Compère  Guilleri, 
Te  lairas-tu  (ter)  mouri  ? 

L'une  apporte  un  emplâtre. 
L'autre  de  la  eharpi , 

Carabi  ; 
On  lui  banda  la  jambe, 
Et  le  bras  lui  remit, 
Carabi , 
Toto  carabo. 
Marchand  d' carabas, 
Compère  Guilleri, 
Te  lairas-tu  (ter)  mouri? 

On  lui  banda  la  jambe, 
Et  le  bras  lui  remit, 

Carabi ; 
Pour  remercier  ces  dames , 
Guilleri  les  embrassit, 

Carabi , 
Toto  carabo, 
Marchand  d' carabai, 


POPULAIRES.  58i 

Compère  Guilleri, 
Te  lairas-tu  (ter)  mouri  ? 

Pour  remercier  ces  dames, 
Guilleri  les  embrassait, 

Carabi  ; 
Ça  p  ouv*  que  par  les  femmes 
L'homme  est  toujours  guéri, 
Carabi, 

Tot.t  Carabo. 
Marchand  d'  carabas, 
Com  ère  Gaillcri, 
Te  lairas-tu  (ter)  mouri? 


Le  Kcveil-ÏSaiiu. 

Ma  vieille  tante  Gribiche, 

En  fermant  les  yeux, 
Ne  laissa,  n'étaut  pas  riche, 

Rien  de  précieux. 
Hier,  on  fit  le  partage 

Du  pauvre  butin, 
Et  j'eus,  pour  tout  héritage, 

Son  réveil-matin, 
Tin  tin  tin  tin  tin  tin, 


S82  GHANSONS 

Et  j'eus  pour  tout  héritage, 
Tin  tin  tin, 
"an  réveil-matin. 

Or,  cette  Samaritaine 

Vient  mal  à  propos, 
Il  faut  à  ma  soixantaine 

Beaucoup  de  repos. 
Pour  que  le  sommeil  m'abrège 

Un  triste  chemin, 
Voyons,  à  qui  donnerai-je 

Mon  réveil-matin? 
Tin  tin  tin  tin  tin  tin, 
Voyons  à  qni  donnerai-je, 
Tin  tin  tin,— Mon  réveil-matin? 

Ce  petit  clerc  de  notaire 

Que  je  vois  là-haut, 
A,  dit-»n,  beaucoup  a  faire, 

C'est  ce  qui  lui  faut  ; 
Maris  il  lorgne  la  voisine, 

Brune  à  l'œil  mutin, 
Qui  lui  tient  lieu,  j'imagine, 

•e  réveil-matin, 
Tfn  tin  tin  tin  tin  tin, 
Qui  lui  tient  lieu,  j'imagine, 
Tin  tin  tin,— De  réveil-matin. 

Ce  monsieur  qui  n'a  ni  rentes 
Ni  profession, 


POPULAIRES. 

Suit  les  moies  délirantes 

De  la  fashion; 
Dans  son  logis  que  tapisse 

Velours  ou  satin, 
Les  créanciers  font  l'office 

De  réveil-matin, 
Tin  tin  t  n  tin  tin  tin, 
Les  créanciers  font  l'office, 
Tin  tin  tin.— De  réveil-matin. 

Cet  autre  à  l'œil  de  vipère 

Qui  loge  au  grenier, 
N'est  bon  époux  ni  bon  père; 

Il  est  usurier. 
Au  jour,  l'écho  me  rejette 

Un  son  argentin; 
Cet  homme  a  dans  sa  cassette 

Son  réveil-matin, 
Tin  tin  tin  tin  tin  tin, 
Cet  homme  a  dans  sa  c. 
Tin  tin  tin,— Son  réveil-matin. 

Voici  la  douce  Marie 
Dont  le  père  est  mort; 

La  pauvre  enfant  pleure,  prie, 
Soupire  et  s'endort. 

Orpheline,  elle  est  sans  armes 

Ne  Aobpqoi  pfi  s  m  lart 

Un  réveii-mitin, 


S84  CHANSONS 

Tin  tin  tin  tin  tin  tin, 

Ne  donnons  pas  à  ses  larmes, 

Tin  tin  tin,— Un  réveil-matin. 

Plus  bas  quelle  joie  éclate? 

Bon,  j'ai  deviné, 
L'heureux  ménage  d'Agathe 

Compte  un  premier-né. 
D  eu,  quand  il  met  sur  la  terre 

L'ange  ou  W  lutin, 
Attache  au  cœur  de  la  mère 

Un  réveil-matin, 
Tin  tin  tin  tin  tin  lin, 
Attache  au  rœur  de  la  mère, 
Ttn  tin  tin,— Un  réveil-matin. 

Triste  ou  gai,  dms  celte  vie, 

Chacun  a  le  sien, 
Et  nul  ici,  je  paiie, 

Ne  voudrait  du  mien, 
Si  l'on  me  fait  celte  niche. 

J'irai,  c'est  certain, 
Rendre  à  ma  tante  «iribictae         • 

Son  réveil-malin, 
Tin  tin  tin  tin  lin  tin, 
Rendre  à  ma  tinte  Gribiche, 
Tin  tin  tin.— Son  réveil-matin. 

Éi.isa  Fleury. 
La  musique  chez  M.  Colombier,  éditeur, 
rue  Vivienne.  ' 


POPULAIRE? 


Les    Fraises. 

RONDE. 

Ab!  qu'il  fait  donc  bon,  qu'il  fait  donc  bon 
Cueillir  la  fraise. 
Au  bois  de  Bagnenx, 
Quand  on  est  deux,  quand  on  est  deux' 
Mais  quand  on  est  trois  quand  on  est  trois 
Mam'zeH' Thérèse, 
C'est  bien  ennuyeux, 
Il  vaut  bien  mieux 
N'eue  que  deux! 
Ah!  qu'il  fait  donc  bon,  quil  fait  donc  bon 
Cueillir  la  fraise, 
Au  bois  de  Ba^ueux, 
Quand  on  est  deux,  quand  on  est  deux! 

Ah!  mara'zeir,  manïzeU',  si  vous  vouliez 

Sans  vous  offenser      (m'entei.dre 

>ousm  laisseriez  prendre  un  baiser!...' 

Pas  d' ça,  monsieur  Biaise, 
Ou  vrai  romm"  je  m'ap|,el!e  Thérèse, 

J'  vous  dévisagerais 
Et  ça  nuirait  à  vos  attraits.  (ter) 

Ah! 
Ab!  qu'il  fait  donc  bon,  etc. 


586  CKANsO.NS 

Ah!  main'zell',  mani'zell',  comment  vous  ren- 
(dre  moins  sévère, 
J'ai  des  procédés; 
Que  faut-il  faire?  répondez! 
—  Parlez  à  ma  mère, 
Et  menez-moi  chez  le  notaire! 

Un  bon  conjungo, 
Puis  nous  chanterons  en  duo.        (ter) 
Ah! 
Ah!  qu'il  fait  donc  bon,  etc. 

Plus  d'ambition!  mais  si...  je  m'  tromp',  il 
Dans  ce  p'tit  logis,  (m'en  reste  une  : 
J' voudrais  r'cevoir  beaucoup  d'amis! 
Pour  moi  quel  plaisir!  pour  moi  quelle  bonne 
Si  je  leur  plaisais  (fortune, 

Par  mon  zèle  et  par  mes  couplets! 
Oui,  chaque  soir  j'  leur  offrirais 
Mes  fruits,  mes  fleurs  et  mes  couplets, 
Ah! 
Ah!  qu'il  fait  donc  bon,  qu'il  fait  donc  bon 
Cueillir  la  fraise, 
Au  bois  de  Bagneui, 
Quand  on  est  deux,  quand  on  est  deux! 
Mais  quand  on  est  trois,  quand  on  est  trois, 
Mam'zeir  Thérèse, 
C'est  bien  ennuyeux, 
Il  vaut  bien  mieux 
N'être  que  deux  ! 
Ah!  qu'il  fait  donc  bon,  qu'il  fait  donc  bon 


POPILAÎFES.  5S7 

Cueillir  la  fraise, 
Au  bois  de  Bagneux, 
Quand  on  est  deux,  quand  on  est  deux! 

Extrait  de  la  pièce  intitulée  le  Bijou  perdu, 
opéra-comique  en  trois  actes  de  MM.  r<t 
Lecven  et  de  Forges,  en  vente,  à  Paris, 
chez  MM.  Micbel  Levt  frères,  éditeurs, 
2  bis,  rue  Yivienne.  Prix  :  1  fr. 


Le   Vigneron. 

Et  vinum  lœtificat  cor  hominis. 
Et  que  le  vin  réjouisse  le  cœur  de  l'homme. 

P.  S.  C.  III,  V.  15. 

Je  suis  le  plus  gros  vigneron 
De  la  haute  et  bisse  Bourgogne; 
Comme  un  gros  fût  mon  ventre  est  rond, 
Ma  femme  est  la  mère  Gigogne, 
Nous  sommes  à  nos  douze  enfants 
Tou^  gras,  joufflus,  tous  bien  portants. 
Aussi  lions  chantons  tous  à  l'unisson  : 
Bonum  vinum 
Lrztifical  cor  hominwn.,, 
C'est  la  chanson  du  vigneron; 


588  CHANSONS 

Au  glou  glou,  glou  glou  du  flacon, 
C'est  la  chanson  du  vigneron.       (ter) 

Je  ne  sais  ni  grec  ni  latin, 
A  quoi  bon  nous  sert  la  science? 
Je  sais  le  goût  de  chaque  vin, 
De  l'Allemagne  et  de  la  France. 
J'aime  mieux,  rotuste  et  rougeaud, 
Dire,  en  l'honneur  du  Clos-Vougeot, 

Ce  bon  vieux  refrain 

Que  l'on  dit  latin  : 
Bonum  vinum,  etc. 

Je  n'aime  pas  votre  Paris; 
Un  jour,  dans  cette  Fourmilière, 
J'envoyai  l'aîné  de  mes  tils, 
Avec  cent  fûts  Beaune  première; 
Vos  Parisiens  m'ont,  dans  Paris, 
Gâté  mon  vin,  perdu  mon  ûls; 

Mais  j'espeie,  un  jour, 

Dire  à  son  retour  : 
Bonum  vinum,  etc. 

Vers  le  patriarche  Noé, 
Dont  la  gloire  me  fait  envie, 
J'irai,  certain  de  sa  bonté, 
Rendre  compte  à  Dieu  de  ma  vie. 
Puis  des  amis  buvant  mon  vin, 
Se  souvenant  de  mon  refrain, 


Tous  en  mon  honneur, 
Chanteront  en  chœur  : 
Bohum  tntum 
Lœtificat  cor  hominum... 
C'est  'a  cha  son  du  vigneron; 
Au  glou  pou,  glou  glou  du  flacon, 
C'est  la  chanson  du  vigneron.        {ter) 

E.  Bolrget. 
La  musique,  de  P.   Henkion,  se  trouve 
chez   M.   Colombier,  éditeur,  6,  rue  Vi- 
vienne. 


Les  Filles  de  Marbre. 

RONDE  DES  FIÈCES  D'OR. 

AimeMu,  Marco  la  belle, 

Dans  1rs  salons  tout  en  (leurs, 

La  joyeuse  ritournelle 

Qui  fait  bondir  les  danseur?  ? 

Aimes-tu,  dans'la  nuit  -ombre, 

Le  murmure  frémissant 

Des  peuplie  s  qui.  dans  Tombre, 

Chuchotent  avec  le  vent? 

Des  peupliers  qui.  dans  t'ombre, 

Chuchottent  avec  le  vent? 


—  Non,  non,  non,  non. 

—  Marco,  qu'aimes-tu  donc? 

—  Ni  le  chant  de  la  fauvette, 
Ni  le  murmure  de  l'eau? 

Ni  le  cri  de  l'alouette, 
Ni  la  voix  de  Roméo? 
(Bruit  de  pièces  d'or.) 

—  Non,  voilà  ce  qu'aime  Marco. 

—  Oui,  voilà  ce  qu'aime  Marco. 

-  Oh!  / 

Aimes-tu  les  chants  de  joie, 
De  l'orgie,  ardent  signal, 
Lorsque  la  raison  se  noie 
Dans  les  coupes  de  cristal? 
Aimes  -tu  les  orgues  saintes 
Jetant  leurs  divins  accents, 
Qui  îessemblent  à  dos  plaintes 
Et  montent  jvcc  l'encens  ?  (bis.) 

—  Non,  non,  non,  non. 

—  Marco,  qu'aimes-tu  donc? 

—  Ni  le  chaut,  etc. 

Aimes-tu,  quand  tu  t'égares 
Dans  les  piofondeius  des  bois, 
Les  éclatantes  fanfares 
Suivant  le  ceif  aux  abois? 
Aimes-tu  (quand  la  nuit  gagne), 
Aux  troupeaux,  clans  la  campagne, 
Disant  de  se  dépêcher?  (bis.) 


—  Non,  uon,  non,  non. 
—  M  il  •. ■■!,  <:u'aimes-iu  donc? 
—  Ni  le  chaut,  etc. 
Extrait  de  la  pièce  intitulée  :  les  Filles  de. 
Marbre,  comédie  vaudeville  en   3  actes 
par  .MM.  Th.   Barrière  et  L.  Thibolst, 
en  vente  chez  MM.  Michel  Levy  frères, 
2  bis,  me  Vivienne.  Prix  :  1  fr, 


La  Chanson  de  Jean  Raisin, 

Dans  une  vieille  écorce  grise, 
Jean  Raisin  a  passé  l'hiver; 
Il  est  en  fleur,  le  voilà  vert  : 
Jean  Raisin  ne  craint  plus  la  bise. 
Il  est  joutflu,  blanc  et  vermeil; 
Le  voilà  vin!  toute  sa  force, 
Ruisselant  de  sa  fine  écorce, 
S'échappe  en  rayons  de  soleil. 


Au  nom  de  la  machine  roude, 
De  l'eau  coulant  pour  toat  le  monde, 
Place,  place  pour  Jean  Rinnn, 
Le  Jean  Raisin  devenu  vin; 


$92 


Laissez  donc  passer  Jean  Raisin, 
Avec  son  vieil  ami  le  Pain. 
Laissez  donc  passer  Jean  Raisin, 
Avec  son  viel  ami  le  Pain. 

Enfant  chéri  des  haute*  cîmes, 
Sous  'œil  de  Dieu,  libre  j;idis, 
Il  s'en  allait  par  tims  pays 
Bravant  la  galie  le  et  les  d'unes. 
En  ce  tenvis-la,  soir  et  mat<n, 
Parmi  les  brors  et  les  Loutei'les, 
Le  peuple  chantait  les  merveilles 
Et  les  vertus  de  Jean  Raisin. 
Au  nom  de  la  machine  ronde,  etc. 

Couronné  de  pampre  et  de  roses, 
Joyeux,  1  yal,  jamais  menteur, 
A  bon  marché,  ce  franc  parleur 
Éclairait  tous  les  fronts  moroses. 
Les  rois  un  j<»ur  l'ont  arrêté 
Et  l'ont  chargé  de  mille  entraves, 
De  gabelous,  de  iats  de  caves, 
Puis  des  voleurs  l'ont  fre.até. 
Au  nom  de  la  machine  ronde,  etc. 

Inspiré  par  Dieu,  notre  père, 
De  février  le  parlement, 
Un  jour  décréta  sagemeut 
Qu'on  lâcherait  le  gai  comnère; 


POPULAIRES.  593 

Ce  jour-là,  sur  des  airs  nouveaux. 
Le  peuple  chanta  les  bouteilles, 
Le  via  v;eux,  la  vigne  et  les  treilles, 
La  République  et  les  tonneaux. 
Au  nom  de  la  machine  ronde,  etc'. 


Mais,  voici  bien  une  autre  affaire  : 
Survient  un  second  parlement, 
Qui,  raisonnant  difléiemment, 
Vient  d'empo;gner  le  pauvre  hère; 
On  garrottera  le  reclus, 
On  le  liera  pour  qu'il  ne  bouge, 
On  l'accusera  d'être  rcuge!... 
Le  peuple  ne  chantera  plus. 
Au  nom  de  la  machine  ronde,  etc. 

Toute  la  nature  enchaînée, 
Pleure  et  gémit  sur  tous  les  tons  ; 
L'air  n'a  son  droit  dans  nos  maisons, 
Qu'en  passant  par  la  cheminée... 
On  ferait  mieux,  j'y  pense  enliu, 
D'arrêter  les  bois  de  teinture, 
El  le  p.iison  qui  dénature 
L'âme  et  le  sang  de  Jean  Raisin. 
Au  nom  de  la  machine  rou.de,  etc. 

Allons,  frelateurs  escogriffes, 
Apportez  les  clous  et  le  bois; 
Mettez  Jean  Raisin  sur  la  croix, 
38 


KM  CHANSONS 

Le  diable,  s'en  lave  les  griffes. 
Mais,  par  l'amour  et  l'union, 
Comme  le  Bis  de  Dieu  le  père, 
Jean  Raisin  retiendra,  j'espère, 
Pour  la  grande  communion. 
Au  nom  de  la  machine  rondo,  etc. 

Gustave  Mathieu. 
Musique  de  Darcier. 


Une  dixième  Muse. 

Pour  bien  distiller  !a  vie, 
Enfants  cueillez  tour  a  tour; 
A  ma  guirlande  fleurie 
Des  jours  de  folie 
Et  des  nuits  d'amour. 

Quoi,  votre  porte  m'est  fermée, 
Accueillez-moi,  joyeux  garçons. 
J'ai  plen  ma  jupe  pai  fumée 
De  vins,  de  fleurs  et  de  chansons, 
Aux  accents  de  ma  voix  aimée 
Vos  accents  répondront,  je  crois, 
Pan,  pan,  pan,  pan,  ouvrez  moi,'    {bit*) 
Pour  bien  distiller  la  vie,  etc. 


POPULAIRES. 

Ouvrez,  c'est  moi  la  Gaudriole, 
La  fée  au  regard  effronté  ; 
Pour  vous  j'ai  rais,  joyeuse  et  folle, 
Sagesse  et  bonnet  de  côté. 
Des  pampres  de  mon  auréole, 
J'ai  paré  plus  d'un  front  de  Roi! 
Pan   pan,  pan,  pin,  ouvrez  moi!    (bis.) 
Pour  bien  distiller:  etc. 

Je  naquis  cynique  et  profane, 
Priape  encensa  mon  début, 
Et  la  barbe  d'Aristophane 
Fournit  des  cordes  à  mon  luth. 
Nymphe,  Bacchante  ou  Courtisane. 
J'ai  rais  l'univers  sous  ma  loi  ! 
Pan.  pan,  pan,  pan,  ouvrez  moi!    {bis.) 
Pour  bien  distiller,  etc. 

Je  suis  la  chanteuse  fantasque, 
Qui  de  la  taverne  au  palais 
Port  it  sur  son  tambour  de  basque 
Le  bréviaire  de  Rabelais. 
De  ses  grelot  et  de  mon  masque, 
Par  lui  j'ai  fait  un  rude  emploi! 
Pan,  pan,  pan.  pan,  ouvrez  moi!    (bis.) 
Pour  bien  distiller,  etc. 

Je  suis  la  muse  dissolue, 

Que  chiffonnait  le  vieux  Scarron; 

Chez  Grécourt  j'étais  presque  nue, 


896  CHANSONS 

Et  sans  chemise  avec  Piroii. 
Si  je  suis  un  peu  mieux  vêtue, 
Béranger  vous  dira  pourquoi  ! 
Pan,  pan,  pan,  pan,  ouvrez  moi!    (bis,) 
Pour  bien  distiller,  etc. 

Dans  les  champs  glanés  de  la  veille, 
Courant  de  sillons  en  sillons; 
J'ai  trouvé  le  miel  de  l'abeille 
En  poursuivant  des  papillons. 
Ouvrez,  j'ai  comblé  ma  corbeille 
D'un  bien  gentil  butin  ma  foi  ! 
Pan,  pan,  pan,  pan,  ouvrez  moi!     (bis. 
Pour  bien  distiller,  etc. 

Paroles  et  musique  de  Cn.  Colmance.—  La 
musique  se  vend  chez  Vieillot,  éditeur, 
32,  rue  Notre-Dame-de-Nazjreth. 


L'n   Enfant   terrible. 

PORTRAT. 

Air  :  Ah!  f  suis   t'y  pochard. 

Voisine,  j'  suis  désolée 

D'  mon  coquin  &  garçon; 
Chaqu'  jour,  j' lui  donne  un'  volée, 
C'est  un  vrai  démon. 


Tant  que  j'  p^nx  - 

J'  îapp' sans  fair'  semblant; 
Derrière  i*  m' fait  la  grimace  : 

Quel  cochon  d'entant! 

Mon  Dieu,  quel  esprit  fantasque  ! 

C*est  nn  franc  lutin  : 
Il  appell*  sa  tant'  vieux  masque. 
.  ni  pantin  ; 

I  dit  que  j' suis  un'  harpie, 

Et  puis,  l'insolent, 
Trait'  sa  sœur  de  toupie  : 
Quel  cochon  d'enfant! 

Tous  les  matins,  quand  je  m' lève, 
J'ai  P  cœur  sens  sus  d'ssous  ; 

J'  l'envoie  chercher  contr'  la  Grève 
Un  poisson  d'  quat'  sous; 

II  rest'  trois-quarts  d'heure  en  rouie, 

Et  puis,  en  r'montant, 
I'  m' lich'  la  moitié  d'  ma  goutte  : 
Quel  cochon  d'enfant! 

Depuis  trois  mois  j'ai  l'estime 

D'un  sapeur-pompier, 
Qui  m'  donn'  quéqu'  leçons  d'escrime 

En  particulier. 
Tiens,  Via  pour  ach'ter  un'  pomme, 

Dis-je  en  Y  renvoyant; 
1'  cora'  ça  V  soir  a  mon  homme  : 

Que!  cochon  d'enfant! 


508  CHA.NSU.N^ 

Vous  connaissez  la  p'tit'  tilie 

A  la  mère  Chibout, 
Tout  chacun  la  trouv'  gentille, 

Moi,  j'  l'estim'  coinm'  tout; 
Il  a  beau  r'cevoir  des  danses, 

Quand  i'  la  surprend, 
Il  lui  dit  des  indécences  : 

Quel  cochon  d'enfant  ! 

L'  dimanche,  la  P'tit*- Villette, 

Apres  la  chaleur, 
J'allons  chez  mon  oncP  Tinette, 

Qu'est  maitr' vidangeur; 
Pour  avoir  un  noyau  d'  cerise, 

En  nous  en  r'tournant, 
1'  s*  roui'  dans  la  marchandise  : 

Quel  cochon  d'enfant! 

Enfin  dans  tout's  ses  manières, 

Je  n'  vois  qu'  des  delauts  : 
1*  suc'  les  rinçur's  des  verres, 

1'  rong'  tous  les*  os, 
Il  est  tapageur,  colère, 

Ivrogne  et  feignant, 
C'est  ben  tout  l'  portrait  d'  son  père. 

Quel  cochon  d'enfant  ! 

Charles  Colmanci; 


5» 


Le  Sire  de    Franc-Boisy, 

LËGE>DE  DC  HiYEN-AGE 

Au  brrruit  rrretentissant  de  ma    grande 
(trompette, 
Du  bugle  et  du  saxhorrrn,  venez!  petits  et 
(grands, 
Peuple,  bourg  ois,  manants, 
Venez  préier  l'oreille  à  mon  historiette, 
Elle  contient  pour  tous  de  haut*,  enscigne- 
(meuls! 
Or  donc...  oyez!  oyez!  oyez! 
Ce  qui  veut  dire  :  écoutez  !  écoutez  ! 
(//  se  mouche  sur  le  dernier  accord  ) 
ivec  emphase  et  d'un  ton  héroïque. 

Ava*   pris    femme    le    Sir*   de  Franc- 
Bois;,    (bis) 
Avec  regret.  (Voix  cassée  de  vieillard.) 

La  prit  trop  j«une...  bientôt  s'en  repen- 

D'un  air  belliqueux.  tit.    {Ht} 

Partit  en  guerre,  pour  tuer  les  ennemis. 


G  0  CHANSONS 

D'un  air  piteux  et  boitant, 

Revint  de  guerre  après  sept  ans  et  d'mi. 
D'un  air  ébahi. 

De  son  domaine,  tout  F  monde  était  parti. 
Avec  anxiété. 

Que  va  donc  faire  le  Sir'  de  Franc-Boisy 
D'un  air  effaré. 

Chercha  sa  femme,  trois  jours  et  quatre 
Avec  indignation.  (nuits. 

Trouva  Madame  dans  un  bal  de  Paris. 

Le  Sire  de  Franc-Boisy.   (Voix  sourde  et 
cuivrée  d'un  tyran  basse-taille.) 

—  Cordieu!  Madame,  que  faites-vous  ici? 

La  Dame  de  Frt.nc-Boisy.  (Voix  de  fausset.) 
Avec  coquetterie. 

— J'  dans'  la  polka  avec  tous  mes  amis. 
le  Sire  avec  une  fureur  croissante. 

— -Cordieu!  Madame,  avez-vous  un  mari 
La  Dame,  d'un  air  folichon  et  satisfait. 

—Je  suis,  Monsieur,  veuve  de  cinq  ou  six. 
le  Sire  avec  exaspération. 

—  Corrdieu  !  MacUme,  eett'  vie  là  va  fini 


POPULAIRE;. 

I        i  ne  suffoquée  et  effrayée. 

—Qui  êtes-vons  doncque  pour  me  parler 
Le  Sire  d'une  voix  foudroyante.         ainsi0 

—  Je  suis  lui-même...  le  Sir'  de  Fraue- 
Arec  une  précipitation  effarée.  ; 

La  prend,  l'emmène  au  château  d'  Franc- 
Explosion  criarde.  (Boisv. 

Lui  tranch'  la  tête...  d'un'  bail'  de  son 
,  (fusil. 

(Parlé  pendant  .,  Hélas! 

MORALITE. 

D'un  air  piteux. 

De  cett'  histoire,  la  morale  la  voici. 
Gaîment. 
A  jeune  femme,  il  faut  jeune  mari  !    (bis) 
E.  Boirget  et  Laurent  de  Rrt.LÉ. 
JSique  se  trouve  rh»z  M.  Ion 
mer  nls,  éditeur,  18,  rue  Daaphine.a  I' 


fj02  CHANSONS 


Le  Cabaret  de  Rampoisnenu, 

Air  du   Vaudeville  du   Dîner  de  Modela*, 

Nous  allons  à  la  Courtille, 
Vi'ii  soyez  p;is  éionnés  : 
Femme  laisse  ta  maniille, 
Moi,  mes  habits  galonnés. 
Le  ia>aquin  des  bourgeoises 
Pour  cet  endroit  est  trop  beau; 
Vivent  les  chansons  grivoises 
Et  le  vin  de  Ramponneau! 

C'est  là,  regardez  ces  bandes 
De  buvturs  autour  des  pots, 
On  jugi-rait  des  guirlandes 
De  rouges  coquelicots. 
Point  de  ligures  sournoises, 
De  caffards,  surtout  pas  d'eau. 
Vivent,  etc. 

On  y  voit  aussi  des  femmes 
Venir  avec  leurs  maris; 
Haut,  tout  haut,  trop  haut  ces  dames 
Les  appeU'nt  leurs  chéris, 


POPULAIRES.  603 

Car  de  l'hymen  ces  matoises 
Savent  élargir  l'anneau. 
Vivent,  etc. 

A  la  table  ou  l'on  regarde 
Deux  vieux  soldais  s'étaient  mis, 
Le  vin.  Upanl  la  cocarde, 
En  a  fait  deux  ennemis. 
Baisse  le  1er  que  m  croises 
Ou  pleere  sur  un  tombeau. 
Viveur,  etc. 

Très-simples  dans  leurs  toilettes, 
Mais  avec  de  bien  beaux  yeux, 
Voici  de  gentes  grisettes 
Que  suivent  des  amoureux. 
Sans  diamants,  sans  turquoises, 
La  jeunesse  est  leur  joyau. 
Vivent,  etc. 

Pas  de  prêtre  qui  dédaigne 
De  visiter  led  t  lieu, 
Car  on  voit  >ur  son  enseigne 
Le  faniôme  &*gn  vieux  Dieu. 
Il  est  là,  bravant  les  noises, 
A  cheval  sur  un  tonneau. 
Vivent,  etc. 

Pav\ons...  vêtus  en  livrée; 

De  grands  seigneurs  vont  venir. 


6'U  CHANSONS 

Et  bientôt  l'âme  enivrée, 
Ils  oublieront  l'avenir. 
Grand,  ce  vilain  que  tu  toises 
Sape  en  riant  ton  tréteau. 
Vivent  les  chansons  grivoises 
Et  le  vin  de  Raniponneau; 

Ch.  Gilles. 


ÏLa  Jeune  Fiïle  aux  yeux  Moirs. 

Jeune  fille  auxyeuxnoirs,  tu  règnes  sur  mon 

(à  me; 

Tiens,  voilà  des   croix  d'or,  des  anneaux, 

(des  colliers; 

Des  chevaliers  ainsi  m'ont  exprimé  leut 

(flamme, 

Eh!  bien,  j'ai  méprisé  l'offre  des  chevaliers, 

La  fortune, 

Importune, 

Me  paraît 

Sans  attrait;  J    fc-ç 

Sur  la  terre, 

Il  n'est  ijuèrè 

De  beau  jour 

Sans  l'amour  ! 

Puis  des  prélats  m'ont  dit,  sur  des  bord 
(plus  tranquilles 


POPL'L 

Si  tu  veux,  jeune  fille,  habiter  nos  palais, 
Nous  t'oîïrons  des  villas,  des  prés,  des 

champs  fertiles  ; 
Et  moi,  j'ai  répondu  :  Tous  ces  biens  gar- 
dez-les. 
La  fortune,  etc. 

A  son  tour,  un  proscrit  m'a  parlé  de  ten 
(dresse 
L'inforluné  fuyait  nos  rivages  ingrats. . . 
Toi  seule,  disait-il,  peux  charmer  ma  tris- 
liesse... 
Et  j'ai  dit  au  proscrit  :  Moi,  je  suivrai  tes 

(pas! 
La  fortune,  etc. 


Le  Postillon  de  Lonjunieau. 

Mes  amis,  écoutez  l'histoire 
D'un  jeooe  et  galant  postillon  ; 
C'est  véridique,  on  peut  m'en  croire, 
Et  connu  de  tout  le  cjiiton. 
Quand  il'  passait  dans  un  village, 
Tout  le  beau  sexe  était  ravi, 
Et  le  cœur  de  la  plus  sauvage 
Galopait  en  croupe  avec  lui. 


(J06  CHANSOXS. 

Oh!  oh!  oh!  oh! 
Qu'il  était  beau, 
Le  postillon  de  Lonjumeau. 
Oh!  oh  !  oh  !  oh! 
Qu'il  était  beau,  (bis.) 

Le  postillon  de  Lonjumeau.  (bis.){eat  beau; 
Ah!  uu'ilest  beau,  qu  il  est  beau,  qu'il  i   , . 
Le  poslil'on  de  Lonjumeau.  I     ls' 

Mante  dame  de  haut  parage, 
En  l'absence  de  son  mari, 
Exprès  se  mettait  en  voyage, 
Pour  être  conduite  par  lui. 
Aux  procédés  toujours  fidèle, 
On  savait  qu'adroit  postillon, 
S'il  versait  parfois  une  belle, 
Ce  n'était  que  sur  le  gazun. 

Oh  !  o!i  !  oh  !  oh  ! 

Qu'il  était  beau, 
Le  postillon,  etc. 

Mais  pour  conduire  un  équipage, 
Voila  qu  un  soir  il  est  parti  ! 
Depuis  ce  temps,  dans  le  village, 
On  n'entend  plus  parler  de  lui. 
Mais  ne  dépl  >rei  pas  sa  perte, 
Car  de  l'hymen  suivant  la  loi, 
La  reine  d'une  île  déserte, 
De  ses  sujets  Ta  nommé  roi. 


Ou  !  ou  !  oh  !  oh  ! 

Qu'il  était  beau, 
Le  po-tii  on  «le  Lonjumeau! 

Oh  !  oh!  o    !  oh! 

0  i'il  riait  beau,     ibis.) 

•  on  de  Lonjumeau!  (bis.)  (est  beau, 

il  e>t  beau,  qu'il  est  beau,  qu'il     . 
Le  postillon  de  Lonjumeau.  '   "s~ 

Extrait  dp  la  pièce  intitulée  le  Poetillon 
.'••  I.  jumeau,  opéra-<  omiqiir/en  3  actes, 
;.  df.  Lh/ven  ri  Rp.cns.wick,  musique 
d'A  AM,  en  vente  chez  M.  Marchant,  édi- 
teur, boulevard  Saint-Martiu,  12.  Prix  : 
>t  centimes. 


Paris  la  nuit. 

Les  caf-'S  se  garnissent, 
De  sourmets,  de  fumeurs, 
Le-  I     Itrrs  i  em  lissent 
De  joyeux   spertatpurs; 
Les  .  -  fourmillent 

De  badauds,  d'amateurs, 
Et  les  liloux  frétillent 
Derrière  les  flâneurs 
bal, voilà  mesamis,  voila  Paris  la  nuit,  j 
Oni,  du  piaisir  et  du  bruit,  \bis. 

Voiia  Paris  la  nuit.  \ 


008  OHAKSONS 

Oh  !  eh  !  oh  !  eh  ! 
Voilà  Paris  la  nuit!  (bis.) 

Oui,  du  plaisir  et  du  bruit, 
Voilà  Paris  la  nuit. 

Les  maris  sont  de  garde... 
Les  amants  au  logis  ; 
Maïs,  chut!  ça  ne  regarde 
Que  les  gens  établis. 
On  se  bat,  on  se  grise, 
Ivrognes  et  viveurs, 
Et  la  patrouille  grise 
Ramasse  les  buveurs. 

Oui,  voilà  mes  amis,  etc. 

Bientôt  donnant  l'exemple, 
Les  rich's  rentrent  chez  eux  : 
Jusqu'au  boul'vard  du  Temple, 
Tout  r'devieut  silencieux. 
On  n'  voit  plus  qu'  la  silhouette, 
Derrière  les  rideaux  bleus, 
D'une  noce,  en  gogu.'t  e, 
Qui  danse  chez  Dellieux... 

Oui,  voilà  mes  amis,  etc. 

Mris  j'entends,  à  la  ville, 
Sonner  l'heure...  ah!  mâtin, 
Pour  l'ouvrier  agile, 
C'est  déjà  le  matin. 
Le  marteau,  la  tenaille, 
Commencent  à  marcher, 


POPULAIIIES. 

On  se  lève,  on  travaille... 
Vite,  allons  nous  coucher! 
Oui,  voilà  nés  amis,  voilà  Pa  is  la  uait,j 

Oui,  ilu  plaisir  ei  du  bruit,  Ht. 

Voilà  Paris  la  nuit  !  ) 

Oh!  .-h!  oh!  e   ! 
Voila  ppris  la  nuit!  (bis.) 

Oui,  du  plaisir  et  du  bruit, 
Voilà  Paris  la  nuit. 

Extrait  Je  la  pièce  intitulée  Paris  la  nuit, 
drame  en  5  actes,  par  MM.  Dcpeity  et 
Couoa,  en  vente  chez  M.  Tresse,  éditeur, 
galerie  de  Chartres,  S  et  3,  Palais-Roval. 
Prix  :  50  .eut. 

La  musique,  de  M.  Aroédée  Artus,  se 
trouve  a  Paris,  chez  M.  Prilipp,  éditeur, 
19,  boulevart  des  Italiens. 


Les  Bohémiens  de  Paris. 

Fouler  le  bitume 
Des  boulevards,  charmant  séjour. 

Avoir  pour  coutume 
De  n'exister  qu'au  jour  le  jour; 

Mais  lorsqu'on  voyage, 
Sur  son  dos,  comm'  le  limaçon, 

39 


bis. 


610  CHANSONS 

Porter  son  bagage, 
Son  mobilier  et  sa  maison. 

Vivre  d'industrie, 
Avoir  sa  gatié  pour  tout  bien, 

Et  voilà  la  vie 
Du  vrai  bohémien  parisien.  ) 

Et  voilà  la  vie, 

Oui,  voilà  la  vie 
Du  vrai  bohémien  parisien. 

Voilà  la  vie  (bis. 

Du  vrai  bohémien  parisien. 

Oiseau  de  passage, 
Il  fréquente  tous  les  quartiers; 

Sans  apprentissage, 
Il  fait  plus  de  vingt  p'iits  métiers, 

Mais  1'  pain  qu'il  soutire 
Aux  bons  jobards,  aux  gens  bien  mis, 

Le  soir,  sans  rien  dire, 
Il  partage  avec  les  omis. 

Vivre  d'industrie,  etc. 

Auprès  de  nos  belles 
Comme  un  volcan,  il  est  cité  : 

Pourtant  avec  elles, 
Il  a  très-peu  de  fixité. 

Qu'un'  brune  en  ce  monde 
Lui  fass'  des  traits  ou  des  noirceurs, 

Il  en  prend  un'  blonde, 


POPULAIRE?.  Gii 

Afin  de  varier  le?  couleurs. 
Vivre  d'industrie,  etc. 

Extrait  de  la  pièce  intitulée  L?s  Bohé- 
miens, drame  en  cinq  actes,  par  A.  Des- 
nerï  et  Granger,  musione  de  M.  Amédée 
Artcs,  en  vente  chez  M.  Marchant,  édi- 
teur, 12,  boulevart  Saint-Martin,  et  chez 
M.  Meissonnier  fils,  éditeur,  18,  rue  Dau- 
phine.  Prix  :  50  centimes. 


La  Traite  des  ^oirs. 

Que  notre  destin  s'accomplisse  l 
Respect  à  notre  pavillon  ; 
Mais  à  ce  brick,  il  faut  un  nirn, 
Nous  l'appellerons:  La  J 
Dieu  des  marins,  toi,  notre  espoir, 
De  là-haut  entends  ma  prière  : 
Viens  t'asseoir  à  bord  du  corsaire. 
Protège  son  pavillon  noir  î 

choeur. 

Viens  t'asseoir  à  bord  du  corsaire, 
Protège  son  pavillon  noir! 

Le  négrier,  dans  sa  déniencç, 
A  dit  :  ces  hommes  sont  mon  bien 


612 


Leur  travail,  leur  sang  m'appartient, 
On  me  les  acheté  d'avance. 
Mais  dans  un  jour  de  désespoir, 
Nous  répondons  au  téméraire  : 
Malheur  à  toi,  crains  le  corsaire, 
Respect  à  son  pavillon  noir  ! 

CHOEUR. 

Malheur  à  toi,  crains  le  corsaire, 
Respect  à  son  pavillon  noir' 

Vous  avez  brisé  vos  entraves, 
Et  pour  vos  droits,  vous  combattrez; 
Votre  serment,  vous  le  tiendrez  : 
Périr  plutôt  que  ilè're  esclaves! 
Si  le  ciel,  notre  espoir, 
Oans  le  combat  nous  est  contraire, 
Mourons  tous  à  bord  du  corsaire, 
Pressés  sous  le  pavillon  noir! 


Mourons  tous  à  bord  du  corsaire. 
Pressés  sous  le  pavillon  noir  ! 
Mais  bieu  loin  ces  tristes  présages! 
Non,  frères,  nous  triompherons, 
Et  puis,  un  jour,  nous  reviendrons. 
Mais  en  vainqueurs  sur  ces  parages. 
Tremblants,  alors,  de  vous  revoir, 
Vos  maîtres  diront,  je  l'espère  : 


Il  est  vainqueur  !  gloire  au  corsaire  ! 
Honneur  à  son  pavillon  noir  ! 


Il  est  vainqueur!  gloire  au  corsaire! 
Honneur  a  son  pavillon  noir  ! 

Extrait  de  la  pièce  intitulée  La  Traitt 
\es  Soirs,  drame  en  5  actes,  de  MM.  Ch. 
)essoyers  et  Alroize,  en  vente,  à  Paris,  à 
a  .ibrmrie  Huit  raie,  12,  boulevard  Saint- 
Jlailin.  Prix  :  50  cent. 

La  musique,  est  de  M.  Henry  Potie?.. 


Enfants  n'y  touchez  pas. 

Du  nid  rharmant  caché  sous  la  fouillée, 
Cruels  petits  lutins  à  la  mine  éveillée, 
Du  nid  charmant  caché  sous  la  touillée, 
Hélas!  pourquoi  laire  ;iinsi  le  tourment? 
Ce  nid,  ce  doux  mystère, 
Que  vous  guettez  d'en  bas, 
C'est  l'espoir  du  printemps, 
C'est  l'amour  d'une  mère!.. 
Enfants,  n'y  touchez  pas:        [bis.) 

Qui  chantera  Dieu,  la  brise  el  les  roses, 
Méchants, si  vous  tuez  ces  jeunes  voix  écloscs 


SU  CHANSONS 

iii  chantera  Dieu  ,  la  brise  et  les  roses  ? 
Autour  de  vous  tout  s'en  attristera. 
Ce  nid,  etc. 

Dieu  seul  a  droit  sur  tout  ce  qui  respire: 
Se  pouvant  rien  créer,  il  ne  faut  rien  dé- 
truire ; 
Dieu  seul  a  droit  sur  tout  ce  qui  respire, 
Beaux  maraudeurs,  prenez  garde,  il  vous 
(voit. 

Ce  nid,  etc. 

Laissons,  laissonsles  bouquets  à  leur  tige, 
A  l'air  qu'il  réjouit  l'insecte  qui  voltige, 
Laissons,  laissons   Us    bouquets   à  leur 
(tige, 
Aux  bois  leur  ombre  et  les  nids  aux  buis- 
(sous. 
Ce  nid,  ce  doux  mystère, 
Que  vous  guettez  d'eu  bas, 
C'est  l'espoir  du  printemps, 
C'est  l'amour  d'une  mère!... 
Enfants,  n'y  touchez  pas.         {bis.} 
Paroles  de  M.  tttppolyté  Guufun,  musique 
de  M.  L.  Clapisson.  La  musique  se  trouve 
à  Paris,  chez  Madame  CtNDRiKK,  éditeur,  7, 
rue  du  Faubourg-Poissonnière. 


615 


La  Folle. 


Tra  la  la  la,  tra  la  la  la,  quel  est  donc  cet 

(air? 
Ah!  oui,  je  me  souviens,  l'orchestre  bar  m  .- 

I 
Prébdait  vivement  par  ses  accords  joyeux; 
Il  s'avança  vers  moi  :  &a  voix  timide  t 

lire 
Murmura  quelques  mots  que  je  ne  pui  en- 
tendre. 
Je  voulais  refuser  et  je  ne  pus  parler; 
Et  lui  saisit  ma  main,  je  le  sentis  tr.-mble:. 
Moi  je  trembla  s  aussi  ;  ion  long  regard  de 
(flamme 
En  des  pensers  d'amour  avait  jeté  mon  âme, 
Et  penddut  tout  le  bal  je  ne  pensais  qa'à| 
(lui.    [bis.) 

Tra  la  la  la,  tra  la  la  la,  d'où  me  viennent 

ces  sons,    (bis.) 

Ah  !  oui,  je  me  souviens,  quinze  jours  éeou- 

(lés! 
Le  soir  au  balbrillantparla  valse  entraînés, 
0  comble  de  bonheur!  félicité  suprême! 


Gif»  CHANSONS 

Sa  bouche  à  moa  oreille  a  prononcé  :  j* 
(t'aime! 
Et  faible  que  j'étais  je  ne  pus  résister. 
Pais  sur  mon  front  brûlant  je  sentis  un  bai- 

(ser. 

Oh!  seulement  alors  je  connus  l'existence, 

L'amour  et  son  bonheur,  sa   force   e!  sa 

(puissance 

Et  je  ne  vivais  plus,  car  j'étais  tout  en 

(lui.    [bis.) 

Tra  la  la  la,  tra  la  la  la,  que  ces  sons  me 
font  mal.  [bis.) 
Ah!  oui,  je  me  souviens,  je  fus  heureuse 
un  mois, 
Et  depuis  ce  moment  je  soupire  toujours. 
Celte  valse,  écoutez  :  c'est  pendant  sa  durée 
Qu'il  était  à  ses  pieds  ,  que  sa  bouche  in- 

(firiele 
Lui  jurait  qu'il  l'aimait ,  et  ne  l'aima  ja- 

(mais. 
Je  sr-ntis  à  ces  mots  ma  tête  se  briser  ; 
Un  horrible  tourment  tortura  toutmon  être. 
Qui4  j'aime  les  plaisirs,  la  parure  ei  la  danse! 
Que  je  soutire,  ô  mon  Dieu!  rien  qu'en 
(pensant  à  lui.  {bis.} 
Arthur,  Arthur,  Arthur,  Arthur! 


t:' 


La  croix  d'or. 

Je  la  donne  pour  gage, 

Pour  ca;:e  de  ma  foi, 

A  l'amanl  dont  1'  courage 

Sera  digne  de  moi. 

Mais  je  veux  une  épreuve... 

Cetl*  croix  est  à  relui 

Qui  me  donnera  la  preuve 

Qu'il  m'aime  plus  que  lui. 

CVsl  une  loterie 

Qui  doit  combler  mes  vœux  ; 

Ma  main,  mon  cœur,  ma  vie 

Sont  au  plus  amoureux... 
Allons,  allons,  il  faut  tenter  le  sort: 
Allons,  allons,  qui  veut  de  ma  croix  d'or? 

Pour  être  militaire 
Guillaume  doit  partir; 
Qu  un  d'  vous  rempiac'  mon  frère, 
A  lui  ce  souvenir  ! 
Puis  qu'il  vienn'  me  le  rendre, 
Avant  Jeux  ans  d'ici, 
Je  projet.*  de  l'attendra 
Pour  eue  mou  mari. 
C'est  une  loterie,  etc. 


618  CHANSONS   POPU  AIRES. 

Cette  croix  m'est  bien  chère  : 

Par  son  charme  si  dpux, 

Elle  a  sauvé  mon  frère 

Et  me  donne  un  époux; 

Et  cependant  j'ignore 

Si,  contre  tout  danger, 

Son  influence  encore 

Pourra  me  protéger. 

Par  un'  laveur  nouvelle 

Près  de  vous  en  c'  moment, 

Aii!  nie  servira -t-elle 

Ce  soir  de  talisman  ! 
Allons,  allons,  décidez  de  mon  sort  ; 
Allons,  allons,  qui  »eut  de  ma  croix  d'or? 

La  muswuè   se  trouve  chez  M.  Msissoh- 
NiEfi,  16,  rue  Dauphine. 


G19 


POSTFACE. 

fteîcî  noire  livre  ;  nous  ne  le  prétendons 
pis  cse/iipt  de  critique:  mais  un  bon  choix, 
lorsqu'on  fait  un  recueil,  n'est  pas  une  chose 
se  l'imaginer. 

Trop  de  séveii'.e  serait  peut-être  un  tort, 
où  Ton  recherche 
plptôt  l'originalité ,  le  lu  poésie 

exacte  et  le  purisme  de  l'expression. 

Parmi  les  Chansons  nationales  et  popu- 
laire .  il  y  en  a  c  .  es  tia- 

- .  dont  la  réputation  est 
do'.TCjt  être  reproduit  pitdelacri- 

tic:^.  m  ii utieuse. 

fil  :  et  a'',;  de  Chanson-  I  utes 

lts  clauses  :  chacun  y  choisit  ce  qui  iui 
0\c:.'.  Ce  qui  ne  convient  pas  aux  uns,  peut 
è„r.  d'".  U"ùt  de.»  aunes. 
noc  premières  éditions  qu'il  pourrait  en  être 
de  3t  -^j;c-:1  comme  au  Daniel- ae  cei 
ci.  'on  .  .::  en  -■  pai  prei  ire  les  plus 
-  et  les  meilleures,  et  on  ion  finit  quel- 
quefois par  ne  rie:  sions 
ont  t-  -  tonte 
prétention  ce  côté. 

M  que  notre  Chansonnier 
latusr.  et  c.cupe  quelques  I 

Q  a  i  or  .''air.e,  si  l'on  n'est  pas  heu 
reux  ,  on  cruit  l"etre  ,  et  c'est  beaucoup. 

Certes ,  les  matériaux  ne  manquaient  pa3 
pour  la  co^poenioa  de  ce  recueil;  l'auteur 


620  POSTPACC. 

n'avait  que  l'embarras  do  choix;  mais  cet 
embarras  était  grand.  Il  fallait  d'abord  faire 
abnégation de  toute  opinion  politique,  lit- 
térale, philosophique,  ce  qui  S0UPfi<M  une 
grande  hb'-i  te  d'esprit,  et  une  imp-  .ali'é 
presque  impossible. 

Ce  n'est  uas  tant  le  méiite  des  pia.1.'  qui 
devait  servir  de  guide,  mais  leur  rfegc.'C'  je 
popularité,  l'importance  des  éven^meiiis 
auxquels  elles  se  rattachent,  et  l'iuîjue'ice 
qu'elles  eut  pu  avoir  sur  les  oassioiii,  les 
goûts,  les  mœuis  du  peuple;  l'aut. -»n  ,  ici, 
n'avait  pas  à  juger,  niais  à  respectai  I°f  jc- 
geinents  portés  par  un  juge  sou\f  raiji  ,  qui 
a  toujours  raison,  même  qu:>r<d  il  se 
trompe;  attendu  que  lorsque  lotit  le  monde 
a  tort,  tout  le  monde  a  raison. 

Cela  explique  comment  il  se  trouve  flans 
ce  reeueil  tant  de  choses  étonnées  de  se 
trotlter  ensemble.  F.t  puis  la  veger  est  une 
Capricieuse  fille,  qui  se  jette  dans  les  bras 
du  premier  venu,  et  qui  ne  souffre  pas  qu'on 
lui  demande  pourquoi. 

Il  ne  tant  pas  oublier,  en  outre,  qu'un 
reiueii  de  ce  genre  s'adresse  aosai  Mon  à 
la  mansarde  et  à  l'atelier,  qu'au  ronptoir  et 
au  salon  ;  car.  en  Fr*nu8,0D  iioul  chanté, 
et  l'on  chante  partout. 

Sans  doute,  s'il  est  parmi  ces  ebano  de 
gais  refrains  qui  rasséxèn«ut  la  pensée, 


POSTFACE. 

d'admirables  strophes  qui  excitent  l'en- 
thonsiasme  et  plaisent*  l'orgueil  national 
U  M  est  au.si  qui  pourront  rappeler  de 
terribles  événements  et  ravi  er  de  Br». 
tonde*  et  justes  .louî.-urs;  na»  io  V1(.  t.st 
ainsi  bile:  p,r0ut  le  Lien  ,'y  trouve  a 
cote  du  mal. 


. 


PLACEMENT  DES  PORTRAITS. 

Du  Mersan en  fronlispire. 

Collé 

De  Lattagnant 2 1 

Dufresny 232 

E.   Debreau 2fi2 

Panard  

R<-rangor 297 

Ad.  Gouffé.... 332 

Rouget  de  l'isle 3:>4 

A.  Chcnier 361 

Casimir  Delavigne 367 

Piron .423 

Vase 4-25 

Eavart 

Désaugiers 581 

Brazier 531 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


Affiches  (le?) 

Ah  :  ie  bel  oisear,  maman jLg 

/î.  :  que  de  •  -• 55c 

Ah  .'  que  l'amour  en  a^aMe 345 

Ah!  vous  dirai-ie,mp.man 

Airr.ons-nous.  et  quand  nous  r- 

A  la  fleur  du  bel  àze 451 

Alors,  dan-  h  Provence 438 

Am:s,  la  mi- 
Amour  au  village    1' CT 

Amour  I  Q1  jes 

compaeoons  de  voyage  .:-$ 

T   la  nuit  ei  le  jour 147 

I  Amours  d'é'.é   les^ 554 

z-vous.  oui.  jetons  le  conseille.  432 
I  Amu>ez-\c  ^  belles.  523 

I  A  peine  au  s..rtir  de  l'enfance 460 

Arrivée  deNiçauoin  à  Paris 197 

Attelons  au  char  de  la  vie,  etc 2S5 

Au  clair  de  la  lune 6<f 

:  que  la  lumière 31 2 

Autant  en  emporte  le  vent 075 

Aux  montagne!  de  la  Savoie .'.  521 


624  TABLE   DES  GÎATitRES. 

Aveugle  (P;eiscn  chien iu 

Batelier,  dit  Lisette 455 

Bavard  est  mort 74 

Beau   le    fourniment  du  grenadier....  260 

Boeuf- (l^s)    571 

Bonn*!' la>  aventure .ïi7 

Bon  voy  ge,  cher  DumpUet 530 

Bosku*  îles; sa 

Boui.mgère  (la; 232 

Bon iooo aaise (te  belle) 206 

Bouiim  do-  t»se 96 

Biaz'u'f  (Notice  sur 534 

Binez,  chantez,  mes  joyeux  enfunis...  3-6 

Cadet  Uou.seelle 53 

Ça  na 37 J 

Culpigi ..  4i5 

Caressons-nous,  caressons-nous,  Lisette  288 

Carmagnole  (la) 375 

Cendnllon 448 

C'est  bien  le  plus  joli  corsage 450 

C'est  dans  la  ville  de  Bordeaux 27 

C'est  l'amour,  l'amour,  l'amour 54i 

C'est  l'eau  qui  nous  fait  boire  du  vin. ..  33J 

C'est  le  roi  d-  s  plaisirs 29' 

C't-st  maLison,  ma  Lisette 241 

Chacun  a  sa  philo>ophie 278 

Chacun  de  nous  a  sa  folie • 225 

Chant  du  départ 359 

Chantons  1  amour  et  le  plaisir 491 

Charmante  Gabiïelle 10Q 


TABLE  DES  MATIÈRES. 

Chaumière  (la) 64 

Cinq  sous,  cinq  sous  pour  monter  notre 

ménage 556 

Colinette  au  bois  s'en  alla 476 

Combien  j'ai  douce  souvenance ...  105 

Comme  faisaient  nos  pères 492 

C"mpère  Guilleri 57S 

Comte  Orry  (le) 165 

Connaissez  ma  philosophie  ? 4i0 

Crois-m"i,  plante  de  la  vigne 330 

Dagobert  fie  roi) 43 

Dame  fia)  blanche  vous  regarde 4:0 

Dans  les  gardes  françaises 2:3 

Dans  un  grenier,  qu'on  est  bien  à  vingt 

ans 399 

Dans  un  vieux  château  de  l'Andalousie..  75 

Désaugiers  |  Notice  suri 524 

De  tous  les  g'ous  clous 345 

Donnez-moi   l'hospitalité 108 

Dormez,  chères  amours • 107 

Drinn.  drinn,  drinn 559 

Du  courage  à  l'ouvrage 48? 

Elle  aime  à  rire,  elle  aime  à  b'ire 317 

En  attendant  qu'un  autie  se  présente..  542 

En  avant,  Fanfan  la  Tulipe 266 

Encore  aujourd'hui  la  folie 253 

En  cieux  moitiés,  dit-o'u  le  son 553 

Enfant  chéri  des  dames   498 

Entendez-vous  le  tambounn 218 

Ermite (V)  de  Sain ta-Aveli*».. .   131 


G26  TABLE  DES  MATIÈRES. 

Et  le  cœur  bat  sans  qu'on  y  pense 463 

Et  l'on  revient  toujours  à  ses  premiers 

amours. 445 

Et  puis  on  rit  d'avoir  pleuré 497 

Fille  du  savetier  (la) 25i 

Femme  sensible 4SI 

Femmes,  voulez- vous  éprouver 43 1 

Fête  ( la)  d^s  bonnes  gens 403 

Fin  (lai  du  jour 463 

Fleuve  (  le  )  de  la  vie 2S2 

Fleuve  du  Tage 

Fond  (le)  de  la  besace 194 

Fualdès   complainte  * ir,S 

Fuit-on  l'amour  quand  on  est  si  jolie?  116 

Gaiment  je  m'accommode  de  tout 465 

Garde  à  vous 474 

Gasconne  (la* 240 

Geneviève  de  Brabant 1 50 

Gentille  Annetie 21 1 

Gueux  (les*,  les  gueux  sont  des  gens 

heureux 295 

Giroflée,  au  printemps m 

Grandes  vérités  les) iss 

Guernadier  que  tu  m'affliges. 5o8 

Guerre  aux  tyrans tss 

Henriette  ei  Damon 141 

Histoire  de  la  chanson l 

Il  était  un'  bergère 575 

Il  faut  avoir  de  tout  pour  deux 5 16 

Il  faut  des  époux  assortis -166 


TABLE  DES  MATIÈUES.  627 

il  faul  quitter  ce  que  j'adore -461 

Il  faut  souffrir  pour  le  plaisir 2S3 

Il  est  enoTe  des  femmes  qui  savent 

garder  un  seci  et 440 

Il  est  minuit,  bonsoir 348 

I:  est  minuit,  léger  zëpliyr i25 

Il  est  plus  dangereux  de  glisser  sur  le 

gazon,  etc 487 

Il  est  trop  tard 123 

Il  n'est  point  ae  bonheur,  de  plaUir  sans 

l'amour 449 

Il  pleut,  il  pleut,  bergère 97 

Introduction 21 

J'ai  du  bon  tabac  dans  ma  taba.ière  ...     62 

J'ai  longtemps  parcouru  le  monde 44G 

Je  lai  plante,  je  l'ni  vu  naitre 93 

Je  k«ge  au  quatrième  étage 279 

Je  n'aime  pas  le  labac.  beaucoup 469 

Je  ne  t'aime  plus 91 

Je  suis  l'un  pauvre  conscrit 253 

Jeunes  amants,  cueillez  des  fleurs 484 

Jeune  fille,  jeune  garçon   483 

Je  vois  toujours  la  même  chose 493 

.  Juif  errant  1  le) i33 

Loin  de  son  amie  vivre  sans  plaisir 408 

Malborou^h 25 

Malgré  la  bataille 2G4 

Ma  mie,  ma  douce  arme 216 

Marmotte  ,la^ 2i2 

Marseillaise  ija) 355 


02b  TABLE  DES  MATIÈRES. 

Ma  vieille  tante  Marguerite 256 

Mère  Bontemps(la) 254 

Mère  Michel  (la) 60 

Meunière  du  moulin  à  vent  (la) 235 

Moi  je  flâne,  moi  je  flâne bOi 

Moi  je  pense  comme  Grégoire,  j'aime 

mieux  boire 471 

Moines  (les} 191 

Mon  Dieu  !  quel  homme,  qu'il  est  petit,  57 J 

Mon  lit  solitaire  de  célibataire f.CO 

Montagnard  ou  berger 119 

Mourir  pour  la  patrie •••  566 

N'ai-je  pas  bien  fait Adi 

N'connait  pas  ces  cistane's-ià 528 

Ne  rend  pas  amour  pour  amour . }  i 

Notre  fortune  est  faite 485 

Nous  n'avons  qu'au  temps  à  vivre 3i4 

Nuit  (la)  me  trouve  au  cabaret 318 

0  Fontenay,   qu'embellissent  les  roses  !  546 

0  ma  cavale  au  sabot  noir! 219 

0  ma  tendre  musette!    ■  87 

On  dit  que  je  suis  sans  malice . 464 

On  ne  saurait  trop  embellir 5f0 

Opéra-Comique  (Histoire  de  1') 4i7 

Opéra  |  Histoire  du  grand) 383 

0  Richard!  ô  mon  roi! 10 

Oui,  je  suis  grisette 237 

Paille  (la) 186 

Palisse  (M.  de  la) 32 

Papillon  (le) M 


TABLE  DES  MATIÈRES.  629 

Parisienne  (la) 366 

Parmi  les  filles  du  canton 443 

Pariant  pour  la  Syrie "7 

es.. ISÉ 

Pauvres  moutons  !  toujours    on    vous 

tondra.. 310 

Pipe  de  tabac  (la) 4TS 

Plaisirs  d'amour  ne  durent  qu'un  mo- 
ment  

Plus  on  est  de  fous  plus  on  rit 

Point  du  jour  (le) 4G7 

Posiface 

Pot  de  bière,  pipe  et  mai  tresse 291 

Pour  aller  venger  la  patrie 1 10 

Pour  ia  gloire  et  pour  mon  amie 

Préface 1 

Premier  pas  (le) 

Proverbe  laûn    le 193 

Quand  de  la  nuit  l'épais  nuage 1 1 7 

Quand  j'ai  combattu  pour  la  gloire- . 

Quand  on  fut  tnijours  vertueux 

Que  j'aime  à  voir  les  hirondelles 94 

Que  ne  su^s-je  la  fougère 89 

Qu'e-t-ce  donc  que  le  bonheur  même  \  490 

Rachel,  quand  du  Seigneur 4u 

Ran  Un  plan,  ran  patàpTan 270 

Reconnaissance    ; .-,17 

Régalez- vous,  mesdames,  voilà  le  plaisir.  2 1 3 

Relan  tamplan,  tambour  battant 

Rempailleur  Je, 543 


630  TABLE  DES  MATIERES. 

Bemplis  ton  verre  vide 350 

Rendez-moi  ma  patrie 453 

Rendez -moi  mon  léger  bateau 209 

Retour  de  Nigaudin 202 

Retour  du  conscrit  (le* 539 

Rien,  tendre  Amour,   ne  résiste  à  tes 


imes 


459 


Rose,  l'intention  de  la  présente 272 

Si  des  tristes  cyprès 4'2 

Si  l'on  peut  aimer  davantage 48l 

Soldats  français,  chantons  Rolland 70 

Soloai  laboureur  (lej 511 

Sousvnt'bon  plaisir,  monseigneur 433 

Taisez-vous 69 

Tambourin  du  vallon  (le) 124 

Tant  qu'il  reste  une  goutte  encore 340 

Tentation  de  saint  Antoine  (la) 168 

Te  souviens-tu.  disait  un  capitaine 261 

Tic -tac,  tic  tac-tique 456 

Tonton  tontaine  tonton 222 

Tout  cela  tourne  autour  de  moi 309 

Un  bienfait  n'est  jamais  perdu  (J'étais 

sans  asile) 551 

Un  bienfait  n'est  jamais  perdu  (Petit  Sa- 
voyard)    496 

Une  lièvre  brûlante 471 

Une  nuit  de  la  garde  nationale 531 

Une  robe  légère 454 

Un  gentil  in.ubadour 82 

Un  moment  de  gène 457 


TABLE   DES   KATIÉRES.  t>31 

L'n  petit  blanc  que  j'aime -210 

Varsovienue  (la) 370 

Va-t'en  voir  s'ils  viennent,  Jean 305 

Vaudeville  (Histoire  du) 501 

Vaut  bien  mieux  moins  d'argent 319 

Veillée  (la) 473 

Veillons  au  salut  de  l'empire 373 

Vendanges  (les) -23! 

Venez,  ô  mes  compagnes  ! 1-21 

Verr-e,  verse  encore  au  courage,  à  la 

beauté 3SG 

Versez,  amis,  verrez  a  lasse  pleine...  342 

Versez-donc,  mes  amis,  versez 352 

v  suie  (la) 174 

Vie  (la j  est  un  voyage 407 

Viens,  Aurore 103 

Vive  Henri  IV 514 

Vive  le  vin,  vice  ce  jus  divin 323 

Vivent  les  fillettes 66 

Vivre  loin  de  ses  imours 90 

Voilà  ce  que  c'est  que  la  vie 287 

Votez  le  verre  à  la  naain 23i 

Voyage  de  l'Amour  et  du  Temps 113 

Vrai  momusien,  j'épariille  ma  vie 337 

Y  a  pus  d'plaisir  que  d'peine 557 

TABLE  DES  AUGMENTATIONS. 

Le  Réveil-Matin 581 

Les  Fraises 


632  TABLE   DES  MATIÈRES. 

Le  Vigneron 5S7 

Les  Filles  de  marbre 589, 

La  chanson  de  Jean  Raisin 591 

Une  dixième  muse 594 

Un  Enfant  terrible ■ 5  0 

Le  sire  de  Franc-Boisy 599 

Le  Cabaret  de  Ramponnoaii 002 

La  jeune  Fi  le  aux  \vux  noirs 604 

Le  Postillon  de  Lonjumeau 60> 

Paris  la  nuit 607 

Les  Bohémiens  de  Paris 609 

La  Traite  des  Noirs »  1 1 

Enfants  n'y  touchez  pas 613 

La  Folle 615 

La  Croix  d'or 617 


FIN    DE    LA   TABLE. 


I^v* 


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